Chapitre 7 : L'apprentissage de la magie.


Mardi 3 septembre, un peu avant 8 heures du matin.

Leur premier vrai cours était le cours d'apothicairerie avec le professeur Rogue. Il avait lieu dans les sous-sols.

Harry et Ron, la veille au soir, avaient survolé le programme de l'année des différentes matières. En ce qui concernait le cours d'apothicairerie, les élèves de première année devaient apprendre à fabriquer des tisanes en utilisant divers simples et extraits végétaux (notamment des extraits broyés).

Le matin, Harry eut encore la sensation désagréable d'être épié. Chaque fois qu'il entrait ou sortait d'une pièce, les regards le suivaient. Dans la Grand'Salle, au déjeûner, tout le monde s'était tût à son arrivée, puis de nombreux groupes avaient commencé à parler à voix basse sans cesser de le fixer.

Il entendait qu'on chuchotait son nom à son passage, et tout cela était pesant. Il n'était arrivé à Poudlard que depuis trente-six heures.

Sur le chemin menant au sous-sol où se déroulait le cours, Ron prévint Harry à propos de Rogue.

« Tous mes frères m'en ont dit la même chose : c'est quelqu'un de très sévère.
– Comme McGonagall tu veux dire ? demanda Harry. Elle a pas l'air commode.
– Non. McGonagall est sévère mais juste. Lui non. »

Harry grimaça. Elle avait l'air strict et rigide, mais selon les frères de Ron, ce Rogue était bien pire qu'elle.

« D'ailleurs, ajouta Ron, c'est le directeur de la maison Serpentard, et il paraît qu'il les favorise en cours.
– On va bien voir ça. C'est lequel, Rogue, quand on est à table ?
– C'est le type tout en noir, avec les cheveux noirs et gras. »

Le visage de Harry se décomposa.

« Je vois qui c'est. Ce gars-là a l'air complétement sinistre… À un moment, je crois bien avoir croisé son regard, et j'ai bien cru qu'il allait me tuer sur place. »

En chemin, ils croisèrent quelques élèves de différentes années. Tous, en apercevant Harry, se taisait pour le dévisager. Et dans son dos, il entendait des murmures.

Ils arrivèrent enfin devant la porte de la salle de cours, et entrèrent. Il y avait déjà quelques élèves, mais le professeur Rogue n'était pas encore là.

La salle de cours avait dû être un cellier, pensa Harry. Mais sur les vieilles étagères à nourriture, des fioles, des pots et des bocaux étaient alignés, contenant on ne savait quoi. Dans la pièce, une dizaine de tables et une vingtaine de tabourets étaient disposées, et sur chaque table il y avait une petite marmite posée au-dessus d'une lampe à huile grâce à des arceaux de métal. Il n'y avait évidemment aucune fenêtre, alors les seules sources de lumières étaient les torches fixées aux murs et les chandelles posées sur les tables.

Ce cours était en commun avec les Serpentard. Les autres élèves avaient leur premier cours d'athlétisme pendant ce temps, et les deux groupes intervertiraient après deux heures.

Drago arriva juste après Harry et Ron. Il était accompagné de quelques Serpentard dont Harry ignorait le nom.

Il s'installa à la table situé juste à côté de celle de Harry, avec une fille.

« Alors Potter, à peine arrivé à l'école, tu es déjà au centre de toutes les attentions. On ne parle que de toi partout depuis la cérémonie. Tu aimes bien te faire remarquer, on dirait. »

La fille gloussa.

« Je te présente Pansy Parkinson » annonça Drago en la désignant.

Harry la salua mollement. Elle paraissait moins impressionnée que la plupart des autres élèves. Mais Harry avait remarqué que c'était le cas de beaucoup de Serpentard.

« Je n'ai rien demandé à personne, figure-toi. Ça ne m'amuse pas plus que cela. »

Drago eut un sourire en coin.

« C'est cela, c'est cela… »

La plupart des élèves étaient maintenant arrivés. Spontanément, ils s'étaient mis en binôme puisque l'agencement de la salle laissait supposer un travail par groupe de deux.

Évidemment, les élèves de Gryffondor et Serpentard ne se mélangèrent pas. Il n'y avait, par ailleurs, qu'un seul binôme mixte : celui de Drago et Pansy. Les autres étaient uniquement féminins ou uniquement masculins.

« C'est quand même dommage que tu ne sois pas avec nous, chez les Serpentard, reprit Drago. Tu aurais pu faire de grandes choses, tu sais ! Imagines un peu : la plupart des grands hommes viennent de Serpentard, alors imagines toi, avec ton statut d'Élu. »

Harry grimaça. Il comprenait assez bien la mentalité des Serpentard, et était bien content d'avoir atterrit chez les Gryffondor. Ils ne partageaient pas les mêmes valeurs.

« Je pense que je suis très bien où je suis. Et puis c'est le Choixpeau qui décide, après tout. »

Drago acquiesça.

« Bien évidemment. »

C'est alors que le professeur Rogue entra. D'un pas déterminé, qu'on aurait pu croire agacé, il avança jusqu'au fond de la salle, face aux élèves. Il les toisa d'un air presque menaçant, mais tout le monde s'était déjà assis et s'était déjà tu dès son entrée.

C'était un homme assez impressionnant. Sans être particulièrement grand, il se tenait cependant très droit. Il était assez mince et avait un visage aux traits durs, encadré d'une chevelure d'un noir intense qui lui tombait sur les épaules.

Il portait un vêtement noir également, semblable à une soutane. Tout ce noir faisait encore plus ressortir la pâleur de son visage.

« Vous êtes ici pour apprendre la science subtile et l'art rigoureux de la préparation des potions, dit-il. »

Il inspecta la vingtaine d'élèves présents, et tomba sur Harry.

« Ah. Monsieur Potter. Notre célébrité. »

Il s'avança un peu, jusqu'au niveau du premier rang ; Harry était au deuxième rang.

« Dites-moi, Potter. Qu'est-ce qu'on obtient quand on ajoute de la racine d'asphodèle en poudre à une infusion d'armoise ? »

Harry ne savait ni ce qu'était l'asphodèle, ni ce qu'était l'armoise. Alors un mélange des deux…

« Je ne sais pas, monsieur.
– Bon. Et où iriez-vous si je vous demandais de me rapporter un bézoard ? »

Harry regarda autours de lui. Ron regardais ses chaussures, effrayé à l'idée que Rogue puisse vouloir changer de cible. Drago lui lança un regard embarrassé en secouant la tête.

« Je ne sais pas non plus, monsieur.
– Et quelle est la différence entre le napel et le tue-loup ?
– Je ne sais toujours pas, monsieur. »

Rogue le regarda d'un air carnassier.

« Et pourquoi ne pouvez-vous pas répondre à mes questions, Potter ? Vous pourriez au moins pu essayer. Vous auriez pu tenter quelque chose. »

Harry ne se décontenança pas.

« Non. Je ne connais pas les réponses, je ne vais pas les inventer.
– Et trouvez-vous normal de ne pas savoir répondre à mes questions, Potter ?
– En fait, oui. Si je savais déjà répondre à toutes vos questions, je n'aurais pas besoin de venir en cours. »

La mâchoire de chacun des élèves sembla se décrocher d'un seul coup, et leurs yeux s'écarquillèrent, d'effroi et d'admiration mêlés. Rogue accusa le coup, puis un sourire ravi se dessina sur son visage.

« C'est une réponse intéressante, Potter. Et vous semblez avoir du cran, c'est une bonne chose. »

Il survola la salle du regard.

« Vous autres, j'aimerais que vous reteniez une chose de ce qu'a dit votre camarade. Il a dit : " Je ne connais pas les réponses, je ne vais pas les inventer ". »

Il frappa violemment sur la table devant lui. Quelques élèves sursautèrent.

« C'est la première règle lorsque l'on prépare une potion ! cria-t-il. Quand on n'est pas certain de ce que l'on fait, on ne le fait pas ! Rater une potion peut être extrêmement dangereux, cela est sans commune mesure avec les autres cours qui vous sont dispensés. Alors lorsque vous avez le moindre doute, arrêtez-vous, n'allez pas plus loin ! »

Il fit une pause qui parut durer une éternité, détaillant les élèves qui baissèrent tous les yeux devant son regard.

« Les mots "poison" et "potion" forment ce que l'on appelle un doublet. En effet, ils proviennent tous les deux du même mot latin, potio, qui signifie simplement "breuvage". D'ailleurs, les grecs anciens utilisaient le même mot pour parler des remèdes et des poisons, à savoir phármakon. Vous voyez le rapport étroit qu'il peut donc y avoir entre les préparations que nous allons faire et la mort… »

Les élèves écoutaient, mais aucun n'osait vraiment le regarder en face, pas même Drago.

« Ainsi, si vous pouviez, au cours de votre scolarité ou même par la suite, faire preuve de prudence pour éviter de vous empoissonner ou d'empoisonner quelqu'un d'autre… J'en serais satisfait. »

Il fit un geste du bras.

« Sortez votre livre et ouvrez-le au premier chapitre. Celui sur les tisanes. »

Les élèves s'exécutèrent.

« Les tisanes sont obtenues par macération, infusion ou décoction. Aujourd'hui, vous allez essayer de préparer décoction d'écorce de saule. Elle est faite à partir d'ingrédients inoffensifs ; quoi que vous puissiez faire, le résultat ne sera pas dangereux. Mais ce ne sera pas toujours le cas, gardez cela en mémoire. »

Les enfants cherchèrent la page où figurait cette recette.

« La décoction d'écorce de saule, reprit Rogue, est utilisée contre la fièvre, les douleurs articulaires et les maux de tête, mais attention aux douleurs d'estomac contre lesquelles elle n'est pas efficace. La recette est enfantine : l'écorce est pillée, puis mise à bouillir dans de l'eau. Rien de plus. »

Il frappa dans ses mains.

« Au travail ! dit-il sèchement. Vous avez à votre disposition tout ce dont vous aurez besoin. N'espérez pas me poser la moindre question, et n'attendez pas de moi la moindre aide : ce premier cours va me servir à évaluer vos capacités et votre autonomie. »

Alors que les élèves, un peu apeurés, se lançaient dans la lecture de la recette, Rogue s'approcha de Harry.

« Potter, souffla-t-il. Votre réponse était intéressante, mais néanmoins impertinente. Si cela se reproduit, je serais intraitable. Compris ? »

L'intonation sur le dernier mot était très claire, et le regard de Harry croisa malgré lui celui de Rogue, dont les yeux était d'un noir intense et dans lesquels Harry voyait son propre visage en reflet.

« Oui monsieur » répondit-il en déglutissant.

Le professeur s'éloigna.

Harry était encore tétanisé lorsque Ron commença sa lecture à haute voix.

« Ingrédients : une once d'écorce de saule blanc, une pinte d'eau claire. Matériel : un couteau, une petite marmite, une passoire, un bocal. »

Ils rassemblèrent ce qui leur manquait en se servant sur les étagères où étaient entreposés ingrédients et ustensiles divers.

Harry regarda alors la recette.

Étapes de fabrication :

1. Faire bouillir l'eau.

2. Pendant ce temps, couper menue l'écorce de saule.

3. Mettre l'écorce dans l'eau bouillante et attendre jusqu'à réduction de moitié.

4. Filtrer la préparation pour en éliminer le reste d'écorce.

« Ben ça a pas l'air très compliqué » dit-il.

Et ils se mirent au travail.

Il y avait un long moment d'attente pendant la réduction. Pendant ce temps morts, les élèves devaient étudier les effets du breuvage final dans leur livre. Rogue en profita aussi pour circuler dans les rangs et inspecter leur avancée.

Après un certain temps, il baigna dans le sous-sol une atmosphère lourde et odorante malgré des systèmes d'évacuation des fumées (il y avait des grilles et des hottes dans la pièce).

Harry souffla. Il avait trop chaud.

« Pourquoi ça a pas lieu dans une salle avec des fenêtres ? se demanda-t-il à lui-même dans un murmure. Ça permettrait d'aérer…
– Pour se protéger du vent et autres intempéries, répondit Rogue à voix haute, faisant sursauter Harry. D'autant plus que la plupart des ingrédients se conservent mieux dans un environnement sec, sombre et tempéré ».

Il ne l'avait pas entendu arriver.

Le professeur regarda dans leur chaudron, ne trouva manifestement rien à dire et s'écarta alors en direction de Dean et Seamus, à qui il reprocha d'avoir coupé trop grossièrement l'écorce.

« C'est quoi un fébrifuge ? demanda Ron à voix basse.
– J'en ai absolument aucune idée… répondit Harry qui se replongea dans son propre livre. »

Après un moment, Harry soupira, puis jeta un œil à sa marmite. Tout ce qu'il aurait pu en dire, c'était que l'eau bouillait et que les copeaux d'écorce valdinguaient au grès des bulles. Il aurait eu du mal, face à cette eau tumultueuse, à savoir quand le volume aurait été divisé par deux.

Lorsque les deux garçons furent d'accord sur le volume, ils coupèrent le feu et filtrèrent le mélange pour évacuer les copeaux et ne garder que la décoction.

En définitive, le cours fut assez pénible. Rogue était en permanence derrière les élèves ; il les reprenait durement en cas d'erreur, mais sans leur dire un seul mot d'encouragement en cas de réussite. Et effectivement, il était plus rude avec les Gryffondor qu'avec les Serpentard : il arrivait à reprendre les premiers même quand leur travail était parfait, et ses critiques étaient encore plus pernicieuses. Mais pour être tout à fait honnête, il était implacable avec tout le monde.


Les élèves avaient été réunis dans le parc du château. Le cours d'athlétisme était en commun avec les Poufsouffle.

Le professeur passa tout d'abord une bonne minute à jauger les élèves, sans rien dire.

Mme Bibine était ce genre de femme à laquelle on a du mal à donner un âge. De prime abord, on lui aurait donné une cinquantaine d'année, puisqu'elle semblait encore vigoureuse et tonique, mais divers signes (certaines rides de son visage, de petites taches sur ces mains, etc.) laissaient entendre qu'elle était bien plus âgée en réalité.

En tout cas, elle était fine, voire sèche, et assez musculeuse.

« Mon objectif, en tant que professeur, est de vous enseigner l'hygiène de vie nécessaire à tout sorcier. Pas d'excès de chère, une activité physique régulière : voilà la clef d'une vie en bonne santé. »

Elle se tenait très droite, et portait une tenue assez ajustée, qui devait permettre une grande liberté de mouvement.

« Il y a une maxime qui dit " mens sana in corpore sano ". Un esprit sain dans un corps sain. Les enfants, je vous le dit tout de suite : nous sommes des sorciers, nous devons aspirer à la perfection. Perfection de l'esprit : être irréprochables, user au mieux de nos capacités. Perfection du corps : être athlétiques, endurants, forts. »

Le ton était donné.

« Bien évidemment, la perfection n'est pas atteignable. C'est simplement un objectif dont il faut se rapprocher le plus possible. »

Elle observa leurs réactions à ses propos, avant de reprendre.

« Je prône une alimentation la plus saine possible. Viande de volaille sans la peau, légumes et féculents uniquement cuits à l'eau, des légumineuses, du bouillon maigre. Pas d'alcool, uniquement de l'eau. Pas de sauce, pas de graisse quelle qu'elle soit. Quelques fruits, mais sans excès. Personnellement, je m'y tiens. »

Ce menu contrastait avec les repas opulents servis à l'école, même si on ne pouvait bien entendu pas parler de malbouffe. Mais maintenant qu'il y pensait, Harry remarqua qu'il n'avait vu presque aucun sorcier en surpoids, que ce soit à Poudlard ou sur le chemin de Traverse. En tout cas beaucoup moins que dans le monde réel.

Mme Bibine fronça les sourcils d'un air déterminé mais presque mauvais.

« Je vais vous apprendre la rigueur. Je vais vous apprendre la détermination. Je vais faire de vous des hommes et des femmes accomplies. »

Elle sortit son sifflet.

« Et ça commence dès maintenant ! » cria-t-elle.

Elle siffla avec force.

« Trente tours de pistes au trot ! hurla-t-elle sans émotions. Et à chaque coup de sifflet on accélère pendant cinq secondes ! »

La vingtaine d'élèves s'élancèrent, ayant trop peur pour contester.

Beaucoup trop souvent au goût de Harry, elle sifflait un coup, et tous les élèves tentaient une accélération.

Le garçon du train, dont Harry avait retenu qu'il s'appelait Neville, restait passablement à la traîne.

« Du nerf, Londubas ! » vociféra Mme Bibine.

Il n'était manifestement pas très sportif. Harry avait du mal, comme tout le monde, mais Neville était clairement derrière le peloton, à souffler comme s'il avait déjà atteint ses limites. Ils n'avaient pourtant pas parcouru plus de trois tours sur les trente.

Assez rapidement, elle réduisit la fréquence des coups de sifflet, et la cadence des enfants diminua également. Alors qu'ils en étaient à la moitié du parcours, ils avaient réduit leur vitesse d'un tiers, n'ayant évidemment pas l'endurance de tenir une aussi longue distance

« Vous êtes partis trop vite dès le début ! leur cria Mme Bibine. C'est donc normal que vous ayez tant de mal maintenant ! Il ne faut pas se surestimer – jamais ! – et il est important de trouver son propre rythme pour pouvoir s'y tenir ! »

Les enfants avaient essayé de rester grouper, sans qu'elle le leur ait demandé, et puisqu'ils étaient parti à fond sans réfléchir, certains n'arrivaient évidemment pas à suivre. Neville, notamment.

« Séparez-vous, bon sang ! Que les plus rapides accélèrent et que les plus lents ralentissent ! L'important, c'est de trouver son rythme, pas de copier celui d'un autre ! »

Aussitôt, de nombreux élèves ralentirent brusquement, laissant devant un groupe d'élèves un peu plus résistants.

Neville, lui, s'arrêta complètement, à bout de souffle.

« Certainement pas ! lui hurla Mme Bibine. Monsieur Londubas, reprenez la course, ne vous arrêtez pas d'un coup.
– Im… possible… haleta-t-il. En… peux plus.
– Alors marchez, mais ne vous arrêtez pas. Continuer tranquillement, et lorsque vous aurez récupéré, repartez en trottinant sans excès. »

Dans un effort surhumain, Neville se remit à marcher. Une bonne partie des élèves l'avaient déjà doublé, et Harry passa à côté de lui à ce moment-là, avec Ron sur les talons.

« L'important, c'est d'être régulier. Nous ne sommes pas égaux, la nature nous a fait différent, inutile de vouloir faire exactement comme votre voisin. Vous n'êtes pas tous aussi fort, alors contentez-vous de ce que vous êtes capables de faire, et gardez en tête un seul et unique objectif : le dépassement de soi. N'essayez pas d'être le meilleur, ni même d'être meilleur que les autres. Soyez simplement meilleur que vous-même. Dépassez-vous, faites sans cesse mieux. »

En marchant à grandes foulées, elle rattrapa sans peine Neville qui trottait en soufflant comme un bœuf.

« Monsieur Londubas, il faut que je vous l'avoue : j'ai eu pire que vous comme élève. Mais d'ici à la fin du trimestre, vous aurez progressé. Veillez simplement à ne pas trop vouloir en faire trop vite : pour le moment, vous n'êtes clairement pas au niveau, n'espérez pas égaler les autres avant un moment. »

Elle repartit ensuite pour se positionner à l'arrivée, et sortit un chronomètre de nulle part.

« Allons, encore un peu de courage. Ce n'est que l'échauffement, après tout. »

Elle nota le temps de chacun. Un garçon de Poufsouffle, Justin, arriva premier, et Neville fut évidemment dernier. Harry était dans la moyenne.

Il y avait un écart de plus de cinq tours entre Justin et Neville, à la fin de la course.

Le cours se poursuivit par des exercices d'étirement, et même là Neville fut le moins bon.

« Ma parole ! s'exclama Mme Bibine. Londubas, vous êtes souple comme un nerf de bœuf ! »

Après cela, Mme Bibine leur fit traverser le parc jusqu'à un corps de bâtiment, qui était en grande partie occupé par un immense gymnase. Elle leur présenta les différents équipements, essentiellement de quoi faire des activités sportives individuelles. Harry, habitué au monde des moldus, remarqua l'absence, dans ce gymnase sorcier, du marquage au sol qui caractérisait habituellement ce genre de complexe. Aucune de ces nombreuses lignes de différentes couleurs qui s'entrecoupaient, permettant dans un même lieu de s'entraîner au basket-ball, au football ou encore au hand-ball.

Il y avait notamment des trampolines, des chevaux d'arçon, des barres parallèles, des poutres.

Neville faillit tressaillir en voyant les cordes à nœuds hautes de près de huit mètres, hauteur du plafond.

Après une présentation de l'équipement contenu dans la réserve, le cours se termina par une séance de méditation. Les élèves s'assirent en cercle dans le gymnase et le professeur se plaça debout au centre. Elle leur fit fermer les yeux et les exhorta à chercher la force au fond d'eux-mêmes.

« La force du corps vient de l'esprit. Trouvez cette force en vous, utilisez cette volonté et servez-vous en. »

Puis elle se tut, et il s'écoula cinq bonnes minutes durant laquelle ils devaient faire le vide dans leur esprit.

Elle acheva le cours là-dessus, et les élèves furent envoyés à la douche avant de pouvoir aller manger le repas de midi.


Mercredi 4 septembre 1991.

Harry, Ron, Dean et Seamus était en chemin pour se rendre à leur premier cours de combat. Un cours en commun avec les Serdaigle.

Lorsqu'ils entrèrent dans la salle de cours, ces derniers étaient déjà tous assis. Quant aux filles Gryffondor, elles étaient en train de s'installer.

« Prenez place, messieurs, dit Quirrell en souriant. Nous allons pouvoir commencer. »

La salle était assez grande, et les bureaux n'occupaient qu'une partie de la place puisque tout le fond, par lequel ils étaient entrés, était vide. Le long des murs, courraient des buffets accolés qui contenaient de nombreuses horreurs. Il y avait là de petits animaux empaillés, dont la plupart étaient inconnus de Harry, mais aussi des créatures aquatiques dans des bocaux de formols. Mais le pire était que certains bocaux contenaient des organes, et que Harry reconnut une tête de gobelin décapité dans l'un deux. L'anatomiste ayant préparé ce bocal-là avait manifestement prit un malin plaisir à tailler de telle sorte que sous les chairs, la trachée, l'œsophage et quelques vaisseaux sanguins se poursuivaient sur plusieurs centimètres sous la section de la peau et des muscles, donnant un aspect de poulpe abject à l'œuvre.

Au plafond était suspendus des oiseaux et des créatures aillées également empaillés, ou simplement des squelettes articulés à l'air des tiges métalliques, de vis et de boulon.

Harry ne connaissait pas encore ses camarades de Serdaigle (après seulement trois jours il ne connaissait pas encore grand monde), mais il reconnut la fille du train, avec ses cheveux ondulés.

Lorsque Harry et ses camarades furent assis, Quirrell s'installa derrière son pupitre.

« Nous vivons dans un monde emplit de violence. »

La phrase était tombée comme un couperet, mais Harry sentit la désinvolture du ton employé.

« Il faut savoir y faire face : vous êtes susceptibles d'être un jour attaqué, que ce soit par une créature dangereuse ou par une personne – sorcier ou moldu. Vous devrez être prêt, et c'est l'objectif exclusif de ce cours. Ici, vous apprendrez à vous défendre contre des bêtes sauvages, et notamment les créatures magiques sauvages. Vous apprendrez également à vous défendre contre d'autres sorciers, que ce soit en cas d'attaque ou dans le cadre bien plus légal d'un duel judiciaire. Au programme également – mais pas pour cette année bien évidemment – la lutte contre les velléités moldues. Les sortilèges d'amnésie vous seront très certainement un jour utile face à eux, car il convient de ne pas brutaliser et parce que cette manière de s'en débarrasser est très efficace. Ceci, et les sortilèges et enchantements de répulsion. »

Harry l'avait déjà plus ou moins deviné grâce à ses lectures, mais le monde sorcier est somme toute assez violent. Les conflits se règlent généralement sans l'intervention des autorités : les duels, comme le signalait le professeur, sont encore légalement autorisés (à la condition cependant qu'il n'y ait pas mort d'homme).

« La première chose que je vous enseignerai sera de désarmer un autre sorcier. C'est quelque chose de très utile, et surtout il s'agit d'un sort extrêmement simple à apprendre – mais pas toujours à utiliser. »

Il se tourna vers un élève qu'il désigna du doigt.

« Monsieur Corner, si vous voulez bien vous avancer. »

L'enfant, un peu intimidé, se leva et s'approcha.

« Je vais vous montrer le résultat escompté. L'incantation est "expelliarmus". Utilisez votre baguette pour choisir le sens de l'impulsion. »

Michael Corner sortit sa baguette, un peu apeuré, et la tendit devant lui en tremblotant.

« Ne vous inquiétez pas, ça n'est pas douloureux. »

Il sortit sa propre baguette.

« Expelliarmus ! » lança-t-il distinctement avec un geste volontairement exagéré de la main.

La baguette de Michael lui échappa des mains et fut projetée jusque contre le mur. L'enfant sursauta.

« Ramassez-là et rasseyez-vous, monsieur Corner. »

L'enfant ne demanda pas son reste.

« Il est possible de désarmer simplement ou – si la situation s'y prête – en attirant à soi la baguette de son adversaire pour la récupérer. »

La fille aux cheveux ondulés leva la main.

« Oui mademoiselle Granger ?
– Quand arriveront-nous à faire ça ? Je veux dire, j'ai déjà tout lu à ce sujet, mais lorsque je m'entraîne je n'arrive à rien…
– Si tout se déroule bien, en quelques semaines vous serrez capables de désarmer un adversaire, à condition toutefois que ce dernier se laisse faire. Ça n'est pas un sortilège complexe puisqu'il ne demande aucune précision. »

Elle leva encore la main.

Ron soupira.

« Avec tout ça on va pas finir en avance… » chuchota-t-il.

Quirrell lui donna à nouveau la parole.

« Et pour la suite, alors ? Pour y arriver vraiment.
– Eh bien, pour désarmer un adversaire qui ne se laisse pas faire, cela dépendra en grande partie de la volonté de chacun. C'est un combat, donc les possibilités dépendent aussi de l'autre. Et pour parvenir à récupérer la baguette plutôt que de l'éjecter sans la moindre précision, il nous faudra bien toute l'année. Mais pas d'inquiétude, nous aborderons bien d'autres thèmes. Et pour vous montrer quelque chose de plus concret, vous assisterez régulièrement aux séances de duel des cinquième, sixième et septième années. »

Devant Harry, deux filles de Serdaigle entamèrent une discussion à voix basse que Harry parvint à entendre.

« Tu te rends compte ? Elle a lu tous les manuels pendant l'été ! C'est elle qui me l'a dit dans le dortoir, l'autre jour.
– Vraiment ?
– Oui, elle peut même en réciter des passages qu'elle a appris par cœur. C'est incroyable. »

Oui, se dit Harry. Incroyable que quelqu'un gâche ses vacances en lisant ce que, de toute façon, il faudra lire pendant l'année scolaire.

« Ah oui ! répondit la deuxième fille. Moi j'ai seulement lu les premiers chapitres de chaque livre, et j'ai pas tout compris… Et encore moins retenu !
– Pareil ! Elle est née-moldue, mais elle connaît déjà mieux que moi l'histoire de Poudlard…
– J'avoue : rappelle-toi quand elle nous a fait un genre de visite guidée pendant que les préfets nous emmenaient aux dortoirs, le premier soir. »

Harry se tourna vers Ron, qui avait écouté également. Croisant le regard de Harry, il leva les ciels au ciel.

« Y sont vraiment pas comme nous… » souffla-t-il en parlant des Serdaigle.

Quirrell, qui pendant ce temps avait continué son discours, tapa alors dans ses mains.

« Tout cela étant dit, passons à la pratique. N'espérez pas des miracles dès aujourd'hui, mais il faut bien commencer à s'entraîner à un moment ou à un autre si l'on veut réussir un jour. »

La suite du cours consista donc en des travaux pratiques. Ils s'installèrent dans le fond de la classe, et les élèves devaient tenter de se désarmer les uns les autres.

Dans le meilleur des cas, la baguette vacillait très légèrement. Dans la plupart des cas, l'adversaire sentait simplement une pression différente dans sa main, et assez souvent elle ne bougeait pas du tout.

Hermione Granger, qui avait annoncé avoir tout lu et s'être déjà un peu entraînée, n'était pas la plus brillante. Harry et Ron virent avec un plaisir un peu mesquin qu'elle avait du mal à mettre en application ses connaissances très livresques.

« Je ne comprends pas ! s'énerva-t-elle finalement. D'habitude je suis parfaite dans toutes les matières ! Je retiens tout ce que je lis et j'ai toujours de très bonnes notes… »

Après deux heures de cours, elle était déjà considérée comme horripilante par les garçons Gryffondor. Et prétentieuse.

D'ailleurs, ils ne se gênaient pas pour se moquer d'elle dans son dos, et il était évident qu'elle allait rapidement devenir une cible de moquerie.

À la fin du cours, Harry laissa filer ses camarades.

« Je vous rejoins, j'ai un truc à demander » annonça-t-il à ses amis.

Harry s'approcha du professeur, qui rangeait ses affaires, ayant fini sa journée.

« Monsieur…
– Qu'y a-t-il, Harry ? demanda-t-il en relevant la tête.
– Vous m'aviez dit, cet été, que la célébrité risquait d'être difficile à supporter. »

L'homme acquiesça.

« Assieds-toi. »

Lui-même approcha son fauteuil, et s'installa face à Harry.

« Vois-tu, Harry, tu es ici depuis seulement quelques jours, et j'imagine que tu commences à prendre la pleine mesure de ce que tu représentes ici. Me trompé-je ?
– Non. C'est compliqué ici. Avant, j'étais juste Harry. Harry Dursley. Le garçon aux lunettes qu'est pas bien grand et pas bien costaud… Celui qu'on remarque pas trop. Maintenant, à Poudlard, c'est pas du tout pareil. Tout le monde fait attention à moi, tout le monde me regarde tout le temps, et ils parlent à voix basse. Ils ont tous l'air très impressionnés, et on dirait que certains osent même pas me parler… »

Quirrell hocha la tête.

« C'est tout à fait cela : tu es un peu un héros, ici. Tu es intimidant, même pour certains élèves bien plus âgés que toi. Ta légende te précède. Mais rassure-toi : cela ne durera pas. Rapidement, ils se rendront compte que malgré ton statut, tu restes un enfant. Je ne te dis pas que cela sera facile, et encore moins que tu auras un jour une vie normale, ici. Mais petit à petit, les gens cesseront de t'épier et oseront t'adresser la parole. Tu resteras une sorte d'intouchable, cependant, puisqu'à mon avis, jamais cette aura ne retombera. Même plus tard, tes actes auront une grande importance. Les gens essayeront de savoir ce que tu fais, ce que tu penses. Comme n'importe quelle célébrité, chaque acte et chaque parole, même anodin, sera propagé, analysé, décrypté. »

Harry comprenait bien le parallèle avec ces personnes célèbres dont la vie est scrutée en permanence.

« Un peu comme ces gens qui passent dans les tabloïdes, vous voulez dire ?
– Un peu, oui. Sauf qu'au-delà du potin, les gens de ce monde ont pour beaucoup foi en toi. Il ne s'agit pas de connaître la vie de ses idoles, ni de se nourrir de scandales : il s'agit de savoir ce que l'Élu peut faire et dire. Tu es perçu un peu comme un guide, en raison de cette prophétie dont je t'ai parlée. »

Harry avait la tête qui lui tournait.

« Mais qu'est-ce que je dois faire, alors ?
– Les gens attendent beaucoup de toi, mais il ne faut pas laisser cela te détruire. N'essaye pas de vivre pour eux, d'être ce qu'ils veulent que tu sois. Sois toi-même. Suis ta vie comme tu l'entends et non pas comme on l'attend de toi. Reste simplement qui tu étais, Harry Dursley. »


Version 1 du jeudi 1er septembre 2016.