Bonjour à toutes et à tous... Voilà un petit essai sans prétentions sur Star Trek, dont je suis récemment devenue fan (bon, en fait, pour être honnête, je suis surtout devenue fan de Spock). Juste des scènes manquantes entre quelques épisodes de Beyond (donc, évidemment, attention aux spoilers), centrées sur Spock et McCoy, selon le point de vue de ce dernier. Je ne suis pas satisfaite du doublage français, donc les dialogues que j'utilise sont une traduction largement inspirée par les sous-titres, que j'ai cependant légèrement remaniés. Voilà voilà... Soyez indulgent(e)s !
Chapitre 1 : Des dangers de la claustrophobie dans un vaisseau spatial
Leonard McCoy avait toujours souffert d'une certaine forme de claustrophobie. Ce qui, il faut bien le reconnaître, peut s'avérer gênant lorsque l'on est destiné à travailler sur un vaisseau spatial. Pourtant, il s'était fait étonnamment facilement à la vie sur l'Enterprise. Après tout, c'était un grand vaisseau. Il y avait de l'air presque pur. De la visibilité. Une certaine liberté de mouvement. Et puis Bones avait tellement de travail – il lui semblait parfois que tout l'équipage, Jim en tête, ne quittait le vaisseau que pour se faire attaquer par des aliens dégueulasses, se retrouver pris au milieu de catastrophes naturelles ou choper des maladies improbables et, de préférence, hautement contagieuses – qu'il n'avait plus vraiment l'occasion de réaliser qu'il se trouvait dans un espace clos. Et lorsqu'il avait le loisir d'y penser, c'est-à-dire quand l'équipage se tenait tranquille et en (relative) bonne santé plus de deux minutes, il lui restait toujours la possibilité de boire (sans s'enivrer totalement, bien sûr).
Donc, tant qu'il était à bord de l'Enterprise, tout n'allait pas si mal.
Dans cette… boîte alien où il s'était retrouvé totalement par hasard, en revanche, il lui était impossible de ne pas sentir le poids oppressant des murs de métal autour de lui. L'air, presque irrespirable, semblait manquer à chaque inspiration. Pour ne rien arranger, il devait se concentrer sur le pilotage – lui qui avait échoué cinq fois, sur Terre, à l'examen du permis de conduire… Il venait en outre d'assister à la destruction de son propre vaisseau, sans savoir ce qu'il était advenu du capitaine… de l'équipage… de ses amis.
Le tout, sans alcool pour faire passer.
Ah, oui. Et par-dessus le marché, il se coltinait Spock.
Pas étonnant qu'il ait envie de vomir.
Il lui semblait que sa cage thoracique allait exploser s'il ne respirait pas un peu d'air frais dans les cinq minutes à venir. C'était totalement irrationnel, totalement illogique, comme n'aurait pas manqué de lui faire remarquer le Vulcain s'il avait pu lire dans son esprit, car en aucun cas des poumons ne pouvaient exploser de cette façon. Mais, à présent que l'adrénaline se dissipait dans ses veines, qu'ils n'étaient plus poursuivis, il devenait évident que la seule chose à faire était de se poser sur cette foutue planète et rallier les éventuels survivants de l'Enterprise. Et, avant tout, de respirer.
Ils descendirent donc en piqué. L'ennemi, quel qu'il fût, ne les suivait plus. McCoy redressa légèrement le vaisseau, émergea de la zone nuageuse…
Il n'avait pas anticipé les montagnes et évita de justesse un sommet. Le vaisseau heurta un rocher. Le médecin ne sut pas comment il parvint à le redresser.
- Merde ! Ça va, Spock ?
- Affirmatif, docteur. Il me semble cependant que le vaisseau perd de l'altitude.
Comptez sur un Vulcain pour apporter soutien et réconfort au moment où on en a le plus besoin, songea-t-il en serrant les dents. Mais il avait raison : quelque chose avait probablement été touché dans le mécanisme de la navette. Ils ne tombaient pas, mais ils ne volaient plus.
Bones repéra un lac, entre deux crêtes – leur seule chance de ne pas s'écraser totalement – et il le visa. De façon surprenante, il y parvint presque. L'engin alien rebondit sur l'eau, ralentit, glissa sur le côté gauche, heurta violemment un rocher et s'immobilisa dans un assourdissant fracas de métal. Le médecin lâcha les commandes et laissa libre cours à sa panique. Il lui fallait sortir. Respirer. Tout de suite. Il ouvrit la trappe située au-dessus de la chaise du pilote et inspira longuement. De façon complètement irrationnelle, il lui sembla que s'il ne sortait pas immédiatement, il allait s'asphyxier.
La fraîcheur de l'eau du lac qui l'éclaboussa lorsqu'il sauta à terre le ramena à la réalité. Il était en vie. En vie et hors de ce cercueil volant. Ses poumons fonctionnaient à nouveau normalement. Les connexions se rétablissaient dans son cerveau jusqu'ici paralysé par la panique. Il pouvait recommencer à penser.
Un bruit sur sa gauche lui fit tourner la tête et il se sentit presque honteux. Sa claustrophobie lui avait fait oublier son passager.
Ce dernier était en train de s'extraire à son tour de cette boîte en ferraille rouillée que ces maudits extra-terrestres osaient utiliser pour voler. McCoy prit une inspiration pour interpeller Spock, peut-être lui lancer un léger sarcasme, histoire de relâcher un peu de la tension qu'il ressentait depuis le moment où l'alerte rouge avait été déclenchée, mais les mots ironiques moururent sur ses lèvres.
Le fragment de métal profondément enfoncé dans le ventre du Vulcain n'aurait pas dû se trouver ici. Il aurait dû rester sagement à sa place, fermement accroché au vaisseau. Spock allait très bien cinq minutes auparavant. Ce n'était tout simplement pas possible. C'est une hallucination, pensa McCoy. Je vais fermer les yeux, les rouvrir et tout sera revenu dans l'ordre – si tant est qu'on puisse parler d'ordre pour qualifier tout ce merdier.
Mais lorsqu'il rouvrit les yeux, rien n'avait changé.
- Mon Dieu, Spock !
Il se précipita pour aider le commandant de l'Enterprise à se hisser hors du vaisseau. Dents serrées, mâchoires contractées, Spock se laissa tomber à ses côtés et faillit s'effondrer à terre. Une vague de panique, bien différente de celle qui l'avait assailli dans l'appareil ennemi, manqua submerger le médecin. La blessure était plus que sérieuse, et dangereusement près de trop d'organes vitaux, à commencer par le cœur. Aussi, pourquoi l'anatomie des Vulcains n'était-elle pas davantage conforme à la logique qui leur était si chère ?
Bones se reprit. S'il cédait à la peur, il n'arriverait à rien. Il se força à passer en mode médical.
- Venez, asseyez-vous là.
Avec toute la douceur dont il était capable, il aida Spock à s'adosser contre le vaisseau. Le liquide vert coulait toujours de l'abdomen, poissant l'uniforme bleu de Starfleet, mais l'absence de rouge atténuait en quelque sorte la gravité apparente de la blessure. Cependant, Leonard était médecin. Il avait soigné plus d'espèces diverses que n'importe quel autre praticien. Il savait qu'une hémorragie reste une hémorragie, pour tous les êtres vivants, quelle que soit la couleur de leur sang. Et il ne voyait, pour l'instant, que les dégâts externes…
Que dire ? Que faire ? En tant que praticien – en tant qu'humain, peut-être – McCoy éprouvait le besoin de rassurer ses patients comme il le pouvait. Les mots, il en était convaincu, faisaient partie de la thérapie. Selon le caractère et l'état de ses malades, il choisissait le réconfort ou l'humour. Cette fois-ci, il ne se posa même pas la question. Les mots vinrent d'eux-mêmes.
- Attention… Doucement… Bon, maintenant essayez de vous détendre. Tout va bien se passer.
- L'optimisme forcé dans votre voix suggère que vous essayez de me convaincre de rester calme alors que…
D'accord. Comptez sur un Vulcain pour vous renvoyer dans les dents la vérité que vous essayez de vous dissimuler à vous-même et détruire votre sérénité de façade en une phrase.
- Très bien. Vous avez raison, on est dans la bouse.
Surtout vous, aurait-il voulu ajouter. Comment Spock, sans aide médicale, allait-il survivre à ça ?
- Docteur, je ne vois pas le rapport entre des excréments bovins et notre situation présente.
McCoy réprima une violente envie de se mettre à hurler sur son interlocuteur. Bien sûr, dans la situation présente, cela ne servirait pas à grand-chose. Il devait, avant, trouver un moyen de le sauver, de retirer ce truc planté dans son abdomen sans causer davantage de dégâts…
Et après, seulement, il prendrait plaisir à l'insulter.
- Merde, mais qu'est-ce que vous faites ?
Maintenant, Spock essayait de se redresser. Comme s'il allait réussir à tenir sur ses jambes alors qu'il pissait le sang ! Vraiment, Bones n'était pas aidé. Il essaya de repousser son patient improvisé sur la tôle du vaisseau qui allait bientôt servir de table d'opération, mais le Vulcain résista.
- Nous devons partir d'ici, docteur.
La voix habituellement neutre et ferme tremblait quelque peu. McCoy, pour sa part, se sentait au bord de la crise de nerfs.
- Spock, ce truc a perforé votre fosse iliaque.
- Nous n'avons pas le temps…
Il retomba en arrière, haletant. Non, ils n'avaient pas le temps. Si le médecin ne faisait pas quelque chose, n'importe quoi, très rapidement, Spock était perdu. Comment ne le voyait-il pas ? Comment pouvait-il penser à bouger alors qu'il allait probablement mourir ?
Les Vulcains ne raisonnement pas comme nous, l'avertit une petite voix au fond de sa tête. Ils ne sentent pas la douleur de la même façon que nous. Ils contrôlent tout. Penser, agir, était une façon pour Spock de dominer sa peur et sa souffrance. Il ne se rendait probablement même pas compte, consciemment du moins, de la gravité de son état.
A Leonard de le lui faire comprendre. Ce n'était pas de réconfort que Spock avait besoin, mais de la vérité.
- C'est exactement ce que j'essaye de vous dire. Ecoutez, si je ne retire pas ce truc, la plaie va s'infecter et vous allez mourir. Si je le retire, l'hémorragie va empirer et vous allez mourir.
Une inspiration un peu plus brusque que les autres et une légère grimace furent les seuls signes extérieurs indiquant que les mots avaient bien atteint les connexions neuronales du Vulcain.
- Je ne suis attiré… par aucune de ces deux options, murmura-t-il.
Bones sentit son cœur manquer un battement à l'idée de perdre Spock. Dieu savait qu'ils étaient en désaccord plus souvent qu'à leur tour, mais au fil des années, le médecin avait appris à respecter et à apprécier très sincèrement le premier officier de l'Enterprise. Et oui, il avait mille fois dit et répété qu'un demi-Vulcain au sang vert (ce même sang qui coulait toujours de la blessure ouverte) était tout simplement incapable de se lier d'amitié avec qui que ce soit, sans en penser un traître mot. Mais ils fonctionnaient ainsi, ne sachant ni ne pouvant probablement fonctionner autrement – l'un se répandant en sarcasmes et railleries, l'autre les recevant avec froideur.
Ils avaient travaillé ensemble tellement de fois, s'étaient perdus dans des recherches qui les passionnaient tous deux, avaient si souvent discuté astronomie, biologie et physique jusqu'à une heure si avancée que Jim devait régulièrement faire irruption dans le labo pour les forcer à faire une pause… Ils avaient tant partagé, ces dernières années, que McCoy ne pouvait pas imaginer perdre tout cela.
- Croyez-moi ou non, ça ne me tente pas non plus, répondit-il en cherchant du regard quelque chose, n'importe quoi, pour retirer ce foutu morceau de métal.
Un outil. Il lui fallait un outil. Et si ce vaisseau de malheur tombait si facilement en pièces détachées… autant en profiter. Bones jeta un regard inquiet vers le blessé, craignant qu'il ne cherchât de nouveau à se lever s'il s'éloignait un tant soit peu. Mais l'explication de la situation que le médecin lui avait fournie semblait l'avoir cloué au vaisseau.
Peut-être, tout simplement, ne pouvait-il pas se lever, ne put s'empêcher de penser Leonard, regardant malgré lui la tache verte et poisseuse qui s'étendait lentement mais sûrement sur l'uniforme du premier officier. Il devait absolument cautériser la plaie, sans quoi…
Penser à la mort imminente du Vulcain n'allait certainement pas l'aider à réaliser son plan. Reprends-toi, s'admonesta-t-il. Il devait absolument continuer à parler, tant pour s'empêcher lui-même de paniquer que pour maintenir éveillé Spock, dont les paupières commençaient dangereusement à papillonner. Se concentrer sur ses gestes et parler. Parler de tout ce qui lui passait par la tête. Les différences anatomiques notables entre Vulcains et Terriens. (Et même ajouter que le métal n'était pas passé loin du cœur. Mauvais plan.) La raison pour laquelle l'Enterprise avait été attaquée. (Par qui ? Pourquoi ? Non, ce n'était pas non plus un bon sujet de conversation.) L'artefact en apparence inoffensif que Jim avait rapporté (il aurait mieux fait, ce jour-là, de s'émietter une rotule)…
A ce stade de la « conversation », à laquelle Spock ne participa que pour contredire son interlocuteur – ce qui, en soi, était plutôt rassurant car parfaitement habituel – Bones avait entre les mains ce qui, fabriqué avec les moyens du bord, c'est-à-dire pas grand-chose, pouvait vaguement passer pour un scalpel cautérisant. Il ne ferait pas mieux et le temps lui manquait. Il savait qu'il allait pratiquer sur son commandant une opération à haut risque, à l'aide d'un outil sommaire bricolé avec des morceaux de métal potentiellement rouillés arrachés au vaisseau alien, en théorie stérilisés par le feu de son phaseur, mais en théorie seulement. Il savait qu'il avait une chance sur deux seulement de réussir. Il savait que la moindre erreur de sa part entraînerait la mort du Vulcain. Et il savait qu'il ne se le pardonnerait jamais.
Mais s'il laissait Spock se vider de son sang…
McCoy se redressa, son scalpel improvisé à la main. Il ne pouvait plus reculer. Son cœur battait à tout rompre et il se demanda comment Spock pouvait ne pas l'entendre.
- Une dernière question : quelle est votre couleur préférée ?
Les traits tirés par la douleur, le front couvert de sueur, le Vulcain trouva la force de hausser les sourcils et de répondre. Bones se demanda si la mort elle-même parviendrait à le faire taire.
- Je ne vois pas en quoi cette question est pertinente dans notre situ…
Leonard prit une profonde inspiration, releva d'une main l'uniforme poissé de sang, et de l'autre appliqua son outil de fortune chauffé à blanc entre la peau et le métal. Spock laissa échapper un hurlement de douleur. Le médecin serra les dents et se força à continuer son sale travail. La pièce de métal s'était détachée, mais il devait brûler la plaie pour la cautériser du mieux qu'il le pouvait. Il appuya un peu plus fort et le cri du blessé s'intensifia. Aussi insupportable que lui fût ce son – bon Dieu, Spock ne hurlait pas, jamais, en aucun cas – il le préférait cependant à un silence qui eût signifié l'évanouissement (ou pire) du Vulcain. N'importe quel humain normalement constitué aurait déjà perdu connaissance sous les effets conjugués de la perte de sang et de la douleur, mais Spock était tout sauf un être humain normalement constitué. Il y avait, après tout, des avantages à être demi-Vulcain. La force physique, par exemple. Ou la résistance à la douleur.
Le prix à payer semblait cependant exorbitant à Bones qui, à sa place, aurait préféré cent fois tomber dans les pommes.
Il jeta le fragment du vaisseau qui avait de peu manqué le cœur du commandant, et, incapable d'articuler à voix haute ce qu'il pensait vraiment (quelque chose qui tournait autour du thème « Vous êtes vivant, accrochez-vous encore un peu parce que je ne peux rien faire de plus »), lança les premiers mots qui lui vinrent à l'esprit :
- Il paraît que ça fait moins mal quand on est pris par surprise.
Moins mal. Comment pouvait-il dire une chose pareille après le hurlement de pure souffrance qu'il venait d'entendre ? Mais il avait besoin d'exprimer quelque chose, son angoisse, son soulagement, un mélange des deux. Il fonctionnait ainsi avec ceux qu'il appréciait réellement – utilisant principalement l'ironie pour masquer ses véritables sentiments.
Il espérant vraiment que Spock comprendrait.
Ce dernier, haletant, au bord de l'évanouissement, le regarda dans les yeux.
- Pour reprendre votre jargon, je dirais que votre théorie est… de la bouse.
McCoy lâcha un soupir qu'il n'avait pas eu jusque-là conscience de retenir. Si Spock s'essayait au « langage vernaculaire humain », ainsi qu'il le désignait lui-même, en même temps qu'à l'humour, tout espoir n'était pas perdu. Le médecin devinait que son coéquipier, incapable de manifester ses sentiments – car Spock ressentait, de cela le médecin avait acquis la certitude au fil des années – utilisait, tout comme lui, des mots sans profondeur pour exprimer autre chose.
En l'occurrence, s'il ne se trompait pas, de la gratitude.