Et me revoilà, avec quelque chose de très différent cette fois-ci (bon je reste dans le Clexa tout de même.) Il s'agit de ma première fiction AU, j'espère que ça vous plaira.

Démenti : Les personnages de The100 ne m'appartiennent pas.

Chapitre 1 : I was nine.

J'avais neuf ans quand j'ai vu Clarke pour la première fois.

Elle se tenait dans la petite salle de classe du village où je vivais. Ses longs cheveux blonds ondulaient en tombant sur ses épaules, autour d'un visage d'ange. Elle portait une robe bleue, assortie à ses mocassins. Mais debout, à côté de la maitresse, ce sont ses yeux qui me captivèrent au premier abord.

Je n'avais jamais vu des yeux aussi bleus, aussi intrigants. Perdue dans ma contemplation, je n'avais rien écouté de ce que la maitresse avait dit pour présenter la nouvelle élève. C'est seulement quand Lincoln m'avait envoyé une boulette de papier que je revins à la réalité. Il était placé sous la fenêtre, à un peu plus d'un mètre de moi, juste assez loin pour qu'il soit hors de portée pour un contact physique.

- Hey Lexa ! Souffla-t-il discrètement pour ne pas se faire repérer.

Je lui répondis d'une grimace, agrémenté d'un sourire. On s'était connus quand j'avais emménagé. J'avais quitté un petit village à la campagne pour un autre, encore plus petit, à une dizaine de minutes en voiture du premier. Mais quand on a cinq ans, dix minutes en voiture ou dix mille kilomètres, c'est pareil. Et perdre tous ses amis et repères, ce n'est pas toujours facile.

Quatre ans plus tard, je me sentais encore comme la petite nouvelle parmi mes camarades de classe. Je ne m'étais jamais vraiment intégrée, était-ce parce qu'à l'époque, je me sentais déjà trop différente ? Bref, Lincoln était le mauvais garçon, toujours en train d'embêter les autres, de faire des bêtises, et évidemment, d'avoir de mauvais résultats en classe. Ses parents, divorcés, n'avaient que peu de temps à lui accorder, à lui et Anya, sa grande sœur, de quatre ans son aînée. Du coup, il trainait souvent dehors, bien plus longtemps que les autres. C'est lors de ces soirées à rallonges qu'on a appris à se connaitre, et à s'apprécier. C'était devenu mon meilleur ami.

J'espérais qu'au moins, lui, aurait suivi l'intervention de la maitresse, et serait capable de me faire le résumé à la récré. Pas que la traditionnelle présentation de la nouvelle me passionne plus que ça, mais c'était toujours bon d'avoir quelques informations sur les gens. Ça pouvait éviter des situations gênantes du genre, 'Et il fait quoi ton papa ?' quand ledit 'papa' s'était barré il y a des années en larguant femme et enfants.

Je reportais mon attention sur l'attraction du moment, comptant me replonger dans l'observation de ce bleu qui me fascinait tant, quand je fus surprise de trouver ces fameux yeux fixés sur ma personne. Un léger sourire vint se dessiner sur le visage de la petite blonde, et je sentis ma peau se mettre à chauffer sans en comprendre la raison. Je baissais bien vite les yeux, et me mis à crayonner sur mon cahier pour m'occuper.

Bien entendu, sur toutes les places disponibles dans la salle, elle choisit de se placer juste à côté de moi. Je me retrouvais donc bientôt entre Lincoln à ma gauche, qui me regardait d'un air suspicieux devant mon comportement étrange, et la nouvelle, Clarke, qui sortit ses crayons de couleur l'air nonchalant. Elle commença à dessiner, comme si la maitresse n'était pas en train de reprendre le fil de la leçon. Un raclement de gorge me sortit de nouveau de ma contemplation, et je me retournais vivement vers la maitresse qui se tenait à coté de mon bureau.

- Lexa Primheda ! M'interpella-t-elle l'air grave. Tu voudrais bien répondre à la question ?

Au vu de son expression, elle savait pertinemment que je n'avais rien écouté de ce qu'elle demandait, et cherchait juste à me mettre un peu dans l'embarras, pour qu'à l'avenir je sois plus attentive. J'aimais bien ma maitresse, elle était gentille et douce, et je m'appliquais généralement à lui plaire par mon sérieux. Chose qui m'attira plus d'une fois le surnom de 'chouchou de la maitresse', mais honnêtement, cela me laissait totalement indifférente. Au contraire, je tirais une certaine fierté qu'elle puisse me préférer aux autres élèves. Même si ce n'était probablement pas le cas.

Je promenais mon regard autour de moi, cherchant un indice sur la question qu'elle aurait pu poser. C'était des maths, déjà, là, j'assurais. Un énoncé au tableau, et Lincoln qui me mime quelque chose dans son dos. Un rapide calcul mental, et je me lance.

- Douze. Lui dis-je en lui adressant mon sourire le plus charmeur.

Je distinguais un demi-sourire se former sur ses lèvres, et un froncement de sourcil. Gagné ! Elle n'était pas dupe, mais j'avais sauvé la face. Ce n'est pas ma faute si j'ai toujours eu des facilités à l'école, même quand je n'écoutais pas toujours.

- Exactement. Finit-elle par lâcher avant de reporter son attention sur la classe entière, et continuer sa leçon.

Je me tournais vers Lincoln, le pouce en l'air pour le remercier, et pris mon cahier pour, cette fois, me concentrer sur ma tâche. Pour un peu j'en aurais presque oublié la nouvelle qui s'affairait toujours sur son cahier. Je guignais pour tenter d'apercevoir ce qu'elle dessinait depuis tout à l'heure, mais elle me surprit et m'adressa de nouveau un sourire tout en cachant subtilement de son bras son œuvre. Je piquais un fard, et me renfrognais tout en me concentrant cette fois ci pour de bon sur mes maths.

La cloche sonna, et je fus la première debout avec Lincoln. On échangea à peine un regard avant de filer prendre le ballon de basket dans les vestiaires, et d'investir la partie de la cour où trônait le panier.

On était pas nombreux à jouer, en fait, la plupart du temps, il n'y avait que nous deux. Ici, les garçons jouaient au foot, prenant comme cages les deux marronniers du fond de la cours, et les filles alternaient suivant les modes. Elastique, marelle, chat perché... Mais le basket, c'était notre truc à Lincoln et à moi.

Il me bouscula pour aller marquer son second panier de la récré, et quand je me retrouvais sur les fesses, je m'aperçus que Clarke était assise contre le mur, son cahier à dessin sur les genoux. Elle était plongée dans son monde, et une drôle de mimique s'affichait sur son joli visage. Cette fois ci, ce fut à mon tour de sourire.

Le ballon atterrit bruyamment à mes côtés, et je levais une main pour ne pas me le prendre dans la figure. Mais Lincoln le rattrapa aisément. Evidemment, c'est lui qui venait de le faire rebondir pour me faire réagir.

- Dit, commença-t-il, si tu veux, tu peux aller lui parler.

Mon cœur s'emballa à cette idée. Je n'étais pas de celles qui vont parler aux nouveaux, d'ailleurs, les nouveaux ne m'intéressaient généralement pas. Il y avait 'la clique' pour ça, cette bande de filles qui se connaissaient depuis le jardin d'enfant, et qui étaient toutes 'meilleures amies '. Elles se faisaient un plaisir d'alpaguer les nouvelles, et de leur raconter tous les potins du village. De vraies mégères. Non j'exagère, c'était simplement des filles, et la plupart étaient mes amies. Enfin, quand on est à peine trente dans une école, toutes sections confondues, et qu'on a déjà fait le tri par l'âge, parce que décemment, non, à neuf ans (presque dix), on ne peut pas être amis avec un petit de six ans. Et bien tous nos camarades de classe sont nos 'amis'. Aujourd'hui, avec le recul, le seul que je considère comme ayant été réellement mon ami à cette époque, c'est Lincoln.

Il me tendit un bras pour m'aider à me relever, bras que j'attrapais fermement alors que je le laissais faire tout le boulot pour me redresser. Il n'était pas encore très grand, mais il était déjà costaud.

- Pourquoi j'irais lui parler ? Je lui demandais, tentant de cacher mon trouble.

- Ben, parce que c'est au moins la troisième fois que je te vois la regarder. Me dit-il le plus simplement du monde, sans aucuns sous-entendus, sans jugement, c'était juste un constat. Et alors que je fronçais les sourcils pour réfléchir à ce qu'il venait de dire, j'entendis un brouhaha au fond de la cours. De toute façon, c'était trop tard, 'la clique ' venait de rejoindre sa cible, et Clarke était tout à coup noyée sous une demi-douzaine de fillettes qui parlaient toutes en même temps.

- D'ailleurs, puisque c'est toi qui amène le sujet. Dis-je en me retournant vers mon ami. C'est quoi son histoire ? J'ai rien suivi de ce qu'a dit la maitresse...

Lincoln me fit un sourire resplendissant, et balança le ballon par-dessus son épaule. Panier. Il m'énervait quand il réussissait des trucs pareils ! Lui c'est sûr, au collège, toutes les filles allaient lui tomber dans les bras. Il m'entraina un peu plus loin, récupérant le ballon au passage. On s'installa sur le muret duquel sortait un grillage de plus de trois mètres de hauteur.

Derrière ce grillage, qui délimitait la cour et la propriété de l'école, on trouvait des champs de patates. Enfin, cette année-là. L'année précédente c'était du maïs. Personnellement, je préférais les champs de maïs, même si culinairement parlant, je préférais la patate. Vous avez déjà essayé de faire un cache-cache dans un champ de patate vous ?

C'est sur ce mur, que j'ai entendu pour la première fois l'histoire de Clarke. Elle débarquait dans notre joli village au mois de juin, car son père, militaire de carrière, venait d'être muté dans une grande ville assez proche. Elle vivait donc avec son père et sa mère, qui elle, était chirurgienne, et n'avait pas de frère et sœur. Ils avaient vécu aux USA, c'est là qu'elle était née, puis quelques années au Japon avant de revenir en France, d'abord à Toulouse, puis ici.

J'écarquillais les yeux, USA, Japon, Toulouse ? Pour finir dans ce village insignifiant de l'est de la France ? Bon okay, la frontière avec la Suisse, et la proximité de la mégalopole qu'était Genève pouvait expliquer l'attrait pour cette région. De plus, c'était vraiment une magnifique région. Montagnes, lacs, nature...une des plus belles régions de France (si si, je suis objective.) Par jour de beau temps, je pouvais même apercevoir le Mont Blanc de ma terrasse.

Le sifflet retentit, annonçant la fin de la récréation. On se leva comme une seule personne avec Lincoln, avant de rentrer en classe en trainant les pieds. Encore deux heures de torture, et ce serait le week-end. Cette semaine, la maitresse avait gardé le meilleur pour la fin, le français...autant j'aimais lire, autant la grammaire et la conjugaison n'avaient, et n'ont jamais été mon truc. La perspective n'était donc pas réjouissante pour terminer cette semaine. Mais la présence intrigante de la nouvelle me fit bientôt oublier mon aversion du français, et je me perdais dans l'observation attentive du moindre détail que j'aurais pu relier avec son pays d'origine, ou d'adoption.

Je décidais que cette trousse avec ces personnages mignons venait du Japon, et que sa veste Lewis sortait tout droit de la chaîne de fabrication de la célèbre marque. J'arrivais à me concentrer assez pour ne pas me faire remarquer de nouveau par la maitresse. Une nouvelle interrogation surprise aurait certainement raison de moi dans cette matière. Mais Lincoln ne fut pas aussi facile à duper. Il avait déjà remarqué l'intérêt que je portais à Clarke, et me jeta quelques regards en coin, l'air de dire 'mais qu'est-ce que tu fous ?'.

La journée se termina enfin, et tout le monde se leva pour rentrer chez eux. Certains avaient leurs parents, qui venaient les chercher à la sortie. Mais Lincoln et moi, on partait à pieds tous les soirs, en faisant un crochet par la maternelle de l'autre côté de la route, afin de récupérer mon petit frère, Aden, de cinq ans mon cadet.

On s'arrêtait ensuite chez Lincoln, et on prenait généralement le gouter dans notre cabane en attendant qu'Anya ne rentre du collège. Leur père arrivait toujours bien plus tard, j'étais partie la plupart du temps, même s'il nous arrivait rarement d'être à la maison avant dix-neuf heures avec Aden.

Maman aussi travaillait tard. Depuis que papa était parti, elle enchainait deux travails, et malgré mon jeune âge, je savais qu'elle comptait sur moi pour m'occuper d'Aden. C'est à sa naissance que papa était parti. J'avais cinq ans à l'époque, alors je ne me souviens pas vraiment les raisons de leurs disputes. Je me souviens juste qu'elles étaient apparues subitement, et provoquaient de violentes altercations. Et puis un jour, il était parti. Maman nous avait fait déménager à peine une semaine après, et nous n'avions plus jamais eu de nouvelles.

Alors, prenant à cœur mes responsabilités de grande sœur, je m'appliquais à baigner mon frère en rentrant, à le nourrir des plats que préparait ma mère entre ses deux jobs, et à le mettre au lit, jamais après neuf heures. Pour ma part, je veillais toujours jusqu'à entendre le cliquetis des clés dans la serrure, et je m'endormais au son de ma mère, s'affairant dans la cuisine, dans la salle de bain, et dans le salon. Je dormais déjà, quand enfin elle passait nous embrasser, en tentant de ne pas déranger notre sommeil.

Ce soir-là, on était vendredi, maman travaillait tard au restaurant, mais Anya était déjà là quand, avec Lincoln et Aden, nous avons franchi la porte de leur maison.

- Salut les gnomes. Nous lança-t-elle depuis le canapé où elle était affalée, jouant à la Playstation.

Un tirage de langue dans les règles lui répondit alors qu'on jetait nos cartables dans un coin, et qu'on se précipitait dans l'arbre où Lincoln et moi, avions construit notre cabane.

C'était un vrai petit bijou, et beaucoup à l'école nous l'enviaient. On pouvait l'apercevoir depuis la route principale, mais personne n'osait y grimper sans notre autorisation. Lincoln pouvait vraiment faire peur parfois. Sans parler d'Anya...

Les planches clouées sur le tronc servaient d'échelle, et une palette en constituait le sol. Les murs étaient en contreplaqué, Lincoln y avait même percé des fenêtres, et le toit était en tôle. Et le petit coffre où l'on stockait tous nos trésors venait tout droit de la déchetterie, leur père l'avait récupéré et rafistolé avec soin.

J'étais encore une fois, et comme la plupart du temps, la première en haut. Et avec Aden, on partagea nos friandises avec Lincoln, qui n'avait pas souvent la chance d'en manger. C'est à ce moment-là que celui-ci attira mon attention sur la route. Et j'aperçu Clarke qui marchait à côté d'une femme brune qui semblait être sa mère. J'écarquillais les yeux en remarquant la direction qu'elles prenaient. Au bout de cette route, seulement trois maisons se trouvaient. La ferme des Morley, l'ancienne maison des Harmons, et la nôtre.

Je descendis en trombe de l'arbre. En vérité, je sautais presque tous les échelons d'un seul coup, et manquait de me tordre la cheville en me réceptionnant. J'accélérais jusqu'au tournant, là où j'avais vue sur les maisons. Le doute n'était plus permis. Clarke serait ma nouvelle voisine à partir de ce jour.

Xxx

Maman avait prévu d'être à la maison ce week-end là, mais malheureusement pour Aden et moi, elle acceptait souvent de faire des extras pour arrondir les fins de mois. Je me renfrognais quand elle nous l'annonçait le samedi matin au petit déjeuner. Elle partit donc en fin de matinée, nous laissant seuls dans cette grande maison.

On avait passé une partie de la journée l'intérieur, à s'occuper comme on pouvait. Vers quinze heures, sachant qu'elle avait une pause, j'en profitais pour lui passer un coup de fil, pour la prévenir qu'on passerait le reste du week-end chez Lincoln.

On fit rapidement un petit sac, juste de quoi passer la nuit, et on fila chez mon ami. Son père, bien qu'à la maison, ne serait sans doute pas plus présent que ma mère, mais au moins on serait ensembles, Anya, Aden, Lincoln et moi. On était presque devenus une famille à nous quatre, c'est probablement grâce aux uns et aux autres, en se soutenant mutuellement, qu'on est arrivés à ne pas trop mal tourner en grandissant.

Ce dimanche, on avait laissé Anya et Aden devant un Disney. Leur passion pour la petite sirène tournait au ridicule parfois. Pas question de gâcher une si belle journée devant la télé. Avec Lincoln, on était montés vers chez moi avec nos vélos. La route débutant au panneau du village était une grande ligne droite, et si elle tournait assez sévèrement juste avant l'ancien lavoir, cela ne nous empêchait pas de faire la course l'un contre l'autre, sans se soucier qu'un éventuel véhicule ne débouche de l'autre côté. Inconscience de l'enfance...Parfois, quand on se remémore toutes les conneries qu'on a faites un jour, on se dit qu'on est chanceux d'être encore en vie. Ce jour-là, ce ne fut pas une voiture qui nous surprit au lavoir.

Le bassin de pierre devait faire six mètres de long, pour deux ou trois de large. Eternellement à sec, son ancien abri offrait un parfait terrain de jeu aux gamins du village. Ces trois murs, et son toit en béton n'avaient aucun charme, des tags enfantins le décoraient de toute part.

On arrivait à toute blinde sur nos vélos, et Lincoln s'arrêta dans un dérapage juste après notre ligne d'arrivée. Il allait commencer à me narguer, quand on a entendu les voix. Ce n'était pas dans nos habitudes de nous mêler aux autres, mais quelque chose dans le ton ne nous plaisait pas.

J'avoue avoir vu rouge dès que j'ai découvert la scène, alors que j'ignorais tout de ce qu'il se passait. Clarke était acculée dans un coin, et deux garçons du village lui bloquaient le passage. Le rire qui leur échappait n'avait rien d'amical, et Clarke semblait passablement contrariée. Aucune larme ne coulait sur ses joues, mais ses yeux rougis prouvaient qu'elle les retenait pour ne pas donner satisfaction à ses tortionnaires.

Arnaud et David n'étaient pas de mauvais bougres en soi, mais ils s'influençaient l'un l'autre, se tirant vers le bas en redoublant de bêtise. J'imaginais sans mal le genre de provocation qu'ils avaient inventée, se moquant de Clarke à cause de ses origines, de son accent, ou encore de ses vêtements. Elle portait une robe blanche décorée de dentelle, le genre qu'on porte pour aller à l'église le dimanche matin. Mais en ce début d'après-midi, tout le monde revêtait en général de vieux trucs pour aller crapahuter dans les champs, la forêt, ou encore dans le grenier à foin de la ferme des Morley.

Pour ma part, elle pouvait bien porter ce qu'elle voulait, surtout quand ça la faisait ressembler à un ange. Si je n'avais pas été aussi en colère, je me serais probablement encore une fois perdue dans sa contemplation. Au lieu de ça, je sautais en bas de ma bicyclette, et fonçait dans le tas. Je savais que Lincoln serait sur mes talons. On avait rarement eu de problème avec les autres, mais les rares fois où c'était arrivé, c'était plutôt Lincoln qui prenait les devants, sachant que je couvrais ses arrières.

D'un violent coup d'épaule, je bousculais les deux garçons qui perdirent l'équilibre, et se retrouvèrent les fesses par terre, pataugeant dans la confusion. Un sourire narquois se dessina sur mes lèvres alors que je posais mes poings sur mes hanches par défi. La présence de Lincoln derrière moi me donnait encore plus de confiance en moi, mais je savais que même seule, je n'aurais pas agi autrement ce jour-là.

- Alors les gars ? Deux contre un, ce n'est pas fairplay... Je les taquinais tandis qu'ils se relevaient en se frottant les fesses pour l'un, l'épaule pour l'autre, tout en me fusillant du regard. J'y étais peut-être allé un peu fort, mon épaule chauffait un peu également.

Ils se regardèrent avant de me tirer la langue, et de s'enfuir comme les lâches qu'ils étaient. Je ramassais à la hâte un caillou, et tout en prenant soin de ne pas viser haut, le lançait de toute mes forces, afin qu'il ricoche sur le bitume, et leur fiche la frousse.

L'accélération de leur course me confirma que le but était atteint, et je me retournais enfin vers Lincoln, qui me regardait plein de fierté, et Clarke, qui s'était placée à ses côtés et me souriait de toutes ses dents.

Je sentis mes joues se mettre à rosirent instantanément en découvrant son sourire, et cela ne s'arrangea pas quand elle s'approcha en deux rapides foulées, et me sautait au coup. Ses petits bras passèrent derrière ma nuque, et je faillis tomber à la renverse en la réceptionnant tant bien que mal.

Lincoln partit dans un fou rire en voyant mon expression effarée, et Clarke me relâcha bientôt pour remettre de la distance entre nous. Je ne savais plus où me mettre, et restais les bras ballants, fixant la petite blonde au visage angélique qui me souriait de plus belle.

Le rire de Lincoln s'arrêta quand on entendit le bruit d'une voiture, et on s'empressa d'aller retirer nos vélos de la chaussée, avant de revenir auprès de Clarke. Le gros 4x4 s'arrêta à notre hauteur, et la vitre passager s'abaissa et l'on aperçut un homme blond, un sourire jusqu'aux oreilles. Ce même sourire que je venais de découvrir sur le visage de Clarke.

- Hey Clarke ! On t'a cherchée partout. Il est temps d'y aller princesse. Bonjour les enfants !

La petite blonde se tourna rapidement vers moi.

- Merci Lexa. Et se pencha pour déposer un baiser sur ma joue. Elle adressa un dernier sourire à Lincoln et un signe de la main, puis s'engouffra par la portière du véhicule avant que celui-ci ne redémarre.

Ça avait été rapide comme l'éclair, aussi léger que si un papillon s'était déposé sur ma joue. Mais mon visage avait maintenant la teinte d'une tomate bien mûre, et Lincoln riait de plus belle devant mon évident malaise. Il savait que je n'étais pas vraiment tactile, les câlins et les bisous, très peu pour moi. Et donc, il devina aisément comment je pouvais me sentir après la double intrusion de cette presque inconnue.

Je lui lançais un regard noir afin de le faire taire, ce qui eut comme effet de le faire replonger. S'il ne s'arrêtait pas bientôt, j'allais finir par lui botter les fesses.

- La ferme Link! J'explosais alors qu'il ne se calmait pas du tout.

- Hey du calme Lex. Ce n'est pas tous les jours qu'on assiste au sauvetage d'une 'princesse' par son prince charmant.

Je fronçais les sourcils devant son commentaire, me repassant la scène dans la tête. Et puis finalement un sourire se dessina sur mes lèvres, et je le rejoignis dans son rire. On était rentrés, pas longtemps après, toutes ces émotions nous avaient donné faim. Et c'est donc devant Robin des bois que nous prîmes notre gouter, après avoir rejoint Anya et Aden.

Le lundi matin, en arrivant à l'école avec Lincoln, je repérais Clarke de dos alors qu'elle discutait avec ce qui semblait être ses nouvelles amies, ces filles avec qui je n'avais vraiment rien en commun. Je me souviens avoir été un peu déçue à cet instant, comprenant qu'elle serait sans doute comme les autres, et j'allais détourner mon regard quand elle se retourna.

Ses yeux, vraiment, ils étaient incroyables. Et son sourire, celui qu'elle faisait à cet instant, juste pour moi...adorable. Elle agita légèrement sa main pour me saluer, attendant sans doute une quelconque réaction de ma part. Mais alors que rien ne venait, et que je continuais à la fixer d'un air bizarre, Lincoln me poussa légèrement, et rendit son salut à Clarke de loin, avant de m'entrainer dans la classe. La cloche venait de sonner, et je n'avais rien remarqué.

Xxx

Ce ne fut que quelques semaines plus tard que j'appris à vraiment connaitre Clarke. L'école était finie, et ma mère, comme elle le faisait tout le temps, avait invité tous mes camarades de classe pour mon anniversaire.

J'avais fait un peu la tête quand elle me l'avait annoncé, Lincoln m'ayant promis une partie de pêche pour ce jour-là. Mais à la voir si déçue, j'acceptais finalement de faire bonne figure pendant cette journée qui ne m'intéressait pas vraiment. C'était également un des rares moments où ma mère pouvait fréquenter d'autres adultes, autres que ses collègues de travail. Alors on décida avec Lincoln de prolonger la journée par une veillée, pour avoir notre moment à nous.

La sonnette retentit une nouvelle fois, le jardin était décoré de ballons de baudruche, et de guirlandes criardes qui souhaitaient un joyeux anniversaire pour mes dix ans. Je me dirigeais pour la énième fois de la journée vers la porte d'entrée pour accueillir 'mes' invités. L'ennuie me submergeait déjà, et je n'avais qu'une hâte, c'était de m'éclipser avec Lincoln dès qu'il serait politiquement correct de le faire.

Mais la journée allait subitement prendre une autre tournure. La porte s'ouvrit sur la vision de Clarke, tenant un petit paquet entre ses mains, entourée de ses parents.

Comme à chaque fois, je me figeais devant elle, incapable de détourner les yeux, ou de prononcer un mot. Ce fut son père qui rompit l'étrange malaise qui m'avait envahie. Elle m'intimidait tellement.

- Bonjour Lexa. Me dit-il poliment, alors que je me reculais enfin pour les laisser entrer.

- Bonjour Becca, ajouta-t-il en regardant derrière mon dos.

Ma mère trouva le moment opportun pour débarquer, et salua Jake et Abby Griffin avec chaleur. C'est à ce moment que je réalisais qu'elle les connaissait mieux que ce que je pensais. Clarke n'avait toujours pas bougé, et restait plantée sur le pas de la porte. Je reportais mon attention sur elle, et elle me tendit un petit paquet emballé dans du papier cadeau.

- Bon anniversaire Lexa. Elle prononçait mon prénom d'une façon qui me perturbait, et le sourire qui accompagna sa phrase m'enfonça un peu plus dans mon trouble. Je saisis machinalement l'objet qu'elle me tendit. Elle regarda alors ses pieds, se dandinant de l'un à l'autre, soudain mal à l'aise. Puis je réalisais que mon comportement plus qu'étrange y était surement pour quelque chose, alors je me secouais mentalement. Et lui sourit.

- Merci. Rentre je t'en prie. Le soulagement qui envahit immédiatement ses yeux me fit un plaisir immense, et je tournais mon attention vers le cadeau qu'elle m'avait remis.

- Tu peux l'ouvrir maintenant si tu veux. Me taquina-t-elle en remarquant mon air curieux.

Je lui souris de plus belle, et m'empressait de déchirer le papier.

C'était un livre, Jake London, L'appel de la forêt. Pas une lecture pour quelqu'un de mon âge à première vue, mais je me souviens avoir trainé ce bouquin, le lisant et le relisant pendant des années, jusqu'à ce que la couverture ne tienne plus que grâce à quelques bouts de scotch que je m'étais appliquée à poser. J'ai sus quelques années plus tard, que Clarke avait choisi ce livre uniquement pour son titre, elle avait dit que ça lui avait fait penser à moi, à cause de mes yeux.

Je la remerciais rapidement, et lui montrait le chemin du jardin, où se tenait l'ensemble de notre classe, occupée à jouer au ballon, manger du gâteau et boire du soda. Nos parents étaient maintenant en pleine conversation, un verre de vin à la main. Je souriais en voyant ma mère s'amuser enfin, c'était rare. Et Jake et Abby avaient l'air de profiter de leur après-midi également. Lincoln nous rejoignit rapidement quand il nous aperçut.

- Hey les filles... Lança-t-il pour attirer notre attention.

Il me fit un pauvre sourire, sachant à quel point je détestais l'ambiance de cette fête. C'est alors que Clarke me surpris en se tournant vers moi.

- On se croirait dans la cours de récré.

Et c'était vrai, les mêmes visages, les mêmes jeux...le gâteau en plus. Ennuyeux à mourir. Devant ma mine dépitée, elle continua.

- Je suis sûre que vous avez une idée de comment on pourrait s'amuser ici ?

Elle balaya son regard sur Lincoln, puis moi, et on se regarda un peu interloqués.

-Ben, en fait, on avait prévu une partie de pêche aujourd'hui.

J'admettais en me grattant la tête, un peu gênée d'avouer que je n'avais aucune intention d'inviter toute ces personnes pour fêter mon anniversaire.

- A quel moment crois-tu qu'on puisse se défiler ? Après que tu ais ouvert tes cadeaux ? Demanda Clarke, me surprenant encore plus.

Je la dévisageais, pour savoir si elle était sérieuse. Elle venait vraiment de proposer que je m'échappe de mon propre anniversaire pour aller faire une partie de pêche ? Et au passage, elle venait de s'inviter. Pour une fois, elle avait troqué ses habituelles robes et jupes contre un pantacourt gris clair, et un chemisier bleu ciel. Couleur qui se mariait parfaitement à ses yeux. Un regard vers Lincoln, qui se contenta de hausser les épaules, et je pris ma décision.

- En fait, j'ai déjà ouvert au fur et à mesure...donc techniquement...

Mes yeux allèrent se poser sur ma mère. Si je partais sans l'avertir, j'allais déclencher la troisième guerre mondiale. Et puis avec Lincoln on avait prévu de rester tard au terrain, pour se griller quelques marshmallows au feu de bois.

Sans prévenir, j'attrapais la main de Clarke, et l'entrainait avec moi vers nos parents. A mon grand étonnement, elle se laissa faire sans broncher, affichant même un grand sourire.

- Maman, avec Lincoln on aimerait bien montrer la rivière à Clarke. On risque de rentrer un peu tard. C'est okay pour toi ?

Ma mère interrompit sa conversation, et me dévisagea. Quitter sa fête d'anniversaire au milieu, non vraiment ça ne se faisait pas. Mais elle n'était pas dupe, et savais que j'avais fait des efforts pour elle, et pour les apparences. Si elle voulait vraiment que je passe une bonne journée, il fallait qu'elle laisse couler, maintenant. Elle hocha la tête, et se tourna même vers Abby qui regardait avec étonnement sa fille.

- Ils vont à la rivière, et nous avons un petit bout de terrain où les enfants aiment bien trainer le soir pour faire des feux de camp. C'est tout près, je vous emmènerais après si vous voulez.

Elle était d'accord, et mieux encore, elle essayait de persuader les parents de Clarke de la laisser rester avec nous. Je me tournais de concert avec elle vers sa mère, et on affichait nos plus beaux sourires d'anges.

- S'il te plaiiiiiiiiit.

On l'avait dit en même temps, et on se regardait brièvement en pouffant légèrement. La femme brune fit de gros yeux, avant de les lever au ciel.

- Bien, Becca nous montreras tout à l'heure, mais rentre avant le coucher du soleil jeune fille ! Dit-elle à l'attention de sa fille.

- Et pas de bêtises. Nous cria-t-elle encore alors que nous nous enfuyions du jardin en courant, récupérant Lincoln au passage.

On rejoignit, sur la route, la même ligne droite qui nous servait de circuit de course lors de nos affrontements à vélos. Il y avait un peu moins de 500 mètres jusqu'au terrain, là où le voisin gardait tout son matériel de jardinage, contre un petit loyer qu'il payait à ma mère. La partie herbeuse servait de pâturage au même voisin pour ses moutons quand ceux-ci avait besoin d'un peu d'herbe fraiche.

Lincoln portait un sac, que je savais rempli de sucrerie qu'il avait pris soin de chaparder avant de quitter la fête. Après tout, c'était mon anniversaire, c'était mon droit de profiter aussi des bonbons et gâteaux. Assoiffée, je lui confisquais une bouteille de jus, alors qu'il s'empiffrait d'un cupcake qui avait l'air délicieux. Il faisait vraiment chaud.

Une fois sur le bitume, et le panneau du village dépassé, Clarke rompit le silence qui s'était installé.

- Alors, vous sortez ensemble depuis quand ? Demanda-t-elle nonchalamment.

Je recrachai brutalement la gorgé de jus de pomme que j'étais en train de boire, alors que Lincoln devint blanc comme un linge, la bouche fermée et les joues pleines de gâteaux qui lui donnaient un air de hamster. Un fou rire me pris en découvrant sa tête, et Clarke me regarda d'un air suspect. Je lui expliquai alors, tentant de reprendre mon sérieux.

- Lincoln et moi, on n'est pas amoureux.

La petite blonde rougit légèrement, et marmonna un mot d'excuse, tandis que Lincoln reprenait peu à peu des couleurs, et sa mastication.

- Pardon. J'ai pensé...vu que vous êtes toujours ensembles et tout.

- Nope. Dit simplement Lincoln qui retrouvait l'usage de la parole.

- Aucune chance.

Je lui lançais un sourire complice auquel il répondit d'un coup de poing sur l'épaule.

- Ouch.

Je fis en me frottant le bras. Puis je me tournai à nouveau vers Clarke.

- Lincoln et moi, on se connait depuis que je suis arrivée. On avait cinq ans à peine. On a passé beaucoup de temps ensemble depuis. Lui et sa grande sœur, Anya, c'est un peu comme ma famille.

Je me surprenais moi-même à raconter tout ça à Clarke aussi naturellement, mais après tout, ce n'était pas un secret. Lincoln acquiesça sans un mot. Pour ne pas changer, ce n'était pas vraiment un bavard.

Sur cette conversation surréaliste, on arriva devant le cabanon qui servait à abriter le matériel du voisin. Lincoln le contourna rapidement, et tira sur la chaine qui ornait son cou. Une petite clé y pendait. Il s'en saisit et ouvrit rapidement le coffre métallique caché derrière l'abri.

Clarke jeta un œil, curieuse de découvrir ce qui se cachait dans ce coffre secret. Elle aperçut Lincoln en sortir un sac de randonnée, et deux étuis en cuir contenant tous deux des couteaux.

Il m'en tendit un, et attacha le sien à sa ceinture avant de fourrer le paquet qu'il portait depuis la maison dans le sac de randonnée, et le boucler sur son dos.

Si le couteau de Lincoln était plutôt banal, un style de l'armée, avec quelques dents de scie sur le dos de la lame, le mien avait bien plus de caractère. Je l'avais récupéré dans le grenier, parmi les affaires de mon père. La lame était en acier de Damas, les courbes foncées racontant son histoire. Le manche en bois et cuir marron foncé, était parsemé de clous dorés. Il s'agissait plus d'une dague que d'un couteau, mais c'était le seul souvenir valable que j'avais de mon père, je le portais donc à chacune de nos sorties forestières.

Je débouclais rapidement ma ceinture pour y passer la boucle de l'étui, et la resserrait aussi vite. En relevant les yeux, je surpris le regard de Clarke qui ne me quittait pas. Mes yeux se retrouvèrent à nouveaux emprisonnés des siens, et ce fut Lincoln qui me sortit encore une fois de mon absence.

- On fait la course les filles ?

Il était déjà à l'orée du champ de maïs. On avait coutume de le traverser en courant, la rivière se trouvant en contrebas. D'un coup d'œil, j'obtins le consentement de Clarke, et on rejoignit Lincoln, prêt au départ.

- Trois, deux, un, partez ! Cria-t-il en détalant aussi vite que d'habitude.

J'ai sus immédiatement que je ne gagnerai pas cette fois. Pas parce que Lincoln était plus en forme, mais parce que je me retournais régulièrement pour apercevoir Clarke, ne voulant pas qu'elle se perde dans cet immensité jaune. J'accélérai de nouveau à chaque fois que je la repérais à quelques épis de moi. Je franchis enfin la ligne d'arrivée, manquant de rentrer dans Lincoln qui m'attendait les bras croisés, les sourcils froncés.

- Quoi ? Je lui lançai à peine essoufflée, sachant très bien pourquoi il me dévisageait de la sorte.

Généralement, je gagnais cette course, avec ou sans le sac sur le dos. Clarke déboula à ce moment précis, les cheveux en bataille, elle posa les mains sur ses genoux pour reprendre sa respiration, et éclata de rire. Lincoln commença à rire également et je les rejoignis dans leur fou rire un instant plus tard.

Nous fîmes le reste du chemin en marchant, comparant nos blessures de guerre, les feuilles du maïs n'ayant épargné ni nos bras, ni nos jambes de leurs égratignures. Clarke en avait une un peu plus profonde sur le mollet, une qui laisserait une cicatrice si elle n'y prenait pas garde.

- Ouah ! S'exclama Clarke en découvrant enfin la rivière.

On débouchait sur la cascade. Un petit dénivelé d'à peine deux mètre qui tombait dans un grand bassin creusé par le temps. Une grande pierre plate la surplombait, et c'est de là qu'on se jetait à l'eau par les chaudes journées d'été.

Mais on n'avait pas prévu de se baigner, alors on a descendu un peu la rivière, et on s'est arrêtés en contrebas, là où les truites et les écrevisses se faufilaient entre les rochers.

Lincoln se débarrassa du sac en le laissant sur la berge, et remonta un peu son short avant de s'avancer dans l'eau. Habituellement, on n'hésitait pas à se mettre en sous-vêtements pour ne pas tremper nos vêtements, mais on n'était plus seuls. Sans hésiter un instant, je sautai sur le premier rocher, et me positionnait, prêtes à attraper mon quota de poisson. J'étais devenue vraiment douée avec le temps.

- Vous n'avez pas de cannes à pêche ?

Clarke s'était assise sur la berge, et après avoir retiré ses chaussures, elle plongea ses pieds dans l'eau. Lincoln lui lança un sourire resplendissant, mais ne répondit pas.

- On préfère pécher à la main.

Je lui répondis alors que je repérai ma première proie, et plongeai mon bras dans l'eau. La patience et l'immobilité était les maîtres mots, et je ralentis ma respiration pour parvenir à ne plus bouger du tout.

- C'est pas possible. Affirma-t-elle.

- Alors Clarke ? Tu nous racontes ? Lança Lincoln qui tentait une différente approche avec son couteau.

Il n'y arrivait jamais. Mais tentait à chaque fois.

- Raconter quoi ?

- Ben, ta vie là-bas ? L'Amérique, le Japon, Toulouse...j'en oublie ?

Je tournais légèrement les yeux vers elle, et de nouveau, un sourire éclairait son visage. Je ne me souvenais pas l'avoir jamais vue aussi heureuse et détendue. Mon cœur se réchauffa à cette pensée, et je retournai à ma pêche tandis qu'elle commençait à parler.

- Et bien, je suis née en Amérique, mais je ne me souviens pas ma vie là-bas, j'étais trop petite. Le Japon par contre...c'est là que j'ai la majorité de mes souvenirs. On y a emménagé quand j'avais 3 ans, et je ne suis arrivée à Toulouse ... hey !

Elle s'interrompit dans un cri, se penchant de justesse pour éviter le poisson qui lui arrivait droit dessus. Il s'écrasa sur la rive, un peu plus loin, alors que je riais de ma blague. Un regard offusqué se posa sur moi, et Clarke croisa les bras avec un air de défi.

- Alors, c'est pas possible ? Je la provoquai.

Lincoln me déstabilisa légèrement en passant devant moi, sortant de l'eau pour aller récupérer mon poisson. Je savais déjà ce qu'il s'apprêtait à faire. Il ne supportait pas quand je ne les tuais pas de suite, et n'avait jamais laissé une seule de mes prises s'étouffer à l'air.

Clarke le suivi du regard, et pris un air de plus en plus surprise à mesure qu'elle suivait le moindre de ses mouvements.

Il attrapa la truite et le plaça sur une pierre, puis, d'un seul geste, lui coupa la tête avec l'aide de son couteau. Puis il l'ouvrit et la vida, avant de rejoindre la rivière pour la nettoyer. On aurait dit qu'il avait fait ça toute sa vie. C'est vrai qu'on passait beaucoup de temps à trainer dehors, mais son père lui avait appris beaucoup sur la chasse et la pêche. Enfin, avant que sa mère ne le quitte, et qu'il ne s'enferme dans le travail et la boisson, négligeant ses enfants.

Quand il eut fini, il vint s'installer aux cotés de Clarke, et plongea à son tour les pieds dans la rivière, reprenant le cours de la conversation. Un léger malaise se fit sentir devant l'image de mon meilleur ami aussi proche de la blonde. Mais je chassai l'impression en secouant la tête, et me remis à l'affut d'une nouvelle proie, tout en écoutant Clarke raconter sa petite enfance dans ce pays fascinant.

Malheureusement, l'intérêt que je portais à la conversation, et mes incessants regards vers mes amis ne me permirent pas d'attraper quoi que ce soit d'autre ce jour-là. Je pestais un peu en remettant mes chaussures, quand Lincoln entoura ses bras autour de mon corps pour me soulever légèrement du sol.

- Quand on pêche, on ne parle pas, grincheuse !

Puis il me reposa doucement avant de me donner une bourrade amicale. Je retrouvai mon sourire, et nous prîmes tout trois le chemin du retour.

On n'avait pas pris le même chemin, mais Clarke reconnut tout de suite l'étendue d'herbe et la petite cabane qui composait notre terrain. Elle s'avançait en direction de la route quand elle s'aperçut que personne ne la suivait.

- Qu'est-ce que vous faites ? Demanda-t-elle en se retournant.

Lincoln avait ouvert son sac, et s'affairait déjà à allumer un feu juste à la lisière du bois qu'on venait de quitter. Celui-ci bornait le terrain sur deux côtés, face au champ de maïs. La route constituait la dernière frontière, mais une grande butte et quelques arbres empêchaient la vue depuis celle-ci, et limitait le bruit des rares voitures qui passaient, de nous atteindre dans notre petit havre de paix.

- On va ramasser du bois ? Demandais-je à Clarke. On aurait pu la raccompagner, c'était à cinq minutes. On aurait pu passer cette soirée tous les deux avec Lincoln, comme prévu. Mais pourtant, sans qu'on se concerte, il était évident pour lui comme pour moi que Clarke passerait la soirée avec nous.

C'est comme ça qu'on a terminé la journée, une fois ma maigre prise engloutie, on avait fait griller des marshmallow, et on avait joué à celui qui pourrait mettre le plus de Smarties dans sa bouche (C'était définitivement Lincoln qui nous surpassait quand il s'agissait de bouffe.)

Clarke m'a raconté plus tard que son père était venu la chercher, mais en la voyant s'amuser, il était rentré chez lui, promettant à sa femme qu'il y retournerait si elle ne rentrait pas avant la tombée de la nuit. Ce qui, un 20 Juillet, n'arrive pas avant dix heures du soir. Mais on était rentrés à temps.

Et c'est aussi comme ça qu'a commencé notre amitié. On ne devait plus se séparer de l'été, comme les trois mousquetaires. Lincoln, Clarke et moi. Et à la rentrée, les choses ont continué, on a partagé notre cabane, nos après-midis télé avec Aden et Anya, nos secrets et nos astuces.

En peu de temps, Clarke était devenue aussi proche de Lincoln et de moi, qu'on l'était l'un de l'autre. Juste comme ça, naturellement. Ça a duré encore deux ans, deux ans d'insouciance, deux ans d'enfance.

J'avais douze ans quand mon monde c'est écroulé.