Star Trek, Les vagues du temps.

2298. Date Stellaire 1 0000.2 :

Une alarme retentit dans tout le vaisseau.

_À vos postes de combat ! Armez les phaseurs ! Torpilles à photons ? hurla Kirk pour couvrir le bruit de la sirène.

_Capitaine, nous ne savons pas quelles sont leurs intentions, et nous ne pouvons pas identifier leur vaisseau, ne serait-il pas plus prudent de négocier ?

_Prudent ? Allons Spock, vous savez comme moi que si nous ne réagissons pas rapidement, ils pourraient nous détruire.

_C'est exact, capitaine. Je ne faisais que souligner un point de procédure.

_Et ces torpilles à photons ?

_Torpilles un à six, parées, capitaine ! répondit Chekov avec un accent russe rocailleux.

_Amenez-nous plus près de cette planète, mademoiselle Sulu.

_Oui, capitaine.

L'Enterprise NCC 1701 B, classe Excelsior, fit un virage serré à tribord pour se rapprocher d'une planète aux teintes majoritairement bleutées.

_Vous avez l'air inquiet Monsieur Spock, s'enquit Kirk d'une voix plus douce car l'alarme venait de s'éteindre.

_C'est que notre cargaison n'est pas… ordinaire. Et ce vaisseau inconnu ne me dit rien qui vaille.

_C'est juste, mais le colis est en sécurité, n'est-ce pas ?

_Oui.

_Alors rien à craindre.

Le vaisseau inconnu fit lui aussi un virage serré, mais pour se placer derrière l'Enterprise. Il faisait deux fois sa taille, et avait une forme triangulaire. Était-ce un vaisseau de combat ? Ou bien un bâtiment diplomatique ? Ou tout simplement un cargo ? Kirk ne le savait pas et aucune base de donnée de Starfleet, ni des Vulcains, ne recensait ce type de bâtiment.

L'Enterprise fut secoué par plusieurs impacts.

_Il a ouvert le feu ! Des phaseurs ! cria Chekov.

_Je crois que j'ai parlé trop vite, grommela Kirk. Communications ?

_Ils ne répondent toujours pas capitaine, lança Uhura. Et je ne crois pas qu'ils en aient l'intention.

_Manœuvre d'évasion, ordonna Kirk.

Sulu, crispée sur les commandes du vaisseau, tentait d'éviter les tirs de phaseurs en faisant faire à l'Enterprise des virages brusques. Cependant l'autre vaisseau suivait sans le moindre problème. Il était plus gros, et plus rapide. Ce qui n'était pas bon signe.

_Torpilles arrières !

_Parées, capitaine ! intervint Chekov.

Kirk appuya sur l'intercom de son fauteuil.

_Scotty, il nous faut plus de puissance.

La voix de l'ingénieur émergea dans un grésillement affreux.

_Oui, capitaine ! Je fais de mon mieux ! Mais les relais risquent de sauter si on continue comme ça. Et les tirs de phaseurs n'arrangent rien !

_Boucliers à trente pour cent ! annonça Chekov.

_Bien. Continuez Scotty ! Mais que veulent-ils enfin ?!

_Il serait logique de supposer que ces inconnus sont intéressés par notre colis, avança Spock froidement.

_Logique… et pourtant sans aucun sens ! Personne ne sait ce que nous transportons… Ni Starfleet, ni les Vulcains, ni personne dans toute la Fédération…

_L'amiral Greyson.

_Oui, Spock, l'amiral Greyson est au courant, et lui seul, mais où voulez-vous en venir ?

_Eh bien, l'amiral pourrait nous avoir trahi, et transmis l'information à un tiers. Ou bien, pourrait-il avoir été espionné.

_Non, espionner Starfleet est devenu mission impossible… Vous suggérez donc qu'il nous aurait trahi ? L'amiral n'est pas un traître… il n'est pas du genre à se laisser corrompre…

_Ce n'est qu'une hypothèse.

_Et ce vaisseau ?

_Un prototype. Un nouveau bâtiment de combat conçu par les services secrets…

_…et comme Greyson a dirigé les services secrets…

_Oui, capitaine.

L'Enterprise fut pris d'une terrible secousse, manquant de jeter tous les officiers à bas de leurs fauteuils.

_Bouclier à dix pour cent ! cria Chekov.

_Sulu ! Amenez-nous devant lui ! Torpilles arrières, sur mon ordre !

L'Enterprise se plaça pile devant le vaisseau ennemi.

_Feu !

Quatre torpilles à photon fusèrent de la poupe droit vers le bâtiment ennemi. Ce dernier ayant manœuvré trop près de l'Enterprise ne put les éviter.

_Rapport des dégâts ? s'enquit Kirk.

_Les quatre torpilles ont atteint leur but, répondit Chekov. Bouclier hors service.

_C'est tout ?

_C'est tout, capitaine.

_Des torpilles Mark II… cela aurait dû faire plus de dégâts… On ne le lâche pas ! Feu tous les phaseurs !

_À vos ordres !

Les deux vaisseaux entamèrent un ballet mortel, tournant l'un autour de l'autre comme deux énormes requins s'affrontant. Les phaseurs s'entrecroisaient, cherchant à atteindre des zones vitales, celles des moteurs par exemple.

_Il est doué, commenta Spock.

_Il ne se laisse pas faire, confirma Kirk. Visez les moteurs et les systèmes vitaux !

L'Enterprise reçut un coup sévère, tout le vaisseau trembla, et la puissance des phaseurs fluctua. Kirk appuya sur l'intercom.

_Scotty ?!

La voix de l'ingénieur était tremblante.

_C'est la chambre intermix !

_On est touché ?

Si la chambre intermix avait été atteinte par un tir de phaseur, c'en était fait du beau vaisseau de la Fédération. La chambre distribuait le plasma dans les secteurs essentiels, comme la propulsion à impulsion, la propulsion de distorsion, et même les phaseurs. Donc, sans chambre intermix, pas de moyen de se déplacer, ni de combattre. L'Enterprise serait comme un monstre inerte à la merci de n'importe qui.

_Je ne pense pas ! répondit Scotty. Je crois que c'est un relais EPS qui a grillé.

_Réparez ça !

_Bien sûr ! gronda Scotty avant de couper la communication.

Le pire qui pouvait se produire serait que la chambre intermix, touchée par un tir de phaseur, ne soit plus en mesure de confiner la production de plasma, et que la réaction matière/antimatière s'emballe. Elle pourrait alors exploser, réduisant le vaisseau en un tas de poussières dérivant dans l'espace. Il était toujours possible d'éjecter la chambre hors du vaisseau, mais la manœuvre était délicate, et prenait du temps, car il fallait déconnecter la chambre de ses contacts avec les bobines de distorsions. Ce n'était pas simple.

_Dégâts ? s'enquit Kirk.

_Aucun systèmes vitaux chez l'ennemi, répondit Chekov.

_Il y a une brèche au pont C, annonça Spock.

_Le champ de confinement ?

_Il tient. Pour l'instant…

_Paré à faire feu avec les torpilles ! ordonna Kirk.

_Prêt !

Les deux vaisseaux continuaient leur danse, tels deux lions se jaugeant mutuellement, cherchant une faille chez l'adversaire. Les tirs de phaseurs illuminaient l'espace sombre environnant de stries bleues, vertes et rouges.

_Feu !

Quatre nouvelles torpilles à photon fusèrent depuis la proue de l'Enterprise jusqu'à la poupe du bâtiment ennemi. Trois touchèrent le vaisseau, la quatrième manqua sa cible.

_Aucun dégât ! lança Chekov effaré.

_Boucliers ?

_Il n'en a plus depuis un moment…

_Vraiment ?

_Oui, capitaine.

_Mais il est fait en quoi ?

_La coque est très résistante, confirma Chekov.

_Nous pouvons arguer, à juste titre, intervint Spock, que si le vaisseau est bien un prototype des services secrets, sa conception, ainsi que son armement sont d'un tout nouveau genre.

_Mais cela n'a pas de… une minute, qu'est-ce que vous voulez dire ?

Spock lança un regard étonné.

_Cela me semble évident. Nous ne pouvons pas le battre en combat singulier.

Kirk observa l'image de l'ennemi sur l'écran principal. Un souffle glacé traversa la passerelle sous la forme d'un silence de mort, comme si l'évidence venait de frapper les esprits et serrer les estomacs.

_Mais cela n'a pas de sens, renchérit Kirk. Pourquoi nous envoyer chercher le colis, pour ensuite venir nous attaquer ?

_En effet, accorda Spock, c'est un point qu'il reste à éclaircir.

L'Enterprise fut à nouveau saisi d'une série de secousses. Des écrans explosèrent dans la passerelle, et Uhura fut violemment projetée au sol. Heureusement, elle se releva immédiatement, indemne.

_Dégâts ponts D et E, sections 40 à 48. Et…

_Ici Scotty ! crachotta l'intercom du fauteuil de Kirk. Vous comptez détruire mon Enterprise avec vos con… (une interférence brouilla une partie du message)… parce que j'ai de grosses fluctuations dans les bobines de distorsion, et la chambre intermix ne tiendra pas longtemps à ce régime !

_Nous ne pouvons combattre ce bâtiment avec les tactiques conventionnelles, suggéra Spock.

_Oui…, convint Kirk. Surtout s'il est de Starfleet. Il les connaît toutes…

L'intercom du fauteuil s'ouvrit à nouveau.

_Ici l'infirmerie, fit la voix du Dr McCoy . Il y a de nombreux blessés ! Je ne pourrai bientôt plus accueillir personne ! Il me faut plus d'espace !

_Bien compris. Faites au mieux, Bones, répondit Kirk avant de couper l'intercom.

_Vous pensez à quoi ? s'enquit Spock.

Dans le chaos de la bataille, les relais électriques qui sautaient violemment sur la passerelle, les secousses brutales du vaisseau et les tirs de phaseurs encaissés stoïquement, Kirk resta pensif un instant.

_À quelque chose de non conventionnel, répondit-il.

La seule façon de vaincre était de surprendre l'adversaire, et de le surprendre non seulement avec une manœuvre inédite mais surtout avec une manœuvre folle. Toutefois ce genre de manœuvre pouvait coûter extrêmement cher, mettant en péril l'Enterprise autant que son ennemi. Avait-il le choix ? Pas vraiment. Soit il misait gros sur un seul coup, comme on disait au poker, il bluffait ou faisait tapis (quelque chose comme cela), soit il continuait de combattre ainsi, sachant (et cela semblait maintenant plus qu'évident) qu'il n'aurait pas le dessus. Oui, mais Kirk était de ceux qui osent, pas de ceux qui se terrent ou hésitent.

Ce vaisseau inconnu, deux fois plus gros que l'Enterprise, avait surgi de nulle part, et sans communication, sans sommation, avait ouvert le feu sur un bâtiment de la Fédération. En mission secrète qui plus est. C'était inadmissible, et même dangereux.

_Monsieur Spock, préparez l'évacuation de l'Enterprise, ordonna Kirk dans le silence qui s'était abattu sur de la passerelle.

_Capitaine, je dois vous dire…, objecta Spock.

_Je sais, mon ami. Mais la situation l'exige. Évacuez tout le personnel non essentiel. Les nacelles de survie pourront orbiter autour de cette planète. (Kirk désigna la planète bleue sur une carte holographique).

_Bien, capitaine. (Spock ouvrit un canal de communication général vers tout le vaisseau depuis son fauteuil). À tout l'équipage ! Tout le personnel non essentiel aux manœuvres évacue l'Enterprise. Protocole Rouge Alpha. Terminé.

Deux officiers quittèrent la passerelle, mais la plupart des officiers supérieurs restèrent à leurs postes.

En quelques minutes, l'Enterprise se vida et les nacelles de sauvetages furent brusquement éjectées.

_La manœuvre est risquée, expliqua Kirk. Mais c'est notre dernière chance. Je ne sais pas qui est cet ennemi que nous affrontons, je ne sais même pas de quoi il est capable, et si nous n'avons eu là qu'un petit échauffement… (Les officiers écoutaient et acquiesçaient). Alors, prenons les devants, et faisons lui mordre la poussière !

_Oui capitaine !

Spock s'approcha de Kirk et murmura.

_Beau discours…

_Oui… je l'avais préparé pour une occasion comme celle-là.

_Capitaine ! Tout le personnel est évacué, intervint Uhura.

_L'ennemi ne semble pas engager les nacelles, fit Chekov en soupirant.

_Où en sommes nous ?

Chekov effectua quelques calculs avant de répondre.

_Les phaseurs sont à quarante cinq pour cent de leur capacité, les boucliers déflecteurs à vingt pour cent. Nous tenons.

_Et lui ?

_Il n'a plus de boucliers, mais cela ne semble pas le déranger. Ses phaseurs visent essentiellement nos moteurs et les hangars.

_Ils cherchent la chambre à torpilles, souffla Kirk.

_Déduction logique, il me semble, confirma Spock.

Il fallait réagir avant qu'il ne soit trop tard. À un moment, un des tirs de phaseurs passerait les déflecteurs et percerait la coque comme un couteau traverse du beurre… S'il touchait la chambre des torpilles, ou la chambre intermix, l'Enterprise serait réduit en cendres.

_Monsieur Chekov, redirigez toute la puissance vers les boucliers déflecteurs, ordonna Kirk. Mademoiselle Sulu, amenez-nous au plus près de notre adversaire, le plus vite possible. Que tout le monde se prépare ! (Kirk ouvrit un canal depuis son fauteuil vers la salle des machines) Scotty ! Il nous faut toute la puissance disponible, nous allons manœuvrer.

L'intercom grésilla.

_Toute la puissance, capitaine ! Mais nous ne tiendrons pas longtemps !

_Je n'ai pas besoin de tenir longtemps, murmura Kirk.

L'Enterprise fit des virages serrés, se rapprochant du vaisseau ennemi. Celui-ci, qui ne semblait pas avoir saisi le but de la manœuvre, poursuivait son harcèlement aux phaseurs.

_Nous y sommes presque ! Préparez-vous à passer en distorsion ! ordonna Kirk.

Quelques regards incrédules trahirent une certaine angoisse.

_À mon commandement !

La jeune Sulu amenait l'Enterprise au plus près de l'adversaire, au point que les coques faillirent se toucher lorsqu'il passa sous le ventre du monstre.

_Maintenant ! Distorsion ! ordonna Kirk.

Sulu exécuta prestement l'ordre.

L'Enterprise entra en vitesse de distorsion à l'instant où il faisait un second passage sous le ventre du vaisseau ennemi. Les deux bâtiments se trouvaient en vis à vis, comme s'ils se reflétaient dans un miroir. Un miroir déformant, car l'adversaire était deux fois plus gros que l'Enterprise.

La distorsion permettait de voyager plus vite que la lumière en créant un champ de perturbations quantiques autour du vaisseau. En fait, voyager n'était pas le mot adéquat, car il n'y avait aucun déplacement effectué. Le vaisseau ne bougeait pas, tandis que l'espace tout autour se pliait. Tous les vaisseaux de la Fédération était désormais équipé de moteurs à distorsion, et donc tous les capitaines connaissaient ce système. Toutefois, peu de capitaines en saisissaient les implications. Créer un champ de distorsion autour du vaisseau avait pour conséquence de modifier sensiblement les lois de la physique dans cette zone. Si un autre bâtiment se trouvait trop près du champ, toute son intégrité structurelle pouvait être compromise. Ce qui arriva au bâtiment ennemi. Le champ de distorsion créé par l'Enterprise fut à l'origine de perturbations dans les matériaux, dans les structures de ponts, et même dans la coque. Des relais n'étaient plus alignés, des morceaux de blindage fondirent, des conduits de plasma se rompirent, et d'innombrables fissures parcoururent le ventre du monstre. Une multitude de petites explosions secoua d'abord le vaisseau, sans qu'il en soit pour autant sévèrement endommagé. Cependant, ces explosions en entraînèrent d'autres, et d'autres encore, qui, se propageant de proche en proche, finirent par atteindre des systèmes vitaux. La coque se rompit en plusieurs endroits, les tirs de plasma cessèrent, et des ponts entiers furent exposés au vide spatial. Si les dégâts avaient cessé à ce moment là, le bâtiment aurait pu tenir, peut-être même reprendre le combat, mais une énorme explosion secoua la poupe. Probablement une chambre à torpille, ou pire… Une seconde explosion dégageant des volutes de flammes bleues, dévora la moitié de la poupe. Une bobine de distorsion venait de rendre l'âme, le plasma s'étant échappé du conduit avait rendu instable la structure des relais. En quelques secondes, une réaction en chaîne s'emballa entre les bobines de distorsion et les relais EPS. Le vaisseau ennemi ne fut plus qu'une immense boule de feu et de métal en fusion. Aucune nacelle de sauvetage ne put s'échapper à temps de cet enfer.

L'Enterprise avait effectué un petit bond en vitesse supraluminique. Il sortit de distorsion de l'autre côté de la planète.

_Rapport ! ordonna Kirk, sur la passerelle.

_J'entends quelque chose ! fit Uhura. Des explosions ! La coque se brise ! Capitaine, le vaisseau ennemi est entièrement détruit !

_Je confirme ! ajouta Chekov.

L'intercom du fauteuil de Kirk grésilla.

_Salle des machines ! Nous avons des dégâts sur les… ! Non !… Capitaine, la chambre intermix est instable !

_Instable ?

_Oui, monsieur ! La matrice de dilithium a été endommagée ! Je crains que nous ne puissions contrôler la réaction plus longtemps !

_Combien de temps ?

_Difficile à dire ! Dix minutes… peut-être moins !

La chambre intermix, comme la chambre à explosion d'un de ces vieux moteurs à essence d'anciennes voitures, était le cœur de la propulsion et de la production d'énergie du vaisseau. Elle accueillait la réaction de matière/ antimatière entre les particules de deutérium et d'anti-deutérium, réaction bien plus puissante que les réactions nucléaires, mais aussi bien plus difficile à contrôler. Pour cela, une matrice de cristaux de dilithium jouait le même rôle que les barres de contrôle, de cadmium ou de carbure de bore, dans un réacteur nucléaire, stabilisant la réaction pour qu'elle ne s'emballe pas. Le pire qui pouvait arriver était l'accident de prompt criticité, lorsque la masse des deutérium/anti-deutérium atteignait un seuil critique au delà duquel il devenait impossible de contrôler la réaction en chaîne. Et alors, toutes les particules entraient en contact avec leurs antiparticules, générant, en quelques secondes à peine, une énergie colossale. Si la matrice de dilithium était endommagée, cette réaction en chaîne pouvait s'emballer à n'importe quel moment.

Kirk avait conscience de cela. Il jeta un coup d'œil à Spock, qui, comme à son habitude, gardait un visage inexpressif plutôt expressif.

_Il faut évacuer, conclut doucement Kirk. On ne peut pas éjecter la chambre dans un délai aussi court.

_En effet, accorda Spock froidement.

_On évacue l'Enterprise ! déclara tout haut Kirk. Tout le monde quitte la passerelle et se rend à la nacelle de sauvetage la plus proche.

Kirk s'apprêta à ouvrir l'intercom général du vaisseau depuis son fauteuil et à relayer son ordre dans tout le bord quand Uhura s'agita.

_Capitaine ! Il n'y a plus aucune nacelle de sauvetage disponible ! Celles qui restaient ont été endommagées !

Le doigt au dessus du bouton de communication, Kirk accusa le coup.

_La navette ! fit Chekov. Il nous reste la navette !

Kirk acquiesça.

_Nous ne sommes pas nombreux, nous devrions pourvoir tous tenir dedans, accorda Spock.

_Très bien. (Kirk ouvrit l'intercom général). À tout le personnel encore à bord, évacuation immédiate de l'Enterpise, rendez-vous au hangar 2 sans attendre ! Ceci est un ordre d'évacuation ! Quitter le vaisseau tout de suite ! (Kirk coupa l'intercom). On y va !

Tous les officiers se levèrent et suivirent Kirk.

Spock tapotait sur son tricordeur.

_Capitaine, fit-il après un instant, d'après mes calculs, l'explosion de l'Enterprise serait bien plus puissante qu'on ne l'imagine.

_Oui… possible, accorda Kirk sans conviction.

_Si le plasma entre en contact avec les réserves de deutérium…, ajouta Chekov.

_Ou pire…, renchérit Uhura.

_Oui, admit Kirk, on ne doit pas traîner ici…

_Ce n'est pas le problème, corrigea Spock. La navette est suffisamment rapide pour nous mettre à bonne distance avant l'explosion…

_Alors quel est le problème ?

_Les nacelles…

Kirk s'arrêta net.

_Les nacelles de sauvetage…, souffla-t-il.

_Oh mon Dieu, tout l'équipage…, murmura Uhura.

_C'est exact, confirma Spock, l'explosion atteindrait les nacelles de sauvetage, qui ne sont pas aussi rapides et aisées à manœuvrer que la navette, et aurait pour fâcheuse conséquence de nuire gravement à la santé de tous ceux qui sont à bords.

_C'est un euphémisme !

Kirk se remit en marche, pressant le pas. Il activa, d'un geste rapide, son combadge.

_Scotty, nous aurions besoin de vos talents, et aussi vite que possible !

_Oui capitaine ! répondit le combadge.

_Pouvez-vous confiner la réaction, juste le temps d'éloigner l'Enterprise de cette zone de…

_Désolé, capitaine, mais j'ai bien peur que cela soit impossible !

_Impossible ?! s'étrangla Kirk.

_Je suis navré, capitaine, la réaction est bien trop avancée, il serait inutile et dangereux de tenter quoi que ce soit… il vaut mieux fuir le plus loin…

Kirk se tourna vers Spock.

_L'eau…

Spock réfléchit un instant puis hocha la tête.

_Cela pourrait marcher…

Kirk se tourna vers Uhura.

_La planète est bien couverte d'eau, n'est-ce pas ?

_C'est ça, capitaine. Une planète océan d'après nos détecteurs. Cependant je dois vous avertir que je n'ai pas poussé plus avant les investigations…

_Précisez votre pensée, lieutenant.

_Je veux dire, que je n'ai fait qu'un balayage rapide de la planète, je n'ai pas fait un scan complet… Je ne sais pas s'il y a des biosignes, ni combien ils sont…

_Il pourrait y avoir de la vie sur cette planète ?

_Capitaine, intervint Spock. Une planète, pour accueillir la vie, doit réunir un certain nombre de conditions essentielles. Celle-ci ne me semble pas les réunir toutes. Certes, elle se trouve à bonne distance de son soleil, favorisant l'existence d'eau sous sa forme liquide. Mais nous n'avons guère détecté de molécules complexes, et le taux de carbone dans l'air est un peu trop élevé…

_C'est décidé, alors, l'interrompit Kirk. Pas d'objection ?

Personne ne pipa mot.

_Nous pouvons commander ça depuis la navette, suggéra Chekov, tandis que le groupe entrait dans le hangar 2.

_Scotty, fit Kirk en utilisant son combadge, il nous faut un peu de temps, le maximum de confinement possible, et transférez les commandes du vaisseau à la navette…

_C'est déjà fait, capitaine ! cracha le combadge.

_Bien. Activez sur le pilote automatique, donnez lui une trajectoire d'interception avec la plan…

_Euh, il y a un problème avec le pilote automatique !

_Quel problème ? s'inquiéta Kirk.

_On n'en a plus…

_De problème ?

Kirk savait Scotty doué, mais peut-être pas au point de résoudre un problème informatique aussi vite…

_Euh… non ! De pilote automatique !

_C'était trop beau pour être vrai ! grinça Kirk.

_C'est quoi ce bordel ?! gronda le Dr McCoy tandis qu'il rejoignait les officiers devant la navette.

_Combien de temps il nous reste ? s'enquit Kirk.

_Je ne sais pas… j'ai utilisé du dilithium pour tenter de juguler la réaction, mais on n'a pas gagné beaucoup… peut-être cinq ou sept minutes… peut-être plus si on a de la chance ! répondit l'ingénieur en chef de l'Enterprise.

_Scotty ! Laissez tomber, évacuez, vous avez deux minutes pour rejoindre la navette !

_À vos ordres ! crachota le combadge de Kirk.

_Eh, vous allez où ? fit McCoy.

Kirk s'éloignait à grands pas de la navette et avait presque quitté le hangar.

_Faire ce que personne d'autre ne peut faire ! lança-t-il par dessus son épaule.

_C'est de la folie ! s'exclama Uhura.

_Mais, il n'y a pas de retour possible ! s'exclama McCoy.

_Montez à bord, attendez Scotty et filez le plus loin possible. C'est un ordre !

_Jim ! Vous ne vous en sortirez pas !

_Le Dr McCoy a raison, indiqua Spock. L'explosion de la chambre intermix détruira entièrement le vaisseau et tout ce qui se trouve autour.

Chekov se fraya un chemin dans le petit groupe attroupé devant l'écoutille de la navette.

_Je sais ! On peut le faire !

_Faire quoi ? répliqua McCoy.

_Le ramener ?

_Le… quoi ?

_J'ai préparé un programme pour téléporter une personne à distance, depuis la navette. J'ai transféré les commandes, il me reste quelques réglages… je sais le faire !

_Ça va marcher ? fit Uhura, perplexe.

_Oui, oui ! Ça va marcher ! C'est une bonne idée !

_Et vous l'avez testé combien de fois ? s'inquiéta McCoy.

_Euh… jamais testé.

_Ben voyons !

_On fait ça ! lança Kirk en quittant le hangar.

_Sans blague ! Vous êtes dingue ! cria McCoy à l'attention de Kirk qui avait déjà disparu.

_Je suis dingue ? s'étonna Scotty qui venait juste d'apparaître au même instant dans le hangar.

_Pas vous, répondit McCoy avec un geste de dépit.

_Il vaudrait mieux embarquer maintenant…, suggéra Spock.

_Oui, ne lambinons pas ! accorda McCoy.

Kirk courait dans les coursives, ignorant volontairement l'imminence du danger, mais bien conscient du peu de temps qui lui restait pour effectuer la manœuvre. Si le plan de Chekov fonctionnait, il s'en sortirait. Il avait juste besoin de poser le vaisseau en douceur (autant que faire se peut) sur la planète. Cela ne devrait pas prendre longtemps… Ensuite, il se rendrait en salle de téléportation pour quitter ce cimetière de dur acier.

Simple.

Deux ou trois minutes pour l'amerrissage, deux minutes pour rejoindre le téléporteur… Cela allait être serré… vraiment serré. Toutefois, ce qui l'inquiétait le plus était la façon dont l'Enterprise allait amerrir. Un mauvais angle d'attaque et l'impact avec l'eau serait fatal, à cette vitesse l'élément aquatique pouvait se révéler être le plus dur des diamants. Si l'Enterprise percutait l'eau avec un décalage d'un centième de degré, il se disloquerait tel un vulgaire moustique écrasé sur une vitre. Il fallait rapidement noyer la chambre intermix, mais pas détruire entièrement le vaisseau.

Kirk arriva en salle des machines.

Prendre le contrôle de l'Enterprise fut un jeu d'enfant. Le vaisseau réagissait bien, malgré de désagréables fluctuations d'énergie. La planète n'étant guère à une distance déraisonnable, la manœuvre serait rapide.

Kirk dirigea le vaisseau vers la surface bleue en plongeant à grande vitesse.

L'atmosphère était étrange dans l'Enterprise. Un silence sépulcral régnait, conférant au gigantesque bâtiment quelque chose de surnaturel. Seuls les crépitements et les petits bruits d'électronique, ainsi que le grondement en sourdine des moteurs, rompaient le silence. On aurait pu se croire à l'intérieur d'un monstre vivant. Achab dans la baleine, cherchant désespérément à l'immerger pour qu'elle n'explose pas. Ironique.

Ce silence avait également une sorte d'effet méditatif. On pouvait prendre conscience de chacun de ses gestes, se concentrer bien plus, et…

_Capitaine ! gémit le combadge. Capitaine, ici la navette ! (C'était la voix rocailleuse de Chekov). Nous nous éloignons. Quand vous aurez atteint le téléporteur, je pourrais vous ramener !… Sain et sauf, ajouta-t-il après un instant.

_Bien, répondit Kirk laconiquement.

L'Enterprise entra dans l'atmosphère de la planète. Le spectacle était saisissant, une étendue d'eau d'une couleur azur, profonde, sans une once de terre à l'horizon. Comme si le ciel était à la fois en haut et en bas. Toutefois, Kirk ne put en avoir qu'un minuscule aperçu sur l'écran de contrôle de sa console, grand comme deux tricordeurs. Qu'importe, le capitaine était concentré sur la manœuvre. Achab tirait les ficelles depuis le ventre de la bête. Et la bête s'agitait, avait des spasmes inquiétants. La chambre intermix émettait des sons peu engageants.

_Allez ! fit Kirk à haute voix. Vieille carcasse, tu ne me lâcheras pas ! Pas maintenant… pas après tout ce qu'on a traversé !

Comme en réponse à sa supplique, les soubresauts angoissants de la chambre intermix cessèrent.

_Bien… bien…, fit Kirk tel un dresseur flattant un cheval trop fougueux.

Le capitaine amena l'Enterprise parallèlement à la surface de la planète, puis descendit progressivement. Un mauvais angle… un dixième de degré de trop…

Lorsque le vaisseau fut à quelques centimètres de l'eau, Kirk cabra légèrement l'appareil, ainsi il percuterait par sa partie la plus résistante, la partie ventrale. S'il perdait l'équilibre et que la soucoupe plongeait tête la première, à cette vitesse tout serait terminé en quelques secondes, et il n'aurait pas le temps de rejoindre le téléporteur.

L'impact fut violent. Tout le bâtiment fut terriblement secoué, et Kirk faillit être projeté sur une cloison à sa droite. Heureusement, il réussit à se maintenir à son poste, et poursuivre adroitement le pilotage.

La soucoupe ne plongea pas. L'Enterprise se cabra légèrement, puis, après une glissade dantesque, il ralentit et se stabilisa. Les ponts inférieurs se remplirent d'eau à grands torrents, le choc ayant déchiré une partie de la coque. Il ne faudrait pas longtemps avant que cette eau n'atteigne la chambre intermix et ne la noie.

Kirk lâcha un soupir de soulagement.

L'Enterprise s'enfonçait lentement dans l'immense océan, maintenant. Il coulait.

Tel le Titanic, énorme paquebot meurtri par un iceberg, le vaisseau coulait lui aussi, lentement et sûrement.

Kirk n'attendit pas la suite des événements et se mit à courir dans les coursives en direction de la salle de téléportation. Elle n'était pas loin. Si le plasma de la chambre intermix ne s'emballait pas trop vite, il y arriverait.

Il pouvait le faire.

_Ici Kirk ! fit le capitaine à son combadge. Je me dirige vers les téléporteurs ! Soyez prêts !

Pas de réponse.

_Enterprise à navette ! réessaya Kirk.

Toujours pas de réponse. Manquerait plus que le combadge tombe en rade.

_Tout va pour le mieux ! grommela le capitaine.

Soudain le vaisseau gîta sur tribord, avant de plonger brusquement vers la proue, puis de se stabiliser. Kirk fut violemment projeté sur une cloison et se cogna la tête. Une simple égratignure. Il se releva sans prendre le temps de reprendre son souffle, puis se remit à courir. La salle de téléportation n'était plus qu'à quelques mètres, il ne restait plus qu'à traverser une coursive, et descendre au pont inférieur…

Kirk était en proie au doute. Allait-il y arriver ? La chambre intermix tiendrait-elle jusque là ? Et si une fois arrivé devant le téléporteur, il ne pouvait plus contacter Chekov ? Ou bien si le programme de Chekov ne fonctionnait pas ? Il se retrouverait seul, dans son bâtiment à l'agonie… le capitaine sombre avec son navire… romantique, mais inutile… Et tout ça pour quoi ? Une mission pour Starfleet, si secrète que personne ne savait rien, même pas le capitaine lui-même… Qu'est-ce qu'il transportait ? Oh, et puis cela n'avait plus d'importance maintenant… Tout cela… Mourir maintenant, probablement à cause d'un idiot d'espion, ou de l'ambition démesurée de quelque haut fonctionnaire des services secrets… Mourir maintenant, après Khan, après Genesis, après les Klingons, après le Nexus… Cela avait comme un goût amer. Une farce de l'univers ! Kirk affronte les pires ennemis et meurt noyé dans son vaisseau après avoir affronté… quoi ? Un bâtiment secret de Starfleet ? Un ami ?

Kirk n'était pas encore prêt à rire de l'ironie de la situation. Il arriva au bout de la coursive, section 42. Il y avait un ascenseur un peu plus loin, trois ou quatre pas tout au plus, mais pourquoi prendre un tel risque ? Kirk se faufila vers les escaliers.

_Oh c'est pas vrai ! s'indigna-t-il.

Se tenant sur la plate-forme, miraculeusement sèche, il contemplait la cage d'escaliers, entièrement noyée.

Combien de temps lui restait-il ? Une minute ? Deux minutes ? Quelques secondes ? Et voilà qu'il était, maintenant, bloqué par un escalier sous l'eau. Combien de temps avant que la chambre intermix n'explose ? Ou alors combien de temps avant que l'Enterprise ne sombre ? Sans bouclier, la coque et les cloisons les plus faibles ne tiendraient pas longtemps. Il se retrouverait alors dans une tombe en train de couler, et se noierait. Et si le pont inférieur était lui aussi noyé ? Et si la salle de téléportation était noyée ?

Kirk appuya à nouveau sur son combadge.

_Enterprise à navette ! Chekov ?

Pas de réponse.

Inutile de s'attarder plus longtemps. Il n'avait pas d'autre choix.

Kirk plongea. L'eau était glacée. Évidemment, pourquoi l'eau serait aussi chaude que sur les plages de Hawaï, sur Terre ?

Le vaisseau trembla et bougea encore. Cette fois, il semblait que la proue se redressait tandis que la poupe s'enfonçait.

Kirk progressa le plus rapidement possible, s'agrippant à tout ce qu'il pouvait, rambardes, poignées de sécurité, pour accélérer sa descente. Il atteignit le sas du pont inférieur sans encombre. Il craignait de se retrouver coincé dans cet espace réduit, sous l'eau… Il activa l'ouverture électronique du sas, et la porte s'éclipsa aussitôt dans la cloison.

Kirk fut projeté sur le pont avec une énorme quantité d'eau. Le pont inférieur n'était pas immergé. Il referma le sas prestement. Les escaliers avaient dû être inondés par une brèche quelque part. Il se releva et se remit en route sans attendre. Une fine couche d'eau gênait sa course, mais cela était préférable à une coursive complètement inondée.

La salle de téléportation.

Kirk poussa un soupir de soulagement, et en profita pour reprendre son souffle. La salle de téléportation était intacte.

Une explosion retentit qui secoua le vaisseau. Kirk se retint à la console de téléportation, sentant comme une sensation glacée lui parcourir l'échine. Il serait arrivé jusque là pour échouer ? Il lui aurait manqué quelques secondes ? Mais le sentiment d'angoisse mêlé de déception fut de courte durée. Si la chambre intermix avait explosée, le vaisseau entier se serait disloqué. Non, cela devait être autre chose. Une torpille peut-être ? Non, elles étaient bien protégées. Qu'importe…

_Enterprise à navette, répondez !

Le combadge ne semblait plus fonctionner. Le passage dans l'eau ne devait pas avoir été du meilleur effet…

Kirk se pencha sur la console de téléportation, tentant de deviner l'astuce de Chekov. Les scanners détectaient bien la navette à proximité de la planète, ainsi qu'une multitude d'objets plus petits. Les nacelles de secours. S'il n'arrivait pas à se téléporter maintenant, s'en serait fini de lui.

L'Enterprise continuait à sombrer lentement, l'eau s'engouffrant par toutes les ouvertures. Il n'avait plus rien du majestueux vaisseaux de la Fédération, mais plutôt quelque chose de l'énorme paquebot vaincu par les éléments. Comme le Titanic, l'Enterprise avait une grosse balafre sur le flanc à l'endroit où le vaisseau ennemi avait détruit certains ponts. L'eau s'engouffrait beaucoup plus vite par là. La coque, affaiblie par les combats et l'amerrissage forcé, se fissurait par endroits. Même si la plupart des ponts inférieurs, immergée, demeurait au sec, ce n'était qu'une question de temps avant que l'océan ne prenne ses droits. Kirk ne pourrait même pas fuir par l'une des brèches et nager hors du vaisseau. D'abord parce qu'il était prisonnier au cœur du bâtiment, et ensuite parce qu'il ne savait pas ce qu'il pouvait y avoir dans cet océan… des requins ? Des carnassiers gigantesques ?

_Ici navette ! crachota le combadge, vous recevez ? Est-ce que vous recevez nous ?

Le combadge n'avait pas lâché.

_Oui ! Je vous entends Pavel ! s'empressa de répondre Kirk.

_Le programme est prêt ! Nous sommes prêts !

_Alors on ne s'attarde pas !

Kirk se positionna dans la cabine de téléportation.

_Monsieur Chekov, énergie !

Le corps du capitaine se dématérialisa progressivement, transformé en un réseau complexe de particules subatomiques, puis disparut.

L'Enterprise sombra totalement, la soucoupe étant la dernière partie du vaisseau à être immergée, puis coula lourdement vers le fond océanique. Il atteignit un plateau, au bord d'une fosse abyssale de plusieurs centaines de kilomètres. Beaucoup de sections, comme la passerelle ou les quartiers d'équipages ne furent pas immédiatement noyés, mais ce que Kirk ne vit pas, était la chambre intermix entièrement plongée sous l'eau. La réaction matière/antimatière fut brutalement stoppée, et le vaisseau n'explosa pas. Il demeura là, tel une épave abandonnée, sur une planète océanique inconnue.

_Où est-il ?

_Je ne sais pas ! Je… je cherche !

Chekov pianota rageusement sur sa console, faisant et refaisant les calculs. Le capitaine aurait dû être téléporté dans la cabine, mais il n'y avait personne.

_Il semblerait que votre programme n'ait pas fonctionné, constata Spock.

_Si, si ! se défendit Chekov, sans cesser de pianoter. Le programme a marché !

_Comment ça ? s'enquit McCoy à demi furieux.

_Il y a bien eu dématérialisation. Mon programme a marché, et la console me dit que le faisceau de particules est parti… Je ne comprends pas ! Le capitaine devrait être ici ! Je ne comprends pas !

_L'Enterprise coulait…, fit remarquer Scotty, il y a peut-être eu un dysfonctionnement…

Spock s'affaira lui aussi sur sa console.

_Non ! répliqua Chekov. S'il y avait eu dysfonctionnement, je le saurais ! Je verrais là ! Sur console, dans programme ! Défaillance… non, je ne vois pas défaillance !

_Je confirme, intervint Spock. Je ne vois aucune défaillance, le programme a fonctionné correctement… Le capitaine devrait être là…

_Mais il n'est pas là ! s'emporta McCoy.

_On a perdu le capitaine ! s'indigna Uhura.

Un silence lourd de signification s'abattit sur la navette tandis que chacun prenait conscience de ce qui venait de se passer. McCoy grommela quelques invectives inaudibles, et Scotty soupira tristement.

_Lieutenant, envoyez un message à Starfleet, fit Spock à Uhura.

_Lequel ?

_Il y a des survivants qu'il faut récupérer d'urgence ici… (Spock se racla la gorge) L'Enterprise est perdu, et son capitaine est… il est porté disparu.

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