Disclaimer : le thème et la plupart des personnages de cette histoire sont inspirés du film Jurassic World et appartiennent donc à leur créateurs.
Cette aventure est simplement destinée à être partagée, sans intention de profit
1 - La Liquidation
Cette fois-ci, c'est fini, et bien fini ! Comme Jurassic Park avant lui, Jurassic World est mort. Le rêve de John Hammond n'existe plus. La preuve est faite, désormais, on ne peut pas faire cohabiter des touristes avec ces géants de force brute. Il est temps d'arrêter de jouer aux apprentis sorciers comme cela a été fait jusqu'ici. A aucun moment, l'homme n'a eu la maîtrise des événements.
Aujourd'hui, sur le terrain, tout est rentré dans l'ordre. Les décombres ont été évacuées, les réparations en partie terminées, le tyrannosaure a regagné son enclos.
Une équipe de maintenance, commandée par Owen, est restée sur place pour nourrir le mosasaure géant et s'occuper des bébés dinosaures de la crèche.
Claire, elle aussi, est restée sur l'île, pour accueillir et faire visiter le site aux éventuels repreneurs, car les actionnaires l'ont mis en liquidation.
C'est le célèbre cabinet Rigby et Rigby, de Seattle, qui est chargé du dossier.
Il faut dire que Jonathan Rigby, le père, a fait des pieds et des mains pour qu'il lui soit confié, en souvenir de son amitié avec John Hammond.
Les deux hommes se sont connus à l'université et, à l'époque, tout les séparait.
Jonathan était d'un réalisme froid et austère tandis que John passait son temps dans des rêves perpétuels, à inventer sans cesse de nouveaux projets. Parmi ceux-ci, celui qui lui tenait le plus à cœur était de ramener à la vie les géants du Jurassique.
- Tu verras, disait-il souvent, si, un jour, je deviens riche, je financerai des expéditions et des recherches et je ferai revivre les dinosaures. Je les présenterai au monde entier dans un gigantesque parc d'attractions.
– C'est impossible, répondait son ami à chaque fois, de manière laconique.
– Tu veux que je te dise, tu as des souliers de plomb. Pour moi, rien n'est impossible. Et je le prouverai à la face du monde.
Puis la vie les a séparés.
Jonathan a trouvé un métier à son image, dans lequel il a excellé.
Et John a effectivement fait fortune et a poursuivi son rêve, jusqu'à lui donner vie.
Toujours, les deux amis sont restés en contact, chacun suivant de loin l'ascension de l'autre et Jonathan a certainement été l'un des tout premiers visiteurs du Jurassic Park de John.
Aussi vécut-il douloureusement l'échec de son ancien compagnon d'études, puis sa mort.
Le premier dossier de liquidation lui avait échappé.
Il s'était alors promis, au cas où il y en aurait un autre, qu'il serait pour lui.
C'est pourquoi il suivit de très près l'émergence de Jurassic World, avec l'espoir sincère de voir ressusciter le rêve de John. Mais il assista également à la nouvelle catastrophe.
Il se positionna rapidement dès qu'il apprit le projet de cession du parc et n'eut aucun mal à obtenir le mandat, compte tenu de sa réputation.
On est jeudi soir et il est maintenant 18 heures.
Pourtant, Jonathan est toujours assis dans son bureau, lui qui, d'ordinaire, part ponctuellement une heure plus tôt.
Il faut dire que c'est demain, à midi, que se situe la limite de dépôt des offres pour la reprise du parc à dinosaures et que c'est à 14 heures qu'il devra présenter aux associés de Jurassic World les propositions qu'il aura reçues.
Et c'est une perspective peu réjouissante !
Il regarde le coin droit de son bureau, toujours impeccablement ordonné.
Deux dossiers y sont empilés, deux seulement !
Et ils ne correspondent pas du tout à ce que le liquidateur avait imaginé de recevoir.
Le premier a été déposé, voici un mois environ, par un milliardaire russe.
Manifestement, les dinosaures ne l'intéressent pas.
Seule le site suscite son intérêt.
Il a en effet pour ambition d'en faire une vaste zone de loisirs, discrète et isolée, pour clients fortunés en mal de quiétude. Il a l'intention de proposer toutes sortes d'activités, sportives ou non : promenades, randonnées à pied, à cheval ou en VTT, escalades sur les falaises, golf, plage, … et, le soir, casino, spectacles, boîte de nuit, dancing et bien d'autres choses.
Bien évidemment, tout l'espace disponible sera sécurisé et des vigiles garantiront la sérénité et le respect de la vie privée des clients.
Dans un tel contexte, les animaux géants n'ont évidemment plus leur place.
Le projet prévoit donc leur élimination, totale et définitive. Toutes les carcasses seront ensuite évacuées ou détruites.
Ce travail, long et compliqué, aura un coût certain.
C'est pourquoi le repreneur ne propose, pour l'achat de l'île, que 52 millions de dollars, alors que les cédants en demande 60. Mais il espère ainsi avoir une marge de manœuvre pour négocier le prix le plus juste et aboutir à une transaction satisfaisante.
La deuxième proposition est nettement plus récente. Elle émane d'un groupe de puissants industriels allemands.
Le site les attire pour la chasse.
Pour pouvoir rencontrer discrètement leurs futurs clients, négocier loin de la foule d'importants contrats ou tout simplement proposer des week-ends de luxe, en offrant en parallèle une activité de loisir au résultat garanti, il leur faut un endroit tranquille, loin de tout et facile à surveiller.
Leur idée finale, si leur proposition à 56 millions est acceptée, est de proposer dans un premier temps des trophées de dinosaures à des prix très élevés, pour les éliminer progressivement, puis d'acclimater des animaux importés des réserves d'Afrique, proies et prédateurs, qui prendront le relai.
Un atelier de taxidermie et une tannerie permettront aux visiteurs d'emporter les trophées et les peaux, tandis qu'une salle d'abattage permettra de valoriser la viande et de la proposer dans un luxueux restaurant.
Jonathan pousse un profond soupir.
Ce ne sont manifestement pas les repreneurs dont il avait rêvé pour perpétrer l'œuvre de son ami.
Et c'est pour cette raison qu'il reste là, depuis plus d'une heure, maintenant… à attendre.
Il s'est mis dans la tête, sans raison aucune, qu'au dernier moment, son téléphone allait sonner et qu'un client providentiel allait lui tomber du ciel.
Mais l'heure tourne et rien ne se produit, hélas.
18 heures 15, déjà !
Une tête apparaît dans l'encadrement de la porte donnant sur le couloir de l'étage, laissée ouverte par le départ d'Emma, son assistante, comme elle le fait chaque soir.
De son bureau, dont la porte est également ouverte, il peut la voir sans peine.
C'est Maria, la femme de ménage de l'immeuble.
- Bonsoir, Senor Rigby, dit-elle avec un grand sourire, vous ne partez pas, ce soir ?
- Bonsoir, ma bonne Maria ! Si, vous avez raison ! Il se fait tard et je pense qu'il n'arrivera plus rien, maintenant. Ne vous préoccupez pas de moi et faites votre travail comme d'habitude !
- Si vous le souhaitez, je peux commencer par le cabinet des avocats. Il me semble qu'ils sont partis. Je reviendrai chez vous un peu plus tard.
- Merci, vous êtes gentille !
Sans discuter davantage, la brave femme s'éloigne en chantonnant, vers le fond du couloir.
Jonathan regarde une dernière fois son téléphone, qui reste obstinément muet, puis pousse un profond soupir.
- Tout est fichu, se dit-il ! Désolé, John, j'aurai tout tenté dans cette affaire, ratissé le plus largement possible pour trouver des clients potentiel mais, pour une raison que j'ignore, cela n'a pas fonctionné. Quel gâchis !
Tout en murmurant cela, il se lève et se dirige lentement vers le porte-manteau. Il passe son écharpe autour de son cou car il fait froid dehors. Puis il enfile son pardessus, qu'il ferme consciencieusement, avant de terminer par son chapeau, pour protéger une calvitie déjà bien avancée
Au moment de quitter la pièce, il jette un dernier regard en direction du téléphone, toujours obstinément muet.
– Quel gâchis, répète-t-il une nouvelle fois !
Puis il traverse le bureau d'Emma et sort dans le couloir. Il tire la porte derrière lui, sans la verrouiller, toutefois.
– Maria, crie-t-il alors, je m'en vais !
- Bonne soirée, Senor, lui répond la brave femme, du bureau dont elle fait le ménage.
– Bonne soirée à vous aussi ! Je n'ai pas fermé ma porte à clé pour que vous puissiez entrer facilement.
Puis il remonte son col et s'éloigne, d'un pas lourd, en direction de la sortie.
Alors qu'il atteint, au bout du couloir, la porte qui donne sur le palier aux ascenseurs, une sonnerie de téléphone se fait entendre.
Jonathan s'immobilise, comme statufié. Son cœur semble marquer un temps d'arrêt.
- Serait-ce…, se dit-il ? Non ! Ce serait trop beau !
Mais la réponse lui parvient aussitôt : le son est trop fort pour provenir de chez lui.
En tendant l'oreille, le vieil homme constate qu'il est issu du bureau des experts-comptables, nettement plus proche de lui.
- Dommage, maugrée-t-il ! J'aurais tellement aimé que ce soit pour moi.
Mais, alors qu'il s'apprête à reprendre son chemin, la sonnerie cesse, cédant la place à une autre, plus faible et masquée jusque-là.
– Et si celle-ci venait de chez moi, se dit-il avec espoir ?
Sans attendre davantage, il rebrousse chemin, courant presque, et ouvre précipitamment la porte de son cabinet. Celle de son bureau est restée ouverte, comme toujours.
Le son est désormais très fort et il vient bel et bien de chez lui.
Jonathan se précipite dans la pièce et décroche…
Trop tard !
Son correspondant vient de raccrocher.
Heureusement, son fils, agacé par les « pièces de musée » qu'utilisait son père, s'est décidé à installer des combinés modernes, dont l'une des fonctions est de garder en mémoire les appels reçus.
Frénétiquement, pris d'une exaltation qu'il a bien du mal à contrôler, Jonathan se dépêche d'afficher le dernier numéro entrant.
C'est celui d'un téléphone portable qui lui est totalement inconnu. En tout cas, ce n'est pas celui d'un de ses clients.
- Qu'à cela ne tienne, conclut-il, je n'ai qu'à le rappeler.
Aussitôt dit, aussitôt fait !
Presque instantanément, une voix lui répond.
- Allo ?
– Bonsoir Monsieur, ici Jonathan Rigby, du cabinet Rigby et Rigby de Seattle. Vous venez d'essayer de me joindre ?
- Tout à fait, répond la voix, et je vous remercie de m'avoir rappelé aussi vite. Je craignais, vue l'heure avancée, de vous avoir manqué. Je suis Harvey Harper. Je suppose que mon nom doit vous dire quelque chose ?
- Bien sûr, monsieur Harper, répond Jonathan ! J'ai effectivement beaucoup entendu parler de vous. Que me vaut l'honneur de cet appel ?
Le cerveau du vieil homme est en ébullition.
Qui ne connaît pas, aux Etats Unis et même ailleurs, Harvey Harper, le texan, l'une des plus grosses fortunes de la planète ?
Ses ancêtres ont monté un immense empire du bétail, comme beaucoup au Texas. Puis ils ont su profiter de la découverte du pétrole pour étendre leurs activités. Ils ont récupéré des surfaces propices considérables, parfois par des moyens contestables.
Mais le domaine de prédilection de la famille était, et restait, l'agriculture. C'est pourquoi, à côté des bovins, le père d'Harvey s'est lancé dans la production de semences. Son sens des affaires et ses compétences lui ont permis d'absorber, au fil des ans, la plupart de ses concurrents.
Dans la continuité, Harvey s'est lancé dans la fabrication de machines agricoles. Il possède aujourd'hui une trentaine d'usines implantées dans une vingtaine de pays différents et employant près de 35 000 personnes.
- Monsieur Rigby, vous êtes toujours là ?
La question ramène brutalement Jonathan à la réalité.
- Oui bien sûr, monsieur Harper. Pas de souci, je vous écoute.
- Voilà ce qui m'amène. Avec quelques amis, nous avons décidé de déposer une offre de reprise pour Isla Nublar et tout ce qu'elle contient.
- Si je peux me permettre, dépêchez-vous ! La date limite est demain, à midi.
- Je le sais pertinemment ! Et c'est même la raison de mon appel. Nous souhaiterions passer à votre cabinet demain matin à 9 heures précises pour déposer notre dossier et vous en exposer la teneur. Il faudrait que vous prévoyiez de nous consacrer une heure à une heure trente.
- C'est que… bredouille Jonathan, j'ai déjà pas mal de rendez-vous !
- Je l'imagine sans peine mais, malgré tout, je me permets d'insister. Mes amis viennent de très loin, spécialement pour vous rencontrer, et ils seront à Seattle demain matin, entre deux avions. Ce sont des gens aux agendas très remplis. C'est d'ailleurs ce qui vous explique notre proposition très tardive.
- Je comprends, dit le liquidateur.
Machinalement, il vient de passer la main sur son crâne dégarni, comme il le fait toujours lorsqu'il est soucieux, et s'aperçoit à cette occasion qu'il a toujours son chapeau sur sa tête.
Il le retire promptement et le pose sur son bureau, juste devant lui.
- Je ne suis pas certain, poursuit-il, de pouvoir joindre ce soir mes rendez-vous de demain matin. Mais je vais essayer. Si je ne vous rappelle pas, c'est que je serai parvenu à m'organiser.
- Cela me convient, répond Harper. Je ne doute pas que vous y parveniez et je vous dis dès à présent : à demain, 9 heures. Ne me décevez pas, Monsieur Rigby, car je vais devoir voyager une partie de la nuit pour être exact à notre rendez-vous, comme mes amis, d'ailleurs.
Jonathan sent nettement, dans ces derniers mots, comme des accents de menace.
Et Harper a le bras long, très long, même !
- A demain, monsieur Harper, finit-il par répondre.
- C'est ce que je voulais vous entendre dire ! Bonne soirée, répond l'intéressé, qui raccroche aussitôt !
Abasourdi, Jonathan s'appuie contre le dossier de son fauteuil.
Quelle galère ! Mais cela ne lui déplaît pas.
Il n'osait plus y croire.
Et pourtant une troisième offre, apparemment plus sérieuse à ses yeux que les autres, devrait être déposée demain matin.
Car Harvey Harper n'est pas seulement un homme d'affaires de premier plan.
Il est également un grand fan des grands reptiles disparus. Depuis sa plus tendre enfance, il collectionne tous les objets, relatifs à ces animaux, qui passent à sa portée. Les médias prétendent qu'il en a rempli trois entrepôts complets : de l'épinglette ou du porte-clefs jusqu'aux squelettes complets des plus grands spécimens.
On ne compte plus le nombre d'expédition qu'il a financées. Il a approvisionné de ses découvertes tous les plus célèbres musées d'histoire naturelle de la planète.
On prétend également que sa bibliothèque sur le sujet est exceptionnelle. Les plus grands paléontologues viennent chez lui pour consulter ses ouvrages rares et précieux.
Jonathan caresse machinalement le sommet de son crâne dégarni.
Finalement, c'est John qui avait raison. A force de vouloir quelque chose, on finit par lui donner vie.
Il est maintenant 18 h 45 et il doit encore annuler trois rendez-vous.
Si les deux premiers ne posent pas de problèmes, ses interlocuteurs étant de bonne volonté, le troisième s'avère nettement plus délicat. Il faut dire que son correspondant est loin d'être commode. Il s'insurge contre ce déplacement, souligne au passage ce qu'il considère comme du laxisme et un manque évident de professionnalisme.
Petit à petit, Jonathan s'énerve.
- Ecoutez-moi bien, cher monsieur, finit-il par dire, si vous le souhaitez, je peux vous orienter vers un de mes confrères qui sera, sans nul doute, à vos yeux, nettement plus sérieux et plus professionnel que moi.
- N'essayez pas de vous défausser, rétorque l'autre, agressif, ce n'est pas ce que j'attends de vous.
- Que cela vous plaise ou non, il m'est impossible de vous recevoir demain matin ! Prenez-le comme vous voulez !
- Vous avez trouvé une affaire plus juteuse, c'est ça ? Je ne suis plus assez bien pour vous ?
- Je n'en sais rien et ce n'est pas le sujet, répond Jonathan, excédé. Ce que je sais, c'est que des gens viennent de très loin pour me rencontrer. Comprenez-le ou pas, je m'en moque, mais je les recevrai. En ce qui vous concerne, je vais faire un dernier effort. Si vous acceptez de déplacer le rendez-vous, je ne vous le facturerai pas. Cela vous convient-il ?
Au bout du fil, son interlocuteur s'est enfin calmé. Un accord est trouvé.
Après avoir raccroché, Jonathan soupire bruyamment.
Tout est réglé !
Il est tard et il va enfin pouvoir rentrer chez lui et se reposer, car demain sera une journée difficile et déterminante.
Il remet son chapeau, salue Maria, toute étonnée de le voir encore là à cette heure, et s'éloigne en sifflotant.