Bonjour à tous.
Avant de commencer, un peu de blabla. Je viens très TRES tard dans ce fandom qui est relativement mort. Surtout côté français.
Mais voilà, Dragon Age a été mon roc. Mon univers pour m'évader en 2017 et j'ai un amour tout spécial pour Fenris et Garrett Hawke. Mes petits préférés. Ils m'ont aidés à tenir face aux épreuves de la vie.
Cette fiction est issue d'un RP avec ma BFF, je l'ai remanié pendant un an pour le seul plaisir de Raspberry, mi Amor, et cette fic n'est autre que son cadeau d'anniversaire !
Un long cadeau, qui nous a pris beaucoup de temps et d'investissement (et qui va encore en prendre pas mal !)
Voilà, presque un an après les premiers mots, je te dédicace cette aventure mi Amor, et je la publie, le jour J !
Cette fic va suivre la trame du jeu mais ce n'est qu'un filet de sécurité car les personnages se rencontre de manière différente. Elle est centrée sur Fenris et Garrett, mais les autres membres de la fine équipe auront aussi leur importance. Ils sont tous merveilleux comment les mettre de côté.
Merci d'avoir lu mon pavé.
N'hésitez pas à laisser un commentaire, à me dire ce que vous en pensez !
Bonne lecture !
Coup de Foudre à la Côte Orageuse
Chapitre 1
-Ah ! Ce trou à rat m'avait manqué ! déclara Garrett Hawke avec un large sourire.
Il posa sa chope de bière. Ses compagnons affichaient tous la même mine blasée avant d'en rire. Varric, à sa droite, lui adressa un regard consterné. Malgré le temps frais, l'éternelle chemise rouge du nain était ouverte à mi-poitrine pour montrer à quel point sa pilosité était merveilleusement sexy, ses cheveux blond vénitien attachés en une demie queue de cheval haute et un sourire espiègle qui flirtait sur ses lèvres. La bonne humeur de Hawke était toujours contagieuse. Varric but une autre gorgée de sa chopine pour oublier le temps somptueux de la Côte Orageuse. Celle-ci portait bien son nom, avec justement un coup de tonnerre pour leur rappeler pourquoi ils étaient entassés entre les quatre murs de planches de cette taverne. Heureusement qu'ils avaient croisé ce village de pêcheur avant que le gros de la tempête ne leur tombe sur le nez, même si c'était tout relatif.
Il avait fallu qu'Isabela les traîne ici, sur le tas de boue humide qui constituait la majeure partie du pays : Férelden.
Cela faisait un an que Hawke avait débarqué à Kirkwall et qu'il n'était jamais revenu sur sa terre natale. Alors qu'il n'y avait qu'à traverser la mer pour se retrouver en Férelden, précisément dans cette région.
Tous autour de cette table savaient que la famille Hawke avait fui le cinquième Enclin depuis Lothering pour arriver à Kirkwall en espérant se reconstruire, poursuivre sa vie bien qu'il soit un apostat. Un mage exerçant hors du cercle était généralement considéré comme dangereux. Ce qui avait obligé Garrett ainsi que Bethany à toujours cacher leur talent. Mais la masse de réfugiés féreldiens s'amassant dans la cité-état avait suffisamment donné de travail aux Templiers pour qu'il ne soit pas inquiété de finir dans le donjon du Cercle. Et puis, Hawke avait perdu trop de membres de sa famille pour se cacher et s'apitoyer sur lui-même. Son père était mort durant l'Enclin et sa sœur Bethany au cours de leur fuite, laissant Carver – son cadet et le frère jumeau de Bethany – plus renfermé que jamais. Blessée, sa mère avait dû faire face à la trahison de Gamlen, son propre frère, qui avait perdu les titres ainsi que la maison Amell pour une dette de jeu. C'était pour eux, pour retrouver leur dignité, qu'il se battait bec et ongles. Hawke avait accepté de travailler pour des mercenaires afin de payer l'entrée dans Kirkwall. À présent, Garrett effaçait sa dette au fur et à mesure de ses missions mais aussi pour redorer le blason de sa famille et récupérer leur demeure dans la Hauteville. Pour ne plus être obligé de vivre dans le taudis de Gamlen dans la Basseville.
Garrett Hawke était une force de la nature, mentalement et physiquement parlant. Pour un mage, il était taillé tel un soldat avec des bras massifs, de larges épaules, un torse puissant, ce qui l'aidait énormément – en tant que charmeur né. Un sourire communicatif était toujours collé à ses lèvres, les cheveux bruns courts en bataille, une barbe mi-longue bien taillée et des yeux fauves brillant d'espièglerie. Une marque rouge barrait l'arrête de son nez, suscitant parfois des questions curieuses. Hawke adorait extrapoler dessus : il racontait que c'était le sang d'un dragon qui avait marqué sa peau à vie et que le dit dragon était mort de sa main. À toutes ses qualités s'ajoutaient le sarcasme et les blagues de mauvais goût.
-On est encore loin ? s'enquit Anders.
Contrairement au nain, le mage assis à la gauche de Hawke était couvert jusqu'au cou avec un manteau à col montant, la fourrure de ses épaulettes encore mouillée. Il avait même détaché ses cheveux blonds pour les faire sécher, sans grand succès puisque des mèches venaient coller à son visage pourvu d'une barbe de quelques jours. Ses prunelles mordorées revenaient très souvent sur Garrett, leur leader. Anders avait volontairement fuit Férelden et le cercle contrairement à Hawke.
En face d'Anders, Isabela laissa échapper un soupir dramatique avant de répondre :
-Non, mon contact est plus au sud, dans le village suivant.
La pirate rivainienne joua distraitement du doigt sur la hanse de sa chope – elle encaissait encore mal la perte de son bateau lors de cette maudite tempête qui l'avait forcée à se rabattre sur Kirkwall et renouer avec ses talents de voleuse. Sa lourde chevelure brune était retenue par un bandana bleu, des mèches glissant sur une épaule dénudée, sa poitrine généreuse enserrée par un corsage blanc qui contrastait avec sa peau tannée. Ses doigts crochetèrent sa boisson pour la porter à ses lèvres pulpeuses, le mouvement faisant cliqueter son épais collier d'or autour de son cou qui dégringolait vers son décolleté comme un appel à la luxure.
-Vu la distance entre chaque bourgade…, grommela Anders.
-C'est l'histoire d'un jour de plus et après, tu pourras retourner à ta sombre clinique, répondit Isabela.
Elle détestait qu'on ne paie pas ses dettes, surtout quand c'était elle la débitrice. Mais elle avait besoin de renfort au cas où le bonhomme décide de la payer autrement qu'en or.
Anders lui adressa un regard agacé à son jeu de mot, entre sa clinique et le fait qu'elle soit située dans Sombrerue.
-Et après ce charmant interlude, nous pourrons reprendre notre collecte de fonds pour l'expédition des Tréfonds, glissa Varric en accrochant le regard de Hawke.
-On ne pouvait pas faire payer Isabela, argumenta Garrett.
-Non c'est sûr, la rivainienne aurait attendu que j'aie le dos tourné pour prendre ta bourse, répliqua Varric avec un rictus.
-Ce n'est arrivé qu'une fois, soupira Hawke en affichant une moue boudeuse.
-Et tu entendras parler de cette unique fois jusqu'à la fin de tes jours, railla Isabela avec pouffement.
Anders eut un léger rire et son air boudeur disparut.
-On attend au chaud que l'orage passe et on repart, fanfaronna Garrett.
-Hawke, on est sur la Côte Orageuse, fit Isabela en détachant les syllabes de la région citée.
Garrett voulut répliquer mais la porte de la taverne s'ouvrit brutalement, faisant rentrer l'humidité, le froid ainsi que quatre hommes encapuchonnés. Par réflexe, le mage ainsi que ses amis tournèrent la tête vers eux. La pluie avait assombri leurs manteaux verts. Quelques pièces d'armures ornaient leur accoutrement mais il ne s'agissait pas de Templiers. C'étaient des esclavagistes tévintides.
-Il manquait plus que ça, ironisa Varric. Une journée catastrophique n'est jamais vraiment complète sans une rencontre avec des tévintides.
Ils plongèrent tous le nez dans leurs boissons.
-Qu'est-ce qu'ils viennent faire ici ? souffla Anders.
-Profiter du beau temps, blagua Hawke.
Mais les quatre amis avaient tous un œil sur le cortège qui passait de table en table pour demander s'il n'avait pas vu un esclave aux cheveux blancs, un esclave qui s'était enfui avec le « trésor de son maître ». Les tévintides vinrent évidemment leur poser la question et Isabela ne résista pas :
-Avec le trésor de son maître ? Ooooh le vilain !
-Peut-être qu'il n'avait pas compris le principe de l'esclavagisme et croyait partir avec sa solde ? avança Varric.
Mais les hommes ne goûtèrent pas la plaisanterie, se désintéressant rapidement du groupe de rigolos pour aller questionner les autres badauds. Hawke continua de leur servir un grand sourire qui disparut dès que les esclavagistes passèrent la porte. Les quatre compagnons échangèrent des regards pour jauger les intentions des uns et des autres.
-J'ai besoin de me dégourdir les jambes, lança Garrett en se levant.
-Dis plutôt que tu ne peux pas t'empêcher de courir au-devant des ennuis quand tu en vois, répliqua Anders avec une tendresse amusée dans la voix.
Hawke lui adressa un rictus avec un clin d'œil.
-Je suis toujours partante pour mettre des bâtons dans les roues des esclavagistes, chatonna Isabela.
-Et moi pour ressortir sous la nuit pluvieuse, grommela Varric. La bière était dégueulasse, mais tout de même…
Ils sortirent de l'auberge. La pluie avait faibli, n'étant plus qu'une petite bruine mais chacun avait rabattu sa capuche, leurs vêtements à peine secs. Hawke fit le premier pas dans la boue et rapidement, il fut suivi par Anders, Varric et Isabela. Leur attention était focalisée sur les tévintides qui repartaient sur la route, avec leur butin. Les quatre hommes entrés dans la taverne avaient rejoint leurs compagnons, formant alors un groupe d'une douzaine d'hommes. Ils houspillèrent les esclaves pour les faire lever et leurs ordonnèrent d'avancer avec quelques coups.
Personne ne prêta attention à la silhouette encapuchonnée qui sortit peu de temps après le cortège des voyageurs. Drapée de noir, plantée devant l'entrée, la personne fixa son regard sur les esclavagistes puis sur les étrangers.
La raison qui poussait ces inconnus à suivre les tévintides lui échappait. Bien qu'il soit tenté de les laisser gérer les esclavagistes, il ne pouvait pas. C'était lui que ces hommes cherchaient. Sans aucun doute des chiens de chasse de son maître. Et il était incapable de ne pas venir à l'aide de ses elfes. Il ferait d'une pierre deux coups : libérer des esclaves et éviter que ces tévintides ne donnent sa localisation à Danarius, bien que sa route était tracée par les cadavres qui s'y accumulaient. Après un temps d'observation, et d'hésitation, il se mit à suivre les quatre compagnons qui prenaient en filature les esclavagistes, à distance raisonnable.
Hawke ne désirait pas ouvrir le combat dans le village, surtout qu'il s'était laissé dire qu'il avait la main lourde sur les sorts de feu. Et même si les maisons de bois étaient gorgées d'eau, les villages ne pleuvaient pas dans la région, raison de plus pour être raisonnable. Ils suivirent donc le convoi qui partait pour les collines tout en établissant une stratégie. Ils allaient devoir frapper vite et fort car ni Carver ni Aveline ne les accompagnait. Donc pas de guerrier pour retenir leurs adversaires. Mais l'effet de surprise devrait pallier à ce problème.
Isabela se fondit dans l'ombre, s'avançant dans les buissons qui bordaient la route. Elle doubla les tévintides sans être vue. Garrett ouvrit les hostilités. Il tendit sa main libre devant lui, l'autre décrochant son bâton de mage maintenu dans son dos. Ses doigts se recourbèrent comme s'il cherchait à attraper sa proie tandis qu'il incantait à voix basse. Dès que l'Étreinte de l'Hiver enveloppa le chef du groupe d'une gangue de glace, les autres se lancèrent dans la bataille. Varric avait Bianca en main – sa merveilleuse arbalète – et logea un carreau dans la gorge du dernier soldat qui fermait la marche, derrière les esclaves ; un autre voulut crier mais une dague lui coupa le souffle en venant se nicher entre ses deux omoplates ; Anders invoqua une barrière magique pour les protéger, lui, Hawke et Varric, des représailles des tévintides.
Car à Tévinter, les mages étaient légions et fiers de l'être, c'est donc sans surprise qu'un sort de feu s'écrasa sur le voile verdâtre de protection. Isabela disparut dans l'ombre lorsqu'un sort électrique la frôla, sa retraite couverte par Varric qui avait fait pleuvoir la colère de Bianca sur ses assaillants. Hawke avait pris pour cible une des mages adverses, ne cessant de lui envoyer dans les dents des sorts de feu et de glace, faisant tournoyer son bâton avec une dextérité digne d'un guerrier. Le combat faisait rage et les esclaves s'étaient réfugiés contre des buissons sous la supervision de deux gardes.
Au milieu de la bataille, une silhouette vêtue de noire et d'apparence frêle, finit par sortir du couvert des arbres, brandissant une gigantesque épée à deux mains. Une étrange lueur lunaire semblait émaner de sa personne et les tévintides hurlèrent des ordres afin de capturer l'intrus. L'esclave en fuite apparemment.
Le regard de Hawke ne put se défaire du mystérieux guerrier qui porta une main vers l'attache de sa cape pour s'en défaire, celle-ci glissant au sol. C'était un elfe, comme beaucoup d'esclaves à Tévinter, dont le corps souple et fin était enserré dans une armure noire comme de l'encre, faite de cuir et d'un plastron de métal avec des plumes sur les épaules. Sa peau sombre était parcourue d'entrelacs qui lui conféraient une lueur opalescente, irréelle. À peine sa cape toucha-t-elle le sol que le guerrier elfe fonça sur les deux gardes venus à sa rencontre, les pourfendant d'un efficace coup d'épée. Leurs tripes se déversèrent sur le sol.
-Hawke ! Un peu d'aide ne serait pas de refus ! appela Varric.
Le mage se rendit alors compte qu'il en avait oublié de jeter son sort, subjugué par le nouvel arrivant. Il tressaillit avant de se lancer plus férocement dans la bataille. Il sortit du couvert de la barrière d'Anders et frappa le premier venu avec la lame qui festonnait son bâton de mage avant que celui-ci ne tournoie avec une agilité diabolique, jetant des sorts ou tranchant la chair. Rare étaient les mages à se lancer dans la bataille mais Hawke n'était pas de ceux qui restent en dernière ligne. Son regard ne cessait de revenir vers le guerrier dont la fureur semblait animer les arabesques lunaires de sa peau. Son épée presque aussi grande que lui était maniée avec une dextérité redoutable, ne laissant aucune chance à ses ennemis de s'en sortir vivants. L'elfe était féroce, implacable. Garrett le regarda attraper la gorge d'un soldat avec son gantelet griffu comme s'il s'agissait d'une brindille d'herbe. L'étrange magie qui faisait briller sa peau lui permit de pénétrer dans le corps même de son adversaire afin de lui broyer les cervicales dans un craquement sinistre. Puis il relâcha le cadavre qui s'effondra au sol, à ses pieds, qu'il avait nus. Hawke avait bêtement suivi la chute du cadavre pour laisser son regard parcourir de haut en bas le corps de l'elfe. Il ne se secoua que lorsqu'il sentit Isabela le frôler – ou lui donner un coup de hanche pour le bousculer – tandis qu'elle plaquait au sol un garde afin de lui trancher la gorge avec ses deux lames. Hawke décocha un sort de feu tandis que le mystérieux guerrier reprenait sa chorégraphie mortelle, gracieux tout en embrochant son ennemi suivant.
Ils vinrent rapidement à bout des esclavagistes et le dernier à tomber dans la boue fut de la main même de l'esclave en fuite, couvert du sang de ses victimes. Quelque peu essoufflé mais souriant à pleines dents, Hawke fixa l'inconnu. La lueur s'estompa pour montrer une peau brune parcourue de lignes blanches prenant naissance sur son menton, descendant dans son cou, continuant sur ses bras partiellement dénudés. Le mage baissa le regard jusqu'à ses pieds nus, qui étaient aussi décorés de ces étranges tatouages. L'attention de Garrett revint sur son visage. Il plongea dans le regard vert de l'elfe, dont l'intensité rappelait une forêt de montagne tandis que ses cheveux à la blancheur irréelle collaient à son fin visage. Cet elfe était superbe.
Gardant ses distances, le mystérieux guerrier baissa son épée, ses yeux allant sur les différents membres du groupe avant de revenir sur les deux mages. Son visage demeurait impassible mais ses prunelles olive étaient remplies de méfiance et de colère. Le combat était fini mais la tension de ses muscles ne semblait pas se relâcher.
-Quelles que soient vos motivations, je vous remercie d'avoir été une efficace diversion, fit-il de sa voix de basse.
Tous glissèrent un regard vers leur leader qui demeurait muet. Le regard de Hawke était aimanté à l'inconnu. Un long frisson était descendu jusqu'au creux de ses reins à cette voix basse et grave qui lui plaisait autant que la fascinante férocité de l'elfe au combat. Un brin blasé, Varric prit les devants tandis que le guerrier s'éloignait vers les esclaves afin de les libérer.
-Mais de rien, on adore être des cibles vivantes en plus de jouer les empêcheurs d'esclavager en rond.
-Alors tu es l'esclave qu'ils cherchaient... je peux comprendre pourquoi, ronronna Isabela en détaillant l'étranger.
Hawke sembla se réveiller à cet instant, lançant un regard trahi à la voleuse qui pouffa. Garrett s'éclaircit la gorge :
-Alors, tu... tu es un esclave en fuite ?
Varric croisa les bras et glissa à Isabela, sans chercher à être discret :
-Délicat.
-Très délicat, approuva-t-elle.
L'elfe dit aux esclaves de partir, qu'ils étaient libres mais ceux-ci marquèrent un temps d'hésitation, incertains de leur sort, avant de filer sans demander leur reste. L'esclave en fuite aurait pu ignorer la question mais il se retourna pour faire face aux étrangers. Son regard vint transpercer l'importun qui avait stupidement fait écho à son amie, un sourcil à peine froncé en signe d'agacement.
-Vous avez un talent inné pour la déduction, railla-t-il.
Mais le sarcasme ne semblait pas atteindre Hawke, qui était déjà perdu. Ce dernier renifla avec amusement avant d'offrir un plus large sourire à son interlocuteur. Juste à ses côtés Anders affichait une mine renfrognée tandis que les deux autres semblaient s'amuser de la situation.
-Vous ressemblez plus à des mercenaires qu'à de bons samaritains, argumenta l'elfe.
-On n'est pas vraiment des mercenaires, s'empressa de répondre Garrett.
Il fit tournoyer son bâton pour l'accrocher à son support dans son dos, croisant alors les bras, bombant le torse avec assurance.
-Mais ça nous arrive de filer des coups de main, rémunérés ou pas.
-On adore se défouler sur les esclavagistes par exemple. Il n'y a rien qui offre le plus de satisfaction que le travail bien fait, chatonna Isabela.
-Sauf que tu ne sais pas ce que signifie le mot "travail", commenta Anders sans lâcher Hawke et le nouveau venu du regard.
Cette dernière posa sa main entre ses seins en prenant un air outré. Garrett les ignora, son attention aimantée sur le guerrier.
-Pourquoi, tu as un job à nous proposer ? demanda Hawke.
L'elfe les observa avec une froide indifférence, nullement réceptif aux grands sourires du chef de la bande. Mais ses prunelles vertes allèrent sur l'autre mage avant de revenir sur le leader, comme pour anticiper le moindre geste suspicieux. La question reçut une réponse lapidaire, aussi tranchante que la lame de son épée :
-Non.
-Ah... lâcha Garrett dont le sourire se fana et le torse se dégonfla sensiblement. Et tu as besoin d'un coup de main ?
-Hm, Hawke ? Je te rappelle qu'on n'est pas venus ici pour faire du tourisme, intervint Varric en alourdissant son regard sur lui.
-Quelle que soit la beauté des paysages et la passion qu'ils suscitent, poursuivit Isabela sur le ton chantant de la taquinerie.
Anders se contenta de croiser les bras avec désapprobation, un regard peu amical sur le guerrier. L'esclave en fuite soupira d'agacement, son regard froid se plantant dans celui du dénommé Hawke.
-Non. Et encore moins de la part d'un mage.
La réponse cloua Garrett sur place, le laissant sans aucune répartie et le Créateur sait qu'il en manquait rarement. Il avait l'habitude de se heurter à l'animosité envers les mages, envers les apostats, à l'incompréhension de la magie et les peurs qu'elle suscitait mais la haine de l'elfe le laissait interdit. Les prunelles vertes le fusillaient comme si Anders et lui n'avaient pas le droit d'exister.
-Profitez bien de votre séjour à Férelden, adressa le guerrier à Varric et Isabela.
Il avait volontairement snobé les deux mages, tourna les talons et repartit vers sa cape trempée au sol. L'elfe accrocha son épée dans son dos, récupéra sa cape, la secoua d'un geste sec avant de la remettre sur ses épaules. Isabela salua l'elfe d'un geste de la main tandis que Varric soupirait lourdement et vint tapoter le dos d'Anders.
-Allez, Blondie, Hawke. Ne restons pas là.
Anders fut le premier à se détourner de cet interlude désagréable, remerciant Varric d'un rictus. Toujours sans voix, Garrett suivit la silhouette de l'elfe qui s'éloignait sans autre forme de procès puis il se détourna à contre-cœur lorsqu'il ne fut plus qu'une ombre parmi les ombres.
Les quatre amis retournèrent vers le village afin d'y passer la nuit, un choix plus sage bien que leur leader semblait avoir l'esprit temporairement ailleurs. Mais avec une chope de bière et des cartes, l'ambiance se réchauffa et Hawke retrouva son sourire ainsi que sa grande gueule habituelle. En revanche, il perdit quelques vêtements : Isabela et Varric étaient des adversaires redoutables à la grâce perfide.
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Cela faisait quelques mois qu'il parcourait Thédas mais il n'arrivait toujours pas à se faire aux ambiances des tavernes. C'était bruyant, il y avait de fortes odeurs, pas toujours agréables, et souvent la boisson était de piètre qualité. Mais c'était l'endroit idéal pour se faire discret. Fenris était à une table isolée dans une auberge de la Basseville, nommée le Pendu. Il avait pris la direction de la cité-état de Kirkwall, pour se mêler à la masse des réfugiés de Férelden afin que ses poursuivants perdent sa trace. Danarius ne cesserait pas de le chercher mais au moins, il pouvait gagner du temps. Ce qui lui permettait d'effectuer des petits boulots de mercenaire, d'accumuler de l'argent pour continuer à fuir. Jusqu'où, il ne savait pas encore. Mais au moins, il pouvait s'offrir un toit et un repas, car à Kirkwall, dormir à la belle étoile était proscrit. Les rues étaient de vrais coupe-gorges la nuit.
Fenris but une gorgée de son verre de vin rouge, son regard traînant sur les tables à la recherche de personnes qui pourraient le traquer mais il n'y avait que des habitués ou des voyageurs fatigués qui trinquaient, mangeaient ou discutaient bruyamment. Certains jouaient aux cartes ou menaçaient de se bagarrer. Et même si cela l'agaçait profondément d'être dans la grande salle, le brouhaha avait quelque chose de rassurant. Car sa solitude l'enfermait dans un cercle de haine dont il avait conscience mais il était incapable de pardonner ce qu'on lui avait fait, ce qu'on l'avait obligé à faire.
Un groupe entra. Fenris porta distraitement son regard sur eux avant de se figer. C'étaient les quatre étrangers qu'il avait croisés sur la Côte Orageuse, en Férelden. L'elfe baissa le nez sur son verre, espérant ne pas attirer leur attention mais le Créateur ne l'exhaussa pas. Du coin de l'œil, Fenris vit les quatre amis le scruter avant qu'une silhouette massive se détache du groupe pour se diriger vers sa table, slalomant entre les clients pour venir se planter devant la chaise vide.
-Salut, dit l'homme d'un ton enjoué avec un grand sourire charmeur.
Un soupir agacé échappa à Fenris tandis qu'il relevait ses yeux verts sur le mage, dénommé Hawke si ces souvenirs étaient exacts. Fenris demeura complètement hermétique, son visage aussi lisse que du marbre et ses prunelles hostiles, bien qu'il ne soutînt pas longtemps son regard.
-Alors tu as réussi à t'enfuir jusqu'à Kirkwall ? continua Hawke.
-Vous êtes un maître de l'évidence, railla Fenris.
Le sourire du mage s'agrandit.
-Tu vas rester dans le coin ?
-Je suis de passage.
-Ah… Besoin d'un coup de main ?
-Non, fit le ton tranchant et bas de l'elfe.
Son regard se releva pour fusiller l'homme en face de lui qui semblait peu refroidi par son animosité.
-Mais si…
-Je n'ai pas besoin d'un mage, répliqua sèchement le guerrier.
Sa voix de basse ne s'était pas élevée mais la menace était claire. Mais Hawke ne recula nullement. Tout au plus, son sourire s'affadit, et il demanda quand même :
-Je te paie un autre verre ?
Fenris n'apprécia guère la tentative de séduction et se leva brusquement, saisissant sa bouteille de vin d'une main et son épée de l'autre. L'elfe planta le mage devant sa table, sans un mot, sa démarche tendue tandis qu'il se dirigeait vers le fond de la salle, qui menait à l'escalier desservant le couloir des chambres. Il avait payé pour rester ici cette nuit. Parmi le brouhaha des clients, il entendit Hawke lui jeter « une autre fois peut-être ?! ». Cet imbécile était soit suicidaire soit un crétin fini. Sans doute les deux même.
Fenris entra et referma la porte de sa chambrée derrière lui, bloquant celle-ci avec le petit verrou rudimentaire avant de prendre la chaise afin de parfaire l'interdiction d'entrer. Il déposa son épée contre le mur et but une longue gorgée de vin pour se calmer les nerfs. Comme il n'avait pas envie de retourner dans la grande salle pour avoir une autre bouteille de vin, Fenris nettoya son épée et l'affûta avec le matériel nouvellement acquis. Il avait besoin de se vider l'esprit. Sans doute, changerait-il d'auberge le lendemain pour ne pas les recroiser.
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La nuit était déjà tombée depuis quelques heures mais Garrett ne craignait pas les tire-laines. Il attirait généralement les ennuis mais ceux-ci finissaient souvent en cochard rôti. Sa petite mission d'escorte venait de finir, il avait quelques pièces en poche pour aller boire une bière au Pendu et parler avec Varric des Tréfonds. Mais il voulait surtout y revoir le mystérieux elfe. Alors ses pas prirent le chemin de la taverne, dernier endroit où il l'avait vu la veille. Il s'était proprement fait envoyer paître mais ne pouvait se résoudre à abandonner. Il y avait quelque chose qui le fascinait chez cet elfe. Il était sublime, se battait avec férocité, avait une voix qui lui collait des frissons. Hawke avait la sensation d'avoir rencontré un être d'exception. Il ne pouvait se détourner de lui aussi facilement.
La veille, Isabela s'était bien moquée de lui au sujet de son monumental râteau. Elle avait même dit qu'elle tenterait sa chance dès qu'elle le reverrait. Raison de plus pour ne pas lui en donner l'occasion. Garrett pria le Créateur pour que l'elfe y soit encore.
Perdu dans ses pensées, le mage fronça les sourcils en percevant des bruits de luttes et des cris de douleurs. Il ne pouvait pas passer à côté sans aller jeter un œil. Hawke regarda le chemin vers le Pendu, la mort dans l'âme. Puis il tourna les talons et se mit à courir en direction des échos du combat. Il longea une ruelle pour atteindre une plus grosse artère qui donnait sur le port. Avant même de passer l'angle de la rue, Hawke s'arrêta net face au cadavre qui s'écroulait contre le mur, laissant une trace de sang sur la pierre blanche du bâtiment. Le mort était en armure avec l'emblème de Tévinter sur le poitrail.
Garrett avança en enjambant le corps et chercha le combattant et ses assaillants. Et il vit l'elfe. Sa peau était couverte de cette lueur opalescente énigmatique, son épée à deux mains embrochait un de ses adversaires tandis qu'il se faisait encercler par trois autres gardes. Un grand sourire idiot étira les lèvres de Hawke en même temps qu'il récupérait son bâton pour décocher un trait de feu au premier gus qui tenta de prendre l'esclave en fuite à revers. Hors de question que quelqu'un touche à son béguin. Même si lui n'y avait pas le droit non plus. Régime sec pour tout le monde !
Le regard vert forêt de l'elfe rencontra le sien une fraction de seconde, brillant de colère, mais Garrett lui adressa un sourire féroce avant de se lancer dans la bataille à ses côtés. Son bâton vint cueillir le bras armé d'un homme qui l'avait pris pour cible. De la lame de la pointe, le mage lui taillada le muscle du bras puis il incanta rapidement une boule de feu pour projeter son adversaire blessé contre le mur le plus proche.
Fenris profita de cette opportunité. La surprise de son adversaire lui permit de le désarmer. L'épée du tévintide tomba au sol dans un bruit métallique avant que la main luminescente de l'elfe ne le transperce, lui arrachant le cœur d'un geste brutal et sans pitié. Le cadavre tomba sur les pavés gris, les inondant de son fluide vital, sous le regard médusé du dernier survivant du bataillon. Le guerrier se jeta sur ce dernier avant même qu'il puisse lui échapper. Fenris le blessa à la jambe et le tévintide chuta lourdement sur le sol. Désespéré, l'homme supplia de l'épargner tout en essayant de se relever. Fenris vint l'immobiliser d'un genou dans le dos avant de lui faire craquer les cervicales entre ses deux mains griffues. Garrett n'avait pu détacher son regard de l'elfe. Il était beau et d'une brutalité captivante. Il se rapprocha de lui avec un sourire bravache, le torse gonflé d'assurance.
-Je ne vous ai rien demandé, feula Fenris en le fusillant du regard avant de baisser les yeux.
-Non, mais tu semblais avoir besoin d'un coup de main, répondit tranquillement Hawke. Encore des esclavagistes ?
-Cela ne vous regarde pas.
Toujours au sol, accroupi, Fenris garda un œil sur lui tout en fouillant le corps de son adversaire. Hawke le détailla sans se cacher. Ces cheveux blancs qui encadraient son fin visage, les tatouages lunaires qui flattaient sa peau brune, jusqu'à ces pieds nus couverts de poussière et du sang de ses victimes. Et sa voix basse qui n'avait pas besoin de crier pour se faire comprendre, vibrante d'une tension incroyable. Garrett savait qu'il allait se casser le nez. Le mage détourna les yeux pour voir s'il n'y avait pas un retardataire à la fête ou un espion qui voudrait embarquer son béguin. Il accrocha son bâton dans son dos d'un mouvement fluide et habile.
-Et qu'est-ce que ce coup de main va me coûter ? questionna Fenris en se relevant, son regard plein de méfiance.
-Rien, répondit Garrett.
-Rien n'est gratuit.
-Alors… que je t'offre un verre au Pendu ? Tu y crèches toujours ?
Fenris le scruta avec suspicion avant de l'ignorer, dirigeant ses pas vers un autre cadavre pour fouiller ses poches sous le regard attentif du mage qui attendait une réponse. Hawke le laissa faire sa fouille tranquille. Le guerrier finit par récupérer une lettre dans un des manteaux de ses assaillants.
Fenris regarda la feuille de papier avec agacement. Il reconnaissait le sceau de Danarius mais l'ouvrir ne lui servirait à rien. Il ne savait pas lire. Ses doigts voulurent se refermer sur la lettre pour la broyer mais il avait besoin d'en savoir le contenu. Sa mâchoire se crispa et il releva ses prunelles olive sur l'insupportable mage qui était toujours là. Ce dernier lui adressa un grand sourire.
-Lisez-moi plutôt ceci à la place d'un verre, demanda Fenris.
Hawke demeura interdit, son regard allant du visage de l'elfe à la lettre tendue. Évidemment, qui instruisait un esclave ?…
-Oh tu… oui, bien sûr, se rattrapa-t-il.
Fenris était déjà en train de la ramener à lui quand Garrett la saisit avec vivacité. La main de l'elfe s'éloigna bien vite de la sienne, les étranges tatouages s'illuminant temporairement à son approche. Il n'avait vu que l'écho qui était remonté sur son avant-bras dénudé mais devinait que si ses mains étaient pourvues des fameux tatouages, ceux-ci avaient dû s'activer à cause de sa magie. Si c'était le cas, alors les entrelacs d'opales étaient faits de lyrium. Hawke mit ses questions de côté, fit sauter le cachet de cire et lut le contenu de la missive sous le regard sombre et la mine renfrognée de son coup de foudre.
-C'est une lettre adressée à un certain Danarius.
Garrett releva la tête pour jauger sa réaction mais la mine contrariée de l'elfe l'invita à poursuivre.
-Il est écrit : « Nous allons séjourner à Kirkwall quelque temps, votre esclave semble être dans la cité-état. Nous vous tenons informé de notre progression dans sa capture. »
-Ils ne sont pas les seuls, gronda l'elfe.
Le corps svelte se tendit de colère.
-Je peux t'aider, proposa de nouveau Garrett. Je peux même m'en charger avec les autres afin qu'ils ne sachent pas que tu es ici. Ceux-ci ne parlerons pas alors tu as quoi à perdre ?
-Je n'ai pas besoin de votre pitié, mage.
L'animosité de l'elfe ne refroidit pas Hawke qui affronta son regard haineux. Le sourire de Garrett disparut, ses prunelles fauves observant l'autre avec attention. Le guerrier était un ancien esclave tévintide, par conséquent, la vie n'avait pas dû être rose. Garrett avait envie de l'aider, pas par pitié mais parce que cet elfe en avait besoin et qu'il aidait plus d'un illustre inconnu dans cette cité. Outre le fait qu'il avait un sérieux coup de cœur pour ce dernier. Ce qui était une motivation supplémentaire, et s'il arrivait à marquer des points c'était encore mieux. Même s'il était mal parti.
-Ce n'est pas de la pitié, répondit Hawke d'une voix ferme en empochant la lettre. Je trouverai ceux qui restent et je les ferai taire, personne ne préviendra ce Danarius de ta présence ici. Et avant que tu me demandes ce que ça te coûtera, toujours un verre. Au Pendu, demain soir.
Garrett lui sourit avec une assurance crâne, le regard déterminé. Fenris le scruta avec défiance, le corps toujours raide. Hawke allait mettre à exécution ses paroles, aussi il salua l'elfe d'un petit mouvement de la tête avant de prendre congé. Il aurait pu craindre un coup, un revers de médaille mais rien ne vint. Il retourna sur ses pas, passa l'angle de la rue après avoir enjambé le premier cadavre. Garrett jeta un dernier regard vers l'elfe qui le fixait toujours parmi les corps inanimés à ses pieds. Il se dit stupidement qu'il était magnifique, comme la première fois qu'il l'avait vu.
Hawke disparut à l'angle de la ruelle, se dirigeant vers le Pendu avec détermination. C'était Varric qui allait râler lorsqu'il lui demanderait l'aide de son réseau pour débusquer les poursuivants du « porc-épic », comme il l'appelait, à défaut de connaître son nom. Le nain avait tendance à distribuer des surnoms et à les utiliser plus que leurs véritables noms.
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Comme prévu, Varric pesta contre Hawke. Le mage tenta de lui cacher la provenance de la lettre mais quand son ami la lut :
-C'est pour le Ténébreux ? demanda Varric avec un ton fatigué d'avance.
Garrett sourit bêtement. Le nain releva un sourcil critique à son attention. Il l'avait vu flirter avec la moitié de Kirkwall et le tiers de Férelden mais le regard que Hawke posait sur cet elfe était différent. Et il n'avait même pas commencé à le courtiser.
-C'est un esclave en fuite, on ne peut pas les laisser le capturer, argumenta Garrett. Et ce n'est pas le premier coup de main gratuit qu'on donne.
-Oui, à mon grand désespoir, râla Varric. L'aide gratuite ne remplit pas nos poches de cinquante souverains pour les Tréfonds. Sinon, j'aiderais gratuitement tout le monde et je serais roi !
-Je te paie une bière en échange ? offrit son ami avec un grand sourire.
-Tout n'est pas perdu, ironisa le nain avec un rictus.
Hawke partit chercher deux bières au bar avant de revenir dans la salle privée. Le Pendu appartenait à Varric et il bénéficiait donc d'une pièce avec une grande table pour les soirées entre amis, y faire ses comptes ainsi que ses petites combines. Au fond, une porte – toujours fermée – qui donnait sur sa chambre. En sortant, sur la droite, les chambres louées aux voyageurs et en face, l'escalier qui donnait sur la salle de la taverne. Un emplacement de choix pour tout contrôler.
Varric envoya une note à un de ses contacts. Puis ils discutèrent du semblant de plan dont ils auraient besoin pour attaquer le nid des kidnappeurs d'elfe taciturne. Il se garda de tout commentaire sur l'attitude de Garrett vis-à-vis du « porc-épique ». Hawke n'en ferait de toute manière qu'à sa tête. En revanche, il lui confia la tâche de réunir une équipe.
Lorsque Anders débarqua pour avoir une soirée agréable en leur compagnie après une journée harassante à la Clinique, Garrett lui demanda son aide. Anders s'enferma dans un mutisme désapprobateur sitôt Hawke lui eût-il exposé son plan. La perspective d'aider un elfe qui détestait les mages et surtout, qui avait si violemment tapé dans l'œil de Garrett, n'était pas dans le top de ses priorités. Anders avait flirté avec Hawke et n'était pas contre la perspective de voir en lui un compagnon. Mais cet elfe-sans-nom venait lui mettre des bâtons dans les roues. Cependant, pour Garrett et sa sécurité, il accepta de faire partie de son équipe.
Au cours de la soirée, Garrett qui ne cessait de guetter le couloir menant aux chambres, vit passer l'elfe aux tatouages opalescents. Ses yeux fauves le suivirent avant de revenir à la conversation.
Avant que Hawke ne quitte le Pendu, Varric eut des nouvelles de ses espions sur l'emplacement d'un petit groupe de Tévintides qui avaient justement essuyé des pertes et qui cherchaient un esclave. Ils se mirent d'accord pour attaquer le soir suivant. Garrett quitta ses amis et rentra chez lui. Il entra discrètement dans la maison de son oncle afin de ne réveiller personne. Que cela soit Gamlen, qui avait la bonté d'âme de les héberger dans ce taudis sa mère, qui l'avait appelé pour être certaine que cela soit bien lui – Hawke lui répondant tout bas avec douceur – ou encore son petit frère qui grogna dans son sommeil.
Au matin, il demanda à Carver de l'accompagner pour un coup de main. Son cadet déjà très agréable par nature fut d'humeur massacrante toute la journée. Il ne se gêna nullement pour critiquer les décisions de son aîné.
Débusqués dans une maison abandonnée près des Docks, les poursuivants de l'elfe ne firent pas long feu face au quatuor. Anders protégeait et guérissait les blessures de ses amis, Carver maintenait les tévintides à distance tandis que Varric et Hawke bombardaient tout le monde. L'affaire fut pliée plus rapidement qu'une formalité administrative.
Garrett entra dans le Pendu avec un sourire de vainqueur, carnassier et son regard chercha immédiatement l'elfe-sans-nom qui attendait à la même table que le premier soir où il l'avait revu, un verre de vin presque vide devant lui. Hawke salua Varric et Anders sans se retourner, se dirigeant vers leur « commanditaire » d'un pas plein d'assurance. Varric jeta un œil vers Anders qui fixait avec hostilité l'étranger. Le nain lui tapota l'épaule et l'invita à boire une bière.
Quant à Fenris, il ne savait pas encore pourquoi il avait accepté de croire les paroles de Hawke. Il haïssait les mages, il avait montré beaucoup d'animosité à son égard et pourtant, quelque chose dans le comportement sérieux de Hawke l'avait incité à essayer de lui faire confiance. Attentif, Fenris l'avait vu entrer et ne l'avait pas quitté des yeux, l'observant avec la plus grande attention. Vu l'assurance et le sourire carnassier de Hawke, il semblait avoir honoré sa parole. Garrett s'assit sur la chaise libre en face de son interlocuteur et annonça :
-C'est fait, ils seront tous silencieux.
Fenris continua de le détailler en silence. Hawke avait encore le sang séché de ses victimes sur lui, les cheveux en bataille par le combat. Quelque chose le surprenait toujours chez cet humain : sa carrure. Il était taillé comme un guerrier. Il avait vu par deux fois le mage se battre au milieu de ses ennemis sans avoir peur d'un revers. Alors que généralement les mages étaient de constitutions plus fragiles. Ils étaient des maîtres dans l'art de frapper à distance.
-Votre efficacité se vérifiera dans les prochains jours, railla l'elfe en baissant les yeux.
-Est-ce que c'est une autre requête ? questionna Hawke avec un sourire charmeur.
Un reniflement agacé échappa à Fenris et la réponse ne se fit pas attendre :
-À part celle de me débarrasser de vous ?
Une fois de plus, Hawke se montra complètement imperméable au sarcasme et eut même un sourire charmé. Il posa son coude sur la table, son menton venant s'appuyer contre sa paume tandis que son autre main se tendit pour effleurer de l'index le verre de son vis-à-vis.
-Je t'en paie un autre ?
Fenris releva un sourcil à la question, son regard transperçant son interlocuteur.
-C'était le marché, non ? Même si je ne vois pas l'intérêt de faire votre connaissance.
-Et pourquoi pas ? répondit tranquillement Hawke toujours souriant. Qu'est-ce qu'il y aurait de mal ?
-Je ne vois pas l'utilité de prendre un verre avec un mage.
La réponse était brutale, chargée de haine. Le sourire de Garrett s'affadit, ne demeurant qu'une ombre aux coins de ses lèvres tandis que son expression se faisait plus grave.
-J'ai cru comprendre, oui. J'imagine que ça a un lien avec ton ancienne vie à Tévinter ?
Fenris le scruta silencieusement. Personne n'ignorait les mœurs de Tévinter. Alors que toutes les autres puissances préféraient s'en passer, Tévinter continuait son commerce et se fournissait chez des esclavagistes dans tout Thédas. Ceux-ci y voyaient une aubaine pour se remplir les poches tandis que des familles ou des clans entiers de dalatiens étaient brisés, réduits à l'état d'objets. Le visage de Fenris était toujours aussi inexpressif mais de la colère faisait briller ses prunelles intenses.
-Mon ancien maître est un magister, répondit-il après quelques secondes.
Hawke grimaça avec empathie. La magie avait une réputation très sulfureuse surtout à cause des magisters, prêts à sacrifier le sang de leurs esclaves pour plus de puissance. La vie d'un elfe dans l'Empire était un enfer. Le regard fuyant de l'elfe croisa celui de Garrett, compatissant. Puis Hawke se détourna pour appeler Norah, la serveuse, et lui commander une bouteille.
-Il utilisait la magie du sang ? s'enquit-il.
-Oui, répondit laconiquement Fenris.
Les doigts griffus du guerrier s'emparèrent de son verre et il acheva le contenu cul sec sous le regard de son interlocuteur. La serveuse vint poser sa commande non loin de Hawke. Il paya Norah puis prit la bouteille pour la lever et en proposer à l'elfe. Fenris approuva en glissant son verre de quelques centimètres vers lui et continua :
-Pour moi vous êtes tous dans le même panier.
Les mots sans aucune bienveillance stoppèrent Hawke. La bouteille se figea juste au dessus du verre de l'elfe.
-Oh ? répondit tranquillement Garrett avec une légère pointe de sarcasme. Même le gamin de neufs ans qui gèle une flaque d'eau par inadvertance et que des templiers embarquent le matin suivant vers le Cercle le plus proche pour ne plus jamais revoir sa famille ?
Fenris releva un sourcil sarcastique, son visage toujours aussi fermé. Sa main griffue se leva et il posa un doigt sur le goulot de la bouteille pour qu'elle fasse son travail, à savoir remplir son verre, sans lâcher le mage des yeux.
-Vous essayez de m'apitoyer? Je veux bien reconnaître l'innocence d'un enfant mais tôt ou tard, il apprendra ce qu'est le pouvoir de la magie. L'homme est faible quand ses possibilités sont illimitées et peu ont la force de caractère pour ne pas y céder. Je n'en ai jamais rencontré, piqua-t-il.
Hawke sembla se réveiller lorsque ce doigt acéré appuya sur le goulot. Ce geste le charma. Il lui trouva une grâce et une assurance tout à fait fascinante. Il acheva de pencher la bouteille pour le servir correctement. Garrett remplit son verre tandis que l'elfe-sans-nom continuait sa tirade offensive :
-Mon aversion pour les mages est tout aussi justifiée que ma haine envers les esclavagistes, après tout, qu'ont fait les elfes pour être si inférieurs à une autre race ?
-Rien du tout, convint Hawke d'une voix douce. Mais il existe bien des mages elfes, non ? Est-ce que ceux-ci ne sont pas plus fiables ?
Un reniflement exaspéré échappa à Fenris à cette question.
-Elfes, humains ou qunaris, ils restent des mages. La magie corrompt tout.
-Oups, me voilà donc corrompu alors ? ironisa Garrett devant la virulence du guerrier. Moi qui faisais très attention de ne pas écouter les esprits qui promettaient des bonbons en songes.
Fenris releva un regard furibond à sa petite plaisanterie. Il savait que les mages étaient tentés par les démons en songe, qu'ils pouvaient voyager dans l'Immatériel et plus d'un cédait à la corruption de cette manière. Sans parler de ceux qui invoquaient les démons eux-mêmes par cupidité. Il avait trop souffert à cause de la magie pour la tolérer, point.
Hawke but une première gorgée de son verre. Et devant le silence éloquent de son vis-à-vis, il désigna de l'index les tatouages sur les bras de l'elfe.
-Et ces lignes sur ta peau ? Elles ont l'air magique et tu ne t'en prives pas pour utiliser les pouvoirs qu'elles te donnent, non ?
Le guerrier regarda ses tatouages avec un mélange de haine et de douleur. Il plissa les lèvres avec agacement avant de répondre sans relever les yeux :
-Ces tatouages sont en lyrium pur et la raison pour laquelle mon maître, Danarius, me traque. Il veut récupérer son investissement et je m'en sers pour m'en sortir. Tout comme je m'en servirai pour lui arracher le cœur, ajouta Fenris de sa voix de basse.
Garrett suivit du regard les lignes d'opales. Du lyrium pur. Le mage qui avait cela à sa disposition pouvait battre toute une armée avec une telle puissance. Résumons, Garrett. Cet elfe était superbe, il avait une sacrée fureur envers les mages qui pouvait exploser à tout instant. Hawke n'aurait pas dû avoir un frisson jusqu'aux reins lorsqu'il lui exposa vouloir arracher le cœur de son ancien maître. Voix basse ou pas. Il ne put empêcher un sourire un peu rêveur d'étirer ses lèvres.
-J'espère qu'il ne remettra pas la main dessus. Je suis sûr qu'ils te vont beaucoup mieux qu'à lui, répondit Garrett dans un souffle.
-Je préfère rester en vie, c'est une évidence, répondit sèchement Fenris en ignorant sa tentative de flirt.
Il n'était pas là pour se faire des amis ni s'attacher à qui que ce soit. Il fuyait Danarius depuis des mois et Kirkwall ne serait qu'une ville parmi les nombreuses sur son passage.
Mais Hawke sourit, envoûté par l'attitude revêche de l'elfe. Mais il comprenait mieux pourquoi les entrelacs avaient réagi à son approche, à sa magie. Du lyrium pur, cela avait dû être très douloureux. Et au regard que le guerrier avait porté à sa propre peau, le mage devinait que ce n'était pas son choix. On ne donne pas le choix aux objets. En face de lui, l'elfe-sans-nom acheva rapidement son verre comme si le vin calmait sa colère. Sans grand succès. Alors Garrett leva derechef la bouteille pour le resservir.
-Pour en revenir aux mages, commença Hawke en prenant une gorgée de vin. Tu n'en as jamais rencontré un seul qui ne soit pas corrompu ? Qu'en est-il de ceux qui se sont battus lors du cinquième Enclin ? Étrange que des corrompus se battent contre la corruption, non ?
Le sourire de Garrett se fit plus joueur et l'elfe le dévisagea froidement. Sa main se leva pour venir jouer sur le rebord de son verre plein, la griffe de son index effleurant le verre comme une menace combinée à un petit rictus mauvais.
-Jamais. Je ne côtoie pas les mages puisque je ne leur fais pas confiance. Mais loué soit le Créateur, une poignée s'est montrée forte et quoi ? Je devrais faire une croix sur mon passé ? Les souffrances que j'ai endurées pour d'illustres inconnus ? Que cherchez-vous à faire à part me mettre en colère ? questionna Fenris avec un agacement évident.
Hawke suivait la griffe sur le rebord du verre de manière hypnotique. C'était sensuel. Mais les mots rageurs lui firent relever les yeux sur son interlocuteur, son regard caressant contrastant avec la fureur de l'elfe.
-Je n'ai pas dit ça, répondit en douceur Garrett. Manifestement, tu as côtoyé des ordures de la pire espèce, mages ou pas. Je ne dis pas que tous les mages sont complètement innocents. Je dis juste qu'ils ne sont pas tous corrompus.
Hawke but une nouvelle gorgée de son verre sous le regard enflammé du guerrier. Ses yeux perçants semblaient vouloir le tuer sur place. Rien de ce que Hawke disait ne pouvait adoucir Fenris et il ne comptait pas changer de point de vue maintenant pour cet agaçant personnage.
-Mais je veux bien changer de sujet. Nous n'avons pas été correctement présentés. Garrett Hawke, je préférais au lieu de « mage ». Et ton nom est… ?
Il lui adressa un sourire doux, s'attendant à un refus. Le guerrier continua de le scruter avec cette acuité digne d'un loup, la tension de son corps se relâchant un peu. Son nom ? L'elfe n'avait que celui que Danarius lui avait donné lorsque ses tatouages avaient fini par recouvrir sa peau.
-Fenris, lâcha-t-il dans un souffle.
Il baissa les yeux sur ses tatouages, sa fureur disparaissant soudainement. Ces marques lui avaient volé son passé, sa vie d'avant, son nom. Il serra son poing libre sur une victime invisible ne voyant pas le visage de Hawke s'illuminer d'intérêt à cette révélation. Le sourire sur les lèvres de Garrett s'agrandit.
-Hé bien je suis ravi de faire ta connaissance Fenris, déclara-t-il avec une courtoise inclination de la tête. Même si j'ai bien conscience que ça n'est pas réciproque.
Fenris demeura impassible et le laissa toquer son verre contre le sien sans esquiver un mouvement.
-Quels sont tes plans pour la suite ? demanda Garrett.
Fenris devait bien avouer que cette conversation n'était pas si déplaisante que cela. Après tout, il avait fui seul sans jamais aucune compagnie pour discuter. Pour l'aider. Et ce mage, malgré son aversion pour eux, l'avait aidé sans rien demander en retour à part boire un verre avec lui. De plus, il avait tenu sa parole et l'avait débarrassé de ses poursuivants. Il ne parvenait pas à détester cet instant. Peut-être parce que Hawke répondait à sa haine par un calme patient. Fenris appréciait cela. Même s'il ne le lui dirait pas. Évidemment il mettait de côté le flirt évident de Hawke, nullement intéressé par cette perspective.
-Continuer de faire le mercenaire un temps avant de repartir ou attendre Danarius ici de pied ferme. Je ne sais pas encore, mais je ne lui faciliterai pas la tâche. Et vous, que faites-vous à part ennuyer les esclaves en fuite et aider des inconnus ? Selon les rumeurs, vous êtes de Férelden, vous avez fui l'Enclin ?
L'elfe avait suffisamment parlé de lui et était curieux d'en savoir un peu plus sur son interlocuteur. Sur qui il s'était un peu renseigné. Cela avait d'ailleurs changé son attitude pour un ton plus calme et posé même si son visage demeurait neutre. Ses yeux ne semblaient plus vouloir tuer le mage sur place.
Hawke espérait grandement que Fenris attendrait son ancien maître à Kirkwall. Cela voudrait dire qu'il pourrait le revoir et cela ne lui déplaisait nullement. Il avait envie de passer plus de temps avec lui, apprendre davantage à le connaître et qui sait, lui prêter main forte le moment venu. Cependant la question sur Férelden lui fit baisser les yeux sur une tache de vin. Il se mit à jouer avec du bout de son index, dessinant des entrelacs sur le bois de la table.
-Ouais… Nous habitions à Lothering, un village pas très loin d'Ostagar. Le premier à se faire bouffer par les engeances alors que nous débordions de réfugiés.
Se remémorer cette fuite était douloureux. Aveline avait perdu Wesley. Ils avaient perdu Bethany. Sa petite sœur lui manquait toujours cruellement. Il aimait beaucoup Carver mais avec son insupportable rivalité, il n'était pas aussi proche de lui que de Bethany. Et puis, elle avait été comme lui, un apostat.
-J'ai fui avec ma famille et on est arrivés à Kirkwall il y a un peu plus d'un an maintenant. Ma mère est d'ici alors elle nous y a traînés, mais ce n'est pas vraiment l'accueil auquel elle s'attendait.
Garrett s'étira en concluant :
-Bref, on essaye de tirer notre épingle du jeu.
Fenris l'avait écouté avec attention. Lui aussi avait vécu son lot de malheur mais qui en ces temps troublés s'en sortait réellement bien ? C'est tout de même avec respect qu'il lui adressa un petit mouvement de tête, compatissant.
-Mais vous semblez bien tirer votre épingle du jeu, Hawke, de ce que j'en ai entendu, dit Fenris avec un léger rictus.
Un pouffement échappa à Garrett avant qu'un sourire n'étire ses lèvres. Il aimait la façon dont résonnait son nom dans la bouche de Fenris. Il voulait encore l'entendre.
-Est-ce que la rumeur de mes exploits mentionne que je vis toujours avec ma mère et mon petit frère, chez mon oncle, dans un taudis de la Basseville ?
Ce commentaire ne tira aucune réaction faciale à Fenris. Il aurait pu en être amusé mais il pouvait aussi lui répondre que lui avait toujours une famille. Au lieu de ça, Fenris préféra rester de marbre, son attention toujours sur Hawke qui continua dans sa lancée en lui pointant un escalier du pouce. Là où se trouvaient les quartiers du propriétaire des lieux.
-Je récolte de l'argent pour m'associer au frère de Varric et monter une expédition dans les Tréfonds. Bartrand a eu connaissance d'un thaig encore inexploré. Ça veut dire plus d'engeances mais surtout de quoi renflouer les caisses de ma famille et les sortir de ce taudis.
Fenris n'en avait pas demandé autant mais il ne l'interrompit pas. Il but la dernière gorgée de son verre de vin avant de répondre :
-C'est une dangereuse entreprise.
-Je saisis ma chance, qui serait assez bête pour passer à côté ?
-Quelqu'un de raisonnable mais vous ne semblez pas faire partie de cette catégorie, ironisa Fenris avec un rictus.
Garrett eut un léger rire, son sourire s'étirant davantage. Il scruta Fenris en s'étonnant de sa capacité à encaisser autant de verres d'alcool malgré sa fine silhouette. Mais c'était un guerrier qui maniait une épée aussi grande que lui. Ses muscles étaient fins mais nerveux. Et puis, Garrett était ravi que la discussion soit plus posée. Fenris se montrait moins fermé bien que les différences fussent minimes. Cela passait par un plissement de paupière, un tressaillement des lèvres, ses prunelles qui brillaient de manière différente. Hawke pouvait continuer de le scruter pendant des heures sans se lasser de sa peau brune et des entrelacs qui la mettaient en valeur, de sa voix basse, de ses yeux verts perçants.
Et puisque leurs deux verres furent vides, ainsi que la bouteille, Garrett fit un mouvement pour appeler la serveuse.
-Je vais prendre congé, annonça Fenris.
Garrett se retourna vers lui en baissant sa main, affichant une moue déçue avant de lui faire un grand sourire charmeur.
-Est-ce que j'aurais l'occasion de te revoir ? questionna-t-il. Et si tu as besoin d'aide pour un travail qui nécessite plusieurs personnes, je suis à ta disposition.
-Nous verrons.
Fenris préférait rester réservé sur ce point et ne pas avoir affaire à Hawke. Ni lui demander son aide car il ne souhaitait pas lui être redevable. Déjà qu'il avait l'impression de l'être puisque le mage avait éliminé pour lui les Tévintides à ses trousses. Lui « payer un verre » n'était pas vraiment un paiement à ses yeux.
-Je vous laisse avec vos amis, ajouta Fenris qui n'avait pu ignorer le nain et l'autre mage à l'arrivée de Hawke.
Le guerrier récupéra son épée posée contre le mur, la maniant avec une dextérité qui laissa Garrett rêveur lorsqu'il la remit dans son dos.
-Aucune compagnie ne saurait être plus délicieuse que la tienne, murmura-t-il avec un regard appréciateur.
Puis Hawke se leva pour se rapprocher et lui tendre la main afin de le saluer tout en déclarant :
-J'espère vraiment que l'on pourra se revoir rapidement Fenris…
Si Hawke avait l'impression d'avoir marqué des points au cours de cette conversation, ceux-ci venaient de s'envoler comme un fétu de paille en pleine tempête. Fenris s'était crispé à son approche, le regard soudainement plus menaçant. Il recula d'un pas pour s'éloigner de sa main tendue. Il s'était hérissé comme un animal sauvage et méfiant, ou comme un chien qui ne sait plus distinguer la caresse du bâton.
Fenris détestait être touché. Et Hawke était un mage. Sa magie allait forcément faire réagir le lyrium de sa peau comme lorsqu'il lui avait donné la lettre, et Fenris détestait ces sensations. Avec le temps, il avait appris à les maîtriser, à ne plus ressentir la douleur. Il était serein avec son propre corps qui le trahissait lorsqu'il y avait un mage dans les parages. Le guerrier le fusilla instinctivement du regard à travers ses mèches blanches. Mais parvint à contrôler sa voix pour répondre sans trop d'agressivité :
-Et vous vous doutez que je n'ai pas hâte que cela soit le cas.
Sur ces mots un peu secs, Fenris le contourna avec prudence avant de s'en aller en direction de sa chambrée.
Garrett le regarda partir, planté sur place, les bras ballants de chaque côté de son corps. Merde, il avait foiré sur la dernière ligne. Il devait se calmer un peu question contact physique puisque Fenris avait apparemment un problème avec. Pourtant, il avait tellement envie de parcourir sa peau d'or marbrée d'argent, en suivre amoureusement les lignes pour découvrir jusqu'où elles allaient sur son corps. Il devait vraiment se refréner sinon, le guerrier allait le fuir. Un soupir un peu contrit lui échappa et il traîna ses pas jusqu'à la table de Varric où Anders était toujours présent, quoiqu'un peu maussade. Hawke prit place au côté de l'ancien Garde des Ombres pour lui taper la causette et oublier son échec critique auprès de son elfe favori.
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