Bonjour! J'ai enfin décidé de me remettre à cette histoire et à l'achever au plus vite. J'avoue avoir du mal à m'y remettre après cette longue pause… d'autant que j'ai découvert un autre fandom: Star Wars. Ou plutôt, les jedis (le reste de l'univers ne m'intéressant pas du tout).
Pour ce chapitre, je suis partie d'une constatation médicale encore inexpliquée: une importante transfusion sanguine entraîne un changement de personnalité. Je n'ai pas trouvé de sources là-dessus (si vous en avez, je suis preneuse), mais je le savais grâce à un praticien de médecine traditionnelle chinoise (qui a sa propre explication, mais ce serait trop long à décrire ici). Et je l'ai vu de mes propres yeux quand une proche s'est mise à avoir des souvenirs d'un voyage en Grèce, où elle n'a jamais mis les pieds, sans compter un réel changement de son caractère.
J'espère que cela ne vous choquera pas. Je n'en parle pas non plus tout le long du chapitre.
La première pensée de Sarek en s'éveillant fut une émotion: la surprise. Il était encore en vie.
Cela dura une fraction de seconde, puis sa raison se mit en branle, lentement, trop lentement à son goût.
S'il avait survécu à sa dernière crise, c'était que le docteur McCoy l'avait soigné.
Il réalisa qu'un poids, qui pesait sur sa poitrine depuis si longtemps qu'il ne s'en était même pas rendu compte, avait disparu. Cependant, il ressentait une tension au niveau de son abdomen, juste à l'aplomb de son coeur. Comme si les tissus venaient de se refermer, formant une gigantesque plaie tout juste cicatrisée.
Oui, c'était cela. Le docteur McCoy l'avait sans doute opéré et avait corrigé la malformation de sa valve cardiaque.
Plus étonnant, il y avait cette… présence qui coulait dans ses veines. Pas un être vivant à proprement parler (Sarek avait déjà été infecté par un parasite sanguin, et se souvenait encore trop bien de cette sensation), mais des traits de personnalité, un ensemble de souvenirs confus qui n'étaient pas les siens.
Une transfusion. C'était la seule conclusion logique. Avec du sang de Spock, le seul Vulcain à bord.
Il se força à ouvrir les yeux. Son regard flou mit un moment à s'adapter à la pénombre de l'infirmerie. Il distingua une silhouette avachie sur une chaise, près de l'entrée de l'infirmerie, d'où émanaient des ronflements sonores. Puis son regard se posa sur le lit à côté de lui, et il reconnut Spock. Il repéra également une respiration paisible un peu plus loin (un autre patient que Sarek ne prit pas le temps d'identifier) mais son attention resta fixée sur son fils. Celui-ci était allongé sur le côté, le visage plongé dans l'obscurité. Recroquevillé sur lui-même, la respiration erratique, il était secoué de… sanglots?
Avant même d'émettre une pensée, Sarek se trouva debout. Il se cramponna au bord du lit, pris d'un soudain vertige. Sa volonté le poussa en avant: un pas incertain, un deuxième, et il s'assit lourdement sur la chaise près du lit de Spock.
Sa main effleura un tissu épais, qui drapait le dos de la chaise.
Lentement, pour éviter un nouveau vertige, il se pencha en avant. Le visage de Spock était crispé, et ses paupières serrées. Sarek connaissait suffisamment les expressions faciales humaines pour comprendre qu'il ne s'agissait pas de tristesse… mais alors, de quoi?
Il se demanda si son fils faisait un cauchemar -mais non, Spock n'avait pas hérité de ce trait humain: à la connaissance de Sarek, il ne faisait jamais de rêves, et Sarek était sûr qu'Amanda lui en aurait parlé si elle l'avait su. Mais l'enfance de Spock était loin, et peut-être avait-il changé?
Il leva les yeux et tenta de décrypter les données de l'écran fixé au mur, au-dessus du lit. Mais les abréviations n'avaient aucune signification pour lui, et il ne se sentait pas assez alerte pour pouvoir émettre des hypothèses valables.
Sarek hésita un instant. Il ne maîtrisait pas bien le contact utilisé par les guérisseurs pour connaître l'état de leurs patients. Mais de longues années de pratique télépathique l'aideraient peut-être…
Un nouveau tressaillement de Spock eut raison de ses doutes. Il posa une main ferme sur le côté du visage de son fils.
Il réfréna une bouffée de soulagement qui jaillit soudain en lui. Spock ne souffrait pas. Il avait juste froid.
Sans se retourner (sa poitrine l'élançait au moindre mouvement, même s'il se refusait d'y porter attention), Sarek tendit la main vers le dossier de sa chaise, et, à tâtons, tira le tissu qui la recouvrait.
C'était un grand carré de laine, aux motifs géométriques à peine visibles dans la pénombre. Sarek en reconnut l'origine: la côte Est des Etats-Unis d'Afrique, où il avait voyagé quelques mois avant son mariage, pour une mission diplomatique.
Lentement, il la déplia et en recouvrit son fils. Progressivement, les frissons de Spock s'apaisèrent et sa respiration devint profonde et régulière. Sans se réveiller, il se blottit un peu plus dans son lit.
Sarek s'adossa et le contempla. Malgré la pénombre, il distinguait les traits communs avec sa mère: la forme de la mâchoire, les arcades sourcilières un peu bombées… Il n'avait pas vu son fils dormir depuis qu'il avait neuf ans. Il était rentré très tard après une réunion, mais avait voulu féliciter Spock pour ses excellents résultats de fin d'année. Il avait souhaité lui manifester sa fierté, réussir à lui dire à quel point il était heureux d'être son père… mais le petit dormait déjà, avec la même expression de calme satisfaction que le visage de Spock exprimait à présent. Sarek n'avait jamais retrouvé l'occasion d'ouvrir son coeur à son fils. Celui-ci avait choisi d'embrasser la vie vulcaine et de conserver la totale maîtrise de son comportement. Sarek avait accueilli ce choix et voulu lui montrer le plus parfait exemple. Quand Spock avait décidé de rejoindre StarFleet, Sarek l'avait considéré comme un traître ne respectant pas son engagement. Il ne s'était adouci que plus tard, sur l'Entreprise, en prenant conscience du combat terrible que vivait Spock entre son désir de perfection et les émotions qu'il ne savait maîtriser que jusqu'à un certain point.
Les choses avaient changé. Spock avait vécu au milieu des humains, au point qu'il s'était mis à aimer l'une d'elles. Il avait certainement compris, à leur contact, que les émotions n'étaient pas nécessairement des ennemies, qu'il s'agissait seulement de ne pas les laisser prendre le contrôle.
Sarek espérait pouvoir lui parler en profondeur, tisser de nouveaux liens avec lui, peut-être le voir ou lui parler plus souvent… Mais comment amorcer cette délicate réconciliation?
Machinalement, il posa à nouveau la main sur le visage de Spock. Il l'avait fait quelques minutes auparavant, mais il se força à trouver une explication logique à ce geste: il devait s'assurer que tout allait bien. Après tout, son fils était la seule famille qu'il lui restait, et il devait en prendre soin.
Cette fois-ci, Spock réagit au contact: il se contracta et recula un peu la tête. Sarek faillit ôter sa main quand il perçut que cet inconfort n'était lié qu'au contact télépathique non souhaité, mais préféra envoyer des ondes rassurantes et apaisantes.
Ce n'était absolument pas logique. Mais Sarek savait désormais une chose: d'une manière ou d'une autre, il voulait montrer à Spock qu'il l'aimait. Et il craignait de ne pas avoir d'autres occasions pour le lui exprimer.
IIIII
Quand Spock s'éveilla, il prit tout de suite conscience d'une présence, très près de lui. Ce n'était pas le docteur McCoy: l'Humain était incapable d'une telle proximité. Quand il en comprit le sens (un esprit qui effleurait le sien), il eut un mouvement de recul. Qui osait?… Il n'avait pas la force de résister, et la peur monta lentement en lui. L'esprit tenait bon, tranquillement, sans s'imposer, et commença à lui envoyer des flux calmes et bienveillants. Il était en sécurité. Il n'avait rien à craindre. La personne à ses côtés ne lui voulait aucun mal. Au contraire…
Il ouvrit péniblement les yeux. Son regard plongea aussitôt dans celui de son père. Dans la pénombre, le visage de Sarek semblait adouci, détendu, débarrassé de son habituelle rigidité vulcaine. Mais, très vite, le diplomate détourna le regard et rompit le contact télépathique. Quand il regarda à nouveau son fils, le masque impassible était revenu.
Spock ne commenta pas. Lui aussi avait sa fierté. Mais il ne pouvait pas laisser passer un comportement si anormal sans réagir. Il pesa ses mots, cherchant comment exprimer à son tour un peu de sollicitude sans se départir d'un comportement parfaitement vulcain.
« - Vous devriez rester couché, murmura-t-il prudemment, reconnaissant à peine sa voix rauque et ténue.
- Tu avais froid. Le docteur McCoy s'est endormi. Il était logique que je cherche à ramener ta température interne à la normale », répondit Sarek d'un ton impassible, en désignant la couverture du regard.
Spock ne répondit rien: un acte logique ne réclamait aucun remerciement. Mais alors, pourquoi avait-il tant le désir d'exprimer de la reconnaissance?
Une pensée jaillit soudain dans son esprit quand il suivit le regard de son père: la couverture avait été apportée par Uhura.
Il sait.
Le silence devint brusquement lourd et inconfortable. Enfin, Sarek parla.
« - Est-elle venue souvent? » demanda-t-il.
- Elle était présente quand j'ai repris conscience, il y a 5,87 heures, dit lentement Spock. Elle est ensuite partie lors du passage à la nuit artificielle.
- Les femmes humaines apprécient d'être aux côtés de leurs proches quand ceux-ci ne sont pas en pleine possession de leurs capacités, dit Sarek.
- Il a fallu 7,62 minutes au docteur McCoy pour réussir à la persuader d'aller se reposer », murmura Spock.
Les lèvres de Sarek se contractèrent légèrement, mais il maîtrisa rapidement ce réflexe.
« Elle sait ce qu'elle veut, dit-il simplement, comme s'il analysait des faits on ne peut plus objectifs. Elle est courageuse et intelligente, mais entêtée -comme ta mère », dit-il rapidement.
Une longue habitude des Humains aida Spock à déchiffrer les rapides lueurs qui passèrent dans les yeux de son père: fierté, tristesse, et aussi une sorte de satisfaction attendrie qui détonnait profondément avec son visage sévère.
Malgré sa fatigue, Spock ne put s'empêcher de se risquer plus avant.
« Comment avez-vous su que vous l'aimiez? » demanda-t-il, avec l'impression de se jeter dans le vide.
Le regard de Sarek se fit vague tandis qu'il se détournait vers un point du mur.
« Il n'existe pas de mot en vulcain qui en définisse complètement le sens, dit-il après un long silence. Ni en humain, d'ailleurs. C'est davantage qu'une émotion. Ou que l'attirance ressentie lors du temps des rapprochements. »
Une brève lueur d'ironie passa dans ses yeux.
« Et ce n'est définitivement pas quelque chose de logique. »
Il planta soudain son regard perçant dans celui de Spock.
« Mais s'il se nourrit à la fois de l'émotion et de l'attirance, il s'appuie surtout sur la volonté. Sinon, c'est un feu de paille. »
Spock hocha gravement la tête, comme quand, dans son enfance, son père lui transmettait une leçon importante.
Le silence qui s'installa était plus confortable que le précédent, chacun plongé dans ses pensées.
« -Et est-ce que… commença finalement Spock.
-Qu'est-ce que c'est que ces messes basses au milieu de la nuit? » gronda une voix derrière lui.
McCoy, debout, se dirigeait vers eux en s'étirant.
« -Aucun règlement n'interdit les interactions verbales pendant le temps nocturne, docteur, dit Spock du ton le plus formel qu'il put exprimer.
-Si vous pouviez parler dans une langue que je comprends, ça m'aiderait », gronda McCoy sans colère.
Spock réalisa subitement qu'il avait conversé en vulcain avec son père, et trouver les mots en standard lui demanda un pénible effort. Il n'eut cependant pas le temps de parler: McCoy regardait déjà les constantes de son lit.
« Bon, vous avez bien récupéré. Mais vous êtes un peu déshydraté. Je vais vous mettre une intraveineuse. Ca évitera de devoir vous réveiller tous les quarts d'heure pour boire. »
Trop fatigué pour répondre, Spock se contenta de glisser un bras à l'extérieur de la couverture. McCoy oeuvra avec une aisance surprenante malgré l'obscurité. Puis il se tourna vers Sarek.
« -Et vous, comment vous sentez-vous? demanda-t-il.
-Vivant, et je vous en remercie, répondit brièvement Sarek.
- Vous m'en voyez ravi, rétorqua McCoy. Si vous voulez être en forme en arrivant sur Babel, je vous conseille de vous recoucher.
- Si votre proposition semble avisée pour le moment, docteur, elle risque de perdre bientôt sa pertinence, répondit Sarek en se levant lentement, une main appuyée sur le rebord de la chaise. Nous atteindrons notre objectif dans trois jours terrestres, alors que dès demain…
- Ca suffit, grogna McCoy en guidant le Vulcain vers son lit, prêt à parer tout signe de faiblesse. Vous avez déjà de la chance d'être en vie, vous deux, alors ne me faites pas le coup des Vulcains-qui-sont-toujours-en-pleine-forme.
- Comme vous me le répétez à longueur de journée, docteur, les Vulcains sont, je cite, « têtus comme un troupeau d'aurochs », fit la voix faible de Spock.
- Eh bien, je sais de qui vous tenez, maintenant », rétorqua McCoy. Par-dessus l'épaule du médecin, les deux Vulcains échangèrent un long regard.
« Allez, taisez-vous et dormez, tous les deux, dit McCoy en s'éloignant. Ca me ferait plaisir d'avoir le dernier mot, pour une fois. »
Pour le moment où Spock se réveille et croise le regard de Sarek, je me suis inspirée d'une musique très courte, mais qui exprime bien, je trouve, la délicatesse et la pudeur de cet échange. Il suffit de taper « C'est par ta grâce » sur YouTube et d'écouter les 32 premières secondes de la première musique (qui n'a absolument rien à voir avec Star Trek, mais qui est très belle, alors vous pouvez l'écouter en entier si le coeur vous en dit).