WARNING : Ce chapitre est probablement le plus "violent" de l'histoire.


Chapitre 8 : Assault


Jim profita de la vue qu'il avait depuis le pont 10. Il ne savait pas s'il reverrait une telle vue un jour. Ce paysage, ça allait lui manquer. Il avait préparé ses demandes de mutation. Il ne savait pas encore vraiment ce qu'il voulait faire, mais il avait quelques idées. Rien qui ne lui plairait autant que ce qu'il faisait mais… Le changement avait du bon, non ?

Il soupira de lassitude. Quasiment tout était prêt à être lancé pour son départ. Il allait l'annoncer à Spock, et il l'annoncerait à l'équipage sur Filandria. Avant ça, il devrait régler quelques problèmes, pour que la passation de commandement se déroule sans accroc. Surtout cette histoire de harcèlement qu'il devait s'empresser de régler.

Il entendit des bruits de pas se rapprocher derrière lui. Le couloir était encore animé, il y avait du monde, mais Bones était la seule personne à se diriger vers lui. Il s'assit sur les marches aux côtés de Jim.

_Tu as pris une décision ?

Jim hocha la tête.

_J'ai parlé à l'Ambassadeur Spock hier. Son Jim ignorait pour cette histoire de « katra ». Du moins, ils n'en n'ont jamais parlé. Ça leur a permis de travailler ensemble plusieurs années mais… Je ne pourrais pas faire ça. Je pensais pouvoir prendre sur moi mais… plus j'y pense et plus j'ai dû mal à rester neutre.

Il prit une grande inspiration, regardant l'espace. Combien de fois Jim avait regardé l'extérieur, dernièrement ? Impossible de le savoir. Il se passa les mains sur le visage avant de reprendre.

_L'Ambassadeur a eu une belle vie. Je ne peux pas priver Spock de ça parce que j'ai des sentiments. Je… ne veux pas gâcher plus de vies, tu comprends ?

Bones secoua la tête.

_Jim, tu ne peux pas te flageller comme ça. Tu n'es pas responsable des pulsions meurtrières d'un Amélioré, ni des folies mégalomaniaques d'un Amiral, ni des décisions de ton commandant en second. Tu n'es pas le « Grand Manitou ».

Le blond se passa une main dans les cheveux.

_J'en ai conscience. Mais je n'arrive pas à tourner la page. Peut-être qu'en changeant un peu ma vie…

Il se sentirait mieux dans sa peau. Tout ce qu'il avait fait dans la vie était guidé par un challenge personnel et un besoin de montrer qu'il pouvait arriver à la hauteur de son père. Il était temps maintenant de faire des choix pour lui. Il sentit Bones poser une main sur son épaule.

_Quelle que soit ta décision, je serais là pour toi. Mais prends ton temps, ok ? Je n'ai pas envie que ton choix, qui impactera toute ta vie, soit pris parce que tu es dans une mauvaise passe. Je connais ton côté impulsif, et pour cette-fois, tu dois sincèrement te montrer réfléchi.

Jim esquissa un sourire à sa dernière remarque. Bones lâcha son épaule et lui donna un coup de coude complice, terminant de faire sourire Jim. Il lâcha même un petit sourire à la pensée qu'il eut.

_Merci Bones. Dis-moi, ça te brancherait d'être Numero 1 sous les services de Spock ?

Il vit Bones devenir livide. Littéralement. Jim ne put s'empêcher d'éclater de rire alors que Bones se levait.

_Pense à me prendre avec toi à ton prochain transfert. J'dois y aller, j'ai entendu assez d'horreurs !

Jim continua de rire alors que Bones s'éloignait du hall pour rejoindre le couloir. Il le remerciait plus que tout de lui avoir changé les idées. Il se calma un peu puis il décida de s'activer. Il avait une discussion à avoir avec Spock et pour ça, il lui avait donné rendez-vous dans ses quartiers privés.


Jim avait quelques minutes d'avance. Il tournait en rond dans ses quartiers, essayant de ne pas se stresser. Comment est-ce qu'il allait s'y prendre ? Il réfléchissait à la meilleure façon d'aborder le sujet de sa démission pour ne pas brusquer Spock. S'il ne voulait pas lui parler… Il comprenait. Il alla se passer de l'eau sur le visage, essayant de rassembler tout son courage. Bon sang. Il aurait préféré récurer tout l'Enterprise plutôt que d'avoir cette discussion.

Il entendit l'intercom de sa porte et se figea. Spock. Il allait avoir cette discussion, maintenant. Il se rendit à la porte, ouvrant au vulcain.

_Commander.

_Capitaine.

Jim s'efforça de sourire alors qu'il allait vers le salon, invitant Spock à s'assoir en face de lui.

_De quoi souhaitez-vous discuter ?

Le blond se frotta la nuque.

_Je vais démissionner de mon poste de commandement sur l'Enterprise.

C'était sorti. Il avait mis un premier pied dans le plat. Spock fronça les sourcils.

_Qu'en est-il de la mission quinquennale pour laquelle vous vous êtes engagé ?

Jim trouva la question ironique. Ses motivations de démission s'apparentaient à celles de Spock.

_Retrait pour raisons personnelles. J'enverrai ma demande après avoir réglé de mon côté les formalités et les requêtes pour que la passation se fasse au mieux. Si je vous ai fait venir…

Il prit une grande inspiration. Là, il mettait les deux pieds dans le plat. Il fallait qu'il déballe tout.

_Je voudrais que vous repreniez la suite. Evidemment, je vous laisse un temps pour réfléchir, mais je souhaite débarquer sur Filandria. J'ai déjà effectué une liste des officiers en second qui pourraient prendre votre poste. Si vous souhaitez que ça reste en interne, je recommande le Lieutenant Sulu. Il a un véritable potentiel de meneur et je suis persuadé qu'avec plus d'expérience, il ferait un formidable capitaine. Sinon, j'ai dressé une autre liste, je vous l'enverrai. Si vous voulez y jeter un œil…

Spock fronça encore plus les sourcils en penchant la tête légèrement sur le côté.

_Je ne comprends pas.

Jim esquissa un sourire gêné, se frottant encore la nuque.

_Je sais que c'est assez soudain mais… j'en ressens le besoin.

Il baissa les yeux, pensant que c'était mieux de garder ses véritables raisons pour lui. De toute façon… ça ne lui rendrait pas service d'en parler directement à Spock. Le silence retomba, devenant étouffant. Jim se sentait très mal à l'aise. Il osa lever les yeux sur le vulcain, pour y voir une réaction. Un quelconque signe. Il le connaissait bien, il arrivait à lire à travers ses micros réactions. Il se heurta à une absence totale d'émotion. Rien. Spock parla sans la moindre émotivité :

_Je vous remercie d'avoir pensé à moi pour votre remplacement. J'étudierai votre demande et je vous tiendrai informé de ma décision. Souhaitez-vous ajouter autre chose ?

Spock était totalement impassible. Jim sentit son cœur se serrer alors que chaque mot prononcé lui semblait être un coup supplémentaire qu'il devait encaisser. Le manque de réaction de Spock le blessa. Il contint au mieux sa peine.

_Ce sera tout.

Spock hocha la tête et se leva. Jim le regarda se diriger vers la sortie. Il n'avait rien évoqué sur sa propre demande de transfert. C'était étrange.

_Spock, y aurait-il une chose que vous souhaiteriez me dire ?

Sur son transfert, cette histoire d'âme sœur vulcaine, ou n'importe quoi. Jim priait pour que Spock dise quelque chose. Qu'il cherche à en savoir plus, qu'il montre de l'intérêt, qu'il le retienne…

_Non.

Cette fois, le cœur de Jim en prit un coup. Il sourit, seul moyen qu'il avait de ne pas se laisser démonter par la situation.

_Très bien alors… bonne journée Spock.

_Bonne journée Jim.

La porte se referma sur ses paroles.

Jim se laissa tomber sur sa chaise. Il ne s'était jamais senti aussi seul que maintenant. Il se prit la tête dans les mains, réalisant qu'au fond de lui, la seule chose qu'il avait espéré de cette conversation, c'était que Spock le retienne. Qu'il lui montre à nouveau de l'affection, qu'il avait de l'estime pour lui, qu'il comptait.

Il n'avait jamais vu ses espoirs être réduits à néant de cette façon. C'était si douloureux. Comme ce jour où Tony était parti sans un mot, embarquant toute trace des travaux personnels qu'il avait effectué pendant des mois. Un projet d'une telle envergure que Jim en avait été écœuré. Ça l'avait même dégoûté d'être un génie et de lui-même, pour s'être fait abusé de cette façon.

Tony… et Spock. Finalement, il valait mieux qu'il cherche une relation vers le sexe opposé, c'était plus stable et beaucoup moins douloureux. S'il se décidait à être sérieux et à vaincre sa peur de s'engager à nouveau, il finirait bien par trouver quelqu'un. Quelqu'un pour qui il compterait, à qui il allait manquer, s'il s'en allait.

Ça n'aurait jamais marché avec Spock de toute façon. Il devait se raisonner et se faire à l'idée, c'était plus simple de cette façon. Spock était vulcain, Commander de Starfleet et était sorti avec Nyota. Toutes les façons d'aborder l'idée d'une relation entre eux seraient automatiquement balayées par la logique vulcaine. Une évidence que ça ne se ferait jamais.

Pourtant, au fond de lui, il n'arrivait pas à étouffer cet espoir que ça se réalise. Ça l'énervait. C'était douloureux inutilement. Pourquoi son cerveau ne pouvait pas faire en sorte que son cœur l'écoute ? Sentimentalité humaine à la noix. Il avait l'impression d'avoir à nouveau 15 ans alors qu'il en avait le double.

Il soupira. S'il commençait une nouvelle vie, il pourrait accorder plus de temps à sa vie sentimentale. Il pourrait prendre du temps pour lui, prendre le temps de faire des rencontres, de se faire d'autres amis et, pourquoi pas, de rencontrer quelqu'un avec qui ça lui plairait de faire sa vie.

Et chaque fois qu'il pensait ça, le visage de Spock apparaissait dans sa tête. Foutu lutin aux oreilles pointues. C'était ridicule qu'il se mette à penser tout ça. Quelques semaines auparavant, ça ne lui aurait jamais traversé l'esprit. Pourquoi est-ce qu'il faisait une fixette maintenant ? C'était totalement psychologique. Il avait suffi que l'idée lui traverse l'esprit, qu'il veuille taire cette idée pour qu'elle se développe. Ça, ou le fait qu'il avait apprécié la compagnie de Spock. Sa manière de le soutenir. Ses gestes affectifs. La douceur de sa main. La chaleur de sa peau.

Jim s'insulta une bonne centaine de fois à voix haute, comme pour conjurer un sort. Ça ne servait plus à rien de penser à tout ça désormais. Il avait d'autres préoccupations à l'heure actuelle et régler ces problèmes devaient être sa priorité. Notamment cette question de harcèlement dont il était la victime.

Il récupéra son PADD, rassemblant son courage pour consulter tous les reproches qu'on lui faisait. En parcourant rapidement sa boîte de réception, il ne trouva pas un seul message sans expéditeur. Son code avait fonctionné. Mais avec tous les messages qu'il recevait, il allait devoir faire un sacré tri.

Plus Jim faisait défiler les messages, plus il avait le cœur serré. Il connaissait tous les noms qui s'affichaient. Il avait peur de voir lequel d'entre eux voulait le faire souffrir. Puis il se décida à les ouvrir, jusqu'à tomber sur la bonne personne.

Incompréhensible. Ça ne pouvait pas être cette personne. Et pourtant, chaque message qu'il ouvrait contenait son nom. Jim encaissa la nouvelle. Maintenant qu'il savait… Il fallait qu'il comprenne pourquoi. Il consulta son dossier, cherchant les raisons pour justifier un tel comportement. Il recoupa les informations avec les photos et les messages qu'ils avaient reçus. Dans toutes les pièces-jointes et le contenu, il devait surement y avoir quelque chose de personnel.

Il consulta tout. Il connaissait très bien certaines personnes désignées qui étaient décédés. Regarder tous ces disparus, heureux avec leurs amis, leurs familles, leurs enfants, ça lui déchirait le cœur. Ça le faisait culpabiliser, encore plus quand il repensait au fait qu'il voulait tourner la page. Il désirait dans sa vie ce qu'il avait détruit dans les leurs.

Et c'est là qu'il trouva le lien. Jim comprit à l'instant où il l'avait vue. C'était flagrant. Le lien était si flagrant qu'il était étonné de ne pas l'avoir remarqué plus tôt. Il prit alors une grande inspiration, réfléchissant à sa manière de procéder. Il fallait qu'il y aille en douceur. S'il pouvait mettre au clair les choses, qu'ils en discutent, il trouverait un moyen de l'aider… Sa carrière à Starfleet ne prendrait pas fin de cette sombre façon.

Il devait régler rapidement cette histoire avant qu'elle ne soit ébruitée. Jim récupéra son PADD et sortit de la pièce. C'était aujourd'hui que ça devait se régler. Ça avait traîné depuis trop longtemps déjà. Il se guida naturellement dans les couloirs et entra dans le turbolift. Il faudrait qu'il l'aborde en tête à tête, mais dans un endroit neutre. Pas de quartiers personnels.

Il sortit du turbolift et entra dans l'infirmerie, cherchant Bones du regard. Assis à son bureau à travailler sur la console, Jim devina qu'il devait terminer de rédiger les comptes rendus médicaux. Il s'installa sur une chaise à côté, attendant qu'il termine sans l'interrompre. Bones leva la tête par-dessus son écran, regarda autour d'eux et demanda :

_Tu as parlé à Spock ?

Jim n'avait pas vraiment envie de parler de ça. Il n'était pas venu pour cette raison. Il soupira avant de répondre.

_Il n'a rien dit. Rien dit du tout. Mais je ne suis pas venu pour ça.

Bones haussa un sourcil. Il s'arrêta dans son activité, portant toute son attention sur son capitaine.

_Tu es venu me parler de quoi ?

Jim activa son PADD et afficha la messagerie.

_J'ai trouvé qui c'était.

Il lui tendit l'écran. Bones le récupéra et y jeta un oeil. Son visage afficha une expression que Jim voyait rarement : de la colère.

_Quel putain d'enfoiré.

Bones consultait les messages. Jim ajouta :

_Je vais aller lui parler. Si tout se passe bien, il devrait aller en pause dans une vingtaine de minutes.

Bones continuait de faire défiler les messages, ouvrant leurs contenus.

_Jim, c'est très personnel, fais attention. J'ai un mauvais pressentiment, tu devrais le confronter avec des gars de la sécurité…

Jim secoua négativement la tête.

_Et ça figurera dans un rapport.

Bones laissa retomber le PADD et le reposa sur le bureau.

_Jim, c'est une mauvaise idée.

Le blond haussa les épaules.

_Peut-être, mais je veux essayer.

Il vit le regard que le médecin portait sur lui. A sa place, Jim lui aurait dit la même chose. Ils étaient tous les deux de vraies têtes de mule. Peut-être qu'il faisait le mauvais choix. Peut-être qu'il faisait le bon. Jim avait envie d'y croire. Il avait besoin de croire à ça.

_Alors laisse-moi t'accompagner.

Jim eut un sourire, touché par la proposition de Bones. Lui, par contre, avait un air sévère sur le visage. Il ne souriait pas du tout.

_Merci Bones, de proposer. Ça me touche sincèrement. Mais je vais régler ça moi-même.

_Tu fais une erreur, Jim.

_J'espère que non.

Bones grogna. Il reporta à nouveau son attention sur sa console. Jim le laissa travailler dans le silence, réfléchissant lui-même à ce qu'il allait bien pouvoir dire. Comment aborder un sujet aussi délicat ? Il ne savait pas comment faire ça en douceur, sans foncer dans le tas.

Jim s'imagina une tonne de scénarios possibles, encore et encore. Puis il récupéra son PADD et se dirigea vers la sortie. Bones cria derrière lui :

_Fais attention !

Evidemment. Jim se précipita dans le turbolift pour descendre. Calme. Il devait rester calme et neutre. Tout irait bien. Ça allait bien se passer. Il n'était pas en tort, il agissait pour le mieux, il allait être attentif et à l'écoute. Ils étaient des adultes sages. Ça irait.


Spock avait le regard fixé sur leur écran de navigation projeté, sans toutefois avoir la moindre réflexion orientée sur le sujet. Ses pensées étaient ailleurs. James T. Kirk. Le Capitaine James T. Kirk, qui ne voulait plus être capitaine. Qu'est-ce que ça voulait dire ?

Il essaya de comprendre. Jim avait toujours voulu être capitaine et il y a quelques temps encore, il s'interrogeait sur ses compétences. Avait-il perdu foi en ses capacités au point d'arrêter sa carrière et mettre fin au seul objectif qui donnait un but à sa vie ? Spock savait qu'il lui manquait des éléments pour comprendre les actions de Jim. Même s'il était imprévisible, il aurait dû remarquer plus d'éléments.

Il n'avait pas envisagé que la situation puisse lui échapper de cette façon. Il s'était basé sur le fait indéniable que Jim tenait à son poste de Capitaine et visiblement, cet état de fait était erroné. Toutes les possibilités qu'il avait calculées pour la suite des évènements, compte-tenu du lien qui les reliait, devaient maintenant être revues.

Il baissa les yeux sur son PADD et ouvrit à nouveau la liste que lui avait transmise Jim. Il sentit alors cette douleur, au fond de lui. Cette sensation ne lui était jamais arrivée auparavant. Ça ne devrait pas l'atteindre autant. Il n'était pas si profondément lié à Jim.

Pourtant, cette douleur au fond de lui était toujours présente. Avait-il peur de ne plus le revoir ? Non, il s'était convaincu qu'il maintiendrait le contact avec lui. Alors qu'est-ce qui n'allait pas avec ses sentiments ?

Est-ce que l'idée de ne plus voir Jim quotidiennement, de ne plus pouvoir s'entretenir directement avec lui, de ne plus pouvoir passer du temps en sa compagnie, de ne plus pouvoir sentir sa présence… Est-ce que ça l'impactait autant ? Si c'était le cas, comment avait-il fait pour ne pas se rendre compte qu'il avait tissé un tel attachement envers Jim ? Est-ce qu'il devait envisager la possibilité que ses émotions l'influençaient trop ?

Devait-il déjà penser au Kolinhar ? Réaliser un tel acte équivalait à sacrifier toute émotion et souvenir émotionnel de son esprit pour pouvoir atteindre une pensée et une logique impartiale pure, dépourvue de tout biaisement émotionnel. Spock ne pouvait pas prendre une telle décision sans méditer l'idée. Il savait qu'il risquait de ne plus jamais être le même, et de ne plus voir les personnes qu'il côtoyait de la même façon. Ce fait le dérangeait.

Il ressentait toujours cette douleur au fond de lui. C'était des plus désagréables, mais c'était quelque chose qu'il ne partageait qu'avec Jim. C'était à eux. Il ne se sentait pas prêt à sacrifier un tel lien, bien qu'il ne tienne pas à le développer. C'était inenvisageable, pour de trop nombreuses raisons. Il devait y réfléchir.

Il entendit un bruit d'alarme qui attira son attention vers les communications. Nyota coupa le bip en prenant l'appel. Spock se tourna vers elle, attendant les informations. Le visage de Nyota se décomposa en quelques secondes. Le vulcain conclut que c'était sérieux.

_Commander, il y a une altercation en cours sur le pont 17. Le Capitaine est concerné. C'est grave.

L'instant d'après, les jambes de Spock le guidaient vers le turbolift.


Jim entra dans la salle de pause du pont 17. Il y avait du monde, mais la salle était assez petite. Il y entra en souriant.

_Salut tout le monde !

Hedik, Kéra et Caleb le saluèrent avec deux autres enseignes.

_Vous venez prendre un café avec nous Capitaine ?demanda Caleb.

Jim hocha la tête, pris au dépourvu.

_Oui, c'est ça !

Kéra lui rendit un radieux sourire.

_Je vous en sers un, il vient juste d'être préparé !

Elle lui versa une tasse fumante et Jim ne put résister à l'odeur. Il attrapa la tasse et s'installa à la grande table de pause alors que Kéra reposait la cafetière à moitié pleine.

_Vous retournez travailler dans la bibliothèque ?demanda Kéra.

Jim secoua négativement la tête.

_Disons que j'ai du travail ailleurs. Ça se passe bien de votre côté ?

Caleb hocha la tête.

_Mieux depuis que les réparations sont faites. On a repris notre rythme habituel.

Une autre enseigne rajouta :

_D'ailleurs c'est beaucoup plus tranquille comme ça !

Jim sourit. C'était une bonne chose.

_Qu'est-ce qui vous amène alors, Capitaine ?demanda Kéra.

Jim pencha la tête sur son PADD. Il hésita.

_En fait, je suis venu discuter sécurité. Ce serait possible de prendre un peu du temps à l'un de vous ? Caleb ? Ce serait possible ?

Caleb lui adressa un grand sourire, s'installant à côté de lui.

_Bien sûr Capitaine.

Jim sentit son cœur se serrer. Il ne savait pas comment gagner du temps pour être seul avec lui.

_On vous laisse travailler alors ! Bon courage ! Allez les autres !

Kéra indiqua à ses collègues de la suivre. Jim se mit à la bénir mentalement pour le coup de main non intentionnel.

Jim attendit que tous quittent la salle pour reporter son attention sur Caleb. Ce dernier sirotait son café tranquillement. Son comportement le déstabilisait. Maintenant que Jim savait qu'il s'agissait de lui… Comment les messages pouvaient être aussi haineux et lui aussi serein en personne ? Jim s'éclaircit la voix.

_Avant toute chose... sachez que vous êtes un cadet vraiment compétent. Vous avez un bon potentiel pour évoluer dans les rangs de Starfleet.

Caleb fut surpris et lui sourit.

_Merci Capitaine, je suis ravi d'entendre ça !

Et son enthousiasme semblait si sincère que l'espace d'un instant, Jim crut qu'il faisait fausse route. Il faisait surement fausse route. Caleb était un type génial. Pourquoi il ferait ça ? Il se pencha à nouveau sur son PADD et alla sur la messagerie.

_J'ai moi-même évolué très rapidement et je suis monté en grade. Je suis même devenu le Capitaine le plus jeune de toute l'histoire de Starfleet. Mais la façon dont j'y suis arrivé… j'ai fait de gros efforts pour y arriver. J'avais l'ambition. Quand je suis devenu Capitaine, tout ce qui m'importait c'était de découvrir ces contrées de l'espace où personne n'était encore jamais allé. J'avais soif de découverte, mais jamais cette ambition n'a pris le pas sur l'importance de mon équipage. L'équipage est ma responsabilité, et j'ai toujours fait tout ce que j'ai pu pour le protéger.

Jim sentit sa gorge se nouer. Caleb écoutait, toute expression sur son visage ayant disparu. En même temps, avec tout ce qu'il venait de dire… Il ne pouvait s'arrêter là.

_Croyez-moi. J'ai fait ce que j'ai pu, lors de la trahison de l'Amiral Marcus.

Il ouvrit l'un des messages sur son PADD. Il afficha une photo bien précise qui lui avait été envoyée. Ce fameux lien.

_Rina faisait partie de mon équipage. Elle et son époux sont tous les deux décédés lors de cet évènement. Je n'avais pas fait le lien avec vous auparavant, parce qu'elle avait changé de nom. Mais elle était votre sœur, c'est ça ? Sachez que je suis sincèrement désolé.

Il posa le PADD et laissa la photo affichée. Caleb ne disait rien, mais il regarda l'écran sur la table. Jim attendit quelques secondes avant de retirer la photo et afficher les messages qui portaient son nom en tant que destinataire.

_Je peux comprendre votre colère et votre peine. J'aimerai comprendre le motif de ces envois. Nous pouvons en discuter, je peux vous aider. Je-

Jim se stoppa net quand Caleb tourna vivement la tête vers lui, le toisant du regard. Cette fois, la colère était clairement visible sur son visage. Jim se tendit.

_M'aider ?! Vous auriez pu m'aider, en la guérissant, elle, Dalar et les autres ! On est nombreux à avoir perdu des proches, mais vous, qu'est-ce que vous avez perdu là-dedans ?! Tout ça était de votre faute ! Votre incompétence a mis ce vaisseau et tout son équipage dans la ligne de mire de deux grands tarés !

Caleb s'arrêta de crier pour lever les yeux sur quelque chose derrière Jim. Ce dernier eut juste le temps de se tourner par réflexe.

La suite se passa si vite que le cerveau de Jim n'enregistra pas immédiatement toutes les informations. Il vit juste un couteau s'abattre sur lui. Il hurla de douleur quand la lame vint transpercer son avant-bras gauche. Son réflexe fut d'attraper son café et de jeter la tasse pleine au visage du trill qui l'assaillait.

Jim regarda avec horreur son bras transpercé alors qu'Hedik, le trill qui l'avait agressé, hurlait sous la brûlure du café. Sous le choc, le mauvais réflexe que Jim eut fut d'attraper le manche et de retirer le couteau de son bras. Ce fut pile au moment où Caleb lui éclata le PADD en plein visage. Jim se retrouva contre le mur de la salle, dépassé face à la situation. Caleb, récupéra le couteau au sol alors que Jim peinait à reprendre ses esprits.

_Pourquoi vous, et pas eux ? Eux aussi, ils étaient gravement blessés. Eux aussi, ils auraient pu recevoir un traitement miracle. Nous avons lu votre dossier. Ils vous ont ramené, pourquoi pas eux ?!

Les yeux de Caleb étaient emplis de larmes. Face à cette vision de souffrance, Jim fut paralysé. « Pourquoi pas eux ? »

Caleb cria sa rage et l'instinct de survie de Jim prit le dessus : il le repoussa d'un coup de pied et la montée d'adrénaline lui permit de se remettre debout. Juste à temps pour se faire charger à nouveau par le trill. Hedik le projeta contre le mur adjacent et Jim alla s'exploser contre la table. Caleb se jeta sur lui. Jim eut le réflexe d'attraper la cafetière et de la lui fracasser sur le crâne, évitant un coup de couteau qui dérapa sur le dessus de son épaule droite.

Il devait se tirer de là. Hedik était un trill alpha avec une force accrue. Il se redressa, récupérant le couteau. Un simple couteau à steak. Il perdait le rapport de force. Le trill ne lui laissa pas de répit. Jim essaya d'utiliser son couteau comme moyen défensif. Il esquiva deux coups et en porta un vers les côtes, ratant son attaque. Il esquiva deux ripostes avant de se retrouver trop lent pour la troisième. Il se prit un crochet du droit qui le fit reculer sur les pieds de Caleb, lâchant par inadvertance son couteau.

Hedik en profita. L'attrapant par les cheveux, il éclata la tête de Jim contre la table centrale avant de le propulser à nouveau contre le mur. Sonné, Jim réalisa en regardant Hedik les manœuvres qu'il faisait : à chaque fois, il l'éloignait de la sortie. La porte unique de la salle était sa seule échappatoire. Ça, ou…

Il leva les yeux. Au-dessus de lui, sur sa droite, se trouvait l'intercom général, avec l'alarme de sécurité. Hedik suivit son regard. Le temps de flottement lorsqu'ils s'aperçurent de cette possibilité ne dura qu'une seconde. Jim se propulsa vers l'intercom, ayant juste eu le temps de l'activer, sans avoir le temps de lancer le moindre signal. Hedik hurla sa rage et l'attrapa par le col de son polo, l'étalant sur la table. Jim le repoussa d'un coup de pied et essaya de fuir vers la sortie.

Tombant de la table, il se leva et avança difficilement vers la porte, ses pieds glissant sur le café et le sang. Il perdait pas mal de sang. Il activa l'ouverture de la porte à l'instant même où le couteau vint se planter dans sa jambe, lancé adroitement par le trill.

Jim tomba à moitié dans le couloir en hurlant de douleur. Le couloir. Sa porte de sortie. Quelqu'un allait passer. Il rampa, ayant conscience que derrière lui, Hedik s'avançait sans se précipiter pour le rejoindre, une soif de vengeance défigurant son visage.

_A l'aide ! Sécurité !

Jim fut attrapé par le pied et ramené d'un mètre en arrière, au-dessus d'Hedik. Son regard d'un noir profond était terrifiant. Jim était terrifié. Le trill voulait sa mort, il le voyait.

_Pourquoi vous, et pas eux ? Qu'est-ce qui faisait que vous étiez plus méritant ?

Les mains d'Hedik se refermèrent sur sa gorge. Jim essaya de défaire la prise en s'accrochant à ses doigts.

_Vous étiez déjà mort et eux, ils essayaient de vivre.

La prise se faisait plus forte. Jim frappa les coudes, sans succès. L'air commençait à se bloquer dans ses poumons.

_J'ai vu la femme que j'aimais agoniser des heures avant de mourir de ses brûlures.

La pression sur la gorge de Jim était trop douloureuse. Sa vue se brouillait, ses yeux lui faisaient mal, son corps lui faisait mal, ses oreilles bourdonnaient.

Hedik parla encore. Jim n'entendait plus très bien. Il sentait le sang palpiter à ses tempes et les bruits de son cœur résonner dans sa tête. Ça et peut-être le son d'un autre cri. Il n'arrivait plus à lutter. Il n'avait plus d'air et au-dessus de lui, Hedik prenait plaisir à le voir mourir. Pourquoi lui ? « Pourquoi pas eux ? » Combien étaient-ils à penser ça ?

Sa tête allait exploser. La douleur était insupportable. Peut-être qu'il était temps, cette fois. Peut-être que c'était comme ça que l'histoire devait se régler. Ça n'était que justice. Le visage d'Hedik se brouilla alors, teinté de petites étincelles lumineuses. Jim aurait voulu revoir les étoiles encore une fois, avant que ça ne se finisse. Il ne le méritait peut-être pas. Peut-être les avait-il assez vues.

Il ne réalisa pas ce qu'il se passa quand d'un seul coup, la pression sur sa gorge disparut, ainsi qu'Hedik. Le blanc immaculé du plafond de l'Enterprise devint noir. Noir, et froid. Une sensation qu'il avait déjà connue l'envahit : le néant.


Il courut à travers les couloirs, sentant son cœur se serrer dans sa poitrine. Il avait déjà vécu cette situation. C'était désagréable. Il sentait qu'au fond de lui, quelque chose n'allait pas. Il y avait une profonde souffrance, qui grandissait au fur et à mesure qu'il rejoignait le pont 17.

Il sut exactement où se rendre : vers le lieu de fréquentation habituel de son capitaine. Quand il arriva, l'accès au couloir était bloqué par les agents de la sécurité.

_Que s'est-il passé ?

L'enseigne en face de lui eut du mal à lui répondre.

_Il y a eu une bagarre entre deux cadets de la sécurité et le Capitaine.

Spock repéra la fluctuation de sa voix à la prononciation du mot « capitaine ». Il n'aima pas ça.

Il passa le barrage et s'avança dans le couloir. Une équipe médicale était au sol, entourant visiblement quelqu'un. Spock sut avant même de voir son visage de qui il s'agissait. Sa colère l'envahit et il fit de gros efforts pour ne rien laisser paraître.

_On fonce, on fonce !cria McCoy en passant devant lui, emportant Jim sur une civière avec son équipe.

Il n'eut même pas le temps de les arrêter pour demander ce qu'il se passait. L'urgence du médecin en chef en disait long. Spock se tourna à nouveau vers la scène. Il y avait des traces de sang et de liquide brun au sol, venant de la salle de pause. A l'odeur, Spock reconnut sans peine qu'il s'agissait de café. Ses soupçons se confirmèrent lorsqu'il passa la tête et vit l'intérieur de la pièce.

Les traces de lutte et de sang faisaient état du combat qui avait eu lieu dans la pièce. Spock n'entra pas pour ne détruire aucune preuve. A la place, il se tourna vers le Lieutenant Evan Flemmings, le chef de la sécurité.

_Que savez-vous, Lieutenant ?

Ce dernier, équipé de son PADD, avait déjà listé les premiers constats et récupéré des témoignages. De l'autre côté, il pouvait voir d'autres agents de sécurité continuer à poser des questions à d'autres membres de l'équipage.

_Il y a eu une agression sur le Capitaine par l'enseigne Hedik. Le cadet Caleb semble également s'être battu, mais il refuse de parler. Ils ont été escortés aux cellules où ils vont recevoir des soins, leurs blessures sont légères. Pour ce qui est du Capitaine…

Le Lieutenant marqua une pause et Spock ne pensait qu'à une chose, le secouer pour qu'il continue.

_C'est Yhvren qui est intervenu. En voyant l'agression, il s'est jeté sur Hedik pour le plaquer au sol. Le Docteur McCoy a emmené d'urgence le Capitaine, il est sévèrement blessé. Nous récupérons la déposition des témoins et une demande a été faite pour récupérer les images de surveillance de la salle et du couloir.

Spock hocha la tête.

_Qui vous assistera pour l'enquête ?demanda-t-il.

_Le Docteur McCoy, selon le protocole. Il sera témoin lors de la déposition des accusés. Nous serons les référents de l'enquête, mais nous allons tous nous y mettre. Savez-vous s'il y avait des mésententes entre eux ?

Spock n'aima pas se retrouver à cette place. Celle de celui que l'on interrogeait, et non celle de celui qui devait résoudre le problème. Il ne pouvait pas le faire. Dans la situation où son Capitaine était incapable de commander, il devait tenir ce rôle. Il ne pouvait pas en même temps participer à l'enquête. Et puis, il serait trop impliqué émotionnellement.

_Je n'en avais pas connaissance. Je pensais que l'enseigne Caleb et le Capitaine s'entendaient bien.

Flemmings hocha la tête.

_Je vous tiendrais informé de l'avancée de l'enquête.

Spock hocha la tête.

_Je veux un rapport au minimum toutes les deux heures et quand vous aurez récupéré ces images, je veux que vous me les transmettiez.

Ça n'était pas dans le protocole, mais il voulait voir. Flemmings ne fit aucune remarque.

_A vos ordres, Capitaine.

Spock détesta le changement de statut. Le lieutenant fit demi-tour et le regard de Spock s'orienta encore sur le couloir. Son esprit était déjà en train de reconstituer la scène et il s'en empêcha pour garder sa colère sous contrôle. Il ne pensait qu'à une chose : déverser sa rage sur ceux qui avaient osé s'attaquer à Jim.

Jim. Il souffrait. Il pouvait sentir sa peine et sa douleur sans même être à côté de lui ou le toucher. Il souffrait, plus qu'il ne l'avait jamais senti auparavant. C'était inacceptable. Spock ne pouvait pas laisser passer cette attaque. Les responsables devaient payer.

Rejetant toute raison, il se dirigea vers les cellules. Caleb… Spock avait détesté le voir si proche de Jim. Si familier avec lui, si charmeur, si présent. Il avait détesté voir cette proximité. Il aurait dû veiller sur Jim. Il aurait dû faire plus attention, il n'aurait pas dû prendre ses distances. Il avait fait une terrible erreur en se disant que Jim n'aurait pas besoin de lui à bord. Une erreur encore plus terrible avait été d'avoir mal interprété cette douleur qu'il avait ressentie. Il aurait pu intervenir. Il aurait pu protéger Jim.

Il ne ferait plus jamais de telles erreurs. Il ferait en sorte que plus aucun danger ne vienne de ses agresseurs. Plus jamais ils n'approcheraient de près ou de loin Jim. Plus jamais il ne leur parlerait. Spock entra dans le turbolift, fermant un instant les yeux alors que les portes se fermaient. Il s'imagina frapper ce visage si symétrique et lisse qu'avait Caleb pour retirer toute expression hautaine et confiante sur son visage.

Le turbolift s'arrêta et Spock ouvrit les yeux pour sortir, à l'instant où Nyota passa la porte et le poussa à l'intérieur.

_Laisse-moi sortir.

Il ne voulait pas la bousculer. Il le ferait si nécessaire. Nyota lui lança un regard de défi et changea la destination pour le hangar à navettes.

_Pas question. Je suis venue directement ici à l'instant où j'ai su que Jim était concerné. Hors de question que je te laisse commettre à nouveau une telle erreur de jugement, Spock.

Il planta son regard dans le sien. Elle ne se démonta pas.

_Je ne fais aucune erreur de jugement. Ils ont voulu tuer Jim, ils doivent payer.

Nyota secoua la tête.

_Tu t'entends ? Spock, tu es incapable de raisonner logiquement. Tu dois rester à l'écart de l'enquête. Si tu interviens, tu lui feras plus de mal qu'autre chose. Le Capitaine n'a pas besoin de gérer à la fois une agression et les écarts de son Commandant en second.

Spock resta silencieux. Il ne voulait pas que ça se retourne contre Jim. Nyota lui prit la main et la caressa. Il la laissa faire dans le seul but de repousser ses envies de violence. Il avait envie de frapper tout ce qui bougeait et Nyota faisait partie des rares personnes à pouvoir le raisonner.

_Comment va-t-il ?

Elle serra plus fort sa main. Spock était incapable de serrer la sienne en retour. S'il le faisait, il lui briserait le moindre de ses os. Il essaya d'évacuer cette tension dans ses muscles, qui s'était installée dès que son envie de frapper avait fait surface.

_Je ne sais pas.

Les portes s'ouvrirent sur le hangar. Nyota appuya sur l'étage du pont médical.

_C'est ton devoir de Commandant en second et de Capitaine suppléant de t'informer de son état. Je vais venir avec toi, et ensuite on retournera sur le pont principal.

Spock tourna la tête vers elle.

_Je n'ai pas besoin que tu sois mon garde-fou.

Nyota croisa son regard.

_Je crois que si. Suis-je vraiment obligée d'évoquer l'arrestation de Khan ?

Spock soutint son regard avant de détourner la tête. Nyota avait raison et ça l'irritait. Si elle n'avait pas été là, il aurait battu Khan à mort, sans le moindre scrupule. Les portes du turbolift s'ouvrirent et Spock se dirigea vers l'aile médicale, conservant un rythme de marche normal malgré son envie d'accélérer.

Il entra dans l'infirmerie. L'entrée était étonnamment calme, mais la tension était palpable. Spock trouva le Docteur McCoy en train de récupérer un uniforme de rechange. Spock attendit qu'il termine de l'enfiler pour l'aborder.

_Comment va le Capitaine ?

La colère était visible sur le visage du médecin. Il ne s'arrêta pas pour lui parler. Il attrapa une trousse de secours.

_Il va mal. Ses plaies hémorragiques ont été traitées mais les traumatismes sur son cou risquent de poser problème. Le Docteur Yorek s'occupe d'examiner ses lésions cervicales. Après ça, il se chargera de régénérer au maximum les lésions cutanées et sous-cutanées pour éviter toute sténose trachéale. L'infirmière Chapel veillera sur lui.

Le Docteur se mit à rassembler du matériel qu'il rangea dans sa trousse. Son comportement pressé et désordonné trahissait son état psychologique. Nyota l'arrêta en posant la main sur son épaule.

_En clair, qu'est-ce que ça veut dire ?

McCoy s'arrêta pour lui faire face. Spock lisait la peine sur son visage.

_A l'heure actuelle, Jim n'est pas capable de respirer sans assistance. Sa gorge et sa nuque ont subi un gros traumatisme. Je ne suis pas en mesure de savoir s'il aura des séquelles médullaires, il faudra voir auprès de Yorek. Sa trachée et son œsophage ont également été écrasés. Dans le meilleur des cas, Jim n'aura besoin d'une assistance respiratoire et alimentaire que durant quelques jours.

Nyota retint un hoquet horrifié alors qu'elle faisait des efforts pour ne pas perdre la face. Aucun d'eux ne voulait évoquer les conséquences que cela aurait dans le pire des cas. Spock sentit sa rage faire surface à nouveau. Jim ne méritait pas ça. Le médecin reprit :

_Sur ce, il faut que j'aille m'occuper des blessures de nos prisonniers. Je refuse que mon personnel se retrouve face à des fous furieux comme eux.

Spock le suivit.

_Je vous accompagne.

Ils passèrent la porte et McCoy l'arrêta.

_J'y vais avec Flemmings. Vous feriez mieux de retourner sur le pont.

Spock ouvrit la bouche mais Nyota lui fit face.

_Il a raison, Spock. Retournons sur le pont.

McCoy et elle s'échangèrent un regard entendu et le médecin s'éloigna. Spock baissa les yeux vers elle.

_Tout ira bien.

Elle l'entraina dans le couloir. Spock calculait les chances qu'elle ait raison. Les résultats statistiques qu'il trouva furent bien insatisfaisants. A contre cœur, il retourna sur le pont.

Quand Nyota et lui entrèrent sur le pont, le silence se fit. Spock avait conscience que le pont principal était au courant de la situation. En quelques minutes, les rumeurs avaient dues se répandre dans tout le vaisseau. Spock ne donnerait aucune information sur l'enquête. Ce qui était arrivé ne concernait pas l'équipage.

Il s'installa sur le fauteuil de commandement, récupérant son PADD qu'il avait laissé. Il pouvait sentir les regards peser sur lui.

_Commander… est-ce que le Capitaine va bien ?demanda Chekov, la voix tremblante.

Spock leva la tête vers lui.

_Le Capitaine se trouve au pôle médical. Suite à cette altercation, je prendrais son poste jusqu'à sa rémission.

Tous hochèrent la tête, même si Spock n'avait pas répondu à la question. Il reporta son attention sur son PADD et communiqua le même message à tous les membres de l'équipage, les informant que le Capitaine serait dans l'incapacité de tenir son poste pour une durée qui restait à déterminer.

Spock prenait son mal en patience alors qu'il attendait les rapports préliminaires du Lieutenant Flemmings et du Docteur McCoy. Pour patienter, il avait épluché minutieusement le dossier de Starfleet des deux hommes et il avait approfondi ses recherches sur eux, sans toutefois trouver un mobile. La raison devait être personnelle, c'était même une certitude. Pour s'en prendre avec un tel acharnement à Jim, il y avait dû y avoir quelque chose. Jim savait s'attirer des ennuis, mais pas au point de susciter une telle haine envers les autres.

La première chose qui lui parvint fut l'assemblage des extraits des vidéos de surveillance. Il n'y avait que celles dans les couloirs qui donnaient des images. Pour le respect de la vie privée de l'équipage, la salle de pause n'en contenait pas.

Il les visionna, faisant abstraction de toute émotion. Sur les images, il pouvait voir des cadets et des enseignes entrer et sortir, Jim étant parmi eux. La salle sembla se vider naturellement, comme à chaque reprise d'activité du personnel. Spock repéra le trill qui avait agressé Jim sortir également. Il le vit revenir quelques minutes plus tard, un couvert à la main. L'attention d'agresser ne laissait aucun doute. La porte se referma et, pendant quelques minutes, il ne se passa rien.

Jusqu'à ce que la porte s'ouvre et que Jim ne s'écroule dans l'encadrement, le visage tordu par la douleur. Spock s'efforça de décrisper sa prise du PADD pour ne pas le briser. Il regarda par la suite Jim ramper dehors, criant visiblement pour avoir de l'aide. Son visage était couvert de contusions et de sang. Il réussit à ramper jusqu'au milieu du couloir, avant d'être tiré en arrière par Hedik.

Et là, Spock fut témoin de l'un de ses pires cauchemars. Le trill étranglait Jim et malgré ses tentatives de défense, Jim fut incapable de se libérer. Spock le regarda mourir, une seconde fois. Sans le placage inopiné du cadet Yhvren, Jim serait définitivement mort.

Spock se leva de son fauteuil pour quitter le pont supérieur. Ce qu'il venait de voir l'avait ébranlé. S'il était incapable de protéger Jim au sein de l'Enterprise, il lui serait impossible de le faire à l'extérieur. Il n'était pas digne de Jim. Il lui avait fait défaut, il l'avait laissé tomber.

Il avait besoin de le voir. C'était viscéral. Il devait voir Jim, s'assurer qu'il allait bien. Il aurait dû le protéger. Il se répéta cela sans cesse, jusqu'à son arrivée au pont médical. Le Docteur McCoy ne semblait toujours pas revenu et l'infirmerie était encore une fois très calme. Il n'y avait personne à part le personnel. L'infirmière Chapel se posta devant lui.

_Je voudrais le voir, indiqua Spock.

La gêne apparut sur le visage de l'infirmière.

_Le Capitaine ne souhaite pas de visites…

Spock fronça les sourcils. Jim était donc conscient.

_Je me dois de vérifier moi-même l'état du Capitaine. Je ne serais pas long.

Il ne laissa aucun choix à l'infirmière Chapel. Cette derrière l'empêcha à nouveau de passer en s'imposant.

_Je dois vous prévenir avant. Le Docteur Yorek priorise les réparations cervicales, nous n'avons donc pas encore effectué de régénération cutanée. Ce que vous pouvez voir risque d'être choquant.

Spock hocha la tête. Chapel se décala et il entra dans la zone réservée aux patients.

Choquant. Chapel avait utilisé un terme adéquat pour qualifier ce que Spock voyait. Jim était allongé dans le lit, la tête et le cou totalement immobilisés. Son visage tout enflé présentait trois plaies suturées au niveau de la joue, du nez et du front. Sa peau se colorait en violet, mais cela n'avait rien à voir avec l'état de son cou.

En voyant cela, Spock eut la pensée qu'autrefois, il aurait pu le faire. Avec une seule main. L'idée qu'un jour il ait fait mal à Jim lui serra le cœur. Il s'avança à côté de lui pour être dans son champ visuel. Quand Spock croisa son regard d'un bleu intense, il ne put que ressentir de la peine. Les yeux de Jim étaient rouges à cause de la strangulation et les capillaires sanguins avaient explosés. Ses yeux, malgré la beauté de leur couleur, reflétaient toute sa peine. Spock approcha spontanément sa main.

_Jim…

Ce dernier détourna son regard à l'opposé, puis ferma les yeux. Il ne pouvait pas parler. Il ne pouvait pas exprimer ce qu'il ressentait. Mais son geste fit comprendre à Spock qu'il n'était pas le bienvenu. Il se recula, remarquant que la poitrine de Jim ne se soulevait pas. Il crut l'espace d'un instant qu'il faisait un arrêt.

Il leva les yeux sur les écrans, qui ne s'alarmèrent pas. Puis il vit la pompe, juste à côté de lui, à laquelle Jim était relié. Il eut une vague idée de ce qu'il se passait. Il sortit de la chambre, cherchant du regard le Docteur Yorek. Ce dernier distribuait des consignes aux autres médecins. Spock attendit qu'il finisse pour lui parler.

_Qu'en est-il de l'état du Capitaine ?

Le docteur hésita avant de se lancer.

_Son état est sérieux, mais pas incurable. Il souffre d'un sévère traumatisme cervical que l'on répare en priorité. Ensuite, on s'occupera de ses fonctions respiratoires et œsophagiennes. Pour le moment, il est immobilisé et ses blessures sont trop graves pour qu'il puisse parler ou respirer de lui-même. Comme il a perdu beaucoup de sang, nous avons paralysé ses muscles respiratoires et nous faisons remonter sa saturation en oxygénant nous-même son sang par le biais de la pompe que vous avez vu. On l'alimente également de cette façon.

La vie de Jim dépendait totalement d'une machine. Spock se douta que la situation devait être difficile à accepter pour son capitaine.

_Dans combien de temps pensez-vous qu'il puisse se remettre sur pieds ?

Yorek prit le temps de réfléchir.

_Les nanites médicinales réparent déjà les lésions internes des cervicales. Je dirais que d'ici deux bons jours, il n'aura plus besoin de la pompe. On s'occupera de réparer les lésions musculaires de sa jambe et de son bras plus tard, mais il n'y a pas de raisons qu'il ait des séquelles. D'ici deux semaines complètes, ce sera comme si tout ça n'avait jamais existé.

Spock fut soulagé d'entendre ça. Il ne le montra pas, mais il le ressentit. Il hocha la tête.

_Merci Docteur.

Il se dirigea vers la sortie. Il croisa alors Chapel au passage.

_Prenez soin de lui.

Elle hocha la tête en souriant et Spock sortit, le cœur lourd. Malgré ce qui lui était arrivé, Jim le rejetait. Spock se sentit déchu dans l'estime que lui portait Jim. Il ne voulait pas de lui, même en étant au plus bas. Il réalisa alors qu'à s'être éloigné trop vite du Capitaine, il venait de perdre cette place précieuse auprès de lui.