Chapitre 9
« Ne fais pas confiance aux mots. Fais confiance aux actions »
Se retrouver sous les feux croisés n'avait rien d'agréable, même lorsque l'on possédait le titre d'officier-en-second.
J'étais divisée entre ma loyauté acquise de par mon rang à Pike, ainsi que mon amitié à l'encontre de Mickaël, et celle que j'avais vis-à-vis de Ash. Mentir à ce dernier était compliqué, et je me rangeais derrière le masque du devoir, marchant précautionneusement dans les pas de mon capitaine afin d'éviter les erreurs. Il était difficile de mentir et de cacher des éléments à celui avec qui j'avais traversé tant d'épreuves.
L'ironie du sort voulait également que je me retrouve dans une position bien plus compliquée entre Ash et Paul. Il était difficile de ne pas sentir la tension entre les deux, encore plus quand Hugh était dans les parages, tentant tant bien que mal de trouver sa place dans un univers qu'il ne percevait plus totalement comme nous.
Et à cet instant précis, j'étais divisée entre tout cela.
Hugh était entré dans la cafétéria alors que nous prenions notre déjeuner. Assise à table avec Ash, j'évitais avec brio les questions qu'il me posait, quand je le vis se crisper, et en jetant un regard en arrière, je vis le médecin nous rejoindre, le visage fermé.
- Commandeur, écartez-vous s'il vous plaît, demanda-t-il et je fronçais les sourcils en me levant pour m'interposer entre eux.
- Hugh…, commençais-je en voulant poser la main sur son bras.
Un sursaut me traversa quand il balaya nos deux plateaux posés sur la table, et se mit face à Ash. Tout se renversa sur le sol, et je m'apprêtais à m'avancer, quand Saru posa la main sur mon bras.
Tournant les yeux vers lui, je le vis me faire un signe négatif de la tête.
Depuis quand laissions-nous le personnel régler ses comptes ainsi ?
- Je suis navré, fit Ash face à Hugh qui ne disait rien. Je ne m'attends pas à ce que vous compreniez. Mais ce n'était pas moi…
- C'était Voq ? Clama Hugh, menaçant, et je me préparais à intervenir.
- Oui, confirma Ash juste avant que le médecin ne pose ses deux mains sur la table devant lui.
- Faites le sortir, ordonna ce dernier.
- Ça ne marche pas comme ça, fit Ash.
- Il faut que j'aille le chercher ! Cria Hugh avant de balancer la table au sol.
Il se jeta sur Ash, et j'esquissais un geste pour les séparer quand Saru me fit reculer.
- Il faut que ça sorte, expliqua-t-il. Laissons-les faire.
- Ce n'est pas…, commençais-je mais la bagarre entre les deux s'intensifia.
Bloquée par Saru, je ne pouvais intervenir, et je regardais mes deux amis s'affronter dans la cafétéria.
- Je ne sais plus qui je suis ! Clama Hugh quand Ash fut parvenu à le bloquer.
- Vous savez à qui vous parlez ? Demanda Ash, avant de le laisser sur place pour quitter les lieux.
Je laissais Paul rejoindre Hugh, avant de fusiller Saru du regard. Il me suivit en-dehors de la cafétéria.
- C'est illégal ! Clamais-je quand je fus certaine qu'on ne nous entende pas.
- Ils devaient régler leurs comptes sinon ça ne se serait jamais terminé ! Répondit Saru.
- On ne règle pas nos comptes par la violence ! Sifflais-je en veillant à garder le ton bas. Saru, notre coordination tient sur notre cohésion et nos règles ! On ne peut pas tolérer la violence ! Si jamais Pike en entend parler, on risque…
- Entendre parler de quoi ? Demanda justement ce dernier, apparaissant derrière nous.
Je jetais un regard équivoque à Saru, avant de me tourner vers Pike, espérant noyer le poisson. C'était sans compter les discussions animées qu'avaient tous ceux qui sortaient de la cafétéria en cet instant.
- Un combat ? Demanda Pike en percevant le mot précis qu'il aurait fallu éviter.
Je grimaçais, avant de le suivre docilement dans l'ascenseur, laissant à Saru l'honneur de lui raconter ce qui s'était passé.
- Vous avez laissé la bagarre se dérouler ? Demanda Pike, incrédule en fixant Saru par-dessus ma tête.
- J'ai pensé que la confrontation était une situation nécessaire et inévitable, répondit ce dernier tandis que je fixais les portes face à moi en pinçant les lèvres. Pour l'un, comme pour l'autre.
- Mais…, commença Pike. C'est une façon assez peu orthodoxe de régler un conflit.
- Bof, souffla Saru et je jetais un regard à Pike avant de sourire devant son air profondément choqué. Le manuel de Starfleet ne fait état d'aucune recommandation concernant le règlement de conflit entre un humain hébergeant un klingon dans son corps, et un médecin de bord revenu d'entre les morts.
Cette fois-ci, je veillais précisément à garder le regard fixé sur la porte pour ne pas éclater de rire malgré les circonstances. J'avais beau ne pas le regarder, je sentais toute l'incrédulité et la surprise émaner de Pike.
Bien qu'il commence à s'habituer aux particularités de l'U.S.S Discovery, il avait encore quelques surprises.
Lorsque les portes s'ouvrirent, je sortis dans le couloir, les laissant à leur conversation, me dépêchant de récupérer ma tablette sur la passerelle, ayant pour objectif de terminer le rapport que je devais faire sur l'état de l'armement du vaisseau.
Devant les conversations animées qui s'y déroulaient concernant la dispute qui avait opposé Ash à Hugh, je pris la décision de le terminer au calme dans le bureau du Capitaine, auquel avait également accès l'officier-en-second et l'officier-en-tiers.
Ce fut pour cette raison que je ne signalais pas ma présence en entrant dans la pièce. En toute logique, je n'aurais rien dû y voir de problématique.
Sauf Pike face à une femme, les deux mains posées sur ses joues et leurs visages vraiment très proches.
Je me stoppais net sur le pas de la porte, mais je ne passais pas inaperçue car il recula précipitamment en me voyant, tandis que la femme semblait sincèrement surprise de voir que je la fixais.
Pour ma part, je tentais difficilement de contrôler le goût acide de la déception et de la douleur.
Comme à son habitude, l'amour faisait plus souffrir qu'autre chose. Je commençais à y être habituée.
- Pardon, lâchais-je d'un ton glacial.
- Ilyana, fit Pike mais je levais la main.
- Je vais vous laisser, coupais-je en tournant les talons.
J'ignorais Pike quand je l'entendis se mettre en mouvement pour tenter de me retenir, mais ce fut ce que la femme dit qui me stoppa net.
- Vous pouvez me voir ? Demanda-t-elle, la surprise suintant dans sa voix.
Incrédule, je pivotais lentement sur mes talons, ignorant Pike qui en avait profité pour me rejoindre et se tenait juste à côté de moi.
- Pourquoi est-ce que je ne vous verrais pas ? Demandais-je en clignant des paupières.
- Parce que je ne suis qu'une projection astrale, lâcha-t-elle et cette fois-ci, je ne parvins pas à dissimuler la surprise qui se dessina sur mon visage. J'ai été envoyée ici pour parler à Chris… je suis normalement uniquement liée à lui. Personne ne devrait me voir…
Chris ? Effectivement, ce n'était pas un hasard qu'ils soient aussi proches quand j'étais entrée. Ils n'avaient très certainement pas que des parties de Scrabble en commun.
- Et bien je vous vois très bien, fis-je en haussant les épaules, jugeant que le fait que je puisse la discerner n'était pas un problème, avant de pivoter de nouveau sur mes talons.
Pike m'attrapa par le bras, mais au moment où j'allais répliquer de façon assez acerbe, elle capta de nouveau mon attention.
Je discernais très bien le regard triste qu'elle posa sur les doigts de Pike autour de mon poignet. Le regard qu'avait une femme qui savait avoir perdu face à une autre. Ce qui semblait tout à fait inapproprié au regard de la position dans laquelle je les avais trouvés quelques minutes auparavant.
- Alors c'est pour cela, murmura-t-elle et je ne pu m'empêcher de jeter un regard à Pike qui la fixait également. C'est pour cela qu'ils ne parviennent pas véritablement à m'ancrer dans ta réalité… C'est un miracle même qu'ils soient parvenus à me projeter ici au vu… de votre relation.
Notre relation ? Avait-elle sincèrement fumé quelque chose.
- Vania…, commença Pike sans lâcher mon bras.
- C'est elle, reprit l'autre. C'est elle qui t'a protégé sur Talos IV il y a huit ans...
- Talos, répétais-je en la regardant avec frayeur, les éléments se mettant lentement en place.
Je connaissais l'histoire de cette planète, ainsi que les compétences de la population indigène qui y vivait.
- Tu ne risques rien, me murmura Pike, mais je fixais désormais Vania avec un mélange de peur et de colère.
Je ne la souhaitais pas dans ma tête, et encore moins près de mon équipage.
- Capitaine ? Entendis-je soudainement, et je sursautais tandis que Pike se tournait.
Me décalant sur sa gauche, je distinguais alors Mickaël. On aurait dit que je la voyais à travers les vieux écrans de cinéma d'autrefois.
Oubliant Vania et les soucis de télépathie, je suivis Pike face à Mickaël. Elle nous vit tous les deux, et je lu le soulagement sur ses traits.
- Vous êtes sur Talos ? Demanda Pike. Vous pouvez nous voir ?
- Oui, Capitaine, confirma Mickaël. J'ai trouvé Spock. Il nous a conduit aux talosiens pour qu'ils me montrent son esprit.
Toujours très dérangée par cette idée de capacités psychiques, je m'efforçais de ne pas jeter un regard en arrière, là où je sentais Vania.
- La première chose que vous devez savoir, c'est que Spock est innocent, fit Mickaël. Il n'y a pas eu de meurtre. Je ne voulais pas utiliser le subespace, la section 31 aurait pu tracer la transmission.
- Je suis au courant, confirma Pike. Georgious m'a dit qu'elle avait contacté votre navette alors que Spock était à bord mais que vous n'aviez pas répondu.
- J'ai conduis Spock à Leland qui a usé d'une technique de l'empire terrien pour réduire son esprit en bouillie, fit Mickaël.
- Mais enfin, pourquoi ? Demanda Pike, tandis que je fronçais les sourcils. Qu'attendent-ils de Spock ?
Ce fut alors que je vis le jeune vulcain apparaître à son tour sur l'écran.
Il était grand, brun, avec de courts cheveux et une barbe de plusieurs jours.
- Mes souvenirs, expliqua-t-il. Du futur.
- Spock, murmura Pike. Ravi de vous revoir.
- Capitaine, répondit Spock, sérieux. Commandeur. J'ai vu l'ange rouge. Il m'a révélé comment cette ligne temporelle allait s'achever. Si nous voulons échapper à ce qui nous attend, nous devons suivre les dessins de l'ange.
- Quels dessins ? Demanda Pike.
- S'il vous plaît, murmura Vania dans notre dos, et je lui jetais un regard ambigu. La fenêtre se referme.
- Capitaine, Commandeur, reprit Spock. Je ne pensais pas devoir demander ça un jour, mais vous devez me croire sur parole. Il faut venir nous chercher. Tout de suite, si possible.
Vania se rapprocha de Pike, et je reculais, ne supportant pas sa présence auprès de moi. Au-delà du fait que mon cœur apprécie moyennement qu'elle soit là, je ressentais comme des décharges électriques très désagréables le long de ma colonne vertébrale quand elle se trouvait trop proche.
- Dépêchons Chris, lui murmura-t-elle. Le temps presse. Allez vite rejoindre vos amis. Ils comptent vraiment sur vous…
Elle tourna ses yeux vers moi, et j'y lu une nouvelle fois la même tristesse que précédemment. Mais quand je clignais des yeux, le temps que Pike tourne la tête vers l'endroit où s'était trouvé quelques instants auparavant Spock et Mickaël, elle avait disparu.
- Je préviens l'équipage, murmurais-je, dans une tentative vaine pour quitter les lieux sans conversation.
- Ilyana ce n'est pas…, commença-t-il mais je levais la main.
- Peu importe, murmurais-je. Cela n'a pas d'importance. Nous n'avons pas le temps pour cela. Votre officier et le mien ont besoin d'aide le plus rapidement possible.
Il accusa le choc, et j'eus parfaitement conscience d'être méchamment cruelle en disant ces mots. En lui rappelant que cet équipage n'était le sien que pour un temps.
Quittant la pièce avec précipitation, je gagnais la passerelle, expliquant la situation à l'équipage et à Saru. Si bien que quand Pike apparu à son tour, il n'eut plus qu'à donner l'ordre du départ.
Mais au moment où Airiam donna l'ordre de destination au vaisseau, ce dernier refusa de passer en distorsion.
- Le moteur sporique s'est déconnecté, déclara Airiam et je levais un sourcil, échangeant un regard surprit avec Saru.
- Que se passe-t-il en bas ? Demanda Pike, que je sentais agacé.
- Il semble que le moteur connaisse une défaillance, répondit la voix d'une femme.
- Je constate une altération des systèmes, altération qui semble avoir été incorporée manuellement, intervint Tilly, et cette fois-ci je jetais un regard à Pike.
- Le moteur a déjà connu des problèmes de ce type ? Demanda ce dernier.
- Jamais de cette importance, contra Tilly. Nous faisons des diagnostics de niveau 3 du moteur toutes les 10 heures. Quelqu'un a délibérément saboté le système.
A cet instant, la porte s'ouvrit sur Ash qui pénétra sur la passerelle. Si pour ma part je n'avais aucun doute sur lui, je connaissais suffisamment Pike et Saru pour comprendre à leurs expressions que ce n'était pas leurs cas.
- Pourquoi sommes-nous en alerte noire ? Demanda Ash.
- Nous devons aller sur Talos IV, chercher Spock et Burhnam, expliqua Pike. Mais notre moteur sporique est hors service, et ce n'est pas un accident.
- Vous croyez qu'on l'a trafiqué ? Demanda Ash sans deviner qu'il était sous les feux croisés des deux officiers. Qui aurait fait ça ?
- On peut déjà restreindre la liste, intervint Nhan. En ne prenant en compte que ceux qui ont intérêt à nous maintenir ici.
- Il se trouve que quelqu'un à bord a envoyé des transmissions subspatiales en codées et non autorisées à un destinataire inconnu, fit Saru en montrant son écran à Pike qui fixa Ash d'un air méfiant.
- Euh, j'avoue que je ne suis pas au courant de transmissions émises…, commença Ash.
- C'est étrange, coupa Saru. Puisqu'elles ont été envoyées avec vos codes de commandes.
Il plaça son écran sous le nez de Ash, et je me redressais, prête à le défendre. Mais Pike posa les yeux sur moi, et j'y lu un avertissement en bonne et due forme. Il m'interdisait d'intervenir.
Je ravalais ma colère et ma frustration, reposant le regard sur mon ami.
- Je n'ai rien envoyé, jura Ash. A personne. On a dû pirater mes codes et…
- Saboter le moteur sporique, termina Nhan et je crispais les doigts sur mon bureau, me forçant à conserver un visage impassible.
- Vous ne croyez quand même pas…, commença Ash.
- Je sais depuis peu que la section 31 dispose d'une technologie neurologique intrusive, coupa à son tour Pike en se plaçant face à Ash. On s'en est peut-être servie sur vous.
- Même à votre insu si cela se trouve, compléta Nhan mais Ash secoua la tête.
Furieuse, je parvenais difficilement à me contrôler. Le fait que l'on puisse encore s'en prendre après lui à cause de ce que lui avait fait subir les klingons me mettait hors de moi.
- Cette part de ma vie est finie d'accord, clama Ash. Si j'avais fait ce que vous dites, je crois que je m'en rappellerais.
- Je suis navré Tyler, fit Pike, glacial, en lui retirant son écusson de Starfleet. Je ne peux me contenter de votre parole. Vous non plus d'ailleurs. Confinez-le dans ses quartiers jusqu'à nouvel ordre.
Ash le fixa, avant de pivoter vers moi.
- Dis leur que je suis innocent ! fit-il et je m'apprêtais à répondre quand Pike se plaça entre nous, me subtilisant à son regard.
- Il me semble que mon ordre prédomine sur ceux que pourrait donner le commandeur Kirk, siffla-t-il. Je ne vous demande pas de lui demander son avis, mais d'assumer les conséquences de vos actes.
- Et les vôtres ? Siffla Ash en le contournant, me jetant un regard au passage.
Je compris qu'il savait que je ne cautionnais pas la décision de Pike, mais tenue par mon grade, je ne pouvais rien y faire.
- La section 31 trouvera un moyen de vous repérer, clama-t-il.
- Merci Mr Tyler, je suis d'accord, siffla Pike. Cap sur la base stellaire 11. Distorsion maximale. Faites savoir que nous devons réparer. Ça évitera peut-être qu'ils lancent des poursuites.
- Oui capitaine, confirma Bryce.
Pike tourna les yeux vers moi, et je mis dans mon regard toute la colère possible. J'y lu dans le sien un profond agacement, et on se détourna l'un de l'autre avec la même frustration.
- La base stellaire 11 est à deux années lumières de Talos IV, lâcha Saru.
- C'est pour ça que je veux faire croire que c'est notre destination, confirma Pike. On se signalera à mi-chemin, puis on bifurquera en mode furtif. Ça devrait nous faire gagner un peu de temps. Je l'espère.
Le vaisseau se mit en mouvement, puis, à mi-chemin, sur ordre de Pike, on changea de chemin, s'éloignant de la base stellaire 11. Les yeux rivés sur mes écrans, prête à défendre le vaisseau en cas de danger, je fus la première à distinguer la menace.
- Vaisseau en approche ! Clamais-je. Le vaisseau de Leland.
- Tyler est confiné, fit Pike. Ce n'est pas lui qui les a guidé ! Répondez-leur Bryce.
Leland s'afficha sur la vitre de la passerelle, mais je gardais les yeux rivés sur les défenses du vaisseau et les réactions de celui de l'ennemi.
- Je sais où vous allez Pike, fit Leland. Coupez immédiatement vos moteurs. C'est un ordre !
- Je commencerais à suivre les ordres quand vous me direz la vérité, contra Pike. Vous pensiez vraiment que je ne saurais pas ce que vous comptez faire à Spock ?
- Dernier avertissement Chris, prévint Leland. Décrochez !
La communication se coupa.
- Detmer, emmenez-nous au-dessus de Talos IV, ordonna Pike. Owo, dès que possible, recherchez nos camarades.
Sur mes gardes, je maintenais le vaisseau de Leland en ligne de mire tout en mettant au maximum les défenses du vaisseau.
- Je les ai repérés, clama Owosekun quand on s'immobilisa au-dessus de la planète.
- Téléportez-les à bord, ordonna Pike.
- Oui capitaine, obéit Owo. Verrouillage et téléportation.
- La section 31 tente aussi de téléporter Burhnam et Spock, lança Tilly.
- Je ne peux pas les contrer sans les attaquer, clamais-je après avoir analysé toutes mes options.
- Leland capitaine ! Lança Bryce.
- Sur écran.
Cette fois-ci, je levais les yeux sur Leland.
- Pike, désactivez votre rayon de téléportation, ordonna ce dernier.
- Je ne peux pas faire ça, contra Pike dont je sentais la colère.
- Si aucun de nous ne cède, Burhnam et Spock seront pulvérisés atome par atome. C'est ce que vous voulez ? Parce que c'est ce qui va se passer si vous ne désactivez pas votre rayon de téléportation.
- Coupez l'écran, ordonna Pike.
- Que dois-je faire capitaine ? Demanda Owosekun.
Pike ne répondit pas, et je sentis un flottement dans l'air avant de la voir apparaître de nouveau. Presque sans surprise, je constatais que j'étais la seule, en plus de Pike, à la voir.
- Capitaine ?! Appela Owosekun.
- Laissez partir vos amis, fit Vania en voulant poser une main sur son épaule qu'elle traversa avec surprise. C'est la seule solution. Laissez-les partir. Laissez-nous tous partir. Croyez-moi.
Pike hocha subtilement la tête.
- Au revoir Vina, fit-il.
Elle disparut, et je compris que cette fois-ci, elle ne reviendrait pas. Le regard triste qu'elle me jeta de nouveau me fit comprendre que j'en étais la cause, pour une raison qui m'échappait totalement.
- Owo, ordonna Pike, difficilement. Désactivez le transporteur.
Sur l'écran, je vis Burhnam et Spock arriver à bord du vaisseau de Leland. Ce dernier se tourna vers nous.
- Vous avez fait le bon choix, clama-t-il. Je ne manquerais pas de le consigner dans mon rapport. Et maintenant, présentez-vous au rapport base stellaire 11 où vous patienterez en attendant de connaître vos sanctions. Terminé.
Tendue, je ne savais plus quoi dire, mais je vis Pike se relever, à l'instant où un point apparu sur mon écran.
- Capitaine, je détecte une navette, déclara Saru. Qui quitte la planète.
- J'essaie de la scanner mais quelque chose empêche le processus, fit Owosekun alors que pour ma part, je mettais en place les pièces du puzzle.
Automatiquement, je rabaissais les défenses du vaisseau.
- J'entre en contact ? Demanda Bryce.
- Non, contra Pike. Évitons d'être entendu. Laissons-les accoster. Monsieur Saru, Kirk, vous venez avec moi.
Obéissant, je les suivis dans l'ascenseur jusqu'à la salle d'embarcation, là où la navette se posait en douceur.
Ce fut sans étonnement que je vis Burnham et Spock en descendre.
- Capitaine, le salua la première. Commandeur Saru. Ilyana.
- Mais… comment…, questionna Saru.
- Projection Talosienne, expliqua Pike. Voilà comment.
- Salutation Capitaine, lança Spock.
- Spock, lui sourit Pike en se mettant face à lui tandis que je serrais le bras de Burhnam. Est-ce que vous allez bien ?
- Mieux depuis que je suis face à vous Capitaine, répondit le vulcain. Même si nous fonçons droit vers le danger.
Je les entendis se charrier sur le sourire de Spock, avant qu'on ne regagne la passerelle.
- Spock, dites m'en plus sur l'ange rouge, demanda Pike. Qu'est-ce que c'est ?
- Un humain, répondit Spock. Rien de plus.
- Il semblerait que le but de cette personne soit de changer l'avenir de notre ligne temporelle, intervint Burnham.
- Et quel est cet avenir ? Demanda Pike.
- Un futur où toute vie consciente dans notre galaxie sera éradiquée, lâcha Spock et j'ouvris de grands yeux horrifiés.
- Par quoi ?
- Ça n'est pas clair, répondit Spock.
- Alors nous devrions changer de cap au plus vite, ordonna Pike. D'ici quelques minutes…
- Le Discovery sera le vaisseau le plus recherché de la galaxie, compléta Saru tandis qu'un gros silence tombait sur la passerelle.
- J'imagine que l'Ange Rouge ne vous a pas indiqué de quelle manière régler cette situation ? Demanda Pike.
- Non, confirma Spock. Mais mon expérience limitée de fugitif me suggère un seul plan d'action.
- Et lequel ?
- La fuite, lâcha le vulcain.
Pike hocha la tête, avant de se tourner vers tout l'équipage présent sur la passerelle.
- Je ne peux pas vous demander à tous de participer à un acte de désobéissance manifeste…, commença Pike.
- Quel cap Capitaine ? Coupa Keyla.
- Est-ce qu'on ne devrait pas partir ? Au plus vite ? Renchérit Tilly tandis qu'un sourire m'échappait.
Burhnam se tourna vers moi après avoir jeté un regard à Saru. Comprenant la demande, je pivotais vers Pike.
- L'équipage attend vos ordres, fis-je.
Pike hocha la tête, avant de s'asseoir dans son fauteuil.
- Pilote, quittons la zone, ordonna-t-il.
Le Discovery se mit immédiatement en mouvement, disparaissant de l'espace de Talos. A cet instant, je sentis la pression sur mon cœur disparaître. Incrédule, je regardais Talos disparaître de mes écrans, avant de rejoindre Burhnam qui discutait avec Tilly et Spock.
- Ilyana Kirk si je ne m'abuse, fit ce dernier en me voyant arriver.
- Belle déduction, répondis-je en levant un sourcil.
On se mit à discuter pendant quelques minutes avant que Pike ne m'appelle.
- Dans mon bureau, ordonna-t-il, et j'obéis lentement. Tous les trois.
Il indiquait Mickaël et Spock également. Fronçant les sourcils, je le regardais fermer la porte avant de se tourner vers nous.
- Seuls, nous n'y arriverons pas, expliqua-t-il. Il nous faut de l'aide. Mais depuis quelques minutes, c'est devenu quasiment impossible à obtenir.
J'échangeais un regard avec Mickaël, avant de soupirer.
- Appelons l'amiral Cornwell, proposais-je et il leva un sourcil, surprit. J'ai entièrement confiance en elle. Je lui confierais ma vie, et je sais la réciprocité vraie. Si quelqu'un peut nous aider, c'est elle.
Il hocha la tête, donnant l'ordre à Mickaël de sortir en compagnie de son frère.
- Je la connais bien également, mais en ce moment tout est remis en question, me lança Pike. Comment être sûrs qu'elle ne se retournera pas contre nous ?
Je pinçais les lèvres, avant de croiser les bras et de m'adosser contre la vitre où la distorsion rendait la vue très éclairée.
- Les Klingons... murmurais-je quand il s'adossa à mes côtés. Ne sont pas réputés que pour leurs grandes capacités aux combats. Ils sont également très doués dans le domaine de la torture.
Je le vis frémir, et son regard détailla mon corps, comme s'il pensait y trouver des marques apparentes. Je souris, d'un sourire sans joie.
- J'ai été fait prisonnière par les Klingons pendant une courte durée, lâchais-je. Quand ils m'ont enfermée, après m'avoir torturée, je me suis retrouvée dans la même cellule que l'amiral Cornwell. Pendant plusieurs heures, ils ont enchaîné, entre elle et moi. Dans la torture et dans la douleur, il n'y a pas de grades, pas de rangs. On s'est soutenues, l'une comme l'autre. Nous nous connaissions déjà, tu sais déjà pour quelle raison, mais il y a toujours un immense respect entre nous…. Là-bas, dans cette cellule, on a cru mourir ensemble. Ça crée des liens. Au bout d'un moment, quand la douleur et la peur éprouvent trop le corps, on commence à avoir des hallucinations, à délirer… Quand cela arrivait, celle qui était lucide soutenait l'autre. Elle me doit la vie autant que je lui dois la mienne.
Je posais les yeux sur Pike qui avait vrillé les siens à mon visage.
- La torture laisse parfois peu de traces physiques, murmurais-je en frottant inconsciemment mon bras. Mais elle laisse beaucoup de marques psychologiques. On n'oublie jamais. Je sais que nous pouvons lui faire confiance.
Pike, qui avait pincé les lèvres en entendant mon récit, hocha la tête, avant de se redresser.
- Comment pouvons-nous la contacter ? Demanda-t-il. Tous les appels doivent être scrutés dans l'espoir de nous repérer.
- J'ai le numéro personnel de l'amiral Cornwell, répondis-je et je le vis lever un sourcil.
Appuyant sur les touches de l'interphone, je le composais rapidement. Je retins mon souffle quand j'entendis l'appel se mettre en route.
Il sonna plusieurs fois sans réponse, jusqu'à ce que je finisse par entendre quelqu'un décrocher.
- Amiral, murmurais-je, ignorant si elle avait la capacité de répondre ou non.
- Parlez vite, répondit-elle sur le même ton. J'ai dit qu'il s'agissait un appel de ma mère, ils s'attendent à me voir revenir rapidement en réunion. Le Discovery est recherché, vous encourez la cour martiale le Capitaine Pike, le commandeur Burnham et Spock ainsi que vous. Que se passe-t-il ?
- Nous avons le Commandeur Spock à bord, expliquais-je. Il est innocent, nous en avons eu la preuve apportée par le lieutenant Burnham… et les Talosiens. Bien que je sache qu'ils ne sont pas considérés comme dignes de confiance par la Fédération, à juste titre, ils ont permis à Mickaël de voir ce qu'il s'était passé. Nous sommes tous en danger de mort, toute la population de toutes les planètes. Fédération ou non… C'est pour cela que nous avons fuis… Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre du temps… Mais nous ne pouvons y parvenir seuls…
Elle marqua le silence, avant de répondre précipitamment.
- Rendez-vous à l'endroit où nous vous avions récupérés après… votre retour parmi nous, ordonna-t-elle. Je vous y rejoins, seule.
Elle coupa la communication, et je me tournais vers Pike qui avait entendu toute la conversation.
- Cap à la frontière klingonne, dis-je et il hocha la tête, donnant l'ordre dans l'interphone.
Immobile devant la vitre, je fixais en silence l'extérieur qui défilait sous mes yeux.
Nous n'étions pas retournés dans ce coin-là de la galaxie depuis notre retour du monde parallèle. C'était de ces souvenirs que j'aurais préféré continuer à ignorer.
- Ce que tu as vu avec Vina, murmura Pike. C'est la raison pour laquelle tout voyage à Talos IV est interdit.
- Pourquoi a-t-elle dis que je t'avais protégé il y a huit ans ? Demandais-je en posant les yeux sur lui. Nous étions plus qu'en froid…
- Vina est la seule survivante du vaisseau scientifique Columbia qui s'est écrasé sur Talos il y a plusieurs années, expliqua Pike en s'adossant de nouveau à la vitre à mes côtés tandis que je fronçais les sourcils. Elle s'en est sorti avec des séquelles physiques… conséquentes. Son visage est ravagé. Les Talosiens lui ont permis de conserver un corps normal, indifférent au temps qui passe, grâce à leurs capacités psychiques. Sans eux, elle reprend son apparence normale. Ils n'avaient jamais vu d'humain avant elle, et quand l'U.S.S Enterprise est passé dans le coin, ils nous ont capturés, avec l'idée de forcer l'équipage à fonder des familles sur leur planète pour les observer évoluer… Quand ils ont compris qu'on préférerait mourir que de rester prisonniers… ils nous ont libérés. C'est la raison pour laquelle Talos IV est strictement interdite d'approche.
Un silence s'abattit sur la pièce, et je gardais le regard fixé sur Pike qui riva ses yeux dedans.
- C'était moi qu'ils… avaient prévu pour Vina, continua-t-il. Ils ont tenté de me forcer… mentalement, mais ils n'y sont jamais parvenus. J'ai toujours cru que c'était peut-être parce que j'étais tellement furieux et viscéralement opposé à ça que je suis parvenu à me libérer de leur emprise… Cependant, visiblement, c'était toi… ou plutôt mes sentiments à ton égard, qui m'ont aidé à contrer leur manipulation.
- Tes… sentiments, repris-je, en ouvrant de grands yeux. Nous nous haïssions tous les deux, c'est la cause principale de tout ce qui a découlé par la suite et qui a entraîné onze années de silence radio de ma part…
Pike sourit avant de secouer la tête.
- Je t'ai aimé à l'instant où je t'ai vu passer la porte de l'amphithéâtre, le jour où tu as fait ton entrée à Starfleet, déclara-t-il et cette fois-ci, toute la surprise se lu sur mon visage. Je ne savais pas qui tu étais à cet instant. Je me souviens m'être tourné vers Georges pour lui dire que tu avais attiré mon attention, mais avant que je n'ai pu dire quoi que ce soit, il t'a indiqué du doigt en disant que tu étais sa sœur. Je ne voulais pas risquer de perdre son amitié, alors j'ai décidé d'attendre… Entre temps, tu as rencontré Lorca… La suite, je ne te l'apprendrais pas…
Cette fois-ci, je ne trouvais rien à y répondre. Je ne m'attendais certainement pas à cela, même si ça expliquait la raison pour laquelle Pike avait été si virulent à mon encontre par le passé.
- Onze ans ? Demandais-je finalement et il hocha la tête.
- Ne me demande pas pourquoi, répondit-il. Et je ne te cacherais pas avoir essayé de t'oublier avec d'autres femmes… Ça n'a jamais fonctionné. Georges lui-même a fini par comprendre. J'ai passé un sale quart d'heure pour être honnête. Mais pas pour les raisons que j'avais imaginé. Il m'en a voulu de ne pas avoir dit la vérité, ce qui aurait peut-être pu éviter tout ça...
Tournant de nouveau les yeux au-dehors, je tentais d'assimiler le tout.
- Ta mort… enfin l'annonce, a été comme un coup de poignard en plein cœur, rajouta-t-il. Pendant 9 mois, j'ai vécu en me disant que la vie n'avait plus aucune raison d'être, et pourtant, je n'avais pas le choix d'avancer, de commander, de lutter. Quand l'amiral Cornwell m'a appris de vive voix que tu étais vivante, je me suis fait la promesse d'essayer coûte que coûte d'obtenir ton pardon… de te donner les explications, quoi qu'elles entraînent derrière.
J'allais tenter de répondre quelque chose, quand on frappa à la porte qui s'ouvrit sur Spock.
- Nous approchons du point de rencontre, déclara-t-il.
Comprenant que le temps n'était plus à la discussion, et que l'avenir de l'univers entier se jouerait dans les prochaines heures, je me redressais, m'apprêtant à suivre le Vulcain, mais Pike attrapa doucement mon poignet.
Surprise qu'il risque de nous faire repérer par l'équipage présent sur la passerelle, je posais les yeux sur lui. Mais il se contenta de rester à distance.
- Je ne te demande pas de me pardonner, ni d'oublier ce que j'ai dit et fais il y a onze ans, murmura-t-il. Je n'ai aucune excuse face à ce que je t'ai fait. Je t'ai raconté cela car je ne voulais pas que tu puisses imaginer des choses fausses, mais nullement pour attirer ta sympathie.
- J'ignore où j'en suis, répondis-je lentement. Mais il y a parfois des révélations essentielles pour pouvoir avancer… Je juge que celle-ci l'était. Alors… merci.
Je pinçais les lèvres, avant de tourner les talons quand il relâcha mon poignet.
Regagnant ma place, je perçus clairement que quelque chose en moi s'était apaisé.
Mais pour le moment, en voyant une navette non identifiée s'approcher du Discovery, je n'avais pas le temps pour analyser mes sentiments. L'univers n'attendait pas.