Note de l'autrice : Helloooo ! Un petit One-Shot des familles sur... La famille ! Hahaaha mais je suis si drôle ! BREF. Voici une courte histoire qui était dans ma tête depuis quelques semaines.
Du Severus/Harry pré-Poudlard qui j'espère vous plaira !
On se retrouve sinon en fin de semaine pour le prochain chapitre de Sonate d'un enfant roi !
Disclaimer : L'univers appartient à J.K Rowling.
Arsonist's lullaby
One-shot
Mars 1986
Dans la nuit noire et orageuse, Harry Potter attendait dans son placard, en proie à une décision épineuse. Devait-il appeler Tante Pétunia ou essayer de se rendormir ? A cette question, sa vessie lui hurla d'appeler sa tante et tant pis pour la trempe qu'il prendrait après. S'il s'endormait, la situation allait indéniablement tourner au cauchemar. Il savait qu'il ne pourrait pas tenir et que c'est un lit trempé qu'il -et surtout son oncle et sa tante - allait découvrir au petit matin. Et là, c'est bien plus qu'une gifle et un sermon qui l'attendait…
Harry souffla lentement, limitant au mieux ses dandinements. Prenant son courage à deux mains, le ventre déjà tordu par la douleur, il appela sa tante d'une petite voix.
Tendant l'oreille, aucun bruit ne lui permettait d'affirmer qu'elle l'avait entendu. La gorge de plus en plus serré et le cœur battant, Harry appela à nouveau d'une voix un peu plus forte.
Rien.
Encore une fois, un peu plus fort.
Toujours rien.
Peut-être que s'il s'allongeait un peu, cela l'aiderait à se retenir encore plus longtemps. Se mordant les lèvres autant pour gérer la boule d'angoisse qui montait dans sa gorge que la douleur dans le bas de son ventre, Harry attendit patiemment.
Il ne savait pas quelle heure il était mais peut-être que le matin allait vite arriver ? Généralement, Pétunia descendait tôt afin qu'il commence à préparer la table pour le petit déjeuner. Il pouvait tenir encore un peu. Il suffisait de penser à autre chose. Quelle était la comptine que lui avait appris l'institutrice aujourd'hui ? "You are my sunshine, my only sunshine… You make me happy…"
Le tonnerre gronda avec rage et Harry se redressa automatiquement, sa vessie se rappelant à lui. Non, il devenait urgent qu'il sorte de là. Cette fois-ci, il n'hésita pas à appeler plus fort sa tante mais l'orage sembla s'amuser de lui car il recouvrit ses appels à l'aide. Désespéré, Harry poussa sur la porte, en vain. Oncle Vernon s'assurait toujours qu'elle soit fermée correctement. Un sanglot de détresse s'échappa de sa gorge et il commença à se dandiner sur lui-même pour essayer de se maîtriser comme il le pouvait.
Si seulement la porte était ouverte, pensa-t-il avec force. La douleur dans son ventre était si forte qu'il sentit qu'il approchait du point de rupture. C'était une catastrophe. Il allait se faire pipi dessus, au milieu de son placard et Oncle Vernon allait lui mettre la raclée de sa vie.
Des larmes se mirent à couler en cascade sur ses petites joues mais il n'en avait plus rien à faire. Tout ce qu'il voulait c'était que cette fichue porte s'ouvre.
Alors que la pluie martelait les fenêtres de la maison dans un boucan d'enfer, Harry crut distinguer le bruit du loquet de sa porte. Était-ce possible ? Dans un espoir contenu, il poussa avec ses petites mains la porte. Elle venait de s'ouvrir ! Qui donc aurait bien pu faire ça ? Il réfléchirait à cela plus tard, son envie était toujours pressante et il n'était pas certain d'atteindre la salle de bain à temps s'il restait là à réfléchir. Sortant avec précipitation, Harry se dépêcha d'arriver en bas des escaliers. Il devait se hâter sans faire de bruit. Montant les escaliers avec prudence tout en restant concentré sur sa vessie qui menaçait de plus en plus de lui faire défaut, Harry arriva au sommet en sueur, la bouche sèche.
Tendant l'oreille, ni Vernon ni Pétunia ne devait l'avoir entendu. Harry parcourut les quelques pas qui menaient aux toilettes, essuyant par la même occasion ses larmes qui n'avaient plus raison d'être. Il allait enfin pouvoir se soulager et dormir encore un peu avant que Pétunia ne le réveille aux aurores. C'était sans compter le nouvel éclair qui illumina la maison avec intensité et le tumultueux tonnerre qui s'ensuivit. Harry entendit distinctement Dudley dans la petite chambre à côté qui hurla de terreur. En un rien de temps, Pétunia jaillissait de sa chambre suivit de près par Vernon.
La peur au ventre, Harry en oublia sa vessie un instant. Tandis que Pétunia rassurait Dudley dans la chambre, Vernon observait Harry avec une colère prête à exploser. Harry retint son souffle. Il était sorti du placard sans qu'on ne lui ait autorisé. Par dessus cela, si ce n'était ni oncle Vernon ni tante Péunia qui avait ouvert la porte, c'est qu'il avait réussit à l'ouvrir tout seul. Et c'était bizzare. Et oncle Vernon détestait les bizarreries.
En à peine trois pas, Vernon avait foncé sur lui, l'attrapant par l'épaule et le secouant comme un prunier.
Ce fut le geste de trop.
Un premier jet d'urine s'échappa sur son pyjama et il n'eut plus aucun contrôle de lui-même. Avec horreur, il sentit le liquide chaud couler le long de ses jambes tremblantes. En quelques secondes, son pantalon était trempé autant que ses joues et la moquette désormais toute tachée. Vernon ne s'en était pas encore rendu compte.
- COMMENT ES-TU SORTI ? ETAIS-TU VENU TRAUMATISER DUDLEY AVEC TES MAUVAISES MANIÈRES ? OH OUI J'EN SUIS SÛR !
Vernon secouait Harry encore et encore, attendant visiblement des explications sans pour autant vouloir les écouter.
- Pardon On… Oncle… Vernon, supplia Harry dans un sanglot. Je voulais juste aller aux toilettes.
Vernon sembla enfin s'apercevoir de la… situation dans laquelle se trouvait son neveu. Harry s'attendait à des moqueries et des cris de colère mais certainement pas à la gifle qui le propulsa au sol.
- Sale petit rat, grinça Vernon rouge de colère. Tu n'as rien trouvé de mieux à faire pour nous embêter ? Puisque c'est comme ça, tu vas comprendre ce qui t'attend si jamais tu recommences.
Harry chercha à s'expliquer et supplier qu'il allait nettoyer mais Vernon l'attrapa par le bras et dévala les escaliers. Les tibias d'Harry cognèrent plusieurs fois sur les marches de l'escalier mais il préféra serrer les dents. Mieux valait se taire dans ce genre de moments et cette nuit, Vernon paraissait plus furieux que jamais. Il s'attendait à être jeté dans son placard sans ménagement et se prépara au choc mais rien ne vint. Il entendit la porte d'entrée s'ouvrir et le froid lui piqua les yeux. Dans un sursaut de défense, Harry tenta de s'échapper de la poigne de Vernon. Il ne voulait pas être dehors en pleine nuit. Il faisait tout noir et il y avait un orage.
Mais Harry se retrouva sous le patio.
- Tu vas réfléchir à ton comportement sale petit insecte dégoûtant ! cracha Vernon. Les animaux comme toi, c'est dehors !
Le temps que Harry trouve des arguments pour que Vernon le laisse entrer, ce dernier avait déjà claqué la porte.
Humilié, mouillé, apeuré et tremblant autant de peur que de froid, Harry se laissa tomber contre la porte, à l'abri de la pluie. C'était horrible. Qu'allait dire les voisins s'il restait là jusqu'au petit matin ? Harry observa son pyjama à la lueur d'un nouvel éclair. La tâche suspecte ne laissait aucun doute quant à ce qui avait pu se passer. Honteux, Harry éclata en larmes et le tonnerre l'accompagna dans une symphonie funeste.
oOo
- Je pense que nous en avons terminé pour ce soir Severus, déclara Albus Dumbledore. Vous pourriez faire un excellent directeur de Serpentard.
Galvanisé par cette proposition, Severus Rogue se redressa. Directeur de Serpentard. C'était là une suggestion tout à fait alléchante. Voilà six ans qu'il travaillait à Poudlard en tant que maître des potions et un nouveau challenge n'aurait pas été de trop dans sa carrière. Le professeur d'Astronomie et actuel directeur de Serpentard, Mr Selwyn, se faisait de plus en plus vieux et il était certain qu'il ne tarderait pas à demander sa retraite.
Severus observa le professeur Dumbledore se lever pour caresser son phœnix qui chantait une douce mélodie.
- Je vais enfin pouvoir vous libérer et vous laisser profiter de votre weekend, déclara Dumbledore. Ne vous enfermez pas trop dans vos cachots, s'amusa l'homme au regard pétillant.
Severus offrit un semblant de sourire à Dumbledore. Le vieil homme tentait toujours l'humour avec lui depuis plusieurs années, en vain.
Il n'était qu'une coquille vide et seule la brasserie des potions complexes lui permettaient de garder la tête hors de l'eau.
S'apprêtant à quitter les lieux, Severus fut arrêté dans son mouvement lorsque la cheminée derrière le bureau du directeur s'activa. Une petite femme aux cheveux grisonnants et portant un filet sur la tête émergea à travers les flammes. Visiblement paniquée, elle n'attendit pas que Dumbledore prenne la parole.
- Professeur Dumbledore ! Une urgence ! Il s'agit d'Harry Potter ! Je crois que quelque chose s'est produit !
Le cœur de Severus manqua un battement. Potter ? Comment Potter pouvait déjà être en danger ? Il n'était même pas encore à Poudlard qu'il faisait déjà des siennes ! Un coup d'œil à Dumbledore lui remit immédiatement les pieds sur terre. L'homme avait pris un air sérieux.
- Comment cela ?
- Je viens de voir son oncle le jeter à la porte.
- A cette heure-ci ? demanda Dumbledore.
- Il avait l'air furieux contre lui ! J'ai attendu quelques minutes pour voir mais Harry reste sagement assis sur le palier, attendant qu'on vienne lui ouvrir. Il fait vraiment froid… Dumbledore, je vous en conjure ces moldus sont mauvais avec ce garçon.
- Allons, allons Arabella, tout va bien aller, rassura Dumbledore d'une voix calme.
Mais Severus entendit très distinctement le brin de panique mêlé à de la colère derrière ces paroles douces.
- Je vais me rendre sur place immédiatement, poursuivit Dumbledore. Il s'agit très certainement d'un malentendu.
A sa grande surprise, Dumbledore se tourna vers Severus. Le sérieux et l'air calculateur dans son regard ne plut absolument pas au maître des potions.
- Venez avec moi.
- Est-ce réellement…
- Vous souvenez-vous de cette nuit de d'Octobre Severus ? Il semblerait que le temps est venu.
- Que je me rachète n'est-ce pas ? grinça Severus le regard noir.
- De laisser émerger la plus belle chose qu'il y a en vous, déclara le directeur avec une bienveillance dégoulinante de bons sentiments qui fit frissonner Severus de dégoût... ou peut-être de peur.
.
Le salon était propre et impeccablement rangé. Bien trop parfait pour que cela ne cache pas quelque chose de suspect, se dit Severus Rogue tandis qu'il époussetait ses robes. Dumbledore le devançant, il suivit l'homme sans un mot, pensant aux mots du vieillard.
Dumbledore avait toujours été rassurant. Il avait tendu la main à Severus alors qu'il était au comble du désespoir et lorsque sa plus grande peur s'était réalisé, l'homme l'avait maintenu à flots. Il l'avait aidé à ouvrir les yeux sur le monde et bien que le maître des potions restait égal à lui-même, il ne pouvait que reconnaître que le directeur de Poudlard lui avait donné les clés pour apaiser son cœur.
Tandis qu'il évoluait dans le couloir, le maître des potions s'aperçut qu'aucune photo du Survivant habillait les murs. L'espace d'un instant, il se demanda même si Dumbledore ne s'était pas trompé de maison.
- Tout est calme, chuchota le directeur de Poudlard. Harry est peut-être dans sa chambre à l'étage.
- Votre espionne nous a informés que le petit était dehors, précisa Severus les sourcils froncés.
- J'ai l'espoir qu'il soit à nouveau ici mais allez-y Severus, ajouta-t-il en montrant la porte d'entrée de la main. Faites-moi signe si vous voyez l'enfant.
Le cœur battant, Severus Rogue ouvrit la porte avec appréhension. Lui qui prévoyait toujours tout depuis des années, il avait été loin de s'imaginer sa première rencontre avec le Survivant de cette manière.
- Alohomora.
Un pas. Puis deux. La pénombre ne laissait rien deviner mais les sanglots étouffés eurent raison des entrailles de Severus qui se tordirent d'angoisse.
- Lumos. Qu'est-ce que… Non, non gamin revient !
Le petit Harry Potter, haut comme trois pommes, dévisageait Severus avec inquiétude mais avait cessé de s'éloigner de lui. Les cheveux bruns en bataille, Severus eut la sensation d'être nez-à-nez avec James Potter miniature.
Ou pas.
Lorsqu'on regardait l'enfant en détail, on y voyait autre chose que le reflet de feu son ennemi d'enfance. Il avait un nez plus fin, un visage plus allongé et surtout les yeux d'un vert émeraude.
Les jambes en coton, le maître des potions se mit à genoux autant pour encaisser le choc que pour rassurer l'enfant qui semblait prêt à fuir.
Tel un animal sauvage, le petit plaqua ses petits poings près de sa bouche, réprimant du mieux qu'il le put ses sanglots.
- Que fais-tu dehors par ce temps ?
De la magie accidentelle ? Il en avait tout à fait l'âge. Peut-être que l'enfant s'était retrouvé dehors sans faire exprès et l'espionne avait imaginé tout un tas de choses. Si Severus espérait de tout cœur que ce soit cela, sa raison et son pragmatisme légendaires se rappelèrent à lui.
La maigreur de l'enfant, les guenilles qu'il portait, ce regard vert empli d'angoisse et de souffrance voulaient déjà dire beaucoup.
La bouche sèche et le cœur serré, Severus tendit la main vers l'enfant. Maladroitement, il tenta quelques paroles, priant Merlin pour qu'elles fassent effet. Il n'était déjà pas doué avec les première et deuxième années, que pouvait-il faire avec un enfant de cinq ans ?!
- Tu ne peux pas rester dehors tout seul. Il fait froid. Allez viens, tu dois te couvrir.
Ces derniers mots étaient un peu secs et pourtant l'enfant s'approcha, tremblant de tous ses membres. Lorsqu'il fut assez proche, Severus retira sa cape et la posa sur les épaules de l'enfant.
- J'ai fait une bêtise, avoua-t-il avec difficulté. On…oncle Vernon m'a mis dehors… Par… Parce que…je…voulais… sor..sortir…
Severus ne comprenait pas un traître mot de ce que disait le gamin. Cet enfant avait surtout besoin de se réchauffer, de manger et visiblement d'un bon bain. Son pyjama était souillé et Severus se demanda avec effroi si c'était la raison pour laquelle le petit s'était retrouvé à la rue sous trois degrés. Un châtiment quelque peu excessif pour quelque chose de plutôt commun chez les enfants de cet âge.
Des hurlements à l'étage s'échappèrent et le petit Harry se remit à trembler de tous ses membres, les yeux écarquillés de terreur. Severus fronça les sourcils, interloqué. Le petit l'observa. Véritable livre ouvert, Severus vit dans le regard de l'enfant la supplication de fuir d'ici avec lui. Il ne fallait pas faire comme Miss Walter, lut-il dans les pensées de l'enfant.
Severus n'eut pas le temps de demander qui était Miss Walter et préféra prendre le gamin dans ses bras, léger comme une plume, afin de s'engouffrer à l'intérieur de la maison. La colère de Dumbledore palpitait au travers des murs. Le petit essaya de se débattre, croyant probablement qu'on l'envoyait à nouveau chez ses bourreaux.
Il devait pourtant se calmer, auquel cas le voyage en cheminette pourrait se révéler incroyablement dangereux.
- Harry arrête ! lâcha Severus d'une voix ferme.
Le petit cessa immédiatement ses mouvements.
- On va faire un voyage en poudre de cheminette, est-ce que tu sais ce que c'est ?
A son grand soulagement, Severus s'aperçut que le petit avait hérité de la vivacité d'esprit de sa mère et il secoua immédiatement la tête d'un geste négatif.
- C'est comme ça que voyage les sorciers.
- Il ne faut pas dire ça monsieur ! s'exclama l'enfant en plaquant ses mains sur ses oreilles.
On aurait dit un de ces vieux elfes de maison des grandes familles sorcières.
- Ce que te dit l'oncle Vernon est stupide, d'accord ?
Les yeux de l'enfant, encore brillant de larmes, s'écarquillèrent.
- Vous avez deviné que c'est Oncle Vernon qui m'a dit ça ?
- Parce que je suis un grand sorcier, comme toi et comme l'homme qui donne actuellement une bonne leçon à ton Oncle pour t'avoir fait du mal. Je t'expliquerai tout ça . Mais pour le moment, on doit partir. Tu restes accroché à moi, c'est compris ?
Le fantôme de Lily n'avait jamais autant flotté dans son esprit que maintenant. Nul doute qu'elle l'aurait sermonné de parler trop sèchement à son fils. Mais Severus ne savait pas comment s'adresser à un enfant et encore moins quand l'enfant en question était si petit qu'il ne pouvait même pas toucher sa propre tête avec ses bras minuscules.
Pourtant, le petit Harry ne sembla pas s'émouvoir du ton employé et entoura juste ses bras autour du cou du maître des potions. Il posa sa tête sur l'épaule de l'homme et resserra sa prise lorsque les flammes vertes apparurent.
- C'est comme le monstre, murmura Harry d'une petite voix inquiète et Severus se demanda si l'enfant n'allait pas repartir en crise. Mais il inspira un grand coup, comme pour se donner du courage. Vas-y monsieur, je suis prêt, ajouta-t-il.
- Je m'appelle Severus. Infirmerie de Poudlard !
Puis ils disparurent dans un tourbillon de flammes vertes.
oOo
Une gentille dame avait pris Harry dans ses bras pour le poser sur le lit de l'immense salle où ils avaient atterri. La cape de l'homme en noir sur les épaules, Harry restait fermement accroché à celle-ci. D'abord parce qu'il ne voulait pas qu'on voit qu'il avait mouillé son pyjama et ensuite parce que cette cape le rassurait. Elle avait l'odeur du vétiver et des herbes fraîches. Harry n'avait jamais connu pareil tissu tenant si chaud. Ses dents claquaient toujours et il avait du mal à maîtriser les tremblements de son corps mais sans la cape, il se serait certainement déjà transformé en glaçon.
La femme se pencha vers Harry, un sourire doux affiché sur le visage. Elle portait un voile blanc sur les cheveux et une longue robe qui lui donnait des airs d'ange.
- J'ai besoin que tu te déshabilles mon bonhomme, dit-elle doucement. Le professeur Rogue m'a expliqué que tu es resté longtemps dans le froid et j'ai besoin de m'assurer que tu ne tombes pas malade. Est-ce que tu veux bien retirer la cape ?
Harry observa l'homme qui se tenait derrière l'infirmière mais il fut incapable de lire les expressions de ce dernier. Simplement, il hocha la tête d'un air encourageant et Harry retira la cape de ses épaules, le menton tremblant. Allait-il se faire frapper à nouveau lorsqu'ils constateraient l'état de son pyjama ?
Effrayé, il demeura les yeux rivés sur ses genoux, luttant pour ne pas fondre en larmes.
L'infirmière ne sembla rien remarquer et elle sortit un petit bout de bois qui faisait des étincelles.
- C'est une baguette magique, expliqua-t-elle à voix haute. Je te promets que ça ne te fera pas mal.
Harry voulait surtout se mettre sous une couette, il avait vraiment très froid. L'examen ne dura heureusement pas longtemps et l'infirmière appela l'homme en noir.
- Il faudrait donner un bain à cet enfant, déclara-t-elle. Il a besoin de se réchauffer.
- Hors de questions que je m'y colle, je ne suis pas habilité pour ça !
- Il a confiance en vous Severus. Harry, est-ce que tu es d'accord pour aller prendre un bain ? Ensuite je vais te donner des potions et tu feras un gros dodo. C'est d'accord ?
Harry n'avait vraiment pas l'habitude qu'on lui parle ainsi et il eut subitement envie de se réfugier dans les bras de l'homme qui ne s'adressait pas à lui comme s'il n'était qu'un bébé. Cependant, par politesse, le petit garçon hocha la tête. Il avait hâte de changer ses vêtements et de se réchauffer.
Ils traversèrent ainsi l'immense salle où des dizaines de lits étaient alignés. Parfois des rideaux entouraient les couches ce qui attira quelques interrogations dans la tête de l'enfant. Sa curiosité alla en grandissant lorsqu'il pénétra dans la salle de bain attenante. Il n'avait jamais vu une pièce pareille ! Les murs blancs brillaient de vitraux où naviguaient tout un tas d'animaux marins qu'Harry n'avait jamais vu jusqu'à présent. Une immense baignoire peuplée de nombreux robinets trônait au milieu de la pièce.
L'homme en noir agita le bras avec sa baguette magique et des jets d'eaux multicolores jaillirent avec fracas dans la baignoire. Harry sursauta, les yeux écarquillés d'émerveillement. A cet instant, il en oubliait presque ce qui l'avait fait venir jusqu'ici.
- Tu peux aller te changer derrière ce paravent.
Harry hocha la tête, toujours aussi subjugué par ce qui se déroulait sous ses yeux. Il se débarrassa de ses vêtements, fichant en boule le bas de son pyjama. Fort heureusement, personne n'avait remarqué son accident. Rougissant de honte sous cette pensée, Harry secoua la tête. Ce n'était plus la peine d'y penser désormais.
Frissonnant, il s'aperçut que la pièce était extrêmement chauffée mais qu'il avait toujours un peu froid. Lorsqu'il sortit du paravent, l'homme tendit la main pour l'aider à monter les marches qui menaient à la baignoire.
Habituellement, tante Pétunia n'aidait jamais Harry à se laver. Lorsqu'elle le faisait, c'est parce qu'elle en avait assez de le voir prendre trop de temps car Harry avait toujours peur de glisser dans la douche comme lorsqu'il était tombé sur la tête le soir de Noël et que l'Oncle Vernon l'avait giflé d'être aussi maladroit. Quand sa tante lui prenait le bras, c'était toujours avec brusquerie et agacement. Là, l'homme le touchait à peine, comme s'il avait peur de lui faire mal. Puis il lui tendit un gant et Harry commença à se frotter souhaitant par-dessus tout montrer qu'il savait faire comme les grands. Il aurait aimé jouer dans l'eau et se prélasser mais il avait peur qu'on le dispute.
- Monsieur Severus ? osa-t-il demander. Est-ce que je peux avoir une serviette s'il te plait ?
- Tu as déjà terminé ? demanda l'homme qui s'était éloigné pour discuter avec l'infirmière.
Harry hocha la tête. Désormais, il était très fatigué et ses yeux lui piquaient d'avoir tant pleuré. Monsieur Severus tendit une serviette en grand face à Harry qui s'était redressé. L'espace d'un instant, aucun des deux ne sut quoi faire. Mais avant que Harry tende les bras pour saisir le tissu, il se retrouvait enroulé à l'intérieur.
Laissant échapper un rire, Harry redressa la tête pour voir si Monsieur Severus ne lui en voulait pas. Mais l'homme se saisit des coins de la serviette pour essuyer le visage de Harry d'un geste légèrement rude et maladroit.
- As-tu encore froid ? demanda-t-il.
Harry secoua la tête.
- J'ai chaud en dehors et aussi dedans mon cœur Monsieur Severus.
- Severus, corrigea l'homme à voix basse avant de l'emmener s'habiller et prendre ses potions.
oOo
L'enfant dormait à poings fermés et Dumbledore manquait toujours à l'appel. Severus hésitait à retourner à Privet Drive mais le Patronus du directeur avait été clair. Severus, Prenez soin de Harry. Pomfresh passait pour la troisième fois la main sur le front de l'enfant. Severus se ravisa de dire quoique ce soit lorsqu'il se fit la réflexion qu'il ne parvenait pas à quitter le chevet du petit. Comment ces moldus avaient pu lui faire vivre cet enfer ?
Il avait lu rapidement dans le regard de l'enfant mais le rapport de l'infirmière avait été bien plus parlant.
Harry était un enfant maltraité.
Comme lui.
Le fils de Lily, sa douce Lily… A cette pensée, une boule obstrua la gorge de l'homme. Lui qui avait tant fait pour se forger une carapace et avancer, tout volait en éclat.
Les portes de l'infirmerie s'ouvrirent pour laisser enfin apparaître le directeur de Poudlard. Severus soupira de soulagement même si la colère de l'homme crépitait encore autour de lui. S'en suivit une longue tirade comme quoi la famille Dursley allait entendre parler du monde magique. Si en façade, il était évident que Dumbledore fulminait, Severus comprit clairement que le directeur s'autoflagellait. Et pour être honnête, le maître des potions n'eut pas le cœur à compatir.
Dumbledore avait fait une terrible erreur et il était inutile d'être un legilimens hors pair pour comprendre que l'homme s'en voudrait à tout jamais. Une nouvelle douleur qui en ravivait une bien plus ancienne… Mais Severus n'était pas là pour psychanalyser son mentor.
Il fallait désormais corriger le tir. Espérant que l'enfant ne tourne pas mal en grandissant. Severus était bien placé pour savoir ce qu'une enfance désastreuse avait comme effet sur les adultes… Manquerait plus que le gamin soit dispatché à Serpentard dans quelques années et c'était un boulevard jonché de tentations malsaines qui se présenterait à lui.
- Vous devez aller vous coucher messieurs, je veille sur Harry.
Les deux hommes marchèrent plusieurs minutes en silence, chacun en proie à ses émotions. Seul le bruit de leurs pas résonnait dans les couloirs du château endormi.
- Le Ministère veut trouver une famille à l'enfant.
Severus ne répondit rien. Que pouvait-il répondre ?
- J'ai refusé. Il ira chez vous.
Il s'arrêta net. Les yeux ronds, il observa Dumbledore qui continuait d'avancer l'air de rien avant de finalement se retourner pour lui faire face. Toisant le directeur, Severus attendit que ce dernier prenne la parole. Finalement, après un long silence, Dumbledore déclara :
- Harry Potter a besoin d'une protection optimale. Vous êtes l'un des sorciers les plus brillants de notre temps et je n'ai aucun doute que vous saurez l'élever comme il se doit.
Severus voulut demander pourquoi le directeur ne prenait pas lui-même l'enfant à charge et comment le Ministère pouvait accepter qu'un ancien mangemort - aussi repenti soit-il- accueille le Survivant. Mais toutes ces questions étaient sans importance. Dumbledore avait un pouvoir dans le monde sorcier à en faire pâlir le plus ambitieux des Serpentard.
Severus tourna les talons et se dirigea vers ses appartements. Il avait besoin de réfléchir au calme.
De réfléchir et de dormir.
.
Deux heures plus tard, alors que le jour se levait, Severus prit une fiole de potion qui frémissait encore dans le chaudron.
Potion de consultation.
Il avait toujours trouvé cette potion plutôt inutile puisque Severus était un homme qui estimait qu'il fallait avant tout assumer ses choix. C'était presque Gryffondorien comme pensée…
Mais pour la première fois, le maître des potions se trouvait face à un dilemme et il avait besoin de puiser dans son esprit et la magie. S'installant sur son lit, il débuta son invocation tout en buvant une gorgée à chaque fin de phrase.
- Je demande à la Magie, Puissante et Savante de m'apporter conseil et puiser dans Ta Force. Car la Magie est Lumière et est capable d'accomplir ce que nul Homme ne pourra jamais imaginer. A Toi la Grande Magie, si Tu sais que je dois accueillir Harry Potter sous mon toit, l'aimer et le chérir comme mon propre fils, et qu'il est nécessaire que je le fasse pour le bien de la Magie, celui de l'Enfant et le Mien facilite-moi sa réalisation et éclaire-moi sur ce chemin. Et si Tu sais que cela n'apportera que du Mal, détourne moi de cette route.
Severus avala une dernière gorgée, l'esprit s'embrumant d'ores et déjà. La potion de consultation pouvait être dangereuse. Mal préparée, elle pouvait faire l'inverse de la demande initiale mais le maître des potions était bien trop doué pour échouer une préparation de la sorte. Ce qui l'inquiétait davantage était la dernière phrase de l'incantation… Plus la magie intérieure du sorcier était puissante, plus la Réponse pouvait être violente allant parfois jusqu'à la mort.
Et bien, si c'était ainsi, Dumbledore n'aurait plus qu'à prendre le petit sous son aile.
Dix secondes plus tard, Severus Rogue tomba comme une masse dans les bras de Morphée et fut accueilli par une voix qu'il n'avait pas entendu depuis plus de six ans.
Douce Lily…
oOo
Monsieur Severus préparait le sac de Harry qui demeurait assis au bout du lit de l'infirmerie, triturant ses doigts. Habituellement, Harry devait toujours au moins aider mais Monsieur Severus avait suggéré à Harry de rester sagement assis pendant qu'il lui montrait tous les vêtements qu'il lui avait achetés.
- Les sorciers mettent ce genre de tenue mais tu auras aussi des vêtements d'intérieur ainsi que pour l'école, expliqua-t-il en pliant une robe de sorcier pourpre et noir.
- Je vais aller à l'école moldue ?
- Jusqu'à ce que tu entres à Poudlard. Je te déposerai à l'école le matin puis je viendrai te chercher l'après-midi. L'école est juste à côté de la maison que j'ai achetée pour nous à Inverness.
Monsieur Severus avait appris un tas de choses à Harry pendant sa semaine à l'infirmerie de l'école de sorcellerie Poudlard. Il lui avait expliqué que la magie existait et qu'ils étaient des sorciers. Il avait aussi dit à Harry que son oncle et sa tante étaient ce qu'on appelait des moldus. Monsieur Severus avait un peu grimacé puis avait expliqué à Harry qu'ils n'avaient pas été gentils et qu'ils allaient être punis pour ça.
Harry ne savait pas trop quoi en penser. Il ne voulait pas faire de la peine à son oncle et sa tante. Parce qu'au fond de son cœur, Harry les aimait.
Une fois toutes les affaires prêtes, le duo s'en alla vers les grilles du château. L'herbe fraîchement coupée rappela à Harry l'odeur rassurante de Monsieur Severus. Le professeur Dumbledore les attendait, un sourire doux accroché aux lèvres. Impressionné, le petit garçon sourit poliment tout en se rapprochant de Monsieur Severus qui posa une main rassurante sur son épaule.
- Vous voilà donc en chemin ! J'ai hâte de te revoir Harry. Je suis certain que Severus s'occupera parfaitement de toi et toi aussi, tu t'occuperas bien de lui, ajouta-t-il en se mettant à la hauteur du petit garçon, l'air sérieux. Je suis désolé Harry de t'avoir laissé avec ton Oncle et ta Tante.
- Ils n'étaient pas toujours méchants, répondit Harry avec sincérité.
Dumbledore ne sembla pas s'émouvoir de cette contradiction et posa une main réconfortante sur la joue de l'enfant avant de se redresser. Harry n'écouta que d'une oreille la discussion entre les adultes, trop obnubilé par les écureuils qui sautaient de branche en branche sur les arbres bordant l'entrée du château.
- J'ai tâché de faire en sorte que cet incident ne s'ébruite pas.
- Je n'en doute pas Dumbledore.
- Avez-vous besoin que je vous envoie quelques elfes pour les installations dans la maison ?
- Tout est déjà en ordre.
- Comment aurais-je pu en douter ? s'amusa le professeur Dumbledore dans un rire. Par ailleurs, puis-je vous demander pourquoi ne pas retourner à l'Impasse du Tisseur ?
- Un nouveau départ était envisageable. J'ai été bien conseillé…
L'homme serra doucement l'épaule de Harry. Relevant la tête, il vit que Monsieur Severus le regardait avec intensité. Gêné, Harry lui offrit un sourire.
- Il a les yeux de sa mère, dit le directeur. Vous vous en sortirez parfaitement bien.
Harry souhaita demander à quoi ressemblait sa maman mais n'osa pas. On n'avait pas le droit de poser ce genre de question. Et puis, Dumbledore en avait déjà dit beaucoup. Les yeux de sa mère…
Tandis que Monsieur Severus les faisait transplaner, Harry ferma les yeux de bonheur… Avant de vomir l'intégralité de son petit déjeuner alors qu'ils atterrissaient au cœur d'une petite rue bordée d'arbres et de fleurs. Harry se confondit en excuses, terrorisé à l'idée de se prendre une gifle.
- Ce n'est pas grave. Tu n'as pas oublié que nous sommes des sorciers, n'est-ce pas ? Regarde.
En un rien de temps, tout avait disparu grâce à la magie. L'incident terminé, Harry suivit le sorcier jusqu'à la maison qui était désormais la sienne. Plus grande que celle qu'il avait connue auparavant, toute en pierre, typiquement écossaise, Harry y pénétra avec joie et appréhension. On lui avait dit qu'une chambre l'attendait et Harry voulait la voir de ses propres yeux mais Monsieur Severus lui montra d'abord l'immense double séjour, la salle à manger, la bibliothèque et la cuisine avant de monter vers les étages.
Harry laissa éclater sa joie dans un rire incontrôlable lorsqu'il poussa la porte de sa chambre. Un lit était collé au mur et un tas de peluches trônaient dessus. Un coin bibliothèque avait été aménagé et Harry voulu sauter sur les poufs et le tapis épais mais il se retint de justesse. Une jolie armoire en bois n'attendait que d'être remplie.
- Si on rangeait tes affaires ? Accio bagages !
Cette fois, Monsieur Severus le laissa ranger une partie de ses affaires. Mais pas une fois il ne le laissa seul.
La journée passa à grande vitesse.
D'abord, Harry découvrit sa nouvelle école où il irait dès le lundi suivant. Monsieur Severus avait compris qu'Harry était anxieux à ce sujet mais l'homme le rassura immédiatement : c'était la meilleure école de la ville et son institutrice était très gentille. Puis, ils visitèrent le château d'Inverness. Un petit fascicule avait été donné à Harry qui devait répondre à un jeu de piste. Monsieur Severus l'avait bien aidé ! Ensuite, ils mangèrent au restaurant et Harry fit de son mieux pour se tenir parfaitement bien. Il voulait être irréprochable mais lorsque sa boulette de viande en sauce tomba sur sa chemise, Monsieur Severus se contenta de l'aider à s'essuyer sans rien dire de plus.
Ils rentrèrent à la maison et Harry fut invité à aller dans sa chambre pour un temps calme. Harry n'avait pas du tout envie de dormir, il préférait découvrir le contenu de son coffre à jouets et passa l'après-midi à s'amuser avec ses legos.
Rapidement, la soirée arriva. Harry aurait aimé joué plutôt que d'aller au bain mais il ne dit rien, trop effrayé à l'idée que Monsieur Severus le dégage de la maison au moindre faux pas. Pourtant, une fois dans son grand lit, Monsieur Severus s'installa à ses côtés et lui adressa un mince sourire.
- Tout va bien Harry ? Es-tu bien installé ?
- Oui Monsieur Severus.
- S'il te plait Harry, appelle-moi Severus.
- Oui Severus.
Severus hocha la tête en signe de satisfaction et Harry fut fier d'avoir contenté l'homme.
- Vois-tu cette petite lumière ? demanda-t-il en pointant du doigt une loupiote contre le mur. Elle restera allumée toute la nuit. Si tu as besoin d'aller aux toilettes, tu pourras t'y rendre. Mais au moindre problème tu peux m'appeler d'accord ? Il ne faut pas avoir peur, je serai là. Si jamais tu fais un cauchemar, que tu es malade ou que tu as fait pipi au lit, je ne te disputerai pas d'accord ?
Harry rougit, baissant les yeux en repensant au terrible accident avec l'oncle Vernon. Mais il était tellement rassuré de savoir que Severus ne le giflerait pas s'il le réveillait qu'il soupira de soulagement.
- Ton oncle et ta tante n'avaient pas à te mettre sous le froid sous prétexte que tu avais mouillé ton lit. Ça arrive à tout le monde, même à certains élèves à Poudlard et jamais on ne punit un enfant pour ça.
- Mais je n'avais pas fait pipi au lit ! dit Harry soucieux que la vérité soit rétablie. Je ne suis pas un bébé… C'est juste que je n'ai pas eu le temps de m'y rendre car le placard était fermé à clé. C'est tout…
- Le… Placard ?
Harry pinça les lèvres. Il ne voulait pas en parler et il n'avait pas le droit de le faire. Severus sembla comprendre puisqu'il soupira et proposa à Harry de s'allonger avant de le border.
- Tu m'appelles au moindre problème d'accord ? répéta-t-il.
- Oui Severus…
- Bonne nuit Harry.
oOo
La journée avait épuisé Severus. S'affalant dans le canapé, il tenta de se répéter que cela aurait pu être pire mais il ne pouvait s'empêcher de dire qu'il ferait une très mauvaise figure paternelle pour Harry.
Le petit garçon était un étranger. C'était peut-être pire que de ne pas y voir le reflet de feu son ennemi d'enfance. Avec un peu de mauvaise foi, il aurait réussi mais avec tout ce qu'il savait à propos de l'enfant, cela était impossible.
Par ailleurs, il n'avait pas l'habitude de cet âge. Il avait vraiment essayé de faire du mieux qu'il pouvait mais il y avait des choses qu'il ne pourrait jamais apporter à l'enfant. Harry observait les autres bambins avec envie lorsqu'une maman ou un papa prenait l'enfant pour câlin. Severus ne savait même pas ce qu'était ce genre d'étreinte… Même si Lily lui en avait donné plusieurs lorsqu'ils étaient adolescents, cela remontait à si longtemps qu'il ne saurait pas faire.
Il s'accrochait à la visite de Lily et ses mots lors de la nuit de consultation.
Le maître des potions avait bien remarqué que Dumbledore avait compris mais tout sorcier savait qu'il s'agissait d'un geste extrêmement intime et qu'on n'interrogeait jamais une personne à ce sujet.
Fais confiance aux autres Severus. Fais leur confiance et accepte toute aide qui te sera donnée comme tu as longtemps accepté la mienne…
Les mots de Lily martelaient dans sa tête. Bien plus maintenant qu'il se disait qu'il n'y arriverait jamais avec Harry.
Utilise ton intelligence Severus. Tu y arriveras.
.
Le lendemain, Harry se leva de bonne heure et Severus le trouva dans la cuisine, s'activant à préparer le petit déjeuner. On aurait dit un mini-elfe de maison.
- Non Harry ce n'est pas à toi de le faire, dit-il d'une voix qu'il tenta de rendre la plus douce possible.
- Mais…
Le petit garçon semblait totalement déboussolé et perdu. Ce n'était pas la première fois qu'il voyait cette réaction chez l'enfant. Principalement lorsque Severus lui indiquait des choses basiques comme le fait qu'il n'avait pas à laver le sol tous les dimanches ni tailler les haies du jardin une fois par mois. Severus sentit son cœur se briser lorsqu'il vit l'enfant se tordre les doigts, en proie à une énorme anxiété. Il chercha une solution le plus vite possible, inquiet à l'idée de devoir gérer une crise de larmes.
- Je vais préparer le petit déjeuner mais tu peux aller ranger ta chambre et faire ton lit d'accord ?
Harry hocha la tête avec vigueur, quasiment soulagé à l'idée de rendre service. Severus serra les dents. Ces moldus avaient détruit ce gosse.
Et c'est en terminant la cuisson des œufs brouillés que Severus se jura qu'il ferait tout pour que Harry reprenne sa place d'enfant. C'est ainsi qu'il proposa à Harry d'aller à la bibliothèque pour la matinée.
La réponse était peut-être dans les livres.
oOo
Avril 1986
Les jours s'allongeaient au plus grand bonheur de Severus qui pouvait emmener Harry au parc du quartier afin qu'il puisse jouer autant qu'il le voulait. Le maître des potions pouvait ainsi corriger ses copies. Cela aussi était une grande nouveauté : sortir pour travailler.
La réalité de sa nouvelle vie l'avait amené à revoir ses habitudes.
Depuis quelques semaines, après quelques jours de bouleversement total et de retard comme il n'avait jamais eu dans son travail - même en période d'espionnage -, le maître des potions trouvait enfin son rythme avec Harry.
- Severus regarde ! appela Harry.
Le gamin se tenait en haut du toboggan et se jeta comme une âme perdue afin de glisser le plus vite possible.
- Tu es courageux, dit Severus alors qu'il voulait hurler au gamin de cesser d'être casse-cou. Fais attention tout de même.
Ses lectures particulières autour de la parentalité lui prenaient un temps fou. Il y avait un tas d'écoles, de conseils et spécialistes au titre plus farfelues les uns que les autres qui disaient tout et leur contraire selon l'année d'édition du livre. Évidemment, aucune écriture savante dans le monde sorcier concernant l'éducation des enfants n'existait. Severus tentait alors de piocher dans ce qu'il pensait être le plus logique tout en s'adaptant aux réactions de l'enfant.
Étonnamment, ce savoir supplémentaire autour de l'évolution de l'enfant, lui donnait également des billes pour ses propres cours de potions à Poudlard.
L'institutrice de Harry, Miss Candy, avait bien évidemment convoqué Severus très rapidement bien qu'il avait expliqué la situation de Harry dès son inscription (en omettant consciencieusement l'aspect Survivant et monde magique). Miss Candy n'avait aucunement remis en question l'éducation que donnait Severus. En revanche, elle conseillait de voir un pédopsychiatre principalement parce que l'enfant avait un problème avec la nourriture. Il mangeait parfois à s'en rendre malade. Et il avait même volé le goûter de certains de ses camarades pour se goinfrer dans les toilettes. Ni Severus, ni l'institutrice n'avaient réussi à faire dire à l'enfant pourquoi il se comportait ainsi, bien que l'évidence sautait aux yeux selon Severus. En plus, n'importe quel adulte qui ouvrait les yeux pouvait voir la profonde tristesse et la fatigue qui animaient le regard vert de l'enfant. Pire, Severus ne comprenait pas pourquoi Harry demandait des nouvelles de ses anciens gardiens.
Severus raya un peu brutalement la phrase d'un élève à cette pensée.
La question de la psychologie revenait énormément dans les bouquins qu'il avait bûché jusque tard dans la nuit. Indéniablement, cela réveillait les propres démons d'enfance du maître des potions. Et cela, Severus le détestait. Parce que plus il lisait, plus Severus comprenait qu'il ne pourrait aider parfaitement Harry que si lui-même enterrait son passé douloureux.
Et étrangement, c'était quelque chose d'extrêmement difficile.
Severus termina de corriger sa copie d'un niveau minable et appela Harry qui répondit à son appel en courant.
Le maître des potions avait craint que l'enfant ne supporte pas ce rythme très carré mais Harry semblait même en redemander. Visiblement, les professionnels de la petite enfance avaient raison à ce sujet : un enfant avait besoin d'un cadre et une routine.
Ainsi, il n'eut pas besoin de prier Harry pour qu'il aille prendre sa douche - respectant la consigne de laisser la porte de la salle de bain ouverte en cas de problème - et se mettre en pyjama. Généralement Harry aimait se rendre dans le salon avec ses peluches pour jouer. Avec amusement, le maître des potions s'était aperçu que l'enfant refaisait généralement l'intégralité de sa journée. Ainsi, il savait que ses amis se nommaient Jack et Marvin, que Mary était amoureuse de Marvin et que Stefen était pénible à toujours vouloir faire le chef dans la classe.
A huit heures moins le quart, Harry était au lit. Un soir, il avait demandé une histoire. Depuis, Severus faisait la lecture à l'enfant étonné qu'il ne sache pas encore lire avant de se rappeler que les enfants moldus n'avaient pas le même apprentissage que les enfants sorciers qui lisait bien plus tôt, particulièrement ceux issus de l'aristocratie sorcière.
C'est pourquoi le maître des potions entraînait Harry à la lecture l'air de rien depuis quelques jours.
Une bouffée de fierté s'empara de lui le soir où Harry déchiffra le titre de l'histoire. Ce soir-là, ils lurent le conte sorcier préféré du petit garçon, Le sorcier et la marmite sauteuse de Beedle le Barde. A la fin de la lecture, Harry riait avec joie et Severus s'autorisa à sourire franchement.
- Allez, il est temps de dormir mon bonhomme sinon je te transforme en marmite sauteuse, ajouta-t-il en chatouillant Harry qui éclata de rire.
- Arrête papa ! s'exclama l'enfant plein de joie.
Severus arrêta son geste, extrêmement gêné. Mais Harry ne semblait pas avoir compris l'ampleur de ce qui pouvait se jouer pour Severus en entendant ce simple mot. Il posa sa main sur la tête de l'enfant en signe d'affection et laissa la porte entrebâillée avant de se rendre dans sa propre chambre.
Qu'allait-il donc faire ? Bien qu'il n'en avait rien à faire de ce que pouvait penser James Potter, il se sentait pour autant illégitime à se faire appeler papa. Lily ne lui avait pas apporté la lumière cette nuit de la consultation pour qu'il vole l'enfant à ses parents - certes décédés mais tout de même !
Finalement il crut comprendre ce qu'il devait faire… Maintenir la mémoire des parents de Harry y compris celle de James… Le comble. La vie était décidément très joueuse et espiègle. S'il se sentait capable de parler de Lily à Harry, il savait qu'il était impossible de le faire pour James. Leur passif était bien trop important - raison de plus pour régler cela chez un psychomage, lui susurra sa raison.
Severus se dirigea vers son bureau et se saisit du papier à lettre.
Il était temps que Harry fasse connaissance avec Remus Lupin.
Après tout, c'était le moins pire de la bande…
oOo
Les yeux grands ouverts, Harry tentait de contrôler sa respiration, en vain. Malgré la petite lumière, il avait très peur. Il ne se souvenait que de l'éclair vert et du cri effrayé de la femme. A cette pensée, Harry se serra contre sa peluche préférée et laissa échapper un sanglot. Les larmes dévalèrent sur ses joues et un autre sanglot le secoua avant qu'un torrent de larmes s'emparent de lui. L'angoisse lui tordait le ventre et la tristesse lui paralysait le cerveau. Il se sentait soudain bien trop petit dans ce grand lit. Et si le monstre au rayon vert était dans la chambre ? Harry se mit à crier de frayeur, pleurant à chaudes larmes, terrorisé.
Il entendit du mouvement au loin et en un rien de temps, l'odeur si rassurante de Severus était sous son nez.
L'homme l'avait redressé et plaqué contre son torse. Harry n'avait jamais connu pareille étreinte et cela redoubla ses pleurs. Il se blottit contre l'homme, se sentant en pleine sécurité.
- L'homme… Rayon… vert…
- C'est terminé Harry. Je suis là.
Harry resta près de l'homme. Il aurait voulu supplier de ne pas être tout seul cette nuit mais il ne devait pas se comporter en bébé. Pourtant, quand Severus le berçait de cette façon, qu'il lui frottait le dos de façon réconfortante, Harry aimait bien être un bébé.
- Je ne veux pas être tout seul, osa-t-il dire.
- Je reste là.
Harry ferma alors les yeux, savourant le calme de la nuit et cette étreinte rassurante.
- Ce n'est pas facile pour toi tout ça hein Harry ?
Harry haussa simplement les épaules.
- Est-ce que tu serais d'accord pour qu'on aille voir quelqu'un pour parler de tout ça et de tous ces changements ?
Harry se redressa, les sourcils froncés.
- Madame Walter avait dit ça aussi mais oncle Vernon n'a pas voulu… On n'a pas pu m'aider…
- Ce sera différent cette fois-ci.
- Pourquoi ?
Severus plongea son regard onyx dans celui de Harry. Il passa sa main pour redresser une mèche rebelle qui cachait sa cicatrice. Il réfléchissait.
- Parce que moi aussi je vais le faire. Et je serai là pour t'aider à aller mieux. Je te le promets.
- Alors d'accord…
- Il faut dormir maintenant.
Harry se plongea à nouveau dans les bras de Severus. Il voulait rester près de lui pour le moment.
- Dans mon cœur, ça bat encore trop vite. Il faut que tu restes à côté de moi.
- Très bien Harry, je reste.
oOo
Juin 1986
La fin de l'année scolaire sonnait son glas à la fois pour Severus comme pour Harry. L'enfant était prêt pour entrer dans la classe supérieure et des vacances que le maître des potions espéraient reposantes se profilaient.
Les séances chez le psychomage portaient leur fruit. Une fois par semaine, Severus et Harry se rendaient à Ste Mangouste pour parler de tous les changements qui s'étaient produits mais également du passé de l'enfant. Peu à peu, les choses se débloquaient.
Deux fois par mois, Severus se dégageait du temps pour se rendre à ses propres séances. Et c'était grâce à Remus Lupin qui gardait Harry pendant ce temps. Severus espérait même que l'année prochaine, l'homme donne des leçons particulières à Harry afin de le préparer à Poudlard - et la prochaine guerre qui arriverait tôt ou tard. Le loup-garou étant au chômage et totalement attaché à Harry sous ses airs distants, Severus proposerait une rémunération.
Le voilà qui se la jouait honnête…
Sortant d'une de ses séances chez le psychomage, Severus trouva Remus et Harry jouant à la bataille explosive. Harry était un petit garçon transformé. Et même si ses traumatismes pouvaient parfois se lire dans ses colères, le petit garçon était un modèle de résilience.
- Tiens, regarde qui est là ! lança Remus.
Harry courut droit dans les bras de Severus qui l'accueillit dans un mince sourire.
- J'ai gagné trois fois !
- C'est bien, dit Severus. Il est temps d'aller prendre ton bain.
- Non ! Encore une partie !
- La prochaine fois Harry, il est déjà tard.
Les yeux verts de l'enfant se voilèrent de déception. Harry ne lui avait jamais encore fait une de ces crises où l'enfant se roule dans la rue tandis que les parents sont à deux doigts de craquer. L'espace d'un instant, Severus se demanda si ce soir était le baptême du feu.
- De toute façon je dois y aller Harry, ajouta Remus et Severus - Merlin lui en soit témoin - remercia intérieurement le loup garou.
Sous le poids des deux adultes, Harry plia et accepta d'aller se laver tandis que Remus rassemblait ses affaires.
Un silence gêné poursuivait cependant les deux hommes dans ce genre de moment. Les fantômes du passé volaient toujours autour d'eux. Leur première rencontre s'en souvenait encore. Des reproches avaient fusées dans tous les sens. Pourquoi n'avait-il pas été voir si le fils de son meilleur ami allait bien ? Comment pouvait-il le juger alors qu'il savait très bien qu'il était un loup-garou et qu'il l'avait fait pour protéger l'enfant ? Oh oui, la condition de loup-garou qui était une bonne excuse pour terroriser un camarade mais aussi pour éviter de veiller sur le fils de ses amis, était-ce bien cela ? Pourquoi fallait-il que Severus soit autant de mauvaise foi quand on savait à quel point il avait aimé lui aussi terroriser d'autres élèves né moldus pour plaire aux apprentis mangemorts ? Comment Remus pouvait juger des actes d'un adolescent embrigadé dès le plus jeune âge au milieu de l'idéologie de sang-pur ? Comment Severus faisait pour oser regarder Harry dans les yeux ? Comment Remus pouvait-il hésiter à regarder Harry dans les yeux ?
Un partout, balle au centre.
Ils n'avaient plus parlé pendant de longues minutes, chacun buvant son hydromel dans son coin.
Puis Remus avait demandé depuis quand Severus s'occupait de sa santé mentale. Le maître des potions avait répondu que c'était un pas qu'il avait fait pour Harry. Puis il avait conseillé à Remus de faire de même - ça réglerait probablement ses problèmes d'estime de lui-même quand bien même il était étonnant qu'il n'ait jamais réussi à prendre exemple sur James Potter qui avait un melon plus gros qu'un souaffle.
Encore des silences.
Puis des souvenirs. Les beaux cette fois-ci. Ce que James avait apporté à Remus. Comment Lily avait ébloui la vie de Severus.
Et finalement un terrain d'entente. Pour le fils de Lily et James. Pour Harry.
Étonnamment, ce fut Harry le moins perturbé par cette espèce de garde alternée.
- A la semaine prochaine, dit Remus, sortant Severus de ses pensées.
.
Dumbledore vint également quelques soirs rendre visite au duo. L'homme semblait devenir un enfant en présence d'Harry. S'amusant avec sa magie, le directeur répondait à tous les caprices de l'enfant tel un papy gâteau. Severus voyait le poids de la culpabilité de l'homme dans son regard qui ne semblait pas si nouveau.
Et plus Severus se rendait à ses séances de thérapie, plus il avait envie d'analyser tout son entourage.
- Ne bloque jamais ta magie Harry, disait souvent le vieil homme, particulièrement quand le petit l'utilisait accidentellement.
Harry rayonnait de vie. Son poids et sa taille étaient en bonne voie pour revenir dans la moyenne. Sa crainte de manquer de nourriture s'était apaisée par un travail de longue haleine. Il y avait parfois des rechutes. Severus trouvait alors des morceaux de pain cachés dans les lattes du parquet. S'en suivait alors de longues discussions qui n'étaient agréables pour personne mais hautement nécessaires.
Harry reprenait confiance. Nombre de fois, l'enfant courait dans la chambre de Severus après un cauchemar. Au début, il avait refusé que l'enfant s'endorme dans son lit et puis un soir où il devait se lever tôt le lendemain, il avait cédé. Il avait cru faire une grosse erreur, que l'enfant ne dormirait plus jamais dans sa chambre mais ce ne fut pas le cas. Bien au contraire, chacun put dormir, Severus fut de bien meilleure humeur et Harry gagna en confiance : un adulte était là pour lui. Un papa.
Ce mot là… Severus était prêt enfin à l'entendre. Ils en avaient énormément discuté avec la psychomage et il était évident que pour Harry les choses étaient très claires lorsqu'il parlait. Il y avait son "papa du ciel" comme il disait et puis son papa d'aujourd'hui. Finalement, celui qui avait été le plus perturbé était Severus.
- Alors est-ce que tu serais d'accord pour venir lui donner des leçons le mardi et vendredi ? demanda Severus à Remus.
- Pourquoi ne fais-tu pas confiance au système scolaire moldu ? ajouta le loup-garou, installé confortablement sur un des fauteuils de la bibliothèque.
- Je veux que Harry arrive à Poudlard avec des bases sorcières solides.
- C'est injuste pour les autres élèves.
- Épargne-moi ton discours sur l'égalité des chances Lupin. A l'instant même où Harry est né, une épée de Damoclès s'est posée sur lui. Les autres enfants de son âge ne porteront jamais les responsabilités que Harry aura un jour sur les épaules. Alors on fera une impasse sur les bons sentiments de lutte des classes c'est d'accord ? Je veux que Harry connaisse le système et l'histoire du monde magique du Royaume-Uni mais aussi du monde entier, les créatures magiques de bases, les formes de magie existantes et la théorie des bases de sortilèges.
- Relax Rogue.
Le maître des potions serra les mâchoires et concentra son regard sur la bibliothèque, attendant patiemment que Remus accepte la proposition.
- De toute façon, je comptais accepter.
- Ça valait bien le coup de me contredire.
- C'est par principe, ajouta le loup-garou en levant les deux mains et un sourire espiègle.
Haussant les épaules, Severus apporta un contrat à l'homme afin qu'il signe les documents.
- N'hésite pas à lui parler de son père comme tu le fais déjà.
- Je peux aussi lui parler de Lily tu sais. Elle était là pour moi quand j'étais au plus mal…
Le cœur serré en pensant à son amie d'enfance, Severus hocha simplement la tête. Il n'était pas totalement guéri de Lily mais un jour peut-être…
L'espace d'un instant, les deux hommes se comprirent. Un silence complice, chargé de souvenirs et de peine s'empara de la bibliothèque. Encore une fois, l'un comme l'autre savait pourquoi ils parvenaient à se parler.
Le sujet de tous ces chamboulements débarqua comme un vif d'or, grimpant sur les genoux de Remus.
- Il faut que je te montre mes balais volants miniatures Remus !
- Ah oui à ce propos, ajouta Severus d'une voix doucereuse, je te remercie grandement de lui avoir parlé de Quidditch.
- Disons que c'était une avant-première des leçons que je lui donnerai.
Severus leva les yeux au ciel avant de penser qu'il avait une autre requête.
- J'aimerais qu'il apprenne également la musique. Tu t'y connais ?
- Tu veux en faire un singe savant ou quoi ?
- Sa mère jouait du violoncelle à merveille.
L'explication eut raison des contradictions de l'homme dont les cernes semblaient s'être subitement accentuées. C'était un peu vicieux de la part du maître des potions. Il n'y avait évidemment pas que cela. Une éducation musicale donnerait énormément de billes à l'enfant pour plus tard : écoute, concentration, rigueur, méthodologie d'apprentissage et de réflexion. Toutes les qualités utiles d'un bon Occlumens par exemple.
- Il y a une bonne école de musique dans le coin, précisa Remus.
- Tu connais la ville ?
- Non… Enfin oui…
Cette fois, l'homme était un peu mal à l'aise. Severus haussa un sourcil attendant une explication.
- J'ai connu une femme dont la sœur cracmol est professeur là-bas.
Severus se retint d'éclater de rire mais cacha à peine son amusement. Le loup-garou avait rougi violemment comme gêné d'assumer avoir eu une relation avec une femme n'ayant visiblement abouti à rien. Puis Severus se dit Remus Lupin était certainement le genre d'homme à rejeter les femmes au moindre attachement compte-tenu de sa condition de loup-garou.
- J'irai me renseigner dans ce cas. Et toi, ajouta-t-il en pointant du doigt le loup-garou, il n'est jamais trop tard pour aller régler tes problèmes chez un psy.
- Facile à dire quand on n'est pas dans ma condition, répliqua l'homme en se levant et posant Harry au sol. Trouve moi un psychomage qui ne partira pas en courant lorsqu'il saura ce que je suis et on en reparle.
Remus embrassa le sommet du crâne de Harry et s'en alla dans un signe de tête à Severus qui cette fois n'eut rien à répliquer.
oOo
Juillet 1986
Les vacances scolaires permirent à Harry et Severus de se promener dans la ville. Un jour, alors que Severus allait se renseigner à l'école de musique lors des portes ouvertes, une femme s'approcha de lui.
La peau noire, des longues tresses encadrant un visage fin et parfaitement dessiné s'approcha de lui, un sourire bienveillant.
- Je pensais vous voir porter du vert et du violet.
Severus ne cacha pas son étonnement. Le vert et le violet étaient les couleurs que les sorciers portaient lorsqu'ils se rendaient dans des lieux moldus. Il était évidemment hors-de-question que Severus porte autre chose que du noir. Déjà qu'il n'avait pas ses longues capes… Toujours est-il qu'il s'étonna des mots de la jeune femme avant de se souvenir de sa discussion avec Remus Lupin.
- Je vois que Remus Lupin vous a parlé de moi, ajouta-t-il en jetant un œil à Harry qui jouait avec d'autres enfants sur les différents instruments disponibles de la grande salle.
- Sofia Kama, se présenta-t-elle dans un nouveau sourire qui déstabilisa Severus sans qu'il ne sache trop pourquoi. Je suis la sœur d'Asna, celle dont votre ami a brisé le cœur.
Severus grimaça, souhaitant répliquer que Remus Lupin n'était pas son ami mais se ravisa à la seconde où sa paume rencontra celle de la jeune femme. Il s'agissait de faire bonne impression.
- Je suis professeur de piano ici et coordinatrice des premiers cycles.
Severus qui avait déjà tout retenu de la réunion de bienvenue, hocha la tête. C'était parfait. Elle pourrait garder un œil sur Harry sans être effrayée au moindre accident de magie qui se manifestait de plus en plus. Des oubliators avaient été appelés deux fois la dernière semaine précédent les vacances scolaires…
Harry vint à leur rencontre et s'approcha timidement de Severus, par crainte de déranger.
- Mais avant tout, il faudrait que tu nous dises ce qui t'intéresse ? demanda Sofia en posant une main maternelle sur l'épaule de l'enfant.
Le piano, le piano, le piano, pria Severus.
- J'aime la batterie.
Et merde.
- Mais sinon j'aime aussi le piano.
Un fin sourire se dessina sur le visage du maître des potions.
- Je compte sur vous pour que vous soyez son professeur, dit-il sans détour. C'est un enfant…
- Particulier, je sais, coupa-t-elle. Bien que la nature n'ait pas voulu que mes gènes correspondent à votre monde, je le connais par cœur.
Severus put presque lire dans les pensées de la jeune femme dont la profondeur des yeux noirs laissait deviner qu'elle était loin d'être la dernière des idiotes.
Lorsque Harry fit un nouveau cauchemar cette nuit-là, Severus prit l'enfant dans ses bras et repensa à l'étreinte naturelle que Sofia avait offert à l'enfant avant qu'il ne parte. Une telle présence - et qui plus est féminine - pour Harry ne serait que bénéfique.
.
Ce fut Remus qui proposa de fêter l'anniversaire de l'enfant avec une petite réception. Severus avait rechigné mais en voyant les yeux brillants de l'enfant, il ne put qu'accepter. Il laissa cependant l'organisation au loup-garou et exigea que la fête ne s'éternise pas plus de quatre heures.
Le problème des anniversaires fin juillet, peu d'enfants étaient présents. Mais trois invités de six ans suffisaient amplement aux yeux de Severus.
Ainsi, Jack et Marvin arrivèrent en premier. Remus se chargea des ronds de jambes avec les mères visiblement très intéressées par le jardin de la maison tandis que Severus lançait discrètement des sortilèges afin de protéger tous les objets fragiles de la maison.
Harry courait joyeusement avec ses amis et jouait au ballon. Lorsque Olga, une fillette dont les longs cheveux châtains étaient coiffés de deux belles nattes, arriva, le comportement de Harry changea drastiquement. Un sourire niais sur son visage, Harry lui prit la main pour lui faire essayer la balançoire que Severus avait installée avec Harry quelques jours plus tôt.
- Je rêve où il craque totalement sur la petite Olga ? demanda Remus, un sourire fier affiché sur le visage.
- Il n'a que six ans ! répliqua Severus peu à l'aise avec ce genre de sujet.
Remus leva les yeux au ciel et tendit son verre pour trinquer avant de retourner vers les mères des enfants qui visiblement ne comptaient pas partir. Grinçant des dents, Severus prit sur lui.
Harry passa un merveilleux anniversaire et ouvrit ses cadeaux -tous aussi plus débiles et bruyants les uns que les autres - avec joie.
Remus s'en alla tard dans la soirée.
Rien ne pouvait laisser prévoir la tempête qui allait s'abattre sur la maison.
Tout démarra à partir d'une seule phrase pourtant si habituelle :
- Harry, il faut ranger tes jouets.
- Encore un peu.
- Non, il est tard. Il faut aller te mettre en pyjama puis on va diner.
- J'ai pas faim !
- Harry, s'il te plait.
Harry jeta ses jouets sur le sol et se leva, furieux.
- Je ne suis pas obligé de manger tous les soirs d'abord !
Severus en resta coi un quart de seconde avant de s'approcher de l'enfant qui le défiait d'un regard impétueux et colérique. Jamais, Harry ne l'avait regardé de la sorte. Ses colères étaient toujours portées sur ses jouets ou ses devoirs lorsque ça n'allait pas dans son sens mais jamais contre Severus.
Étrange comme toutes les lectures sur l'éducation parentale dont Severus s'étaient abreuvé s'évaporèrent dans son esprit.
Il n'y avait plus que l'enfant, lui et la magie qui crépitait autour d'eux.
- Tu n'es pas obligé de manger c'est vrai mais je veux au moins que tu viennes à table avec moi.
- J'ai pas envie ! répéta Harry en tapant du pied.
- Dans ce cas, tu ranges tes affaires et tu montes dans ta chambre mettre ton pyjama.
Lui-même se sentait vaciller même s'il fut étonné de voir à quel point il contrôlait les choses. Mais le calme du maître des potions ne semblait pas plaire à l'enfant qui devenait rouge de colère.
- Je fais ce que je veux ! Je veux rester jouer ici !
- Dans ta chambre Harry, répéta Severus en retournant à la cuisine. Je t'appellerai pour le dîner. Tu as besoin de te calmer.
Il réprima un sursaut lorsqu'il entendit l'enfant hurler de rage et monter les escaliers en tapant des pieds puis claquer la porte de sa chambre.
- Et bien moi qui croyait que l'adolescence allait être compliqué, marmonna Severus toujours étonné par son calme.
Harry piquait une crise du tonnerre à l'étage et le calme de Severus commença à s'évaporer. D'abord parce qu'il se demandait ce qu'il avait bien pu faire de mal pour que l'enfant réagisse de la sorte et ensuite parce qu'il se sentait incapable de rassembler ses connaissances pour gérer la situation.
Un bruit sourd résonna et Severus lâcha ses ustensiles et monta quatre à quatre les marches, le cœur battant prêt à réprimander l'enfant. Il ouvrit la porte à la volée et ses mots moururent sur ses lèvres, glacé par le spectacle.
La bibliothèque avait été renversée par la magie de l'enfant et les livres volaient partout dans un tourbillon inquiétant. Des larmes de rage roulaient sur les joues du petit mais son regard n'était que souffrance.
- Harry, dit-il doucement en s'approchant.
- Oncle Vernon et tante Pétunia me laissaient tranquille ! Ils aiment m'abandonner et toi jamais tu me laisses !
Severus ne savait plus si les mots de l'enfant étaient des reproches réels.
- Ils m'empêchaient de manger si je n'étais pas sage !
- Ils n'avaient pas le droit de faire ça, tenta Severus en s'approchant à nouveau.
- Ils ne m'ont même pas envoyé de carte pour mon anniversaire !
Le maître des potions commençait à comprendre ce qui se tramait dans la tête du petit.
- Tu as le droit d'être en colère, moi aussi je suis en colère contre eux.
Un sanglot déchirant s'échappa des lèvres de l'enfant qui tomba à genoux. Les livres dansaient doucement autour de lui. Poursuivant sur ce terrain, Severus s'approcha encore un peu.
- Ils n'avaient pas le droit de te laisser tout seul. Ils n'ont pas su s'occuper de toi correctement.
Le vert s'ancra dans l'onyx, cherchant désespérément de l'aide.
- Mais moi Harry je suis là. Et Remus aussi. On ne partira pas.
Grimaçant de douleur, Harry se mit à gémir et ses larmes redoublèrent. S'en fut trop pour Severus dont le cœur explosa en mille morceaux. Il ne pouvait pas voir cet enfant souffrir plus longtemps. Il fonça sur le petit et le prit dans ses bras, le serrant tout contre lui. Au début, Harry chercha à s'échapper mais Severus le garda fermement dans ses bras.
- Je suis là, est-ce que tu comprends ? Même si tu fais toutes les bêtises du monde, je serais là pour toi. C'est normal d'avoir mal. C'est normal de ressentir toutes ses émotions en toi et je sais que ce n'est pas facile mais on fera tout pour que ça aille mieux.
- Je croyais que ça allait mieux, explosa finalement Harry dans des larmes de désespoir.
- Rappelle-toi ce que la psy a dit, Harry. Tu te souviens ?
- Parfois il y aura des hauts et des bas mais l'important c'est de les affronter ensemble, répéta l'enfant.
- Tu as eu beaucoup d'émotions aujourd'hui et tu crois peut-être que ce n'était pas vrai mais c'est réel. Et même si tu piques la colère du siècle, je serai toujours là pour toi, répéta-t-il. Parce que tu as le droit d'être en colère.
Finalement, c'était presque facile, se dit Severus alors qu'il caressait le dos de l'enfant pour calmer ses sanglots.
Il suffisait de faire ce qu'il aurait aimé qu'on lui fasse lorsqu'il était enfant.
Tout simplement.
Et alors que les livres tombaient d'un coup d'un seul, alors que Harry soupirait de soulagement en resserrant son étreinte, alors que Severus le gardait tout contre lui, il se dit que rien d'autre n'avait plus d'importance que ce petit être qui était dans ses bras. Ce petit garçon et son bien-être.
- Je t'aime papa.
- Moi aussi je t'aime.
Et ce fut presque facile à dire.
NDA : Alors ? Votre avis ?