Tout était de la faute de Severus.

Severus pensait avec amertume que tout finissait toujours par être de sa faute. De la Chute de l'homme à l'ascension de Voldemort, quelque part, il était en cause. Pour tous les enseignants et les élèves de Poudlard, il était l'archétype de l'homme avec une carrière sur une voie de garage, et, s'il n'y avait eu Fudge, il aurait pu briguer la place pour l'intégralité du monde magique.

Il ne voyait vraiment pas comment on aurait pu le blâmer pour le concours de circonstances qui l'avaient implacablement amené à cette situation. Il avait pris un jour de repos pour cause de coup de froid, le seul en dix ans, s'il vous plaît. Albus l'avait remplacé en classe, et, incapable de le faire convenablement, avait été pris dans un accident bien trop prévisible. Il était maintenant immobilisé à l'infirmerie à la merci de Madame Pomfresh.

La première fois qu'il avait entendu parler de cette affaire, c'était quand il avait été convoqué de son Lit de Souffrance à l'infirmerie où l'on attendait de lui qu'il devine quel effets aurait la potion violette et poisseuse qui recouvrait Albus et la moitié des Gryffondors de première année.

Albus avait apparemment eu la brillante idée de se sacrifier pour le bien de l'école et s'était jeté sur le chaudron en tant que bouclier humain. L'approche la plus raisonnable aurait était de jeter un charme de protection, ou, en cas d'échec, de jeter un Poufsouffle sur le chaudron.

Severus savait d'expérience combien il est difficile de retirer les taches de potion des vêtements.

« Que pensez-vous que ce soit ? » demanda Poppy.

« Comment diable est-ce que je saurais ? » répliqua t'il, en se demandant ce qu'il avait fait de son mouchoir. Ses yeux commençaient à s'embuer, et il ne voulait pas que quiconque s'imagine que ça avait un rapport avec la situation d'Albus.

Sa réponse parfaitement raisonnable, du moins à ses yeux, reçut un accueil glacial. « On va chercher, alors, » grogna Poppy. « Tout ça, c'est de votre faute. »

« Comment est-ce que ça pourrait être de ma faute ? » répliqua t'il avec majesté, son attitude à peine diminuée par un occasionnel reniflement.

Poppy n'avait pas de réponse à cela, alors elle se contenta de lui jeter un regard méchant, et de le mettre à la porte de son Infirmerie pour que ses patients puissent bénéficier d'un peu de calme et de tranquillité.

Severus avait clairement besoin de parler à Malefoy s'il voulait aller au fond de cette affaire. Lucius Malefoy, ainsi nommé en hommage à son grand-père, dans un écœurant étalage d'obséquiosité, n'avait peut-être que douze ans, mais il était très certainement coupable. Pas qu'il se soit lui-même sali les mains, oh non, mais il avait très certainement été celui qui avait donné l'idée, l'éminence grise, l'instigateur. Même si ce n'était pas le cas, s'il n'avait rien à voir avec l'affaire, il connaîtrait au moins le responsable, et pourrait être amené à bavarder avec très peu d'encouragements.

Si Severus jouait bien ses cartes, le morveux pourrait même avouer quelques autres broutilles, dans l'espoir d'obtenir une réduction de peine pour l'ensemble, et ainsi augmenter le nombre de mystères résolus par Severus. Severus avait appris cette technique en écoutant les souvenirs de Maugrey, et il n'était pas fier au point de ne pas utiliser une technique qui avait été employé à si bon escient par les Aurors, juste parce qu'il n'y avait pas pensé par lui même.

Il y avait des jours où Severus se disait qu'enseigner dans un pensionnat, c'était vraiment très proche d'être le directeur d'une prison de haute sécurité comme Azkaban, les Détraqueurs mis à part. C'étaient les bons jours. Les mauvais jours, il se disait que la comparaison était entièrement justifiée, et que Trelawney était une sorte de sous-espèce de Détraqueurs.

Avant de convoquer Malefoy dans son bureau, il fallait qu'il trouve un mouchoir. Il n'était peut-être pas capable d'arrêter le robinet qu'était son nez – et les réflexions de Poppy sur ses capacités de production dans ce domaine étaient tout aussi inutiles que méchantes – mais au moins il maintiendrait un semblant de dignité.

Une fois le mouchoir trouvé et utilisé, il s'installa derrière son bureau et envoya un Elfe de Maison convoquer le Jeune M. Malefoy.

Le Jeune Lucius était à peine reconnaissable en tant que Malefoy, tout en cheveux noirs et avec un nez moins que patricien, des traits qui lui venaient de la famille de sa mère. Drago avait épousé cette fille, quel que soit son nom, malgré la vigoureuse opposition de ses parents, et n'avait apparemment jamais regretté cette décision, vivant dans une sorte de félicité domestique que Severus lui enviait presque.

Des rumeurs malveillantes suggéraient une influence de la famille Rogue dans ses gènes, d'où la décision de le nommer comme son grand-père pour envoyer le message qu'il était un Malefoy. Personne, en voyant ses yeux gris, n'aurait pu en douter. Ils étaient aussi froids et distants que le Vieux Lucius aurait pu l'espérer.

Rogue savait de source sûre que Lucius n'appréciait pas d'être appelé 'le Vieux Lucius'. Il n'appréciant pas du tout.

D'après le comportement du gamin, le délicat compliment avait été dûment récompensé, et l'éloignement entre père et fils avait pris fin. Le Jeune Lucius avait été pris sous l'aile du Vieux Lucius, et endoctriné dans la philosophie des Malefoy, avec pour résultat d'être arrogant, antipathique, et sournois, et de croire que le monde lui était dû. Il semblait penser que ces qualités faisaient de lui un Serpentard de facto, et le chouchou du Professeur Rogue.

Quel dommage que ça ne soit pas assez pour le tenir en laisse ou lui passer la muselière.

Cette attente d'un traitement privilégié était ancrée si profondément qu'une année entière d'exposition au style d'enseignement de Severus n'avait pas été suffisante pour lui en faire prendre de la graine.

« Monsieur Malefoy. C'est aimable à vous de venir me rendre visite. » Le sarcasme était peine perdue avec ce gamin, il prit le commentaire au pied de la lettre.

« Professeur, » salua Lucius avec assurance.

« Je suis sûr que vous savez pourquoi vous êtes là. »

« Pas du tout, Professeur, » répondit Malefoy, tout en sincérité et en innocence. On pouvait presque voir un halo métaphorique flotter au dessus de sa tête.

« Le cours de Potions. Ce matin. Quelque chose de violet et visqueux ? Ca vous rappelle quelque chose ? »

« Bien sûr, j'étais au cours de Potions ce matin, » dit Malefoy d'un ton léger. « Je me souviens qu'il y a eu une sorte d'accident, mais à qui doit-on s'attendre quand on laisse quelqu'un d'inexpérimenté s'enseigner l'art délicat des Potions ? Je ne vois pas pourquoi vous voulez me voir à ce sujet, Professeur. »

Severus ne serait pas allé jusqu'à dire que les flatteries ne servaient à rien avec lui. Il n'y était pas plus imperméable qu'un autre, il avait juste moins l'habitude de les entendre. Mais il les aimait un peu plus subtiles, plutôt que posées à la truelle, ou sonnant si nettement faux. Quoi qu'il en soit, il n'aurait servi à rien d'exprimer son point de vue au gamin, pour entendre les inévitables dénégations de sa sincérité. Il voulait résoudre rapidement le problème. Il ne tenait pas vraiment à savoir qui avait fait quoi à qui, autant qu'il était concerné. Albus était en charge de la classe, et c'était donc sa responsabilité de tirer ça au clair. Une fois qu'il serait remis sur pied.

Avoir à mettre au pas les Serpentards pourrait aider le Directeur à mieux apprécier les méthodes qu'il employait pour maintenir l'ordre pendant ses cours, et faire cesser les incessantes allusions pendant les Evaluations Annuelles à son besoin de travailler sur ses capacités de communication. Ses capacités de communication allaient bien, merci : il parlait, les élèves écoutaient. S'ils n'avaient pas écouté la première fois, il pouvait être nécessaire de crier.

Crier fonctionnait. Il n'y avait pas eu un seul accident en classe de Potions en vingt ans. Même pas avec Neville Longdubas dans sa classe. Un point qu'il entendait bien faire valoir auprès d'Albus lors de sa prochaine négociation de salaire.

« Monsieur Malefoy, je sais que vous êtes responsable. Je suis fatigué. Je suis malade. Je veux retourner me coucher avec une bouillotte, une boîte de mouchoirs et la moitié d'une bouteille de Whisky Pur Feu. Je ne veux pas passer mon après-midi à trifouiller dans mon laboratoire pour découvrir ce que vous avez fait au Directeur. C'est pourquoi je suis disposé à vous offrir un marché. Vous me dites ce qui s'est passé, sans me donner de noms – comme un témoin désintéressé, si vous voulez – et je n'écris pas à votre grand-père pour lui raconter toutes vos bêtises de l'année. »

« Grand-Père ne m'en voudra pas pour ça, » dit-il d'un ton dédaigneux.

« Je vous accorde qu'il s'intéressera peu à ce que vous avez fait, mais je peux vous garantir qu'il sera moins qu'impressionné par la façon dont vous vous y êtes pris. Vous avez été pris la main dans le sac plus d'une fois. On pourrait dire beaucoup de Lucius, mais il n'a jamais été négligeant. »

L'argument ne trouva sa cible chez le garçon. Son assurance supérieure était ébranlée, elle était remplacée par une légère grimace alors qu'il se représentait les conséquences de ne plus être le chouchou du patriarche des Malefoy.

Crier était une méthode, mais parfois le chantage était plus efficace.

« Je pense pouvoir vous aider, Monsieur, » répondit-il, empli de sincérité. « Après tout, c'est dans l'intérêt de l'école que le Directeur soit de nouveau sur pied le plus rapidement possible. »

Severus espérait que le petit imbécile allait se dépêcher. Son nez le chatouillait, ce qui voulait dire qu'il n'allait pas tarder à subir un nouvel assaut de son rhume, et qu'il était bon pour renifler pendant un moment. Il voulait son lit, avec un charme qui rafraîchirait son oreiller, et un autre qui réchaufferait ses pieds, et il le voulait maintenant. Ca aurait été bien d'avoir une personne aux mains apaisantes, disposée à répondre au moindre de ses besoins, à lui offrir sympathie et compassion, mais il se contenterait d'une bonne stupeur alcoolique.

« Nous préparions une simple Potion Apaisante ce matin, Monsieur. J'ai remarqué que Quelqu'un avait ajouté de la racine de Stoke à la potion. Je ne peux pas vous dire qui, Monsieur ; je suis sûr que vous comprenez que je ne peux pas trahir la confiance de mes camarades. »

« Vous êtes un véritable crétin, Malefoy, non ? » demanda Severus sur le ton de la conversation.

« Monsieur ? »

« Vous pensez vraiment que les Aurors vont s'inquiéter de vos scrupules à être un rapporteur ? »

« Les Aurors, Monsieur ? »

« Les Aurors, Malefoy. La racine de Stoke et une substance violette et visqueuse ne peuvent signifier qu'une seule chose. Votre petite blague de ce matin a créé l'un des plus dangereux poisons qui soient, et seule la présence d'esprit du Directeur a sauvé la classe de blessures permanentes ou de la mort. »

Le gamin essayait de toutes ses forces de demeurer imperturbable. On lui avait de toute évidence appris l'Importance de Rester Mielleux en toute circonstance. « Je n'ai jamais dit que c'était moi, Monsieur. »

« Que pensez-vous qu'il va se passer si le Directeur devait mourir ? »

« Mourir ? » Malefoy oublia toute tentative de suavité pour passer à l'attitude du Lapin Pris dans les Phares d'une Voiture.

« Je dirais que c'est tout à fait possible. Ce qui voudrait dire que le Professeur McGonagall serait dans l'obligation d'appeler les Aurors pour qu'ils enquêtent sur cette mort suspecte, et donc que Potter aurait toutes les chances d'être impliqué dans l'affaire. A votre avis, qui sera le premier suspect sur sa liste ? »

La légendaire intelligence des Malefoy fit toutes ses preuves à cette question. « Euh, moi, Monsieur ? »

En fait, pensa Severus, ce serait probablement moi. Le temps n'avait aucunement atténué l'inimitié de Potter à son égard, mais au moins il avait un alibi, il n'était pas à vingt mètres de l'accident quand il s'était produit. Ce qui n'empêcherait pas Potter de lui chercher des noises, en souvenir du bon vieux temps.

« Voyons voir. Votre grand-père est un Infâme Mangemort, qui n'a échappé au baiser des Détraqueurs que parce qu'il était toujours à Azkaban lors de la chute de Voldemort. Quand à votre père, il a toujours été soupçonné d'être un Mangemort, et Potter le hait de tout son être. Je pense que vous avez deviné juste. Une goutte de Veritaserum, et vous videriez votre sac. »

« Vous n'en parlerez à personne, n'est-ce pas, Monsieur ? » demanda Malefoy.

Severus aurait adoré que le blâme pour le fiasco de ce matin retombe sur la personne qui le méritait vraiment, mais McGonagall serait insupportable, et on ne pouvait jamais savoir quand on aurait besoin d'une faveur –ou deux- de la part des Malefoy. « Non. » répondit-il en refoulant un reniflement. « Mais essayez de réfréner votre tendance à raccourcir la vie de vos camarades à l'avenir. »

Lucius acquiesça. Ce n'était pas la peine de lui dire qu'il était redevable à Severus, il était suffisamment Serpentard pour savoir qu'on n'avait rien pour rien en ce monde.

Severus ouvrit un tiroir, et en sortit une bouteille rose d'eau sucrée. Il n'avait pas la moindre idée de ce qu'on obtenait en ajoutant de la racine de Stoke à une Potion Apaisante, mais ce n'était certainement rien de grave. Ce serait trop long de l'expliquer à Poppy, qui ergoterait qu'attendre de voir ce qui allait arriver au Directeur n'était pas une méthode acceptable, alors autant lui donner un placebo. Sans négliger la pression dont il disposait maintenant sur le jeune Malefoy. « Prenez ça et amenez-le à l'infirmerie pour Madame Pomfresh – avec mes compliments – et dites-lui de l'administrer au Directeur au rythme de trois gouttes dans un verre d'eau, toutes les trois heures. »

« Oui, Monsieur. Et merci, Monsieur, » dit Lucius avec empressement, en se dirigeant vers la porte d'un pas fervent.

Aussitôt que la porte se fut refermée derrière lui, Severus érigea une Barrière de Protection qui aurait fait patienter un Sorcier Maléfique pendant quelques mois, et se dirigea vers son lit en laissant derrière lui un sillage de vêtements.

Il façonna son oreiller à la forme qui lui convenait, s'enveloppa dans sa couette jusqu'à ce que seul son nez en dépasse, comme une chenille dans sa chrysalide, et s'endormit pour une sieste.

Merde à Poppy. Merde à Albus. Merde à Malefoy Senior, Junior, et Intermédiaire. Et merde à Potter, pour faire bonne mesure.

Il se sentait un peu moins grognon quand il se leva le lendemain matin. Ce qui, comme ses collègues ne tardèrent pas à le découvrir, n'était pas la même chose que ne pas être grognon du tout.

Le robinet qui lui servait de nez étant revenu à un débit plus normal, il avait retrouvé l'usage du goût et de l'odorat, et il était occupé à consommer un énorme petit-déjeuner, sévèrement déséquilibré, quand Poppy vint l'interrompre. « Severus, j'ai besoin que vous fassiez un saut à l'Infirmerie pour jeter un coup d'œil à Albus. La potion semble avoir fait l'affaire, mais il reste un ou deux petits problèmes résiduels pour lesquels j'aimerais votre avis. »

Il avala son bacon avant de répondre sans aménité. « Ce n'est pas la peine de me remercier, Poppy. J'ai fait ce que n'importe qui aurait fait : ignorer vaillamment ma propre maladie pour trouver un remède, quel que soit le coût pour ma personne. »

Elle lui lança un long regard en biais, qui aurait réduit un autre homme à un état de trouble extrême. « Attendez de voir, » finit-elle par dire. « Attendez de voir l'état d'Albus avant de vous auto-congratuler. »

Ca semblait urgent, alors il se limita à une seule autre assiette d'œufs brouillés.

Quand il arriva à l'infirmerie, Poppy l'attendait, bras croisés et tapant du pied. Les gamins qui donnaient à l'endroit une atmosphère de désordre lors de sa précédente visite avaient été relâchés dans la nature, et la pièce était vide à part le dernier lit qui était entouré d'écrans de protection.

C'était de toute évidence le lit d'Albus, et c'était le mieux que Poppy avait pu faire pour lui offrir un peu d'intimité. Severus commençait à s'inquiéter. Que diable pouvait avoir Albus qui l'empêcherait de retourner dans ses quartiers, aux soins d'un ou deux Elfes de Maison ?

« Bien, » dit Poppy. « Maintenant, avant de vous laisser le voir, je veux que vous me promettiez que vous ne laisserez paraître aucune réaction quand j'écarterai les écrans de protection. Pas un battement de cils. »

Il n'osa pas demander. Il hocha la tête en signe d'acquiescement, et fit bravement un pas en avant pour se pencher avec précaution entre les écrans.

Il cligna des yeux.

Non. Ca ne faisait pas disparaître l'horrible vision. Il ne pouvait pas le nier. Il en avait la preuve devant lui.

Albus était Violet.

De la racine de ses cheveux lavande, à ses orteils vraisemblablement mauves, Albus était violet.

Severus était reconnaissant d'avoir passé tant d'années près d'un être maléfique et susceptible. Aucun de ses gestes ne trahit sa violente envie d'éclater de rire.

« Albus, comment allez-vous ? » demanda t'il calmement.

Albus lui lança un regard suspicieux, à la recherche du moindre signe que Severus trouverait sa situation amusante. « Comme vous pouvez le voir, je pourrais aller mieux. »

« Vous semblez vous porter comme un charme, » répliqua Severus en conservant son sérieux.

Albus lui répondit par un regard mauvais. « Poppy me dit que j'en ai pour au moins un mois. Ce qui n'est pas vraiment un problème pour ce qui concerne l'école. Minerva me répète tout le temps que je devrais prendre des vacances, et c'est ce que je vais faire. Elle est plus que capable de me remplacer. Il ne reste que quelques semaines de cours, et ce seront les vacances de Noël.

Severus émit un grognement qui ne l'engageait à rien.

« Cependant, il y a une tâche que je ne peux pas déléguer à Minerva, et je pense que vous êtes le mieux placé pour me remplacer. » Albus le regarda, attendant de lui qu'il attrape la balle au bond.

Il commençait à avoir un mauvais pressentiment. S'il n'avait pas été convoqué pour donner son avis sur la manière dont retirer les tâches violettes, et s'il ne trouvait pas de conseil plus constructif que de prendre un bain de détachant, alors on allait lui demander une autre faveur. C'est vrai, il était coincé à Poudlard pour les fêtes de Noël, mais il n'avait rien prévu au programme de plus fatigant que de manger, boire et regarder s'accroître son tour de taille.

Albus avait l'air sombre.

Nous y voilà, songea Severus. Je vous parie un billet de cinq que ça a quelque chose à voir avec Potter, ou… Il ne pouvait pas imaginer ce qu'il avait moins envie de faire que de revoir Potter.

« J'ai une confession à vous faire. Quelque chose que je vous ai caché pendant des années. »

Oh, chiotte. Non, ne fais pas ton coming-out maintenant. On sait tous que tu es homo, pire qu'une troupe de singes sous acide. On ne veut surtout pas connaître tous les détails sordides.

« Je suis le Père Noël. »

Eh bien, c'était inattendu. Apparemment, Albus n'était pas seulement Violet, mais il avait aussi une araignée au plafond. « Mais bien sûr, Albus, » dit Severus d'une voix rassurante. « C'est la barbe, non ? Elle vous trahit à chaque fois. »

« Je ne veux pas dire que je suis le vrai Père Noël, » l'interrompit Albus. « Vous savez bien que je n'ai que 130 ans, et que je ne suis pas une figure mythique semi-éternelle. Ce que je veux dire, c'est que j'ai gagné les enchères il y a quelques années et que j'ai la franchise du Père Noël pour tout le pays.»

« Quelle franchise du Père Noël ? » demanda Severus, ahuri, sans relever l'inexactitude d'Albus sur son âge.

« Eh bien, de toute évidence, l'idée qu'un seul Père Noël soit capable de faire le tour du monde en une nuit pour distribuer tous ces cadeaux est ridicule. Je veux dire, ça fonctionnait, au départ, mais la population a augmenté, et de plus en plus de gens se sont mis à croire en lui, et c'est tout simplement devenu impossible. Alors, il y a quelques dizaines d'années, les sorciers d'un certain standing ont été autorisés à prétendre à la position de Père Noël pour leur pays. La dernière fois, c'est moi qui l'ai emporté, alors je dois m'occuper de la distribution le soir de Noël. De toute évidence, je ne peux pas le faire, alors j'ai pensé vous en faire l'honneur. »

« A moi ? Distribuer des cadeaux ? A tout le pays ? » Severus s'assit sur le bord du lit, cherchant désespérément un moyen de ce sortir de cette situation atroce. Apparemment, il y avait des choses pires que de devoir parler avec Potter. « Pourquoi vous ne pouvez pas le faire ? »

« Je suis violet. Vous avez déjà vu une Père Noël violet ? »

« Euh, vous ne pouvez pas jeter un sort d'apparence, ou quelque chose ? » Il n'avait jamais vu un Père Noël violet, et il devait admettre que cette couleur jurerait atrocement avec le costume rouge. Le vert aurait été plus adapté. Totalement dans l'esprit de Noël, en fait.

Albus secoua la tête. « On a essayé. Ca ne tient pas plus d'une dizaine de minutes, et après, bang, me revoilà violet. »

Severus regarda Albus avec horreur. « Il doit bien y avoir quelqu'un d'autre qui peut le faire ? » demanda t'il plaintivement. « Minerva, par exemple. Elle est organisée, et elle m'est toujours apparu comme le type de personne qui adore les petits morveux, euh… les enfants. »

Albus semblait avoir retrouvé cette horrible étincelle dans le regard qui précédait toujours des soucis pour quelque pauvre type. « Severus, même si j'admire beaucoup les nombreuses qualités de Minerva, elle n'est pas taillée pour le rôle de Père Noël. C'est 'Père Noël,' et non pas 'Mère Noël' après tout. »

« Mais on pourrait lui jeter un sort d'Apparence, ou un Charme, ou quelque chose. Avec un oreiller sous sa veste et une fausse barbe, personne ne verra la différence. »

« Mais moi je le saurais, » répliqua fermement Albus. « Je saurais que nous avons fourni un service de qualité inférieure, et que nous avons privé tous ces pauvres enfants de la vraie signification de Noël. »

« Mais, Professeur… »

« Il n'y a pas de mais, Severus. J'ai pris ma décision. »

Quand Albus employait ce ton, il n'y avait rien d'autre à faire que de lui obéir. Il avait ce boulot sur les bras maintenant, et il pouvait dire adieu à ses vacances paisibles.

Albus avait suggéré un jour que son deuxième prénom devait être Ebenezer. Il avait réfuté. Scrooge n'était qu'un amateur.

Severus se disait que le 'Conte de Noël' de Dickens était parti sur de bonnes bases, mais qu'il avait rapidement dégénéré dans un marasme de bons sentiments et de sentimentalité vulgaire. Pour une fin heureuse, il aurait suffi de bannir le fantôme, ce que le moindre Sorcier compétent aurait su faire sans difficulté, et de remplacer ce fainéant de Bob Cratchett par une paire d'Elfes de Maison, supprimant ainsi la source des plaintes, et améliorant très certainement la qualité du travail. Scrooge aurait ainsi pu consacrer son temps à la recherche et à l'étude, sans avoir à subir les jérémiades de gens qui semblaient avoir du vinaigre dans les veines au lieu de sang.

Il était persuadé que le petit Tim n'était qu'un malade imaginaire.

Par conséquent, il se tenait pour le candidat le moins bien placé de l'Histoire pour tenir le rôle du Père Noël, Genghiz Khan inclus.

Avant de disparaître vers une contrée inconnue pour ses vacances, Albus lui avait laissé la liste des Enfants Sages, qui lui semblait anormalement longue. Le service de renseignement du Père Noël était certainement défaillant, et aurait eu besoin d'un processus de validation, parce que cette liste comprenait les noms d'enfants dont il savait fort bien qu'ils n'avaient pas été sage, puisqu'il avait dû les mettre en retenue pendant l'année.

Et certainement que Terence Goyle, même en étant aussi stupide que son grand frère, était trop vieux pour toujours croire au Père Noël à quatorze ans ?

Il essayait de se remémorer tout ce qu'il savait du Père Noël. Ce n'était pas lourd. Il avait été remarquablement absent de sa vie, vraisemblablement en raison de son mauvais comportement. C'était ce que son père lui avait toujours dit, mais ce n'était pas la source la plus fiable. Peut-être que le vieux avait volé ses cadeaux et les avait revendus, pour se payer un verre ou plus.

Alors, il y avait une histoire de chaussettes accrochées à la cheminée…

Comment est-ce que ça ce passait dans les maisons des Moldus ? Arthur Weasley lui avait parlé de cette chose appelée chauffage central que les moldus utilisaient en lieu et place des cheminées, ce qui semblait beaucoup plus pratique qu'un feu ouvert qui sentait, qui s'éteignait au pire moment, et qui ne réchauffait que la partie de la pièce qui était directement en face de lui. La seule chose qu'il avait trouvé pour combattre le froid à Poudlard pendant un hiver Ecossais était un charme de réchauffement sur ses caleçons longs, des robes doublées, et de temps en temps une bonne rasade de whisky Pur Feu.

Eh merde, l'année prochaine il partirait pour les vacances de Noël, dans un endroit chaud avec du sable fin, une cabane sur la plage, et peut être une fille légèrement vêtue à admirer de loin. A admirer de près, ce serait bien également, mais il ne voulait pas en demander trop.

D'accord, des chaussettes sur la cheminée ou le radiateur. Quoi d'autre ?

Costume rouge ? OK.

Chapeau Stupide ? OK.

Cadeaux ? Livrés demain.

Moyen de transport ? Le traîneau et les rennes, livrés demain également.

Elfes ?

Il vérifia sur la liste. Il n'y avait rien au sujet des Elfes. Rien du tout. Peut-être qu'ils arriveraient avec les cadeaux ? Il l'espérait sacrément. Albus ne s'attendait certainement pas à ce qu'il fasse toute la tournée tout seul. Même en utilisant un Retourne-Temps, ça lui prendrait des semaines avant d'en avoir fini. S'ils ne venaient pas, il n'aurait plus qu'à employer le Elfes de Poudlard, et avec cette saleté de Directive de Temps de Travail que le Ministère venait de faire passer, ce serait l'enfer. Pas comme si quelqu'un avait limité son propre temps de travail à 48 heures par semaine, et pourtant il était humain la dernière fois qu'il avait vérifié !

C'était typique d'Hermione Granger de passer autant de temps à travailler pour des Elfes qui n'avaient pas besoin et ne voulaient pas de son aide, et de passer si peu de temps à se préoccuper du sort des pauvres professeurs qui travaillaient dur et auraient apprécié un peu de temps libre.

Normalement, elle aurait dû être là à protester avec lui contre le traitement cruel des professeurs de potions obligés de remplir des tâches complètement sans rapport avec leur mission d'enseignement, et sans heures sup'. Et il devrait vraiment y avoir une loi qui interdirait de porter des stupides costumes, et de s'humilier ainsi en public.

Le costume était ignifugé par un Charme – il l'avait lui-même vérifié par un petit Incendio – pour qu'il puisse descendre dans les cheminées sans y finir auto-immolé par le feu. Le costume était immonde, tellement Gryffondor. C'était évident qu'il ne lui irait pas. Il avait été fait pour convenir à la silhouette plus généreuse d'Albus. Le problème d'Albus avec les pastilles au citron avait pris de l'ampleur pendant la septième année de Potter. Il disait qu'il pouvait arrêter quand il voulait, mais il ne l'avait jamais fait, et maintenant il suivait un régime strict qui ne lui autorisait que le minimum de sucres rapides, mais rien ne semblait lui faire perdre de poids. Il ne serait pas surprenant de découvrir qu'il conservait des caches illicites de sucreries partout dans le château, et qu'il en mangeait toujours en douce, même s'il n'avait jamais été pris sur le fait.

Severus se regarda dans le miroir, et trouva qu'il avait l'air d'un gland. C'était difficile d'imaginer des circonstance ou le Directeur de Serpentard serait habillé tout en rouge sans avoir l'air d'un imbécile, surtout avec le col de fourrure, mais l'air crétin était amplifié par le fait que le pantalon était beaucoup trop large pour lui - même avec un oreiller coincé dedans – tout en ne lui arrivant pas aux chevilles.

Il avait de jolies chevilles. En fait, il avait de jolies jambes, mais elle n'étaient pas mises en valeur en dépassant de ce… truc… rouge. Rouge ! Il ne pouvait pas imaginé un mot suffisamment ignoble pour exprimer le niveau de révulsion qu'il éprouvait pour cette monstruosité textile. Il espérait que son tailleur n'en entendrait jamais parler, ou il serait éjecté de sa liste de clients.

Il était supposé avoir l'air bonhomme et joyeux dans cette saleté de machin, et non pas ressembler à une espèce de… non. Son apparence défiait toute description. Il ne ressemblait à rien au monde.

Il se tourna et se retourna, essayant de trouver un angle sous lequel il n'aurait pas eu l'air stupide, sans succès. Bon, faire retoucher le maudit machin était une priorité, ce qui voulait dire qu'il devait parler à Minerva du Grand Secret.

Ce qui le fit réfléchir un moment.

Albus l'avait de toute évidence nommé Père Noël exécutif, ce qui signifiait que sa responsabilité était plutôt celle d'organisateur. Severus avait entendu parlé de paix sur Terre et d'hommes de bonne volonté, mais il ne les avait jamais rencontrés. Pour ce qui le concernait, si son Noël était sur le point d'être gâché, alors celui des autres subirait le même sort. Tout ce qu'il lui fallait trouver, c'étaient les Petits Lutins du Père Noël. Et s'il n'y avait pas de volontaires, il allait en désigner.

Severus sourit à son reflet dans le miroir. Il n'y avait pas une sorte de slogan pour le Père Noël ? Oh, oui, ça lui revenait.

Oh. Oh. Sniff. Oh.

Sniff.