DANS LA PEAU D'UN LOUP GAROU
Je sais que le sujet a déjà été traité à de nombreuses reprises, mais j'espère qu'il ne l'a pas été exactement de cette manière. J'ai lu de nombreuses fics mais pas toutes, elles sont trop nombreuses ! Aussi si un auteur reconnaît son oeuvre, qu'il me pardonne, je suis une petite nouvelle dans l'univers des fics HP !
J'étais partie sur un one shot mais finalement l'histoire peut se publier en deux parties. Il y aura donc une suite en principe, sauf si vous jugez que ça n'en vaut pas la peine.
Sinon bien sûr, Mumus et son copain Sirius ni aucun des persos ne m'appartienent en aucune façon ! Bien dommage, j'avais justement une cabane au fond de mon jardin qui attendait la visite d'un loup-g ... bon bon, ok ! je laisse tomber !
première partie : Désespoir
La nuit était douce en ce mois de mai. Les eaux noires du lac brillaient sous la lumière opalescente d'une lune pas tout à fait ronde. Par moments une brise tiède et légère brisait la surface lisse, propageant dans ses rides le scintillement de l'astre nocturne. Au loin , la silhouette sombre du château, éclairée seulement ça et là par quelques lueurs, se découpait sur le ciel bleu nuit.
Le spectacle était magnifique. Pourtant le jeune homme assis sur un petit promontoire d'herbe tendre, ne semblait pas vouloir en profiter. Il avait retiré sa cape et sa robe d'étudiant à Poudlard, sans doute gêné par la chaleur de la fin de journée, et avait replié ses genoux contre lui, les enserrant entre ses deux mains jointes.
Il était là depuis un bon moment déjà. Peu à peu la chaleur inhabituelle de cette douce journée de printemps avait fait place à la fraîcheur de la nuit, mais il ne semblait pas y prendre garde. Il ne bougeait pas, les yeux dans le vague, tout entier plongé dans sa méditation.
Bientôt un mois qu'il passait là toutes ses soirées, solitaire, les sens aux aguets malgré tout, prêt à fuir s'il avait perçu le moindre mouvement en direction de son refuge.
Pourtant il était à peu près sûr de ne pas être dérangé, le couvre feu était dépassé depuis longtemps et bien peu d'étudiants osaient braver l'interdit.
Rémus eut un sourire amer en pensant qu'il n'y avait guère que les maraudeurs pour le faire.
Mais les maraudeurs n'existaient plus. Il baissa la tête tristement à cette pensée « encore une chose dont je suis responsable » Il soupira et s'efforça de penser à autre chose.
Il ne venait pas là pour admirer le paysage. Non, toute cette splendeur froide ne le touchait pas. Il était fasciné par le spectacle mais ne pouvait pas apprécier la beauté de la lune. Il ne pourrait jamais. La lune n'était pour lui qu'un tyran insatiable qui, tous les mois, lui réclamait son tribut de douleur.
Il leva légèrement les yeux et la grosseur de l'astre lui rappela douloureusement que la nuit prochaine, il devrait subir une nouvelle transformation. La lune exigerait de nouveau que son corps martyrisé, libère pendant toute une nuit cette bête hideuse et monstrueuse tapie tout au fond de lui.
La pensée que cette fois il serait seul dans sa cabane pendant cette épreuve, lui fut tout à coup insupportable et il fut tenté l'espace d'un instant, de renoncer à son isolement volontaire pour demander à James et à Peter de l'accompagner une fois encore pendant cette nuit de cauchemar.
Mais son instant de faiblesse fut de courte durée. Il se morigéna. Il avait pris la résolution de ne plus faire courir dorénavant aucun risque à qui que ce soit et encore moins à ses amis. Et aussi dure que soit sa décision, il s'y tiendrait. Après tout, pendant des années il s'était débrouillé tout seul, il pourrait très bien recommencer. Ce serait son lot désormais, il fallait bien qu'il commence à s'y habituer.
Il rejeta la tête en arrière et respira profondément plusieurs fois pour essayer de dissiper un peu l'étau qui enserrait sa poitrine et menaçait de l'étouffer.
Ses amis lui manquaient cruellement.
C'était à l'infirmerie, après son réveil et les explications de Dumbledore qu'il avait pris la décision de quitter leur chambrée.
Comment aurait-il pu affronter le regard de ses amis après ce qui s'était passé ? Lui qui avait failli tuer cette nuit là. Il aurait pu tuer Snape ou James ! Les tuer ou pire encore, les marquer à vie et les condamner ainsi à une vie aussi misérable et vaine que celle qui lui était destinée. Cette pensée le terrifiait.
Il avait voulu se persuader après six années partagées à leur contact qu'il pourrait vivre comme eux, qu'il suffirait de prendre quelques précautions et qu'il pourrait lui aussi avoir une vie normale. Il avait presque oublié le danger potentiel qu'il représentait pour les autres.
Mais il avait suffi d'une nuit de pleine lune pas tout à fait ordinaire pour lui rappeler brutalement qu'il ne serait jamais un garçon comme les autres.
Désormais revenir partager leur sommeil, leur vie quotidienne, faire comme si rien ne s'était passé était au dessus de ses forces.
Il avait passé la nuit à l'infirmerie à envisager toutes les solutions et la première qui lui était venue à l'esprit avait été de quitter Poudlard.
Il devait partir s'il ne voulait pas de nouveau mettre en danger qui que ce soit
Mais aussitôt il s'était posé la question de savoir où il irait ? Ses parents n'avaient été que trop contents de le savoir en pension à l'école des sorciers. Ils étaient ainsi débarrassés une bonne partie de l'année des contraintes et des frayeurs qui accompagnaient son état. Il se voyait mal revenir à leur charge ainsi avant même d'avoir terminé sa scolarité. Il fallait regarder les choses en face : il n'avait que seize ans et aucun diplôme en poche. Il ne pourrait pas travailler avant sa majorité. Et quel patron accepterait de l'embaucher sans aucune qualification, sans même parler de son état de loup garou clairement affiché sur tous ses papiers d'identité !
Il n'avait aucun endroit où aller et n'avait pour l'instant aucun moyen d'être autonome financièrement.
Il avait en conséquence renoncé à l'idée de quitter Poudlard, du moins jusqu'à ce qu'il trouve une solution d'hébergement.
En contrepartie il avait décidé de prendre de la distance avec les maraudeurs.
Ainsi depuis un mois faisait-il tout son possible pour les éviter. En classe, il s'arrangeait pour arriver à la dernière minute et pour s'installer à côté d'un élève d'une autre maison qui ne lui poserait pas de questions. Il s'éclipsait rapidement à la fin du cours sans laisser le temps aux autres de pouvoir l'aborder. Il avait résolu la question des repas en les prenant directement dans les cuisines où les elfes de maison, aux petits soins, lui servaient à manger sur un coin de table. De toutes façons, il n'avait guère d'appétit et il lui arrivait bien souvent de se passer de nourriture.
Il n'avait évidemment pas remis les pieds dans les parties communes réservées aux Griffondors. Il évitait même le plus possible de se rendre à la bibliothèque sachant que les autres risquaient de l'y chercher. Le reste du temps, il le passait en grande partie à l'extérieur du château et ne rentrait qu'à la nuit tombée, rasant les murs en évitant Rusard, pour aller s'affaler sur le lit de la petite pièce sombre et poussiéreuse qui lui servait de chambre.
Il s'était brusquement rappelé ce réduit qu'il avait déniché au hasard de ses pérégrinations de maraudeur et qu'il pourrait facilement aménager en chambre. C'était une petite pièce sans aucun intérêt a priori, et il n'avait donc jamais parlé aux autres de sa découverte. Il pouvait ainsi être assuré de sa propre tranquillité. Heureusement pour lui, la « carte des maraudeurs »,leur dernier projet en cours, n'était pas encore achevée et il savait que les autres ne pourraient pas le localiser grâce à elle.
Ses yeux se fermèrent et sa tête dodelina sur sa poitrine. Il était las, tellement las. Pourtant il savait très bien qu'une fois allongé dans son lit, il ne pourrait pas fermer l'oeil de la nuit. Il avait l'impression de passer des heures à chercher le sommeil et à se retourner interminablement en ressassant encore et encore sa détresse et son chagrin.
La détresse de se sentir seul, le chagrin d'une amitié trahie.
« Non, ne pas y penser, ne pas y penser ... »
Mais c'était plus fort que lui, la pensée de Sirius et de sa trahison ne cessait de le hanter.
« Pourquoi Sirius ? Pourquoi t'as fait ça ?... »
Il ferma les yeux et à nouveau se força à respirer profondément pour essayer de chasser la panique qu'il sentait grandir au fond de lui.
Mais pourquoi avait-il fallu qu'ils s'accrochent à lui au point de devenir amis ? finalement il souffrait moins quand il ne savait pas ce que c'était que l'amitié. Avant Poudlard il n'avait jamais eu le moindre ami et n'avait même jamais osé espérer en avoir.
Il s'était pourtant bien défendu pendant la première année, se fermant à leurs multiples tentatives pour l'inclure dans leur petit groupe. Il avait fallu toute l'obstination attentive et amicale de James, la gentillesse de Peter et le charisme envoûtant de Sirius pour qu'il accepte de s'ouvrir peu à peu à eux .
Malgré sa peine, Rémus sourit en y repensant. Non finalement, il ne pouvait pas regretter. Il ne pourrait jamais regretter cette courte période de sa vie. Grâce à ses amis, il avait vécu à Poudlard les plus beaux jours de sa jeune existence. Surtout après que ceux-ci aient appris et accepté sa lycanthropie. Il était alors passé d'un extrême à l'autre, du repli solitaire sur soi à un attachement farouche pour sa bande d'amis. Ils étaient devenus sa famille, sa meute comme disait Sir ...
Rémus fronça les sourcils en grondant ... Non, il valait mieux oublier ce qu'il disait celui là.
Il se força à reprendre le fil interrompu de sa pensée et les images heureuses se succédèrent.
Il savait ce qu'il leur devait, tout ce qu'ils avaient fait pour lui et il ne pourrait jamais les oublier. Il sourit en pensant à leur attitude protectrice envers lui. Depuis qu'ils avaient découvert sa maladie, ils se croyaient investis du devoir de l'entourer et de le protéger vis à vis de leur entourage. Pourtant, malgré sa fragilité apparente et son air maladif parfois, il était certainement celui d'entre eux qui avait la plus grande résistance. Il n'aurait jamais pu survivre à la destruction et à la reconstruction de son être chaque mois sans une résistance exceptionnelle. Mais aucun d'entre eux ne s'était certainement jamais fait cette réflexion alors il les laissait faire, amusé et ému de leur gentillesse et de leurs attentions à son égard.
Il les aimait tellement, chacun à sa manière.
Peter était le plus effacé mais c'était quelqu'un de gentil et d'amical pour qui il éprouvait une réelle affection et un sentiment protecteur. Il était le plus faible de la bande, le moins attirant physiquement (à en juger par le nombre restreint de ses groupies) et le plus limité intellectuellement.
Rémus savait qu'il souffrait d'un complexe d'infériorité vis à vis des autres, aussi faisait-il tout son possible pour l'aider et le réconforter afin qu'il ne se sente pas à la traîne. Il lui arrivait même de le protéger vis à vis des deux autres maraudeurs, qui se montraient quelquefois sans pitié dans leurs quolibets envers leur camarade . Mais cette attitude déplaisait fortement à Rémus et un simple froncement de sourcils de sa part les arrêtait généralement avant qu'ils n'aillent trop loin.
Bien qu'ils soient du même âge et que, pour sa part, il estimait avoir une certaine maturité, Rémus considérait James un peu comme un grand frère, un aîné qu'il admirait et aimait tendrement. Sous ses dehors de gamin farceur, c'était quelqu'un sur qui on pouvait compter, il avait la tête sur les épaules et peu de choses le déstabilisaient complètement. Il était la droiture, l'intelligence et le courage personnifiés. Et même s'il était souvent l'instigateur de leurs plus célèbres farces, il savait généralement s'arrêter à temps sans dépasser les limites du raisonnable.
D'ailleurs James avait encore une fois prouvé son sang froid et son courage en cette fameuse nuit de pleine lune. Rémus frissonna de terreur rétrospective ! Sans lui il serait sans nul doute devenu un assassin. A cette pensée Rémus sentit un goût métallique de sang au fond de sa gorge et eut un petit sourire sans joie. Le fait qu'il aurait sans doute été exécuté par la suite était somme toute accessoire. Il n'était qu'une bête après tout.
Rémus réprima un hoquet de désespoir. Il n'en pouvait plus de tout ce chagrin au fond de lui. James lui manquait tellement. Il aurait su le réconforter s'il s'était laissé aller à les rejoindre Peter et lui.
Ils avaient essayé pourtant. Obstinément James et Peter s'étaient ingéniés à le poursuivre pour qu'ils aient une discussion, qu'il s'explique. Ils étaient d'ailleurs parvenus une fois à le coincer en manoeuvrant pour l'acculer dans un couloir étroit sans autre issue qu'une porte dont il ne connaissait pas le mot de passe . Il avait été encerclé par les deux autres et n'aurait pas pu leur échapper sans être violent et ça il ne le voulait à aucun prix. De guerre lasse, il s'était donc laissé approcher par ses deux amis, gardant les yeux baissés pour ne pas rencontrer leur regard. Pourtant, pendant une fraction de seconde, ses yeux avaient effleuré ceux de James. Il avait pu y lire tout le désarroi et l'incompréhension qu'éprouvait son ami devant son attitude.
« Moony, s'il te plaît parle nous ! Dis quelque chose. On ne veut pas te laisser comme ça. On sait que tu souffres.
« Et nous aussi on souffre de ne plus te voir tu sais. S'il te plaît ...
«Moony .. tu nous manques tellement. Et nous aussi on te manque j'en suis sûr ! Ça ne sert à rien de t'isoler comme ça. Tu as besoin de parler au contraire ... »
Rémus, les yeux obstinément fixés sur le sol, avait entendu le ton suppliant de leur voix et il avait failli se laisser fléchir. Il éprouvait un tel manque de chaleur et d'affection qu'il avait eu envie de se laisser entraîner par eux sans plus penser à rien. Oui après tout, peut-être qu'avec leur aide, il pourrait oublier, recommencer à espérer, à croire que lui aussi un jour il s'en sortirait, qu'il ne serait pas condamné à n'être qu'un loup solitaire toute sa vie. Parce que lui, Rémus, il n'était pas un solitaire, il avait besoin de l'entourage de sa meute pour vivre.
James avait senti l'hésitation chez lui et il avait repris d'un ton doux et patient comme s'il s'était adressé à un malade :
« Black a proposé de changer de dortoir, si tu ne veux plus le voir ça ne sera pas un prob ...
D'un mouvement rapide, et profitant de la baisse de leur garde, il s'était brusquement dégagé de leur emprise et s'était enfui à toutes jambes. Il était sûr de ne pas être rattrapé, à la course c'était lui le meilleur.
Il avait couru sans s'arrêter jusqu'à l'extrémité du lac, son refuge et s'était laissé glisser sur l'herbe tendre.
Son coeur battait à tout rompre et la douleur tapie au fond de son coeur, s'était réveillée, plus vive encore que d'habitude.
« Non James tu ne comprends pas » avait-il murmuré pour lui même. C'est justement ça que je ne veux pas. Vous séparer. Après tout c'est de ma faute tout ça. C'est la faute de la bête qui est en moi. Si je n'étais pas comme ça, jamais cet imbécile irresponsable de Sirius n'aurait agi de cette manière. Et je ne veux pas qu'à cause de moi, vous soyez séparés.
Il avait noté le 'Black' employé par James au lieu du 'Sirius' ou du 'Padfoot' habituels . Ils étaient donc encore en froid. Pas très étonnant à vrai dire, James ayant risqué sa vie lui aussi ce soir là.
Mais Rémus savait que ça ne durerait pas, James pardonnerait à Sirius un jour où l'autre. James et Sirius avaient toujours été comme les deux doigts de la main. Il suffisait de laisser passer un peu de temps et James oublierait le cauchemar qu'il avait vécu. Et puis un jour, dans quelques temps, James serait trop occupé par sa quête de la jolie Lily pour penser encore beaucoup à son ami loup garou. Il s'habituerait à son absence.
Rémus le savait et n'en voulait pas à James. Au contraire, il le souhaitait. Il ne pouvait pas en être autrement dans son esprit.
Pardonner ... les mots employés par Dumbledore le matin de la terrible nuit, lui revenaient en mémoire :
« il faut apprendre à pardonner mon garçon. Même si le tort qu'on t'a fait est immense, impardonnable à tes yeux. Il faut que tu trouves en toi les ressources pour pardonner. Tu ne pourras pas vivre sinon »
Il entendait encore la voix pleine de bonté et de chaleur du vieux professeur malgré les brumes de l'anéantissement dans lequel il se trouvait ce matin là. Mais c'était à peu près tout ce qu'il avait retenu du long moment que celui-ci avait passé avec lui dans le but de le réconforter.
Mais lui, tout au fond de son coeur, il savait qu'il ne pourrait pas pardonner. Sirius avait détruit trop de choses ce soir là par sa criminelle inconscience.
Rémus eut un rire amer. Une plaisanterie. C'était une simple plaisanterie aux yeux de cet abruti. Il s'était servi de lui, du calvaire qu'il subissait chaque mois, seul dans sa cabane, pour ce qui lui avait sans doute paru être la plus formidable plaisanterie de sa carrière de maraudeur. Alors qu'il connaissait sa hantise de blesser quelqu'un, voire pire, il avait indiqué à Severus le moyen de parvenir jusqu'à lui, au risque de le faire tuer.
Au risque que lui, Remus devienne un assassin et ne soit tué à son tour !
Il sentait la colère enfler en lui à présent sans qu'il puisse la maîtriser. Il serra les poings jusqu'à sentir ses ongles pénétrer dans la chair de ses paumes et se leva pour marcher vers le lac et pour tenter de se calmer.
Pardonner à Sirius ? Mais comment le pourrait-il de toutes façons ? Pour pardonner, il fallait déjà que l'autre reconnaisse sa faute et réclame un minimum de pardon !
Or il n'avait pas revu Sirius. Il s'était attendu à ce qu'il vienne le voir à l'infirmerie à tout le moins pour s'expliquer à défaut d'autre chose. Pendant deux jours, il avait attendu sa visite et s'était préparé à le le renvoyer sans un mot ni un regard.
Mais Sirius n'était pas venu. Il n'était tout simplement pas venu.
Il n'avait pas posé de questions à James pendant ses visites et James n'avait rien dit sur Sirius. Il ne voulait sans doute pas heurter Rémus par l'évocation du traître.
Sirius !
C'était lui qui avait fait les premiers pas vers le jeune garçon farouche qu'était Rémus pendant leur première année à Poudlard. C'était son rire franc et ouvert qui l'avait attiré. Il n'avait pas pu résister à sa façon de passer un bras autour de ses épaules pour l'amener gentiment dans leur cercle. Et petit à petit il s'était laissé apprivoiser par ceux qui s'appelleraient plus tard les maraudeurs.
C'était Sirius aussi qui avait eu l'idée qu'ils deviennent des animagus pour lui tenir compagnie et qu'il ne soit plus seul pendant ses transformations. C'était celui qui était le plus proche du loup lorsqu'ils prenaient leur forme animale pour l'accompagner pendant les nuits de pleine lune. Le chien était vite devenu le compagnon préféré du loup.
Aux yeux de toute l'école il était le beau, le brillant, le charmant, l'orgueilleux Sirius Black.
Et pour ses amis proches, il était aussi Padfoot le chien, le fidèle compagnon de jeux du loup garou.
C'était tout cela la fois Sirius , un mélange de nonchalance, d'élégance, de charme et de générosité.
Et c'était aussi un enfoiré de première.
Pas une fois, Black n'avait tenté de l'approcher depuis sa mise à l'écart volontaire pensa amèrement Rémus. Parfois, quand il se trouvait placé devant lui en cours, il sentait peser son regard sur sa nuque, lui causant une horrible sensation de malaise. Mais jamais Rémus ne s'était retourné pour le regarder dans les yeux. Il ne voulait rien quémander.
A présent, le jeune loup garoup en venait à se demander si depuis le début, Sirius n'avait pas joué la comédie de l'amitié, s'il ne le méprisait pas dans le fond de son être, laissant à présent apparaître sa véritable pensée.
Comment expliquer son attitude sinon ? Comment expliquer autrement son désintérêt voire son mépris pour lui ?
A présent le désespoir le disputait à nouveau à la colère et il sentit ses yeux secs le brûler des larmes qu'il n'arrivait pas à verser.
Il s'était levé pour essayer de dissiper l'étau qui lui broyait la poitrine et il se trouvait à présent tout au bord de l'eau.
Il contempla la lune qui se noyait dans les eaux sombres et se demanda si sa destinée ne serait pas de l'y rejoindre. Oublier, ne plus penser, ne plus avoir à supporter ce calvaire tous les mois. Ne plus ressentir cette angoisse tous les matins au réveil, cette angoisse qui lui broyait la poitrine avant même que la mémoire ne lui revienne.
Sans même l'avoir décidé, les yeux fixés sur les reflets brillants de l'astre sur le lac, il avançait dans l'eau qui montait rapidement le long de son corps ; il ne sentait même pas le froid qui le pénétrait jusqu'aux os et qui l'engourdissait.
Bientôt il eût de l'eau jusqu'à la taille.
Il continua d'avancer. Tout ce qu'il voulait c'était noyer la bête qui était en lui et qu'il haïssait, la source de tous ses malheurs.
Noyer son chagrin infernal.
Noyer son corps et son âme.
Se noyer.
L'eau lui arrivait au menton à présent. Il s'arrêta et pendant un bref instant hésita. Puis sa décision prise, il ferma les yeux et s'enfonça dans l'eau glacée.
Rémus n'entendait plus rien à présent que son propre coeur qui battait dans ses tympans. Un néant glacé et bienfaisant avait fait place à la lumière argentée. Il ne se débattait pas contre l'eau qui le happait et l'engloutissait, qui le pénétrait par tous les pores de sa peau.
C'était ce qu'il avait désiré. Déjà il ne pensait plus à rien.
Il était bien. Enfin.