Chapitre 42
Sirius se laissa aller contre le mur derrière lui et glissa sur le sol. Ce n'était pas possible. Il avait fallu que Jorkins se rende subitement compte des faiblesses structurelles de sa prison juste avant l'évasion.
Maintenant, tout était fini. Il ne parviendrait jamais à rejoindre Regulus dehors à temps.
Regulus. Il avait pris des risques insensés pour le rejoindre et tenter de le faire évader. Et tout échouait à cause d'une malheureuse grille. La colère qui le saisit était aussi violente que sa déception, et il eut du mal à contenir le cri de rage et de frustration qui montait au fond de sa gorge.
Pattenrond miaula, depuis le pas de la porte, clairement interrogatif.
« Je suis coincé ici ! gronda Sirius dans sa direction. Je suis coincé à cause d'une fichue saloperie de grille, alors que mon frère m'attend là, dehors ! »
Le chat miaula une nouvelle fois, et comme Sirius ne réagissait pas, insista, balayant le sol de sa queue touffue.
« Je ne comprends rien de ce que tu racontes… » lui lança Sirius, hargneux.
Le chat sortit du local des douches, et revint pointer le bout du museau par l'embrasure.
C'était clairement une invite.
Aussi frustré que soit Sirius, il était intrigué par son comportement. Il reprit sa forme canine, celle qui lui permettait de comprendre et de se faire comprendre par Pattenrond.
« Tu cherches à
sortir d'ici ?
- Je ne peux pas, la grille est fermée.
-
Moi, je sais comment sortir.
- Toi ?!
- Comment tu penses que
j'entre ici ?! Les chiens ne réfléchissent vraiment
pas !
- Je ne suis pas un vrai chien ! »
Se faire chambrer par un chat ! Il ne manquait plus que ça !
Mais Pattenrond passait effectivement son temps à faire des allers et retours entre le quartier de Haute Sécurité et le reste de la prison. Il devait bien connaître une issue !
Pattenrond lui lança une œillade clairement sarcastique et fit demi-tour. Sirius lui emboîta le pas.
Ils revinrent dans le hall. Sans hésitation, le chat obliqua directement vers le sous-sol. Vers le repaire des Détraqueurs. Sirius s'arrêta net.
« Je
ne peux pas aller là !
- Il le faut. La sortie est par là,
il n'y en a pas d'autre. »
Sirius hésita. Mais Pattenrond ne l'attendait plus.
« Serais-tu moins courageux qu'un chat ! se morigéna-t-il. Les Détraqueurs t'ignoreront si tu ne fais pas attention à eux ! »
Il devait oublier son humanité. Totalement. Se fondre dans sa forme animagus.
Il descendit les marches. Le froid le transperçait, malgré sa fourrure. Il s'efforça d'enregistrer l'information avec détachement. Ne surtout pas penser à la cause de cette température anormalement basse. Il se concentra sur la silhouette de Pattenrond.
Un mouvement sur sa droite attira son attention. Mais alors qu'il tournait la tête pour voir le Détraqueur, Pattenrond se mit subitement à courir. Alors, sans plus réfléchir, Sirius l'imita.
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« Je ne vois pas au juste où vous voulez en venir, Inspecteur McPherson… » dit Jorkins, les yeux posés sur les trois dossiers devant lui.
Tout comme il avait du mal à saisir pourquoi l'Auror était venu jusque chez-lui à une heure aussi tardive. Il ne voyait certainement pas le caractère d'urgence de la chose…
« C'est pourtant limpide !
Cet homme – il désigna l'une des trois photographies –
est le frère de Sirius Black. Regulus Black. Un Mangemort
censément décédé. Que fait-il donc
à Azkaban ?
- Il a été arrêté
pour tentative de vol…
- Et vous ne voyez absolument rien
de suspect là-dedans ?! Qu'un homme recherché
par les Aurors pour ses activités de Mangemort se fasse
prendre de façon aussi stupide ?! Et que je sache, la famille
Black est fortunée, l'appât du gain me semble un
mobile bien léger ! »
Jorkins fronça les sourcils, passant d'un portrait à l'autre.
«
Et vous en concluez ?
- Que Regulus Black cherchait à
rejoindre son frère.
- Et… ?
- Je pense
qu'il va essayer de le faire évader. Avec la complicité
de son ami loup-garou… Et de cet autre homme, que nous
n'avons pas encore identifié. Le visiteur régulier de
Fox. J'ai convoqué vos gardiens, ils examinent actuellement
nos archives.
- A cette heure-ci ?! Enfin,
Inspecteur, tout cela ne peut-il attendre demain ?
-
J'ai la quasi certitude que quelque-chose se prépare…
répondit McPherson, tendu. Je le sens. Et tous les faits
corroborent mon impression. Savez-vous que la pleine lune est
pour demain soir ?
- Et alors ?
- Pourquoi Lupin
a-t-il enlevé le petit Potter, si près de
la pleine lune ?
- Son instinct prend le dessus… ? »
avança le directeur sans conviction.
Il ne savait plus exactement quoi penser. McPherson semblait si sûr de lui… Et il était vrai qu'il y avait des faits troublants. Il repensa à ce que lui avait dit Pills : l'attitude de Fox était bizarre. Le gardien le soupçonnait, lui-aussi, de préparer quelque chose de louche.
« Ils vont se retrouver, poursuivit l'inspecteur, avec dureté. Les frères Black, le loup-garou et ce Mangemort non identifié. Ils vont se retrouver autour du petit Harry… Avant demain soir. Il faut que j'aille à Azkaban ! Tout de suite ! Il faut empêcher le projet de ces hommes d'aboutir ! »
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Regulus avait enfin fini de combler le trou. Il ne lui restait plus, maintenant, qu'à préparer le terrain.
Sirius n'était toujours pas là. Mais Regulus refusait d'y penser. Il allait venir. Très bientôt. Ce n'était qu'une question de temps. Et lui-même devrait être prêt pour ce moment-là.
Il repéra les cinq tombes. Cinq Mangemorts enterrés dans le périmètre de l'endroit qu'il avait choisi. Cinq cadavres enterrés à même le sol. On ne s'embarrassait pas de cercueil, à Azkaban. Mais cela faisait plutôt son affaire.
Lors de son précédent passage dans le cimetière, il avait sondé les sépultures, pour confirmer ce qu'il pressentait déjà : les fosses n'étaient pas bien profondes. Le sol caillouteux de l'île ne permettait pas une inhumation correcte de tous ces morts. Zacharius se contentait de creuser un trou suffisamment profond pour que le corps ne soit pas tout de suite mis à nu par les intempéries. Guère plus d'un mètre.
Il s'agenouilla sur le sol qu'il lissa de ses mains, le débarrassant des cailloux qui l'encombraient. Il avait besoin de la surface la plus plane possible pour exécuter son dessin. Toute ligne divergente les exposerait, Sirius et lui, à des risques mortels.
De la pointe de son couteau, il entailla le sol, traçant une première esquisse de son pentacle.
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Severus recula prestement dans l'ombre du couloir. Trois hommes venaient de sortir d'un bureau, apparemment agités, et marchaient dans sa direction.
Lui qui avait pensé être seul, à cette heure, dans les couloirs du ministère !
« Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, monsieur le Directeur… dit l'un d'eux. Les Détraqueurs ne sont pas si dociles, pour nous laisser les refouler dans leur sous-sol sans protester, alors que l'île est à eux de droit ! »
Severus sursauta, reconnaissant subitement deux de ces hommes. Celui qui venait de parler était le gardien en chef d'Azkaban. Et il escortait Jorkins, le père de Bertha. Le troisième homme portait l'uniforme des Aurors.
Severus eut un très mauvais pressentiment.
« Les frères
Black vont tenter de s'évader ce soir. J'en ai la
conviction, intervint l'Auror. Aidez-moi à
contrecarrer leur projet, et vous ferez demain la une de la gazette,
Doherty. Par contre, s'ils s'échappent, je ne donne pas
cher de votre emploi…
- Je continue de penser que c'est
une mauvaise idée… » grommela Doherty.
Ils tournèrent l'angle du couloir et Severus devina qu'ils devaient se rendre à la cheminée des Aurors, la seule sur laquelle était branchée celle d'Azkaban.
Ce qui signifiait que les trois hommes seraient dans les locaux de la prison dans quelques minutes.
Il n'y avait pas un instant à perdre. Severus se mit à courir.
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Regulus avait enfin fini de tracer son cercle magique sur le sol. Il ressemblait assez à celui qu'il avait tatoué sur le corps, en infiniment plus petit, et il était assez satisfait du résultat. Il ne lui restait plus que quelques mesures de protection à appliquer.
Il se releva et jeta un regard circulaire autour de lui.
C'est alors qu'il la vit.
Une forme trapue et noire, plaquée sur le sol moins de deux mètres derrière lui. Ce n'était pas un Détraqueur, mais une bête.
Pris de frayeur, il recula, au moment où l'animal bondit sur lui. Il bascula sur le sol, écrasé par son poids, sans avoir pu faire un geste pour le repousser. Il sentait déjà son haleine chaude sur son visage et sa peur se mua brusquement en panique.
Deux yeux luisants le fixaient.
« Un chien ! pensa Regulus. C'est un chien ! »
Comme pour le confirmer, l'animal jappa, et une langue baveuse lui chatouilla le cou. A peine rassuré par sa découverte, Regulus tenta de le repousser, d'écarter ce museau aux crocs un peu trop pointus de son visage.
Et brusquement, le chien disparut. Stupéfait, Regulus sentit des bras solides l'enlacer et le serrer à l'étouffer, alors que Sirius éclatait de rire. Un rire qui tenait plus de l'aboiement et étrangement sonore, dans le cimetière désert.
« Sirius… murmura Regulus, abasourdi.
C'est vraiment toi… ?!
- Je t'ai fait peur, frérot
?!
- Le chien, c'était toi ?! »
Sirius s'écarta et s'assit sur le sol, un sourire sur les lèvres.
« Je suis animagus.
- Depuis
quand ?!
- J'avais quinze ans.
- Depuis tes
quinze ans ?! »
Regulus dévisagea son grand frère avec une stupeur nouvelle. Il le savait doué, et toujours prêt à se lancer dans toutes sortes d'expériences, du moment qu'elles constituaient un vrai défi et ne plongeaient pas dans la magie noire.
Mais devenir un animagus… !
«
Je ne l'ai jamais soupçonné, ajouta-t-il.
-
Personne ne savait, à part James, Lily, Remus… et Peter…
C'était notre secret.
- C'est de cette façon
que tu as réussi à quitter ta cellule ? En devenant un
chien ? »
Sirius hocha la tête, l'air brusquement beaucoup plus grave.
« J'ai eu quelques difficultés avec la grille d'évacuation… dit-il. Sans Pattenrond, je ne pense pas que j'aurais pu te rejoindre. »
Regulus remarqua alors que le chat était là également, qui furetait autour des tombes, le nez collé au sol.
« Le chat t'a aidé à sortir ?
-
Oui. Il est très malin, tu sais. Même si ses airs
supérieurs sont agaçants ! »
Un chat très malin. Regulus n'en doutait pas. Zacharius était du même avis. Que lui avait-il dit, déjà ? Brusquement, il se souvint des derniers mots du vieil homme. Quand tu quitteras Azkaban, emmène Pattenrond avec toi.
« Il
part avec nous, dit-il à Sirius.
- Partir…
Oui… Si tu veux bien m'expliquer comment nous allons nous y
prendre ! »
Regulus sentit son cœur battre un peu plus vite. C'était le moment de vérité, celui où il risquait de perdre le peu d'estime que Sirius avait encore pour lui.
Sirius regardait autour de lui avec une curiosité nouvelle, maintenant. Il avait beau garder le silence, Regulus l'entendait presque penser, tandis que ses yeux détaillaient le cercle qu'il avait tracé sur le sol.
«
Qu'est-ce que c'est, au juste ? demanda Sirius, avec une
tension certaine dans la voix.
- Notre porte de sortie.
-
Ce cercle nous sortira d'Azkaban… ? Qu'est-ce que tu as
traficoté, Regulus… ? »
Cela s'annonçait mal. Regulus savait qu'il devrait choisir ses mots avec beaucoup de circonspection.
« C'est la seule solution, pour
quitter l'île. Il faut qu'on parte d'ici tout de suite.
Sirius… Malefoy sait que je suis ici. Ce n'est qu'une question
de jour, avant qu'il obtienne l'autorisation de venir ici… Et
tu sais ce qu'il me fera ?
- Non. Non, Regulus, je n'en
sais fichtre rien ! Quelles garanties m'as-tu données
que tu avais bien renié Voldemort ? Et tu viens là,
dans ce cimetière, tracer des cercles magiques sur le sol…
J'aimerais comprendre ! Savoir dans quoi tu m'embarques ! Parce
que tout ça pue la magie noire à plein nez !
-
De la magie noire, oui. Comment peux-tu penser t'évader
d'un endroit pareil sans y avoir recours ?! Je te demande juste de
me laisser faire, Sirius ! Laisse-moi nous sortir de là
tous les deux. Nous discuterons d'éthique plus tard !
»
Sirius croisa les bras, sur la défensive.
«
Nous avons choisi chacun notre voie. La mienne est obscure, Sirius,
poursuivit Regulus, je le sais. Mais je sais aussi comment l'arpenter
sans danger.
- Tu sais que c'est un leurre, Regulus,
coupa Sirius. Cette voie-là n'est jamais sans
danger ! On ne maîtrise pas la magie noire. Elle s'impose et
domine.
- Je sais cela. Je prends le risque pour moi. Et
pour toi, si tu veux bien me suivre. Je te guiderai.
- Et
le prix à payer ?
- Je le paierai. Il y a des choses
qui en valent la peine, Sirius… »
Sirius hésitait encore, visiblement. Mais Regulus n'avait guère d'arguments à avancer. Sauf un.
« Les Mangemorts veulent s'en
prendre à Harry… dit-il. Il a besoin de toi.
-
Harry ? Il est avec Remus !
- C'est moi. Moi qui ai
demandé à Remus de le protéger. Sortons d'ici,
Sirius ! La guerre n'est pas finie, Harry n'a pas détruit
Voldemort. Et les Mangemorts le savent ! Et moi… Moi, je sais
pourquoi Voldemort n'a pas disparu à jamais. Il faut
que je sorte d'ici. Avant que Malefoy ne m'élimine.
»
Sans attendre la réponse de Sirius, il sortit le sachet de sel de sa poche, l'ouvrit, et en répandit sur le pourtour extérieur de son cercle. Il n'avait que trop tardé. Severus devait l'attendre de l'autre côté, et les risques, pour lui, étaient grands.
A condition qu'il soit effectivement à son poste et qu'il ne l'ait pas trahi…
Regulus sentit son front se mouiller de sueur. Sans Severus pour ouvrir le passage, il était perdu.
« D'accord, dit Sirius, le tirant de ses angoissantes réflexions. Je vais te suivre. Dis-moi ce que je dois faire. »
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McPherson déboula dans le bureau de Jorkins juste derrière Doherty. Celui-ci avait déjà allumé les lampes d'un coup de baguette et attendait, l'air visiblement peu réjoui d'être là.
« Ce n'est que
l'affaire de quelques minutes, lui dit Jorkins, qui quitta la
cheminée juste derrière McPherson. Juste le temps de
vérifier que Fox… Ou plutôt Regulus Black… soit bien
dans sa cellule…
- Finnigan Fox… ? demanda Doherty,
subitement tendu. C'est pour lui que nous sommes ici ?
-
Il s'agit en fait du frère de Sirius Black.
- Je
n'avais pas compris qu'on parlait de Fox…
- Nous
voulons juste vérifier qu'il est bien dans sa cellule et que
tout est sous contrôle, intervint McPherson.
- Mais
il n'est pas dans sa cellule ! s'exclama Doherty.
-
Pardon… ?! lâcha McPherson, sèchement.
- Que
voulez-vous dire, Doherty ? demanda Jorkins.
- Fox a
eu un malaise, au déjeuner… Miss Fudge a jugé
préférable qu'il passe la nuit à l'infirmerie…
»
Les trois hommes échangèrent un regard. McPherson était définitivement convaincu, maintenant. La coïncidence était vraiment trop énorme, pour le coup…
« A l'infirmerie, vite ! » ordonna-t-il.
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Campé au milieu du cercle, Pattenrond fermement serré contre sa poitrine, Sirius regardait Regulus avec une stupéfaction à laquelle se mêlait de plus en plus une peur sourde.
Ce n'était pas tant les mots étranges qui sortaient de sa bouche en psalmodie incompréhensible que la magie qu'il sentait crépiter autour de lui qui lui donnait la chair de poule. Le genre de sensation qu'il associait volontiers à la présence des Détraqueurs.
Ce n'était pas de la bonne magie. Et son instinct lui hurlait de fuir au plus vite.
Quoi qu'il arrive, ne sors jamais du cercle, avait dit Regulus. Et suis-moi. Ne me quitte jamais des yeux. Ignore ce qui se passe autour de toi, concentre-toi uniquement sur moi. Je ne veux pas te perdre.
Il allait suivre les directives de son frère. Il le fallait.
Regulus rejeta la tête en arrière, les yeux grand ouverts, mais curieusement vides. Des yeux aveugles. Son visage affichait une dureté qu'il ne lui avait jamais vue. Et qui ne lui plaisait pas du tout.
Alors qu'il se faisait cette réflexion, son regard fut attiré par un mouvement, dans les tombes. Quelque chose remuait dans les sépultures. Par en-dessous. Sirius sentit ses cheveux se dresser sur la tête, alors que les corps décomposés des Mangemorts décédés s'extirpaient péniblement de leur gangue de terre.
« Bon sang, Regulus… murmura-t-il. Qu'est-ce que tu as fait… ?! »
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McPherson ouvrit la porte de l'infirmerie à toute volée. Elle était vide. Tout comme la salle d'examens.
« Ce
n'est pas possible ! s'exclama Doherty, blême. Il était
là !
- Peut-être a-t-il
réintégré sa cellule malgré tout… ?
suggéra Jorkins.
- Il faut donner l'alerte
immédiatement ! coupa McPherson. Alertez tous les Détraqueurs
! Qu'ils les traquent, ils sont peut-être encore sur
l'île ! Dépêchez-vous ! Et il faut voir
si Sirius Black est toujours dans sa cellule !
»
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Sirius avait eu peur plus d'une fois, dans sa vie, même s'il s'obstinait à affirmer le contraire. Il pensait avoir atteint le summum alors qu'il se frayait un chemin entre les Détraqueurs pour rejoindre Pattenrond au bout de la salle du sous-sol, mais ce n'était rien à côté de la terreur qui s'emparait de lui maintenant.
Les cinq cadavres approchaient, inexorablement, les bras ballants et le regard vide, des lambeaux de chairs putréfiées pendant sur leurs os blancs, le visage mangé par la vermine.
« Ne bouge pas, lui dit Regulus, lui causant un nouveau choc. Ils vont juste se placer. Ce ne sera plus long, maintenant. »
Sa voix lui paraissait incroyablement lointaine. Et froide. Qu'était donc devenu Regulus ?
Cet homme n'était pas son frère.
Pattenrond laissa échapper un miaulement plaintif. Il était tout aussi sensible aux forces négatives qui tournoyaient autour d'eux. Des forces qui s'amplifiaient de seconde en seconde. Et brusquement, Sirius comprit pourquoi.
Des Détraqueurs venaient d'envahir le cimetière.
Brusquement, le clair de lune disparut, alors que des nuées de formes plus obscures que la nuit investissaient la place.
« Regulus… » murmura Sirius. Il tendit la main et agrippa le coude de son frère.
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« Ils sont dans le cimetière ! s'exclama Jorkins. La porte est ouverte ! Et les Détraqueurs se regroupent au-dessus ! »
McPherson leva la tête. Il y avait un impressionnant groupe de Détraqueurs qui survolait la cour intérieure. Il n'y avait pas de doute possible.
« Ils vont leur faire la peau… Tant mieux… décréta Doherty, d'une pâleur extrême. Laissons-les faire ! »
Sans doute était-ce la meilleure chose à faire. Mais McPherson avait encore tant de questions non résolues… La plus importante étant : où était retenu le petit Harry ?
Il brandit sa baguette devant lui et se rua dans le cimetière, sous les acclamations stupéfaites de ses deux compagnons. Invoquant son patronus, il se fraya un chemin à travers la foule toujours plus dense des Détraqueurs.
Il fallait qu'il atteigne les frères Black avant que l'irréparable ne se produise. Avant qu'ils ne soient plus en mesure de lui apporter les réponses dont il avait tant besoin.
Ce qu'il découvrit, au fond du cimetière, le cloua littéralement sur place.
Il n'y avait pas deux hommes, là, mais sept. Et il aurait pu jurer que cinq d'entre eux n'étaient pas vivants. Ce n'étaient pas possible qu'ils le soient, dans un état de décomposition aussi avancé.
Les deux autres, vraisemblablement les frères Black, se tenaient au milieu d'eux, auréolés d'une étrange lueur verte.
Alors qu'il essayait de comprendre de quoi il était le témoin, la lueur s'intensifia brusquement, et il dut fermer les yeux.
Lorsqu'il les rouvrit, les cinq cadavres gisaient sur le sol, inanimés. Et les deux frères avaient disparu.
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Le cimetière n'étaient plus là. Pas plus que les inferi qui les cernaient. Il n'y avait plus, autour d'eux, qu'une brume grisâtre, parcourut de silhouettes obscures. Seul Regulus, à ses côtés, semblait avoir une réelle consistance.
Regulus et Pattenrond, qu'il serrait contre lui à l'étouffer.
Mais le chat ne bronchait pas, aussi terrorisé que lui-même.
Il voulut parler, mais aucun son ne parvint à franchir ses lèvres. Alors, il accentua sa pression sur le bras de son frère. Pour se rassurer. Pour être sûr de ne pas le perdre.
Les ombres, autour d'eux, se rapprochaient, froides, agressives. Et elles murmuraient, sans discontinuer, des propos inintelligibles et pourtant menaçants.
Des morts. Ces choses-là étaient mortes.
Ou peut-être pas ?
Un étrange visage flotta un instant près de lui. Si près qu'il put distinguer des traits : un nez bien dessiné, une bouche fine. Vaguement familier. Il essaya une nouvelle fois de parler, en vain.
Regulus regardait le visage, lui-aussi. Mais il ne trahissait aucune peur. Uniquement une grande concentration.
Il y eut un souffle, une brise froide qui lui caressa la joue, et une lueur.
Lorsqu'il se força enfin à ouvrir les yeux, il constata qu'il était à genoux sur le sol, Pattenrond toujours serré contre lui.
« Eh bien ! Vous en avez mis du temps ! » remarqua une voix désagréable.
Il connaissait cette voix. Mais ce n'était pas possible.
Lentement, il leva les yeux.
C'était bien lui. Severus Rogue.
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Regulus s'affaissa sur le sol et vomit. Une bile amère qui ne le soulagea pas.
Mais il avait réussi. Sirius et lui étaient passés. La voix de Rogue confirmait que son plan avait fonctionné.
Rogue.
Brusquement, ses doutes le reprirent. Il leva la tête pour regarder autour de lui.
Sirius était à genoux, à ses côtés, absolument stupéfait. Et Rogue le regardait, avec un dédain appuyé. Ils étaient tous les trois au ministère. Mais il n'y avait pas de trace de Mangemorts.
« Rogue… murmura Regulus, se forçant à se lever. Tout a marché comme prévu… »
Il entendait encore les murmures, derrière l'arcade. Ils l'appelaient, le revendiquaient pour leur, maintenant qu'il s'était tenu de l'autre côté.
C'était tentant. Terriblement tentant.
« Où sommes-nous ?
demanda Sirius. Et qu'est-ce que tu fais là, Rogue
?
- Nous sommes au ministère. Tu viens de passer par
cette arche, là, derrière toi. Et je suis là
pour permettre à Regulus de sortir du pétrin où
il s'est fourré pour toi, Black !
- Nous ne
pouvons pas rester ici… murmura Regulus, tiré de son
attraction morbide par la voix de son frère. Tu as les
baguettes et les potions, Severus ? »
Il tendit la main. D'un geste nonchalant, Severus lui tendit une fiole et une baguette. Regulus s'empara de la baguette et la pointa aussitôt sur lui. Il espérait que Rogue ne remarquerait pas à quel point sa prise était incertaine. Il était épuisé.
« Que signifie… ? demanda Rogue,
stupéfait de le voir brandir la baguette dans sa direction.
-
Réponds juste à ça d'abord : comment Malefoy
est-il au courant pour moi ? Comment a-t-il
appris que j'étais à Azkaban ?! »
Rogue haussa les sourcils, mais son visage avait déjà retrouvé son impassibilité coutumière.
«
C'est Croupton Junior. Il t'a vu, à l'infirmerie.
-
Croupton junior ?
- Exact. Il a pris du polynectar pour se
faire passer pour sa mère et quitter l'île. Il t'a
reconnu. J'aimerais que tu cesses de me menacer, Regulus ! Je
répondrais à toutes tes questions, mais dehors ! Il
faut quitter le ministère et transplaner au plus vite. Je
crois que vous avez des Aurors aux trousses. »
Regulus hésita, mais abaissa sa baguette. Rogue avait raison. Ce n'était ni le lieu, ni le moment, pour des explications. Il prit la fiole de potion que Rogue lui tendait de nouveau.
«
Qu'est-ce que c'est ? demanda Sirius, suspicieux.
-
Pour changer ton apparence. Bois, Regulus. Tiens, voilà pour
toi, Black… »
Rogue tendit la potion à Sirius, mais la laissa échapper juste avant que celui-ci n'ait eu le temps de la saisir. Elle se brisa sur le sol.
« Oh… Dommage… fit Rogue d'une voix affectée. Nous allons devoir partir sans toi, Black… Tu n'aimerais pas que ton frère se fasse prendre par ta faute, hein ? Pars derrière nous et fais en sorte de ne pas te faire prendre ! »
Regulus n'aurait pas dû être aussi surpris. C'était typiquement le genre de mesquinerie dont était capable Rogue.
« Non, Sirius pars avec nous.
- Si nous
croisons quelqu'un dans les couloirs, nous sommes sûrs de
nous faire arrêter ! Tout le monde connaît le visage de
ce dingue !
- Là, j'en doute. Personne ne le
reconnaîtra. Pas vrai, Sirius ? »
Sans un mot, Sirius se métamorphosa.
Rogue se décomposa subitement.
« Plus d'objection ? Nous pouvons y aller, maintenant ? »
Les deux hommes, le chien et le chat quittèrent la salle de l'arcade. Regulus était à bout de force, à tel point qu'il ne distinguait même plus les murs autour de lui. Aussi, ce fut avec un réel soulagement qu'il accepta le bras que Rogue passa sous le sien.
Ils ne croisèrent personne.
Ils traversèrent le hall d'accueil. Bientôt, ils seraient à l'air libre, leur liberté retrouvée. Il ne leur resterait plus qu'à transplaner vers un abri.
Regulus comprit subitement les intentions de Rogue, une fraction de seconde avant qu'il ne soit trop tard. Il allait laisser Sirius derrière lui, et le chien n'aurait aucun moyen pour les retrouver. C'était hors de question. Dès qu'ils immergèrent à l'air libre, il se laissa tomber à genoux et encercla fermement le cou du chien de son bras.
Il ne laisserait pas Rogue les séparer.
Rogue grogna vaguement, mais ne protesta pas. Pattenrond sauta sur les genoux de Regulus qui le tint de son autre main. Et tous transplanèrent vers la liberté.
A suivre…
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Ah, mais non ! Ça ne peut pas finir comme ça ! Et Remus et Harry ? Et que fait l'ordre du Phénix ? Et McPherson, est-ce qu'il se rendra compte qu'il poursuit les mauvais méchants ? Et Pattenrond ? Et Dumbledore ? Et Malefoy, il a cru l'histoire de Rogue ?
Pour la réponse à toutes ces questions, il faudra attendre la saison 2, sur vos écrans dès septembre.
Maintenant, je voudrais vous remercier tous pour vos encouragements. Merci à tous ceux qui ont suivi cette histoire, et à tous ceux qui ont laissé des reviews également (il n'y a pas de meilleur encouragement !).
D'ailleurs, je vous demanderai de bien vouloir me dire ce que vous avez pensé de cette histoire, de me dire quels sont vos chapitres préférés et pourquoi, afin que je puisse travailler sur l'écriture de la suite. Pour ma part, il y a deux trucs que j'ai beaucoup aimé écrire : le chapitre sur l'empoisonnement de Regulus, qui était absolument trépidant à écrire, et plus curieusement, le moment où Regulus concocte sa potion, dans sa cellule, avec Mondingus.
Et vous ?
A bientôt, donc,
Colibri