Posté le : 4 Janvier 2012. Ciel, on ne lit toujours pas le blabla d'auteur !


Résumé détaillé : La lampe à gaz éclairait le relâchement gomorrhéen des survivants, tuant dans l'œuf les plaintes des morts. Les lambeaux grisâtres du deuil parcouraient les cimetières gouachés de noir, de gris et de blanc. Des couronnes en fleurs – glaïeuls en grelot couleur jaune doux-amer – ravivaient les mémoires. Le Gaslight, révolutionnaire et lumineux, remuait les cendres d'un passé douloureux – une plume de phénix rougeoyante et brûlante d'espoir et de renouveau. Cet endroit ressemblait à un chaudron : les murs suintant le beatnik, le sulfure des conversations acides, le bouillonnement d'idées, les élucubrations fumeuses de certains invités. Le Gaslight imposait des diktats, contaminant alors la santé irréductible de la misère. Une bulle d'esthétisme parmi les gravas.

Décidé à briser les tabous et les codes, Draco Malfoy forme une nouvelle élite sorcière autour de lui et s'en sert à des fins bien nébuleuses. De son côté, Harry tente d'échapper à ses nouvelles responsabilités incombées par la chute de Lord Voldemort. Après tout, ce n'est qu'un garçon normal ayant eut jusqu'ici une vie plutôt anormale.


Disclaimer : noun, A statement that denies something, especially responsability (Oxford dictionnary) - Rien ne m'appartient si ce n'est cette intrigue rocambolesque, beatnik sur les bords. Les personnages sont issus de l'imagination foisonnante de notre vénérée J.K. Rowling (s'agenouille et tire son épée). De plus, des clins d'œil seront fait par rapport au monde dans lequel nous vivons - c'est-à-dire musique, livres, lieux etc. Le théâtre de cette fanfiction est le Gaslight (non, je n'ai pas dit Baba O'Riley donc rangez les bannières) est une de mes inventions, au même titre que Baba O'Riley (oui, je l'ai dit !) [sic. le lieu et non pas la musique]. Je ne sais pas si des OC risquent d'intervenir en tant que personnage secondaire pour le moment. Nous verrons bien. En ce qui concerne la fanfiction, les différents chapitres sont inspirées de chapitres de la saga Harry Potter. Je les ai "détournés" à des fins personnelles. Je tenterai d'être rigoureuse dans les sources (historienne en devenir oblige).

Je tenais à remercier toute la bande qui m'ont aidé (plus ou moins et avec beaucoup de réticence) à améliorer mes chapitres : Mr Pleo, Dame Larousse, Don Rime, Von Conjugueur, Mlle Beschrell, Le Marquis Kronzec, Monte Crisco, ainsi que mon Macbook (s'incline devant la beauté et le design de l'objet et lui chante une ode à Jésus), mon casque audio, mon baladeur et les romans qui me sont tombés dessus - au-sens littéral - au cours de cette aventure.

Rating : L'auteur arrive, remettant ses Ray-Ban le long de son nez et en mâchant un chewing-gum de manière ostentatoire. Elle sort de la poche arrière de son jean une petite bombe pour graffiti puis taggue sur le mur immaculé la lettre M.

Rythme de parution : Je pense que cela tournera autour d'un chapitre tous les 10-15 jours, selon mes disponibilités universitaires, celles de la Bêta, mes envies, l'inclination du soleil, mon humeur et plein d'autres facteurs. Ne soyez pas trop impatients non plus. Mais vous avez le droit de me taper quand je trénaille trop. Si, je vous y autorise.

Mot de la Bêta-lectrice – Ayanena : En toute objectivité (ahem...) ce chapitre, c'est trop de la balle. Je m'aime d'avoir eu l'intelligence de me proposer pour bosser sur cette fic. Vous en revanche, pauvres vermisseaux, devez attendre pour lire ce petit bijou, dur. Pire, vous êtes trop mal sapés pour entrer au Gaslight mais vous pouvez toujours baiser les pieds de l'auteure, ça ne coûte pas plus cher ! Enjoy the ride !

Mot de l'Auteure - DaiDai, D. pour les intimes et intimes nous sommes : Ci-contre, vous entrerez, je l'espère, dans une ambiance assez particulière même si je reprends un thème traité déjà à l'infini : la fameuse thématique post-martiale. Donc cela se passe trois ans et demi - grosso merdo - après la Grande Guerre. Harry, Ron, Hermione et la clique ont vingt-et-un an. C'est donc jouissif (ai-je employé ce mot, par la barbe de Sainte-Rita ?) pour moi puisque j'ai quasiment carte blanche sur leur avenir en tant que jeunes sorciers... Quoi ? Que me montres-tu ? Il existerait donc un... un quoi ? un épilogue de la saga ? Oh, intéressant ! Montre-le moi pour voir... *prend le Tome 7 par la fin et le feuillette délicatement, puis sort un briquet et immole le précieux ouvrage par le feu afin d'en faire un autodafé*

Oui, je disais donc que j'avais carte blanche et on remercie notre très chère, vénérée, adorable, précieuse, lumineuse J.K. Rowling que de nous avoir laissé autant de pistes à peine effleurées pour construire nos fanfictions. Dans tous les cas, que vous aimiez ou non la fanfiction, votre avis m'intéresse, même si vous vous comportez comme la personne la plus ordurière au monde à mon encontre, je m'en fiche. Votre avis m'intéresse et je ne suis ni faite en coton, ni en plume, mais bien en nylon (extensible et sexy... oh oui, I feel so horny today). Bref, vous l'aurez compris, pas de censure ni d'auto-censure. J'accepte tous les commentaires du simple "J'aime" à la review fleuve. De la personne trop mijaurée à celle qui adore obtenir des réponses à ses questions... Pour les reviews anonymes, je vais créer un blog pour leur répondre convenablement (après tout, vous n'êtes pas des lecteurs de seconde zone). Mais il faut que vous sachiez - et cela ne vaut pas que pour moi - que même si on ne répond pas à vos commentaires, ou si on répond très - trop ? - tardivement, on les lit tous et ils sont justes so good. Donc merci de reviewer si vous le faites. Dans le cas contraire, on reste toujours amis, don't worry.

Je ne ferai pas de chantage à la review. Je ne retiendrai pas mes personnages en otage à cause d'un de mes caprices de fille gâtée. Si - aussi grand que vous êtes (comme on associe le phallus de Blaise Zabini à l'idée de grand) - vous trouvez des fautes (es possible, signor), des incohérences, des choses à ajouter ou des passages que vous auriez aimés voir plus aboutis, sautez sur votre grand destrier et dites-le moi pour que je puisse améliorer cela dans la mesure du possible. A présent que le statu-quo est fixé, j'espère que cette histoire vous plaira, que vous sentirez les efforts que j'y ai fait (à quoi bon s'assoir sur ses acquis et écrire la suite d'une de ses propres fanfictions ? *Quelqu'un se racle la gorge et murmure "Et ROCKRITIC II, c'est quoi ?"* Dans tous les cas... *air innocent* je vous souhaite une excellente lecture et je... Eh ! Ne partez pas si vite ! J'ai pas fini ! Je vous interdis de... Oh, et puis merde. Allez-y si ça vous pougne.

Dairy's Scribenpenne


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Notice du chapitre :

[*] « Gaslight » : Titre inspiré par Chroniques, de Bob Dylan. Il y commence sa carrière en tant que folk-singer et il y est repéré par un label. C'est le lieu qui marque le début de tout et sa description m'avait plus que charmée. Je lui fais juste un petit clin d'œil. Le Gaslight se situe à New York. J'ignore s'il existe encore, mais plusieurs chansons de Bob Dylan sont regroupées sous deux albums intitulés Live at Gaslight, 1962 et Gaslight Tapes.

[1] « Au-delà du voile » : Titre du chapitre 35, du Tome 5 de la saga, Harry Potter et l'Ordre du Phénix. Je l'ai utilisé pour marquer l'opposition totale entre deux univers - une sorte de dichotomie.

[2] Tohu-bohu : Chaos, désordre, atmosphère confuse.

[3] Mazurka : C'est une danse d'origine polonaise qui s'est déportée dans les salons bourgeois européens. Elle plaît parce qu'elle est avant tout rythmée. Les adeptes de jazz s'en sont servis pour établir quelques partitions.

[4] Honky-tonk : Il s'agit d'établissement, type bar-chantant où l'ambiance doit toujours être au beau fixe pour les clients, où on s'entend à peine parler.

[5] Gatsby : Clin d'œil pour mon merveilleux Francis Scott Fitzgerald, auteur de Gatsby le Magnifique – meilleur roman américain durant plusieurs décennies, et toujours considéré comme tel pour beaucoup. Gatsby est l'incarnation même du self-man-made de l'après-guerre.

Vinyle du chapitre, à écouter - si vous le souhaitez - pour vous mettre dans l'ambiance :

01. Gaslight – Duke Pearson. 02. I Got Pleny O'Nuttin – Ella Fitzgerald et Louis Armstrong. 03. Too Hurt To Dance – Duffy. 04. Body and Soul – Amy Winehouse et Tony Bennett. 05. Bayonne – Elysian Fields.

- Si au cours de la fanfiction, des pistes musicales vous viennent en tête, faites-moi en part lors d'un commentaire. Je l'écouterai avec plaisir - pour mon enrichissement personnel tout d'abord - et je la ferai probablement partagée ici, avec les lecteurs et voyageurs de passage. Idem pour les livres ou films que vous avez adorez : je prends TOUT.

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GASLIGHT [*]

Chapitre 1 : « Au-delà du voile » [1]


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« La lampe à gaz éclairait le relâchement gomorrhéen des survivants, tuant dans l'œuf les plaintes des morts. Les lambeaux grisâtres du deuil parcouraient les cimetières gouachés de noir, de gris et de blanc. Des couronnes en fleurs – glaïeuls en grelot couleur jaune doux-amer – ravivaient les mémoires. Le Gaslight, révolutionnaire et lumineux, remuait les cendres d'un passé douloureux – une plume de phénix rougeoyante et brûlante d'espoir et de renouveau. »

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Soudain, des notes de jazz s'élevèrent dans la vaste salle tandis que les invités tintaient leur coupe de champagne. Les sorciers arboraient des costumes teinte domino et les robes des sorcières constituaient une palette de taches pervenche ou indigo. Des rires se répandaient en échos, se mêlant au tohu-bohu [2] des conversations. L'orchestre, calquant le rythme des mélodies sur l'ambiance générale, était obligé de jouer un peu plus fort qu'à l'ordinaire tant la fête battait son plein.

Le crooner avait la voix cassée à force d'essayer de se faire entendre. Des serveurs en smoking déambulaient entre les petits groupes, soulevant des plateaux en argent qui scintillaient comme d'immenses mornilles. Les lumières démystifiaient les visages fardés, parcheminés, usés par la fatigue et l'alcool.

Le shaker ne cessait de secouer des cocktails. Une foule de gens enivrés par la passion des années folles, l'esprit ailleurs et les yeux brumeux, se pressaient au bar. Sur le marbre sombre du comptoir un verre de Whisky Pur Feu glissa et des doigts fins et pâles le saisit pour le porter jusqu'aux lèvres du propriétaire du Gaslight.

Ce dernier ne devait qu'avoir vingt-cinq ans, à peine. La rumeur rapportait qu'il en avait davantage, mais ses traits trahissaient sa jeunesse. Il écoutait distraitement la personne qui versait des potins au creux de son oreille depuis plusieurs minutes déjà. Agacé, le jeune homme clôt ses paupières avant de les rouvrir, happé par le tourbillon d'aquarelles, de figures, et de danse.

Le lustre illuminait des silhouettes énergiques de couples s'esclaffant sur du Charleston et du Mazurka [3]. Une femme, vêtue d'une robe échancrée en satin et manteau alpestres, dérapa sur une flaque ressemblant fort à du rhum et son partenaire la rattrapa de justesse.

Des éclats de rire s'échappèrent des gorges chauffées par le gin-fizz corsé, humiliant de plus belle la magicienne qui, par orgueil sans doute, s'enfuit de la piste de danse en de furieuses enjambées.

Le maître des lieux eut un sourire en coin, savoura son Whisky Pur Feu et en commanda un autre en levant un index impétueux.

La contrebasse s'agitait sous les doigts du musicien pendant que des nouveaux arrivants, attirés par la chaleur du manoir fastueux, se pressaient dans la vaste salle aux teintures bordeaux, servant autrefois de living-room.

Des chandeliers flottaient à plusieurs mètres au-dessus du sol, se balançant au rythme de la musique. Les gouttes de cire se dissipaient dans l'air et disparaissaient. Le deuxième verre du propriétaire arriva et, par étourderie, un des convives le saisit et disparu.

Cette erreur allait lui coûter de ne plus jamais être invité. Les autorisations d'entrée étaient triées sur le volet et, dans l'inconscient collectif, le Gaslight était certainement l'endroit où il fallait être vu en ces temps de reconstruction.

Les dirigeants des hautes sphères du Ministère adoraient raconter leur soirée au Gaslight entre deux réunions, se délectant de détails quant à la magnificence de l'endroit, la variété inimaginable de boissons, de mets et de plaisirs, ainsi que des baisers brûlants des femmes célibataires.

Si on voulait rapidement et efficacement se faire un nom dans ce nouveau monde, il fallait donc emprunter cette route sinueuse jusqu'en haut de la colline, décliner son identité, et voir apparaître ce somptueux manoir datant de la période baroque, puis, passer le portail immatériel en fer forgé, traverser le chemin en gravillon où s'ébrouaient des paons albinos, et – enfin – atteindre la gigantesque porte vernie.

Là, l'avenir s'offrait à vous.

Des curieux, qui espéraient un jour être choisis, pouvaient camper une grande partie de la soirée devant le domaine et tendre le cou pour apercevoir untel ou untel.

Cette nuit, le froid avait gelé la fougue des plus enhardis.

Il ne restait plus qu'une poignée de jeunes gens en rang serré, les yeux brillants d'admiration et de rêves. Il n'y avait pas de plus sublime demeure en Grande-Bretagne après la guerre que celle-ci.

Dehors, des couples couraient à travers les jardins suspendus au style babylonien, se fichant de ces flâneurs qui désiraient le plus ardemment être à leur place en cet instant précis. Ils cavalaient main dans la main, s'appelant par des surnoms aussi ridicules que sucrés et filaient dans un recoin sombre pour ne revenir que bien plus tard, lorsque le repas serait enfin servi.

Tout le monde semblait s'y amuser avec délice, oubliant comme par magie que quelques années plus tôt, cet endroit ressemblait à un tombeau où des sorcières et sorciers avaient connu la mort. Ils dansaient à l'endroit même où s'était tenu Voldemort.

Ils discutaient de politique, relations et tendances alors qu'ici, juste là, avait été lancé un Avada. Ils haussaient des épaules lorsqu'on leur faisait la remarque : les temps changent, et les gens avec. Le spectre du passé ne se faisait plus entendre dans cette cacophonie irréelle. Ils sautaient sur des ruines verglacées par l'hiver, en suivant la cadence de l'orchestre et en se voilant la face.

Le propriétaire du Gaslight ne se joignait jamais à eux, hermétique à leurs conversations et intérêts pour telle célébrité. La plupart du temps, il regardait le monde passer depuis le bar, et s'étonnait de voir nombre d'opposants devenir des adjuvants après quelques verres.

Des globes argentés, semblables à ceux que l'on trouvait autrefois dans la salle des Prophéties au Département des Mystères, glissaient au-dessus des têtes des invités, éclairant un sourire radieux, le murmure de quelques banalités de convenance ou encore le fracas d'un baiser humide s'échouant sur une joue.

Le propriétaire du Gaslight fendit la foule, se faufilant entre les sorcières et les sorciers d'excellente humeur.

Il parvint à s'extirper du living-room bondé après de grands efforts et parcourut le vaste corridor dallé. Des couples, à peine plus jeunes que lui, étaient cachés dans les alcôves en pierre blanche pour une ultime accolade avant que l'aube ne les sépare.

Il arriva à la hauteur des grands escaliers et remarqua qu'un dirigeant du Ministère – récemment nommé – montait les marches quatre à quatre, pourchassant une femme plutôt en chair qui riait aux éclats. Comme des bulles en cristal, son rire éclata contre les murs pour finir sa course dans le néant de l'oubli.

Le propriétaire du Gaslight s'attarda sur le seuil de son manoir, écoutant distraitement la partition de jazz-hot qui était jouée au loin. Les notes ne s'écoulaient pas une par une, mais bien en grappe – pressées au creux de la contrebasse et du violon. Finalement, la voix du crooner s'imposa entre les borborygmes des invités désormais complètement ivres.

Tout à coup, un bolivar blanc à bandeau noir traversa l'encadrement de la grande fenêtre de la bibliothèque, pour rouler sur le gazon légèrement humidifié par le brouillard, mettant la région sous cloche depuis des jours.

Le propriétaire du Gaslight descendit lentement les quelques marches et se pencha pour ramasser le chapeau. D'une main, il le plaça sur le sommet de son crâne tandis que de l'autre, il cherchait son Zippo.

Dans sa poche, il attrapa une cigarette qu'il alluma, la tête inclinée sur le côté. Un point orangé suivit l'embrasement du fin rouleau de tabac goudronné pendant que des tambours d'applaudissement réveillaient les oiseaux perchés sur les arbres du parc vaste de plusieurs hectares.

Un filament irisé rejoignit l'épais brouillard qui gardait secret, pour cette nuit, les moeurs scandaleusement à la mode du Gaslight. Le propriétaire ne finit pas sa cigarette et l'écrasa sur le talon de sa chaussure italienne en cuir noir.

Il jeta le mégot parmi les brins d'herbe, ne se souciant pas de ce que pourrait en faire les paons : il avait déjà d'autres choses en tête. Il renifla et s'avança lentement, ne voyant pas plus loin qu'à deux ou trois mètres à peine.

– Regardez ! s'écria une voix surexcitée au-delà du voile de brouillard. C'est lui !

Comme une fois par mois, le propriétaire du Gaslight venait choisir quelqu'un se présentant devant son portail pour le faire entrer dans cet haut-lieu de grâce, de faste et de prestige.

Malheureusement, ce soir-là, le choix n'était pas de taille. À peine fut-il à la hauteur du portail, le maître des lieux constata que les curieux étaient moins bien habillés et moins beaux que les fois précédentes – un mauvais cru, en somme.

Ses yeux gris sondèrent les expressions stupéfaites et émerveillées. Le visage de certains était carrément pressé entre les barreaux.

Lentement, il étudia chaque détail : les vêtements et la tenue du corps, la couleur des yeux, le soin des cheveux et de la dentition, les mains ou encore la taille – la Haute société sorcière avait horreur des personnes trop mince, d'apparence presque famélique, signe de grande pauvreté.

– Choisissez-moi, supplia presque une jeune femme au cou anormalement long. Je ferai tout ce que vous voudrez. Tout.

Malgré les suppliques en rafale atténuées par le chant des hautbois, le choix du propriétaire du Gaslight se porta sur une autre femme, plutôt en chair, aux joues rosies par le gel.

Elle portait un collier en fausses perles et sa main avait été un peu lourde sur le maquillage. Sa robe violette, et sa coiffure sculptée de minces branches fleuries de prunellier mettait en valeur le haut de son corps, plantureux. Elle serait peut-être banale à la lumière crue des lustres du Gaslight, mais dans l'éclat étrange du brouillard, elle avait ce petit truc en plus, qui donne envie de se retourner et d'en savoir davantage.

Alors, le propriétaire du manoir tendit sa main vers elle, dissipant en micros-cellules les barreaux du portail finement ouvragé. Radieuse, la jeune femme s'avança, et jeta un petit regard conquérant par-dessus son épaule.

– Je m'appelle Gloria.

– Je t'en prie, tais-toi.

Indifférente au ton condescendant, presque ordurier, du propriétaire, la jeune femme tira presque son bras pour rejoindre au plus vite l'intérieur. Frigorifiés, ils s'avancèrent entre les paons albinos, semblables à des ectoplasmes de toute beauté.

Alors qu'ils marchaient, Gloria rompit le silence :

– Moi aussi, j'étais à Poudlard pendant la guerre. À Pouffsouffle, quatrième année.

– Ma douce Gloria, dit-il d'un ton cinglant, ici, il faut comprendre que les gens n'ont pas envie d'entendre parler de la guerre, de Poudlard, ou encore de ta misérable petite vie. Les gens veulent oublier, boire, et danser. Donc si tu entres là-dedans, tu souris et tu te tais. Les hommes veulent du sexe et les femmes un peu d'attention. Maintenant, à toi de faire en sorte de passer pour une invitée exceptionnellement indispensable et reconnaissante envers l'opportunité que je t'offre. À partir de maintenant, tu me devras tout : ton mariage arrangé avec un type que tu détesteras mais qui sera plein aux as, tes trois enfants qui étudieront dans les écoles de sorcellerie les plus prestigieuses, et – surtout – ta position de Dame.

La jeune femme ne soufflait mot, seul un filament de buée s'échappait d'entre ses lèvres peintes de vermillon. Gloria ressemblait à une poupée en porcelaine à bout de souffle, dont les yeux imperturbables et emplis de psychoses, contemplaient le Destin arrivant pour jouer avec elle.

Ces yeux étaient collés à la cire de la Bonne Fortune, laissant miroiter un futur prometteur sans ombre ni coup d'éclat. Le propriétaire du Gaslight ôta son chapeau et le déposa sur le buste d'un de ses ancêtres qui décorait la rampe d'escalier.

– Je me tairais, donc.

Soumise à la pression et à l'appel ardent de l'ascension sociale, Gloria accepta tacitement de devenir ce que bon nombre de sorcières avant elle avaient combattu.

Elle suivit le propriétaire jusqu'à l'entrée. Un rideau de rayons de soleil réchauffait leurs dos tandis qu'ils passaient au-delà du voilage de bruine.

Le thermomètre bouillait : le Gaslight était une étuve.

Gloria se débarrassa avec empressement de son manteau bon-marché, ses yeux se régalant des détails architecturaux. Les murs suintaient le luxe insolent.

Le troisième dîner de la soirée venait d'être servi dans la grande salle de réception, alors qu'une diva à la voix sirupeuse chantait les classiques du répertoire jazzy.

Ne se préoccupant pas de la présence de Gloria, le propriétaire la laissa aux griffes de la bonne centaine d'invités et alla commander un gin-tonic.

Désemparée et happée par la foule, Gloria se fit une toute petite place et il ne la revit plus du restant de la soirée.

Il s'en foutait qu'elle réussisse ou non à s'intégrer. Sa présence ici était avant tout politique. Il fallait faire croire au commun des mortels, qu'un jour peut-être, avec une chance incroyable et de la force de caractère, ils parviendraient à se creuser un trou dans les plus hautes classes sociales.

Traditionnellement renfermée sur elle-même, Draco Malfoy – le propriétaire du Gaslight – avait ouvert les portes de l'aristocratie sorcière afin de lui donner une image moderne, fantasque, ensorcelante et accessible.

Finie l'époque où le portrait des familles de Sang Pur profondément ancrées dans la coutume ressemblait à celui d'un attroupement de décérébrés bestiaux, consanguins, violents, sanguinaires, abrutis par le vin et les femmes poilues, la conscience en apnée, à la culture inexistante, bourrés de préjugés raciaux et idéologiques, le cerveau confis de bêtises dues à l'ignorance des générations passées.

Draco avait pratiquement fait table-rase, soucieux de redorer le blason de lignées en haillons.

La coupure avait été radicale. Du jour au lendemain, il avait décidé, avec plusieurs de ses amis, de changer la face de leur monde, celui qui les avait si longtemps cantonné dans le rôle d'enfants de meurtriers.

Plusieurs maisons appartenant à des Sangs Purs – le domaine Parkinson, la villa Zabini et le château Nott – accueillaient, au moins une fois par semaine, des inconnus pour les divertir. La stratégie adoptée par Draco avait rapidement montré ses fruits :

Le regard qu'on leur portait avait changé. On les appréciait, presque. Tout du moins, on ne dépréciait point leur grande générosité. La poignée de sorciers habitués à être conviés n'hésitait même plus à réclamer davantage – avalant le maximum de nourriture, consommant le plus de chauffage et d'alcool.

Mais ça n'était pas un réel problème : les finances, Pansy, Théodore, Blaise et Draco s'en occupaient. Ils avaient des coffres pleins à Gringotts – banque des sorciers.

D'ailleurs, Théodore était là, affichant un sourire et une bonne humeur en vitrine, dissimulant en réalité un mal être profond. Une épée de Damoclès était au-dessus de sa tête. Bientôt, on révisera le procès de son père pour savoir si – oui ou non – il méritait le baiser du Détraqueur.

Une godiche quelconque était accrochée à son bras, telle une guenon à son baobab. Elle regardait Théodore comme si c'était lui qui décidait chaque jour du lever du soleil sur Terre.

Sauvé par le gong, le jeune homme se précipita pour entamer la conversation avec Draco, se débarrassant net de ses devoirs mondains.

– Pansy n'est pas venue ce soir, prononça-t-il après que la jeune femme se soit éloignée à contrecœur. Elle est sur un dossier brûlant.

Le propriétaire du Gaslight savoura plusieurs gorgées de gin-tonic, l'âpreté du liquide glissant sur sa langue.

– Avec qui couche-t-elle, cette fois-ci ?

– Tu ne devineras jamais.

– Mr Upkrig, directeur du Département de la Justice magique.

Théodore Nott dissimula un sourire en coin.

– Elle veut court-circuiter les informations avant le procès. Je lui ai promis que si mon père sortait, je l'aiderais à retrouver le territoire qu'on a confisqué à sa famille, après la guerre.

– Douée la gamine, résuma Draco. Elle me fait presque penser à ma mère, dans ses débuts. Si je n'étais pas si macho, je dirais qu'il n'y a pas plus égale à l'homme que la femme. Mais, bien sûr, je ne le dirai pas.

Sur ce, les deux jeunes aristocrates trinquèrent.

L'ambiance honky-tonk [4] pouvait, d'un moment à un autre, réveiller les morts. Les vibrations fugitives submergeaient le rez-de-chaussée tout entier alors que la diva et le crooner entamaient un entraînant duo.

Machinalement, Théodore claqua des doigts, semblant se détendre quelque peu. Les apercevant ensemble, un serveur préféra faire un large détour plutôt que de passer juste devant eux.

– Monsieur Malfoy ! s'écria un homme malingre s'approchant et s'extirpant d'un groupe d'hommes très importants dont leur nom de famille commençait par un T. Monsieur Malfoy ! Je suis Emmett Jones, reporter pour la Gazette du Sorcier. Pourriez-vous m'accorder une brève interview ?

– Permets-tu ? demanda sardoniquement le concerné à son ami d'enfance. Le jeune homme veut une interview… Allons dans le petit salon il y aura moins de bruit.

Euphorique, le reporter suivit l'hôte jusqu'à la pièce avoisinante, le thumpa-thumpa jazzy absorbé par les épais murs en pierre.

D'un coup de baguette magique, une source de lumière fila à travers le petit salon pour en allumer toutes les lampes. Le journaliste fit apparaître de nulle part une plume et un petit calepin alors que le jeune aristocrate s'asseyait sur le large fauteuil recouvert de velours bleu-nuit.

Le reporter entretint un interrogatoire qui perdura jusqu'à l'aube, sans pour autant poser une seule question dérangeante, de crainte de le mettre en colère et ainsi s'attirer ses mauvaises grâces…

En fait, il regardait Draco comme si Dieu était assis à sa place, au Gaslight – anciennement Manoir Malfoy.


Au-delà du voile brumeux couvrant une majeure partie du pays, la Gazette du Sorcier arriva au Terrier, situé dans le village de Loutry St Chaspoule. Ce matin-là, le soleil grimpait timidement dans le ciel.

Une pile d'assiettes d'au moins un mètre tenait en équilibre précaire dans l'évier de la cuisine, se lavant d'elle-même, tandis qu'une théière fascinait Pattenrond – un bâtard chat-Fléreur.

D'une nature particulièrement curieuse et intelligente, l'animal miaula légèrement lorsqu'un hibou, essoufflé par sa course, vint apparaître de l'autre côté de la vitre de la cuisine, apportant avec lui le journal. Le chant léger émit par le félin attira l'attention de Ronald Weasley qui enjamba le banc en bois de chêne pour ouvrir la fenêtre.

L'hibou s'engouffra à l'intérieur, se perchant sur le manteau de la cheminée afin de capturer un peu de chaleur avant son voyage retour. Le jeune sorcier versa un peu d'eau dans un récipient et donna du Miamhibou au strigidé.

Il déplia le périodique et se laissa tomber à sa place, devant son bol de lait tiède. Il mâchonna un toast, lisant avec dépit les résultats mitigés du dernier match des Canons de Chudley.

Pattenrond, se fichant superbement de l'autorité, vint se placer sur la table pour lécher tranquillement sa patte.

Alors que Ron tournait la page, Coqcigrue voleta dans tous les sens, furieux et boudeur qu'un autre ait pris sa place sur la cheminée. Impatient, il vint pincer le dos de la main de Ron, sans obtenir la moindre attention. Coqcigrue roucoula tristement tandis que Pattenrond émit un feulement inquiétant, fixant Ron de ses petits yeux porcins et calculateurs.

– Des nouvelles aujourd'hui ? demanda avec empressement Mr Weasley qui venait d'apparaître dans la pièce en utilisant la cheminée.

– Aucune, répondit son fils sans lever le nez du tableau des scores de Quidditch. À part un zouave qui a fait exploser le canapé de ses voisins Moldus, pas très loin d'ici. La brigade des Oubliators a dû intervenir – encore une fois.

Depuis la fin de la guerre, il n'était pas rare que les sorciers abusent de leurs pouvoirs magiques, à la barbe de la communauté sœur. Mr Weasley, nommé directeur du Bureau de Détection et de Confiscation des Faux Sortilèges et Objets de Protection sous le mandat de Rufus Scrimegeour, vit son activité professionnelle croître de manière considérable.

Au fond, Ron était presque sûr que ça l'arrangeait. Ça lui permettait d'oublier le silence endeuillant de la maison.

Cela faisait plusieurs années déjà qu'aucun bruit ne provenait de la chambre de Fred et George.

Mr Weasley, comme à son habitude, commença à parler de formulaires, d'administration et de sorciers véreux sans reprendre sa respiration tandis que la cuisine s'emplissait peu à peu.

Ginny, bien matinale ce jour-là, était partie arracher les mauvaises herbes du jardin et avait même créer de petites maisons pour les familles de gnomes qui le peuplaient. En réalité, elle ne dormait que trop peu. Elle passait le plus clair de son temps à nettoyer et ranger, compulsivement.

Ginny se laissa tomber, exténuée, sur le banc auprès de son frère et grignota une poignée de céréales.

En coup de vent, Mrs Weasley passa avec une pile de linge propre, sans saluer qui que ce soit, croisant Hermione dans les escaliers étroits. Cette dernière attachait ses cheveux en une longue natte sur le côté et murmura un bonjour peu enthousiaste. Ginny claqua un bref baiser sur sa joue et lui tendit le pichet de jus de citrouille.

– Que se passe-t-il aujourd'hui dans le monde ? interrogea-t-elle après avoir longuement baillé.

– Rien, répondit Ron en un grognement. Juste un canapé explosif et des Moldus qui devront avoir la mémoire modifiée.

– Rien ? répéta Hermione. Et ça alors ?

Elle arracha presque la Gazette du Sorcier de ses mains, brandissant alors une page où figurait en lettre capitale : « GASLIGHT : LE NOUVEAU PARADIS TERRESTRE ». Hermione étala la double-page sur la table et lut à haute voix :

– Hier soir encore se tenait une fête fabuleuse au fameux Gaslight, tenu par Draco Malfoy. Depuis deux années déjà, cet haut-lieu de loisir et de luxe réuni nombre de dirigeants politiques, de penseurs, d'économistes, de poètes, peintres et musiciens.

« Promu par le jeune propriétaire, Stuart MacFluffy – un ancien cordonnier devenu banquier – nous a ce matin fait partager sa reconnaissance éternelle envers Mr Malfoy : « Sans lui, nous a-t-il confié, je serai certainement encore en train de cirer des godasses et à les rafistoler en étant moi-même mal chaussé ! Le Gaslight m'a permis de me reconstruire plus rapidement que je ne l'aurais espéré. Tout le monde essaie, avec le peu qu'il a en main, de se sortir la tête de l'eau. Mais passer par le Manoir ne décuple pas uniquement les chances de réussite. Ça augmente aussi l'estime que les autres ont de nous, et donc, celle qu'on a envers nous-même. »

Mr Weasley écoutait distraitement, ses lunettes en écailles glissant le long de son nez. Le toast beurré de Ron, trempé il y a peu dans son bol de lait, s'égouttait à quelques centimètres au-dessus de la table.

– Mais, il dit n'importe quoi ! s'emporta-t-il.

– Qui dit n'importe quoi ?

Hermione se retourna tandis que Ginny et Ron levaient la tête. Harry, les cheveux encore trempés à la sortie de la salle de bain, s'assit aux côtés de son meilleur ami. Il ajusta son pull rouge grossièrement tricoté, rangea le collier qu'il avait autour du cou et tira vers lui la corbeille de toasts.

– Un type, répondit Ron, à propos de Malfoy. Il parle de lui comme si c'était… un bon gars. Je ne comprendrai sans doute jamais pourquoi les gens aiment autant les tyrans et ont tendance à oublier si rapidement une guerre.

– Personne n'a oublié. Ils veulent juste passer à autre chose, avec l'air du temps, rectifia son père.

Mr Weasley tira une chaise et s'assit parmi eux, intéressé par l'article. Hermione se racla brièvement la gorge et reprit :

– Admiratif, Stuart MacFluffy continue en ces termes : « C'est un homme d'une nature noble. Ça se sent lorsqu'il parle et à la manière dont il considère ses invités. J'ai entendu dire qu'il n'avait pas encore récupéré sa citoyenneté. Je veux dire, pourquoi priver un sorcier de ses droits naturels pour des activités ayant eut une portée minime dans un conflit à la propension incroyable…

– Quoi ! s'emporta Ginny en lâchant quelques cornflakes. Il a empoisonné Ron ! Il a voulu tuer Dumbledore. Il a fait entrer des Mangemorts à Poudlard. Il a mis votre vie en danger dans la Salle sur Demande. Et il a la Marque des Ténèbres ! Ce Stuart a de la fiente de hibou dans les yeux, ou quoi ?

– Vit-on seulement dans le même monde ? grommela son frère, d'humeur revêche. Continue, Hermione.

Je veux dire, pourquoi priver un sorcier de ses droits naturels pour des activités ayant une portée minime dans un conflit à la propension incroyable ? Il est clair que Mr Malfoy, au lieu de fuir avec sa fortune à l'étranger, comme beaucoup de personnes blanchies par le IIIème procès de Gladstuk, a voulu se racheter auprès de la société. Et pour ça, nous devrions y regarder à deux fois avant de le condamner. » Stuart MacFluffy n'est pas le seul à penser ainsi.

« Nombre de membres du Magenmagot seraient favorables pour une révision de ce cas original, souhaitant valoriser la démarche de Mr Malfoy et de ses confrères. Aux vues du dernier krach boursier, de la Prohibition et des balbutiements de l'économie de marché d'après-guerre, il est clair qu'une entreprise sociale est un cadeau divin. Le self-made-man à la Malfoy, tout le monde en rêve.

« Depuis plusieurs années, les mesures d'austérité contraignent la plupart des sorciers à manger sur le pouce, partir en vacances en bas de leur rue et acheter en gros dans l'épicerie la moins chère de la région. Le Gaslight prend la société en hold-up, pointant sur elle toutes ses failles et ses faiblesses. Beaucoup sont lassés de devoir attendre un monde utopique où l'on vivrait la main dans la main, et ils l'ont fait sentir en boycottant les dernières élections municipales.

« Le gouvernement de Kingsley Shacklebolt a ainsi perdu sa majorité au Magenmagot, ce qui, de toute évidence, paralysera sa capacité d'action pour les mois à venir. Au contraire, depuis plusieurs semaines, des murmures latents demanderaient à nommer Draco Malfoy à la tête du Département de Reconstruction – créé depuis 1999. « Il nous faut un homme neuf », a déclaré Anita Bones – sœur jumelle de notre regrettée Amelia Bones, ancienne Directrice du Département de la Justice Magique. « Un homme qui ait vécu la guerre et peu importe si ce n'est pas du côté où nous l'attendions. Mr Malfoy incarne cette jeunesse qui tente difficilement de se relever et de s'expier de ses vieux démons. Il pourra, sans l'ombre d'un doute, mieux comprendre ce que les plus jeunes ont pu endurer. » Ces propos, recueillis peu avant la dernière soirée donnée au Gaslight, ne font pourtant pas l'unanimité au sein du Ministère.

« Une lutte interne entre dirigeants sabote les plans prévus pour le plus clair de la population. Ernest Baxter, sous-secrétaire durant l'année 1998 nous explique : « On ne parvient plus à s'entendre du coup, tout va au ralenti. Je ne pense pas que c'est la faute d'un seul homme, mais plutôt celle de notre mauvaise organisation. Honnêtement, je dois avouer que nous n'étions pas préparés à un tel plan de redressement de l'économie. » Submergés par les dossiers en tout genre, les bureaucrates et hommes politiques manquent cruellement d'efficacité.

« Depuis des années, ils concentrent leur force sur les procès pharamineux des anciens partisans de Vous-Savez-Qui, ce qui agace considérablement les sorciers : « Ils se soucient plus des morts que des vivants ! Et ils mettent plus d'argent à l'élargissement d'Azkaban que celui des hôpitaux ou de Poudlard. », s'emporte un homme, sortant apparemment du Ministère pour une affaire de chaudrons. Cette piqûre de rappel fait mal. Les strates inférieures du pouvoir s'impatientent face à l'air passif de l'État. De ce fait, des groupes de sorciers se rassemblent derrière les familles de Sang Pur aux figures emblématiques, telle que les Malfoy. « Tout ce que propose ce jeune homme, c'est ce que le peuple attend : Panem et Ludem – du pain et des jeux », scande une Langue de Plomb au service du Ministère, « Pas de quoi fouetter un chat »…

Dès lors, Pattenrond émet un miaulement presque agressif et va se réfugier sous les jambes de Harry, sa grosse queue orangée se balançant comme un pendule. Ses deux yeux verts-jaunes clignaient paresseusement tandis que Ginny le souleva de terre pour le placer sur ses genoux. Elle caressa distraitement son pelage touffue tandis qu'Hermione se raclait la gorge afin de reprendre sa relecture :

– « Cette oligarchie improbable semble être la solution propice afin d'instaurer un gouvernement alternatif, une sorte de diarchie avec laquelle devra compulser le nouveau Ministère. Epuisés par les recommandations diverses et variées, les sorciers se réfugient dans les valeurs traditionnelles, proche des théories sur la propreté du sang.

« Emmett Jones – reporter pour la Gazette du Sorcier – a obtenu une récente interview du jeune Malfoy, à la fois dandy et Gatsby [5] reconnu. Dans son très ancien et somptueux manoir, il a présenté son domaine en ces termes : « Le Gaslight, révolutionnaire et lumineux, remue les cendres d'un passé douloureux. C'est une plume de phénix rougeoyante et brûlante d'espoir et de renouveau. » Le Gaslight répand une onde de luxe insolent et dévastateur reflétant l'immense fortune dont jouit le jeune héritier.

« Plusieurs questions ont défilé jusqu'à l'aube, auxquelles a répondu volontiers Mr Malfoy – propriétaire du Gaslight : « Tout le monde vous attend au devant de la scène politique. Vous avez le portefeuille d'un politicien accompli. En avez-vous la carrure, selon vous ? » Pensif, Mr Malfoy a d'abord allumé une cigarette Zappato di Mare, regardé un point indistinct près de la fenêtre, s'est gratté le menton puis a finalement dit : « Le meilleur politicien serait un homme qui n'aurait pas choisi cette voie, mais y serait arrivé accidentellement, par la force des choses. Je sors grandi de cette expérience martiale, en tant qu'enfant-soldat, et je sais que le pouvoir peut vite corrompre les esprits, y compris les mieux intentionnés. »

« Il nous fournit plusieurs exemples historiques avant qu'on ne glisse vers la seconde question : « Pourquoi avoir créé le Gaslight ? Est-ce une sorte de rédemption ? » D'emblée, le propriétaire éclate de rire et dit : « Avec vous, les journalistes, il faut toujours une raison à tout. (Il hausse les épaules) J'avais juste envie de m'amuser et d'en faire profiter les autres »…

– C'est ça, grogna Ron en levant les yeux au ciel, comme s'il n'avait jamais eu aucune arrière-pensée. Malfoy est un saint : prosternons-nous. Bon, et si nous allions faire autre chose ? J'en ai assez de lire ce tissu de mensonge.

– Attends ! s'exclama Hermione. Ce n'est pas encore fini : il reste un paragraphe… Il parle de toi, Harry.

Ce dernier saisit la Gazette du Sorcier que lui tendait sa meilleure amie. Le bruit du froissement de papier journal aiguisa l'attention de Pattenrond qui fixait le Survivant d'un air mi-curieux, mi-interrogateur. Même Coqcigrue semblait s'être calmé. Harry balaya le dernier paragraphe du regard avant de le lire d'une voix intelligible :

– « Mr Malfoy et Emmett Jones discutent encore un moment de la politique du pays avant d'achever leur interview sur une dernière question : « Tout le monde sait que vous avez toujours eu des rapports houleux avec Mr Potter. Toutefois, beaucoup serait favorable pour que vous offriez un soutien financier et politique à ce dernier afin de lancer sa carrière. Cela serait une occasion formidable d'enterrer la hache de guerre et de construire ce monde nouveau qui définit le Gaslight, n'est-ce pas ? » Mr Malfoy, d'abord indécis, demande à ce que la question soit répétée avant de prononcer : « Harry n'a pas besoin de mon aide. C'est un grand garçon aussi increvable qu'un souaffle, buté comme un cognard et qui trouve les ennuis aussi rapidement qu'un vif d'or. »

– Harry ? répéta Ginny, incrédule. Il t'a appelé Harry ?

– Je crois bien, confirma Hermione en lisant l'article à l'envers depuis sa place.

– Malfoy doit être devenu fou, ou quelque chose du genre, résuma Ron.

Tout à coup, Harry relut le dernier paragraphe et éclata de rire, attirant les regards médusés de ses amis.

– Vous n'avez pas compris qu'il se fout de ma gueule ? Oh, le con… Mais quel con.

Harry rejeta le journal en riant encore légèrement. Mr Weasley en profita pour lire les pages liés à l'économie. Le portrait de Draco Malfoy – en noir et blanc – les observait avec un peu de hauteur, le regard perdu mais conservant toujours cette suffisance d'antan, les cheveux désordonnés et tombant sur ses paupières, les mains dans les poches de son pantalon gris.

Immobile, on aurait eut du mal à croire qu'il s'agissait d'une photo sorcière. Malfoy ne battait que très discrètement des paupières et fronçait parfois des sourcils, comme si quelque chose le dérangeait. Le portrait s'appuya contre le bord de son cadre avec nonchalance et balançait à des intervalles réguliers un galion d'or, s'amusant certainement à Pile ou Face.

Lorsque Mr Weasley finit de lire les nouvelles du jour, Ron se jeta presque sur la Gazette du Sorcier et le secoua, contre les protestations de Malfoy qui s'agrippait au bord, les cheveux en pétard.

- J'ai toujours rêvé de faire ça, dit-il avec un sourire innocent.

Ginny rit alors qu'on ne voyait plus que les doigts de l'image de Draco agripper le rebord d'une colonne afin de ne pas tomber dans le vide. Lorsqu'il réussi à se hisser à un endroit stable, Pattenrond sauta sur la table, renversant un bol de lait, et vint lécher la figure du portrait qui protesta en se protégeant le visage à l'aide de ses bras.

Hermione semblait pensive, presque ailleurs. Elle grignota distraitement quelques tranches de bacon en les trempant dans du ketchup. Ron s'amusait à continuer de torturer l'imitation de leur ennemi des années Poudlard jusqu'à ce que sa mère pose dessus des pommes de terre à éplucher pour le déjeuner.

– Au fait, Harry, tu viens avec moi demain matin ? demanda avec entrain Mr Weasley qui s'était brusquement tourné vers lui.

Harry promit à contrecœur à Mr Weasley de l'accompagner lors du prochain comité de Reconstruction au Ministère de la Magie. Cela faisait au moins deux semaines qu'il relançait le sujet, avec espoir. Il voulait certainement montrer qu'il avait l'appui du Survivant, ou quelque chose comme ça.

Depuis plusieurs années, Harry était devenu un simple outil politique. À la base, cela l'avait vivement révolté, mais au fil du temps, il s'y était fait. Il devait juste hocher de la tête, et sourire lorsqu'un photographe se postait devant lui. Rien de bien grandiose. Hermione avait été très en colère, aussi. Puis, voyant que cela pouvait aider le gouvernement Shacklebolt, elle n'avait émis que de vagues remontrances contre les dangers médiatiques.

– Aujourd'hui, on est le 30 Août – anniversaire du Code International du Secret Magique, rappela Hermione, sortant brusquement de sa rêverie. Je n'arrive pas à croire que la Gazette fasse l'impasse dessus, au profit d'un… d'un… crétin comme Malfoy !

– Ils n'ont pas fait l'impasse, rétorqua Ginny. Regarde cet encadré.

Elle récupéra la Gazette et désigna un petit rectangle, faisant à peine deux pouces sur un, sur la septième page. Éberluée, Hermione entrouvrit les lèvres pour dire quelque chose, puis se ravisa. Empathie ou simple curiosité dû au timing, Pattenrond feula d'impatience et alla griffer le parquet.

- Ron, viens m'aider à nettoyer le poulailler, lança Mrs Weasley en sortant par la porte de derrière.

Bougon, ce dernier finit d'un trait son bol de lait, enjamba le banc et disparut avec sa mère dans le jardin qui avait – depuis les récentes névroses de Ginny – pris un air beaucoup plus soigné. Mr Weasley se réfugia dans son garage pour disséquer l'ampoule que lui avait offert Harry pour son anniversaire, tandis que Hermione se rendit dans le salon afin de lire pour la énième fois l'Histoire de la Magie par Bathilda Tourdesac.

Seul, Harry finit sa dernière bouchée de toasts et se dirigea vers les étroits escaliers, Pattenrond sur les talons. Le chat avait pris pour habitude de l'accompagner dans ces cas-là. Pattenrond avait le talent formidable de pressentir les événements – aussi improbables soient-ils.

Harry monta dans la chambre de Ron, certain que ce dernier en aurait pour au moins une heure avant d'avoir complètement fini de nettoyer le poulailler sous l'œil aiguisé de sa mère.

Il ferma la porte derrière lui, Pattenrond se faufilant entre ses jambes afin de se trouver une place sur la pile de linge propre. Harry s'assit sur le lit de fortune qui devint avec les années le sien et sortit son collier hors de son pull.

C'était un cristal poli – semblable à la Pierre de Résurrection – que Mondingus lui avait donné après la guerre, pour se faire pardonner de l'avoir volé après la mort de Sirius.

Méfiant, Harry avait d'abord rejeté cette babiole au fond de sa malle sans même lui accorder un coup d'œil. Puis, un soir, alors que Ron s'amusait avec son Déluminateur, le cristal avait révélé un petit éclat étrange, presque suspect. Harry avait longtemps regardé ce collier sans oser le toucher. Après tout, Mondingus n'était pas un sorcier recommandable…

Lorsqu'ils se recroisèrent, à Londres, Mondingus lui expliqua que c'était un cristal trouvé dans un iceberg, par un sorcier voyageur. Il n'avait pas une noise et voulait offrir un cadeau à sa petite fille avant de rentrer chez lui. Il avait vendu cette pierre à Barjow and Burk sans une once de remord.

Mondingus l'avait eu pour des broutilles et elle n'était même pas dangereuse. Harry s'était renseigné. Il s'agissait d'une amulette – chacune ayant un pouvoir particulier. Pour le découvrir, il suffisait de frotter la pierre comme ce jour-là.

Harry s'installa plus confortablement sur son lit et frotta doucement le cristal froid qui se mit à chauffer instantanément. Une lumière clignota – telle la lueur tremblante d'une lampe à gaz, puis un doux halo se projeta à l'autre bout de la pièce, matérialisant la silhouette de Draco Malfoy.

Il portait un pantalon noir et un col roulé de la même couleur. Il remonta ses manches et vint s'assoit en face d'Harry, sur le lit de Ron, après avoir regardé l'endroit – hymne à l'amour aux Canons de Chudley - avec un curieux dégoût.

– Cet endroit est terriblement…

– Orange ? supposa Harry avec un léger sourire.

– Non, terriblement prévisible, contredit-il.