Chapitre 3 : Harry Potter
L'aube lui prit par surprise. Le garçon leva la tête, remarquant à peine l'encre qui séchait encore sur son visage et l'empreinte de sa joue sur le cahier ouvert. Son ébahissement étouffé prit la suite d'un demi-rêve : il était ainsi ramené plusieurs années plus tôt, dans un local sous un escalier qui avait alors été sa chambre, et tout les événements qui suivaient semblaient n'être qu'une suite longue et décousue de rêves et de cauchemars tristement entremêlés. Il paniqua. Comme il se levait trop tard pour faire le déjeuner, tante Petunia la gronderait, et il aurait certainement droit aux moqueries de Dudley sur son passage. Mais où avait-il mis ses lunettes ? Il amena inconsciemment sa main à son front, et grimaça alors que le poids de la réalité lui revenait entièrement.
Ce jour là, le 31 juillet de cette année, l'enfant malingre au premier étage du 4 Privet Drive connut le plaisir de recevoir plusieurs cadeaux de ses amis proches. Cela faisait treize jours que la cicatrice en forme d'éclair d'Harry Potter lui brûlait le front sans discontinuer, et près d'un mois et demi qu'il n'avait pas quitté sa chambre.
Les quelques premiers jours, il avait jeûné, encore que sans comprendre ni le vouloir, simplement parce que la faim semblait lui avoir disparu. Le retour de Poudlard le laissait dans un état quasi-somnambulique, déambulant lentement dans l'espace de sa chambre les yeux vides, sans buts dont il ne se rappellerait plus tard. Ce dont il se souvenait clairement se limitait à des éclairs fulgurants, des idées aussitôt retombées dans l'oublie, de longues réflexions qui ne débouchaient bien que sur du vide, de promesses importantes qu'il se faisait à lui-même et qu'il brisait dès le lendemain ; mais rien de précis, rien que les cernes de son visage qui se creusaient chaque matin.
Il dormait mal, quand il dormait, et quand il ne dormait pas et ne tournait pas en rond, il lisait les nouvelles de la Gazette.
« [...]trouvé par un moldu dans le bois de Ginswald, faisait l'article des fait-divers, lui-même attiré par la Marque, le corps a été crucifiés avant d'être brûlé vif à l'aide de sortilèges incendiaires courants. Selon le docteur Cornelius, chef de l'équipe de Médicomagie du ministère, « Il n'est pas impossible d'éliminer la piste d'une erreur de personne, le garçon ressemblant fortement aux photographies publiques d'Harry Potter. » Nous rappelons qu'Harry Potter va arriver à sa sixième année de scolarité à l'école de sorcellerie Poudlard, et [...] »
Il froissa le papier sans lire la suite. Bien sûr qu'Harry Potter ne pouvait plus se permettre de sortir. Que le jeune garçon ait mis plus d'un an pour s'en rendre compte n'était qu'un testament à sa stupidité crasse. C'était déplorable, et presque amusant, si l'on était du genre à aimer l'humour noir. Combien de Mangemorts avaient ris en le voyant déambuler dans les rues ? Combien de membres de l'ordre du Phoenix avaient risqué leur vie parce qu'il se baladait tranquillement sans conscience du danger ? S'il avait vraiment envis d'être pris, torturé et tué, il y avait bien des moyens de se rendre sans risquer la vie de ses amis, n'est-ce pas ? Il suffirait d'un hiboux, pas Hedwige, non, c'était trop dangereux, un hibou, n'importe lequel, il pouvait en acheter un, qu'il enverrait à la famille Malfoy, et demain, non, ce soir, ce serait fini, sans douleur, sans pleur, juste lui, retournant à l'ombre. Il n'y aurait plus jamais d'erreur de personnes, il s'en assurerait, et c'était tellement facile, tellement aisé, qu'il riait en y pensant.
Ces moments là, le regard du jeune homme n'avait plus aucune lueur. Et quelque chose apparaissait alors, une réflexion passagère de traits étirés, rendu haineux. Ce n'était encore qu'une graine, mais elle grandissait.
Sa tante la tira de son espèce de stupéfixion fiévreuse au déjeuner du cinquième jour, sans qu'il ne l'abandonna tout-à-fait. Des mots violents furent échangés, quoi que le jeune garçon ne s'en rappelait plus vraiment, quelque chose à propos de la nourriture et des repas, et peut-être de Dudley aussi, mais la dispute se détourna rapidement sur Lily Evan et sur le monde magique en général. Petunia en ressortit en larme, les cris de Vernon se firent entendre pendant des heures, et Harry ressentit une pointe de dégout pour lui-même lorsque sa tante laissa une maigre assiette à midi du lendemain devant sa porte. Au bout d'une semaine, il semblait bien que son oncle et sa tante faisaient de leur mieux pour nier son existence, ce dont l'adolescent leur en était reconnaissant.
Il prit ses anciens livres de ses bagages et commença à lire. Peut-être espérait-il ainsi trouver en lui le plaisir d'apprendre, ou plus probablement une occupation quelconque pour passer ses heures, mais la matière qui l'intéressait le plus se trouvait polluée dans son esprit. Il jeta le Théorie des stratégies de défenses magiques dans un coin sans même lui faire l'honneur de le regarder, plus violemment qu'il ne lui était strictement nécessaire. Ce n'est que plus tard qu'il s'aperçut que plusieurs des pages avaient été arrachées. Il ne s'en inquiéta guère. Sous un professeur compétent, il n'ouvrirait jamais plus ce livre.
Ses poings se fermèrent en faisant cette réflexion. Ses ongles creusèrent de profonds sillons dans la paume de ses mains ; il grinça des dents inconsciemment, sans réaliser la grimace qui assombrissait sur son visage.
Il ouvrait les livres de Poudlard, pour les refermer aussitôt qu'un souvenir qui s'y attachait revenait à la surface, trop dur, trop fort dans sa vérité salée et amère. Les visages de ses amis lui revenaient, dans leurs séances secrètes passées à batailler, fanfaron, sans comprendre la véritable nature des enjeux - jeux et rires, et leurs faces dans ce sous-sol, les écorchures qu'ils avaient eu pour le protéger, la débandade générale dans le noir, tout cela qui n'était qu'une longue suite ininterrompue d'images violentes étouffées de toute ses maigres forces. Cedric Diggory lui revenait. Harry Potter ne pouvait se défaire de l'idée qu'il aurait compris les enjeux, lui. Mais il était mort, le petit Cedric, mort sans un bruit, mort devant lui, et dans ses sombres souvenirs de cette sortie funèbre, il rejetait désespérément le visage d'un second mort.
Il lui arrivait de frissonner en produisant l'effort mental pour se détourner de ces souvenirs, non pas physiquement, mais comme une puissante tempête intérieure, comme si quelque chose pliait en lui, ou essayait de casser. Il se rejetait souvent dans son lit. Pas encore brisé, il le savait. Pas encore.
Sans autre chose à faire, il dormit beaucoup. La fièvre lui vint, quelque fois, intermittente, comme tout le reste. Il reçut le premier exemplaire du Boucaneur peu après, et aucun nom n'était écrit sur la carte qui l'accompagnait, encore que l'écriture rose, ronde et plaisante, quelque peu lunatique, laissait transparaître l'origine de l'abonnement gratuit. Il réfléchit pendant deux jours à sa lettre de remerciement, la refit six fois, et finalement l'oublia, comme l'envie vint et repartit. Hedwige, la chouette, était oubliée, et quand il y pensa, il la laissa partir et revenir à l'envie. La chouette postale n'aurait pas apprécié finir ses jours dans une prison. L'extérieur était dangereux, mais le danger était son choix.
Le Boucaneur était plein d'informations amusantes, quelque chose de l'émerveillement qu'il avait ressenti envers le monde des sorciers, il y a longtemps, et il lut et relut sa pile grossissante de magasine avec quelque chose qui ressembla vite à de l'avidité. Il y avait cette histoire de créature fantastique que personne n'avait vu, qui pouvait faire disparaître les chaussettes des paniers. Ce sorcier de Californie avait une théorie bien à lui pour expliquer la prédominance des chapeaux pointus dans la communauté des sorciers, quelque chose à propos de capter les ondes de la magie à travers le flux coniques des couvres-chefs. Il sourit sur le passage titré « Mascara vampirique et mangemorts : les liens entre les clans de la Mozarella et le seigneur des ténèbres dévoilés ! ». Quand il se rendit compte que le Boucaneur l'aidait un peu à passer ses journées, il se remit à penser à une lettre de remerciement, mais il était trop tard dans son esprit. Que dire à Luna ? Qu'il n'avait pu la remercier jusqu'à maintenant ? Mieux valait la laisser dans l'ombre que d'avouer avoir oublié. Il pourrait toujours le faire quand il se reprendrait, quand il sortirait d'ici. C'était une grande fille, après tout.
Il essaya de garder un emploi du temps précis, mais ne pouvait trouver de quoi le remplir. A quoi bon, de toute façon ? Il abandonna.
Quelque part dans cette journée infiniment étiré durant des semaines entières, étriqué entre quatre murs étouffant, il commença à rêver.
~~~O~~~
Il fallait qu'il trouve la Coupe de Feu. Il le fallait. Peurs et appréhensions, pertes et tristesses seraient résolue en la trouvant. Et cette pensée était réconfortante, d'une certaine manière - c'était la promesse d'une échappatoire, d'une fin rapide à sa douleur. Un cadeau. Un dû.
Il savait qu'elle était là, quelque part. Sa présence l'appelait, comme une étoile de lumière. Elle le guidait par des routes qu'il ne connaissait pas, toujours se cachant, toujours restant hors de sa portée, et les chemins se fermaient juste derrière lui. Les murs végétaux n'étaient pas aussi noir dans ses souvenirs, ce n'était pas de ronces qu'ils étaient formés, et le crépuscule n'avait pas été si long et si profond, mais il ne s'inquiétait pas. Après tout, n'avait-il pas été dit qu'il suffisait faire des petites étincelles avec sa baguette pour abandonner ? Tout ce qu'il avait à faire était de trouver la Coupe de Feu. Tout serait résolu.
Mais il n'avait pas sa baguette. Il ne se souvenait plus trop où il l'avait perdu, où s'il ne l'avait pas stupidement oublié pour cette épreuve. Il ne pensait pas qu'il était possible de faire une erreur pareille, mais hé, ce n'était pas la première fois qu'il aurait raté entièrement quelque chose. Cela l'embêtait bien, parce qu'il ne pouvait abandonner, et qu'il avait beau crier fort, personne ne l'entendait. C'était injuste. Fleur Delacours avait eu sa baguette, et Viktor Krum aussi, et... et Cedric Digory aussi, il l'avait eu à la main. Il était mort avec.
Le murmure d'un ricanement se fit entendre derrière lui.
Il courut, sans savoir ce qui le poursuivait. Les ronces arrachèrent des lambeaux à ses vêtements, meurtrirent ses mains, s'enfoncèrent dans sa chair. Il ne ralentit pas. Son poursuivant n'était qu'une ombre derrière-lui, à peine une respiration soufflante dans le désert. Il sentait sa faim, hargneuse, il sentait sa haine comme il sentirait les rayons d'un soleil noir sur sa peau nue, et elle le terrifiait, plus que les ronces le terrifiait, plus que l'idée de perdre l'étoile de la Coupe de Feu le terrifiait.
Il ne sut combien de temps il courut dans ce labyrinthe sans fin à l'extérieur du monde. À un moment, le jeune garçon crut voir des monstres courir avec lui, les ombres d'anciens souvenirs, peut-être, des anciens regrets. Un voile gris recouvrait leurs visages. Peut-être semblaient-ils crier, ou peut-être se moquaient-ils. Il leur hurla quelque choses qui pouvait être une imprécation, et qui n'était en fait que le cri apeuré d'un jeune homme essouflé. Et toujours, le poursuivant qui s'approchait.
Il ne sut combien de temps il avait couru dans ce labyrinthe sans fin quand le jeune garçon se laissa tomber par terre en poussant un gémissement apeuré. C'était fini. Il n'avait jamais eu sa chance. Il griffa désespérement les ronces du cul-de-sac, poussant des cris de douleurs quand les épines s'enfoncèrent profondément dans sa chaire. Du sang s'égoutta sur le sol. Il serra les dents, hoqueta d'un sanglot informulé, et continua. Il devait continuer. Il devait s'enfuir. C'était injuste. Il ne devait pas se trouver là. La créature approchait.
Il sentit plus qu'il n'entendit la créature serpentine arriver à sa hauteur. Elle était plus sombre que la nuit, plus haute qu'une montagne, découvrant des anneaux d'emeraudes au sein d'une brume argentée et deux yeux aussi froids que mortels. Elle eut un petit rire moqueur. Harry gémit ; il se recroquevilla sur lui-même, comme s'il pouvait faire disparaître l'apparition par la force de ses prières.
« - Ce fut une belle chasse. »
Harry reconnut la voix, et il se rappella. Ce n'était pas la première fois. D'autres chasses revenaient à la lisière de son esprit, d'autres tentatives d'échapper à son destin. La créature le rattrapait toujours, le dévorait, ne laissait de lui qu'un être d'ombre pâle, copie de lui-même. Il n'y avait à rien à faire : n'avait-il pas déjà perdu ? La coupe de feu avait été un piège. Le ministère avait été un piège. Jouant par deux fois. Perdant par deux fois.
Il sentit quelque chose mouiller ses joues, et il comprit que c'était des larmes d'impuissance. Voilà. C'était tout. Fin de la partie. Cette fois, il n'avait plus la force de combattre. Cette fois, comprit-il, la chasse serait une réussite.
Alors, comme il n'attendait plus que la fin, quelque chose butta contre sa main. Il le prit sans y penser, comme on se raccrocherait désespérement à une ancre un jour de tempête. Quelque chose vint avec cet objet ; une sensation sombre et désespérée.
« - Tu m'as donné bien des difficultés, Harry Potter. Va, sois-fier de toi, petit sorcier. Tu m'as échappé plus longtemps que quiconque. Mais il est temps, Harry. Le temps est venu pour toi d'en finir avec cette fuite. »
Quel était donc cette sensation ? Quel était cette chaleur dans sa main ?
« - ...rais, fit Harry dans un souffle. »
Quel était donc cette sensation ? Quel était cet objet dans sa main ?
« - Le gémissement de la proie ne saurait arrêter le chasseur, tu saisis ? Viens, abandonne. Ce sera rapide. Comme pour Sirius. Je te le promets. Il est mort par ta faute, tu le sais ? Tu étais son unique filleul, l'enfant qu'il aurait voulu avoir. Et combien d'autre le suivra ? HARRY POTTER, JE TE POSE LA QUESTION. COMBIEN DE MORTS INNOCENTES ? COMBIEN D'ÊTRES CHERIS ? COMBIEN POUR SATISFAIRE TA FIERTE STUPIDE ? SERAS-TU MÊME SATISFAIT QUAND TOUT TES AMIS SERONT TUES ? SERAS-TU MÊME SATISFAIT SI TU ES LE DERNIER SUR TERRE ? »
Le jeune garçon ne répondit pas. Tout son corps semblait s'être arrêté, pris dans une gangue de pierre
« - ...rais, murmura t-il à nouveau.
- Oui, mon garçon. Tu sais que cela ne peux finir que d'une seule façon. »
Cela réveilla quelque chose dans ses souvenirs. Quelque chose que Dumbledore lui avait dit, un soir d'une journée d'horreur. C'est alors qu'il comprit.
C'était si simple. Bien sûr. Évidemment. Avec le recul, il ne savait pas pourquoi cette sensation l'avait échappé aussi longtemps. Ce qu'il pouvait être stupide, quand il le voulait. Il pouvait voir d'ici Hermione le frapper sur sa tête en soupirant. « Harry, tu devrais faire plus attention. » Et Ron, toujours ce Ron, il n'aurait pas été loin, avec un sourire en coin devant le comportement de sa meilleure amie, toujours là pour lui remonter le moral, même s'il savait qu'il n'aurait pas pensé très loin d'Hermione. Harry Potter. Regarde comme tu es bête. Il t'as fallus tout ce temps pour t'en rendre compte par toi-même.
Car ce n'était pas la peur qu'il ressentait.
La lumière l'environna, douce, accueillante, mais glacé comme le cœur des océans. Il serra la chose qui été apparu dans sa main, et eu une pensé pour son ami de toujours qui l'avait accompagné, même ici. Et le décor changea comme il se relevait, comme il levait la tête, comme son corps prostré se dépliait. Il n'était déjà plus dans le labyrinthe de ronces, il n'était déjà plus perdu, voilà que c'était des murs de pierres, voilà qu'il savait où il était, que les statues de la chambre secrète de Serpentards l'environnait, là où il avait par une fois combattu un monstre similaire, et par une fois gagné.
Car ce n'était pas la peur qu'il ressentait, mais la haine ; car cette lumière était la colère, car cette chaleur était la rage. Elle brûlait, dur comme l'acier, et elle ne promettait rien de facile, elle ne le réconfortait pas, et bien qu'elle brûlât, elle ne le réchauffait pas, et bien qu'elle lui apportait la force, elle ne soulevait aucun poids de ces épaules. Pourtant, quand le jeune garçon parla, sa voix ne tremblait plus.
« - ...Que viens-tu de dire, mon garçon ?
- Je... te... tuerais. »
La créature s'arrêta devant la lueur mortelle qui éclairait le visage du jeune sorcier alors qu'il levait la baguette qu'il portait à la main droite. Il ne mourrait pas debout, sût Harry, aussi instinctivement que le reste. Il tiendrait. Après tout, il avait une dernière chose à faire.
« - C'est une promesse. Non. »
La colère. La haine, sous un autre nom. Elle ne réchauffait pas, non non, mais l'engourdissement de ses bras lui paraissait moindre. Elle était traitresse, mais elle ne promettait rien d'autre. Elle le brulerait un jour. Mais pas aujourd'hui.
« - C'est un serment. Je te tuerais. Je suis Harry Potter, fils de James Potter et de Lilly Potter, et en ce lieu et en ce temps, je le jure sur mes parents assassinés ! JE TE TUERAIS VOLDEMORT, MÊME SI C'EST LA DERNIÈRE CHOSE QUE JE FAIS DANS CETTE VIE. »
Le jeune sorcier nommé Harry Potter ouvrit les yeux. Durant son sommeil, sa baguette était arrivée, d'une façon ou d'une autre, dans sa main droite. Il regarda autour de lui pour voir s'il avait lancé un sortilège en dormant, et soupira en ne voyant aucune trace de magie.
Sa cicatrice le brulait comme une braise ardente.
Il se redressa. Sur sa table à chevet, le livre ouvert qu'il utilisait pour consigner ses cauchemars avant qu'ils ne s'évanouissent complètement semblait le moquer silencieusement. Il baissa la tête.
Le jeune garçon se mit à sangloter.
~~~O~~~
Ça bougeait.
« Après les récentes attaques attribuées à des fidèles Mangemorts en Transylvanie et la mort du célèbre sorcier et pacifiste Arnold Volka, l'Université d'études Thaumaturgiques de Vladivostok vient d'accepter à son tour le programme d'étude à l'étranger de Poudlard. Il s'agit de la troisième école de magie à reporter tout ou une partie de leurs élèves à Poudlard cette année. [...] A propos de cette décision, Dumbledore s'est dit « Honoré par la confiance que nos collègues apportent à l'environnement scolaire de Poudlard » et a assuré qu'il « ferait de son mieux pour ne pas trahir leurs attentes. » De son côté, le ministre de la magie Rufus Scrimgeour a réaffirmé que « Le Ministère ferait tout ce qui était en son pouvoir pour assurer la sécurité de l'école Poudlard durant cette année. » »
« Scrimgeour, dans une allocution radiophonique datant de mardi dernier, s'est dit défavorable à une réinstallation des pouvoirs discrétionnaires des Aurors datant de la dernière guerre. Cela fait suite aux rumeurs récentes d'une possible remise en l'état de ces mêmes pouvoirs. Le premier ministre s'est dit « confiant dans la capacité de ses équipes à arrêter les Mangemorts en restant dans la légalité », bien qu'il ne puisse « rejeter entièrement cette solution de dernier recours si la sécurité de [ses] compatriotes devait en avoir besoin. ». Rappelons que ces pouvoirs discrétionnaires donnaient aux Aurors une impunité totale dans la recherche de criminels et de Mangemorts. Bien que l'existence de 'kill-team' a depuis longtemps été réfuté par les historiens spécialistes, les actions de certains Aurors durant la dernière guerre ont provoqué des dommages matériels bien présents. Citons Alastor Maugrey dit « Maugrey Fol-oeil », bien connu des [...] »
« Les récentes manifestations de violences qui ont fait suites à la sortie de l'ouvrage Les Moldus, Problèmes et Solutions par Antal Doery se sont finalement calmées après la médiation de la sous-secrétaire d'état Dolores Ombrage. Cet ouvrage, qui prône un strict contrôle de la population Moldus comme solution aux problèmes confrontés par la communauté des sorciers, est accusé de porter les idées du Seigneur des Ténèbres. « Si les préoccupations des sorciers sont compréhensibles, a récusé madame Ombrage, il est dans l'intérêt du débat d'idée d'offrir un éventail de point de vues différents, d'autant plus quand l'essai est de la profondeur de celui de monsieur Doery. » »
Le soir de sa fuite, Harry ne songea à faire ses valises que trop tard. Il déambula toute la journée, en proie à plusieurs émotions contradictoires, incapable de mettre un quelconque ordre dans son esprit. Il songeait vaguement qu'il aurait dû faire quelque chose de particulier, dire au-revoir à la chambre qui avait été sa vie et sa prison pendant deux mois, et ce faisant, qu'il prenne un nouveau départ. Pourtant, quelque chose en lui disait que ça ne marchait pas comme ça. Il n'y avait pas de nouveau départ. Tant qu'il était oublié de tous, perdu dans cette pièce, le monde continuait autour de lui, mais lui, ne changeait pas, n'évoluait pas. Et c'était un cadeau, il le comprenait, une parenthèse de stabilité dans un monde en mouvement. Après tout, les barreaux d'une cage sont aussi bien fait pour empêcher le prisonnier de sortir que pour empêcher le monde d'entrer.
Il n'avait pas grand chose à emporter, comme toujours. Son balai de courses, qui lui avait sauvé plusieurs fois la vie. Des livres de Poudlards, certains plus usés que d'autres. Il ne retrouva le Théorie des stratégies de défenses magiques qu'après l'avoir cherché plusieurs heures, et le livres était en piteux état. Ses cadeaux d'anniversaire étaient jetés dans un coin. Hermion lui avait offert un Artefacts de Grande et Haute Magie d'Europe, un livre de près de deux-milles pages, presque intéressant, et à peine moins incroyable que le Chicaneur dans ses articles. Il l'avait feuilleté avec le même état d'esprit que pour le magasine, cherchant à se substituer à son ennui, mais il s'était principalement arrêté sur les gravures à côté de l'écriture minuscule et ampoulée. Par chance, il y en avait beaucoup.
Ron avait été un tantinet plus pratique.
« Elle est toujours dans ses livres, c'est du n'importe quoi, expliquait-il dans une de ses lettres. J'ai l'impression qu'elle connaît personnellement chaques sorciers et sorcières importants de l'histoire, ou du moins s'efforce d'essayer. En quoi savoir ce qu'un sorcier mort il y a deux siècles à fait va nous aider contre Tu-sais-qui ? Nous, par contre, on s'entraîne dur. Comme je te l'ai déjà dit, Ginny et moi nous avons décidé de ne pas laisser l'entraînement que nous faisions à l'AD se pourrir. Avec le recul de tout l'été, je dois admettre qu'elle n'est pas mauvaise. »
Il accompagnait un Kit de Combat Périscolaire des jumeaux Weasley, une ingénieuse fausse baguette qui était capable de produire des rayons argentés totalement inoffensif. En tant qu'objet magique, son utilisation n'était ni prohibé ni surveillé par le ministère.
« Les jumeaux en ont eu l'idée quand ils nous ont vu essayer de nous battre sans baguette, Ginny et moi. J'admets que ce ne fut pas la chose dont je suis le plus fier, mais nous ne pouvions vraiment rien faire d'autre, et au moins nous en sortions en sueur. Maintenant, nous nous tirons dessus. Je dois dire que ça marche plutôt bien. Bien sûr, pas moyens de se protéger, de faire un contresort ou une manœuvre compliquée avec ça, mais nous sommes devenu bien meilleur pour viser et éviter. Il paraît d'ailleurs que le kit se vends assez bien. J'ai essayé d'avoir ma part comme instigateur principal de l'idée, mais tu les connais. »
Le reste - des gâteaux, des bonbons, un pull, des feuilles de thés qui ressemblaient plutôt à des orties venimeuse de la part d'Agrid, était assez habituel. Pourtant, il fut surpri en recevant des cadeaux de personnes nouvelles : il avait reçu un étui à baguette de rouge et d'or de la part de Neville, et une espèce de mauvaise herbes au nom imprononçable de la part de Luna, herbe qui s'avéra, après recherche, interdite dans ce pays et qu'il dû détruire en la brûlant avant qu'elle n'envahisse toute la maison.
« Harry, fit la dernière lettre qu'il ouvrit. Je ne voulais pas t'offrir quelque chose de froid ou d'impersonnel. Alors, voilà. C'est un enchantement assez dur, qui m'a demandé pas mal de temps. Hermione pourrait peut-être t'en dire quelque chose, si elle daignait sortir son nez de ses livres, et si mon frère ne se jette pas sur elle le moment même où elle le fait. Bon anniversaire Harry. Reviens vite. »
C'était une petite coccinelle en tissu, avec deux boutons rouges sur les ailes, et elle prit son envol dès qu'il la regarda pour se poser sur ses épaules. Il s'arrêta plusieurs minutes après cela, à regarder uniquement la petite création qui tournoyait autour de lui sans jamais aller bien loin. Pour la toute première fois de sa vie, l'enfant fut totalement incapable de trouver ses mots.
Le jeune garçon prit l'habitude de mettre la coccinelle dans un petit sachet. Elle savait ne pas bouger, faire la morte, pour se relever au dernier moment et s'envoler, et il craignait bien trop de la perdre. Le charme d'animation était d'un merveilleux doigté, vivant, réaliste, et il s'étonna en souriant devant la petite bête. Il essaya de se rappeler des cours de sa quatrième année. Mcgonaggal l'avait-il grondé parce qu'il ne se concentrait pas suffisamment sur ses animations ? Ou était-ce en cinquième qu'ils voyaient ce sujet ? Avec ou sans l'aide de ses cours, Ginny avait mis des mois à confectionner cet enchantement. Il se promit de trouver quelque chose pour la remercier. N'importe quoi.
Quand à « Revenir vite », il était loin, alors, de se douter qu'il recevrait des nouvelles à peine une journée plus tard.
« Il y aura la moitié de l'ordre du Phoenix, faisait la lettre de Ron. Une protection étendue. Je ne connais pas tout les détails (je ne sais que ce que Papa veux bien vouloir me dire), mais le ministère est sens-dessus dessous, et tel que je l'ai compris il y aura au moins une trentaine de personnes de la brigade de police magique pour surveiller que le transfert par le réseau de cheminette se passe bien. Sans compter les Aurors. »
Il ne sut pas vraiment très bien ce qu'il ressentait. Au fond, les vacances d'été arrivant à leurs termes, il s'était attendu à ce qu'on le prenne rapidement, tout en s'étant résigné à passer encore quelques jours dans la demeure de son oncle et sa tante.
La suite de la lettre de Ron était sans surprise.
« Je n'ai pas confiance en eux, c'est tout.
Papa dit que c'est un nid de Mangemort à l'est. Beaucoup de groupes n'ont jamais supporté la chute de Grindeswald. Ils apprennent la magie noire en cours ! Ce ne sont pas tous des espions au service de Voldemort, je ne le dis pas. Mais combien d'entre eux le sont ? Combien d'entre eux sont encore... pire ? »
Il peignait un tableau bien sombre de la rentrée, et son expérience avec Viktor Krum n'y était certainement pas pour rien. A l'entendre, ils creuseraient des tranchées pour se déplacer dans un Poudlard en état de guerre semi-permanent. L'avis d'Hermione était singulièrement différent.
« Ils ont peur, Harry, écrivait-elle dans une de ses lettres. Ils sont terrifiés. J'ai lu dans le Guide des Écoles de sorcelleries d'Europe que l'institut de Leningrad a été entièrement rasé durant la dernière guerre contre Voldemort. Des Mangemorts venu de Durmstrang ont voulu rabattre le caquet de ces étudiants. Ils ont fait un véritable massacre et sont partis avant que la police, Moldu ou Sorcière, ne puisse intervenir. Harry, le procès est publique : c'était simplement une blague pour eux ! Onze étudiants sont morts ! Onze enfants dont la seul faute était de ne pas être allé à Durmstrang comme la majorité !
Cela n'est pas surprenant que toute les plus petites écoles se défaussent sur les trois grosses. Personne ne veut être pris au milieu de la tempête qui se prépare. La Revue Magique Française rapporte un mouvement comparable autour de Beauxbaton, et la moitié des familles d'Europe soutenant Voldemort doivent avoir mystérieusement décidé de transférer leurs enfants à Durmstrang à l'heure où j'écris ces lignes. Mais c'est à Poudlard que se trouve le plus grand nombre de mouvement. Tout le monde sait que Poudlard est l'endroit le plus sûr, tant que Dumbledore vivra. »
Encore une fois, il ne savait trop quoi y penser. La question était trop complexe, trop dynamique pour que son esprit puisse l'appréhender dans son état. Pourtant, à défaut, le garçon ressentait. Un endroit sûr, hein ? Faisait la petite voix au fond de lui. Il se rendit compte qu'il serrait les mâchoires. Poudlard n'était pas sûr. Il ne l'avait jamais été. Oh, ce n'était pas de la faute de Dumbledore, ni des sortilèges qui protégeaient la place, ni de ses professeurs. Mais... Harry Potter allait à Poudlard. Et où allait le sorcier, Voldemort suivrait.
C'était simple. La vie était simple, une fois qu'on la découpait en morceau suffisamment petit.
La journée se déroula comme un rêve étrange. Il l'avait passé dans son état second habituel, que dérangeait maintenant des pensées presque incohérentes venu de son excitation ; il sautillait quelque fois sur place. Il oublia pour quelque temps la sensation de chaux vives qui tiraillait sa plaie en forme d'éclair quand il ouvrit sa valise. Les objets qu'il empaquetait faisaient naître en lui des souvenirs anciens, des souvenirs d'écoles, des souvenirs d'ici, des souvenirs enfouis, et il n'avait pas vraiment commencé quand il mit la main sur son journal de rêves.
Un étrange petit livre, un cahier trouvé quelque part dans ses affaires, datant d'avant son entré à Poudlard. Harry l'avait noirci pendant l'été, parfois furieusement, parfois mélancoliquement, comme si sa main ne pouvait contenir seule les émotions qui le submergeait. Les entrées bien nettes du début s'étaient faites plus chaotiques au fur et à mesure que l'été avançait. Bientôt, ce n'était plus uniquement un journal de rêves, mais aussi un journal tout court, et quand ce n'était plus devenu un journal tout court, c'était un journal de l'assaut du ministère.
Son esprit y revenait, comme attiré par un aimant. Il l'ouvrit. Combien de fois avait-il fait les comptes de cette journée ? Combien de fois avait-il expérimenté des choix différents, des alternatives ? Plus il écrivait sur ce sujet, et plus ce cahier acquerait une forme dans son esprit, quelque chose d'une araignée sombre dans lequel il déversait un venin noirâtre. Il n'y avait pas seulement mis ses espoirs et ses rêves – mais ses cauchemars aussi, et dans les nuits les plus sombres, quand il croyait voir le visage de Voldemort dans chaque ombres de l'extérieur, quand sa cicatrice lui faisait tellement mal qu'il se sentait se perdre doucement dans un état comateux, il y avait aussi mis toute l'étendue de son désespoir.
Il aurait dû le bruler.
Quand ils furent assurés à l'aide de quelques sortilèges que les occupants moldus de la maison ne se léveraient pas, elle le trouva assis devant son lit. Sa chambre était dans un état de dérangement avancé, et sa valise était encore presque vide à quelque pas. Il ne la remarqua pas ; il était perdu dans un petit cahier posé sur ses genoux. Ses yeux entourés de cernes étaient enfoncé sur une expression faible, anémiée. Quelque chose en lui paraissait malade.
« - Harry, cria madame Weasley en accourant, tu as l'air horrible ! Tu vas bien ?
- Je... Oui, répondit le garçon en levant la tête, arrivant presque un simulacre de sourire. Je vais bien. Je suis un peu sale, j'ai peut-être oublié de me laver, je suis désolé. Et... Ma chambre est en bazar. J'aurais dû la ranger. J'ai peut-être aussi un peu oublié de faire mes valises, alors que j'étais prévenu. Je vous prie d'accepter mes excuses. »
Cela faisait plus d'un mois qu'il n'avait parlé à personne. Sa voix lui parût rauque, craquelé.
« - Oh, Harry, mon cher, ce n'est rien. Nous allons nous en occuper, cela ne va nous prendre que quelques secondes. Arthur, si tu pouvais descendre et dire que nous avons trouvé Harry et qu'il va bien, avant que Maugrey décide de détruire la moitié de la maison pour le chercher ? Dit-lui qu'on fera transplaner ses affaires avec la seconde vague. N'oubliez pas d'allumer le feu dans quelques minutes, ou ils vont se douter de quelque chose.
- Mais... commença Harry, interloqué. Attendez. Je pensais que nous allions par le réseau de Cheminette ? »
Le transplanage pouvait laisser des traces, il le savait, mais le réseau des cheminées de Grande Bretagne passait par un point central situé dans le ministère de la magie. Il l'avait lu dans le livre qu'Hermione lui avait passé en cadeau, ainsi que plus sur la vie d'Ignatia Wildsmith qu'il n'en avait jamais voulu.
« - Et bien, mon enfant, fit une voix qu'il ne reconnut pas immédiatement. C'est effectivement ce que tout le monde, et c'est-à-dire, y compris le ministère, croit. Mais il n'y a pas de mal à tromper tout le monde, hein ? »
Sous l'effet de la surprise, le jeune sorcier écarquilla les yeux. Il se retourna, doucement, comme si un mouvement brusque allait faire s'envoler l'apparition. Là, sur le pas de la porte de sa chambre, les yeux pétillants comme à son habitude, se trouvait le visage et la longue barbe grise du sorcier le plus puissant de Grande Bretagne.
« - Harry, continua Albus Dumbledore. On te ramène à l'Ordre du Phoenix. »