Disclaimer : je ne possède bien entendu aucun droit sur les personnages, les lieux et les situations créés par J. K. Rowling.
Avertissement :
J'ai toujours lu les Harry Potter en anglais. Je sais qu'il existe des traductions et que pour beaucoup de Français, Hogwarts c'est avant tout Poudlard, Hufflepuff, Poufsouffle, Snape, Rogue et Slytherin, Serpentard. Néanmoins, ayant découvert cette série dans sa langue originale, la traduction des noms des personnages ou de lieux me met parfois mal à l'aise. Aussi, après avoir un moment envisagé d'écrire en anglais, j'ai choisi d'utiliser ma langue maternelle et, pour aller au bout de la logique, d'utiliser les traductions françaises des lieux et personnages... sauf pour Snape et les Slytherins.
J'ai beaucoup lu de fanfics depuis plus un an et il est probable que certaines m'ont influencée sur la description d'un personnage, et notamment de Severus Snape. Si certains d'entre vous repéraient des similitudes avec d'autres textes, j'en suis par avance désolée car je respecte profondément les travaux des autres auteurs.
Petite précision : petit à petit cette histoire s'éloignera de la chronologie de J. K. Rowling.
Prologue
Le signal lumineux appelant les passagers à rattacher leur ceinture se ralluma.
Non que cela changea grand-chose à l'attitude des uns et des autres : le trajet étant relativement court, coincés dans un espace assez réduit et occupés à prendre un modeste petit déjeuner parfaitement insipide, la plupart des voyageurs n'avaient pas bougé de leur siège, ni même détaché leur ceinture. La majorité d'entre eux commença à regarder leur montre : plus que dix minutes avant l'atterrissage. Les plus chanceux, placés près du hublot, se mirent à scruter le ciel et à se pencher pour voir le sol se rapprocher lentement, pour tenter de discerner les quelques indices qui pourraient démontrer indubitablement un changement de pays, le passage de la France à l'Angleterre. L'aéroport était désormais visible, la piste aisée à discerner, puis ce fut le grondement du train d'atterrissage déployé.
Littéralement rivée au hublot, une toute jeune fille brune aux cheveux courts tenta de sentir avant tout le monde le moment où les roues allaient toucher le sol. De son propre aveu, le décollage et l'atterrissage constituaient les parties les plus excitantes d'un voyage en avion et là, justement, allait se produire ce petit miracle, le contact des roues avec le sol, puis le freinage menaçant de vous envoyer dans le siège de devant et enfin le trajet tranquille vers le terminal.
Inévitablement, malgré la demande des hôtesses, dès la fin du freinage tout le monde commença à se lever dans la plus grande anarchie et à récupérer ses petites affaires, dans le vague espoir qu'on sortirait peut-être plus tôt de cette étroite cabine. La jeune fille ne fit pas exception à la règle, se tortillant pour attraper un sac à dos coincé sous son siège, en dépit de l'interdiction formelle de mettre quoi que ce soit à cet endroit. Il fallut de nouveau attendre : courbé en deux cette fois-ci, hors de question de se rassoir ! Enfin vint l'heure de la délivrance et le flot des passagers s'écoula lentement de l'avion, s'apprêtant à aller récupérer les bagages.
Examinant les panneaux, la jeune fille s'orienta à grandes enjambées vers le métro reliant Heathrow à King's Cross, trainant une grosse valise noire à roulettes agrémentée de petits bouts de ruban de couleurs vives attachés à la poignée. Gagnant son siège, elle sortit un livre de poche de son sac, en attendant de rejoindre Londres, surveillant avec attention le trajet pour ne pas rater sa station.
ooooo
La gare grouillait de monde et il fallait veiller à ne pas envoyer la valise dans les jambes des autres voyageurs tout en zigzagant avec adresse entre les groupes massés à proximité des guichets ou devant les quais, guettant l'arrivée de leur train, et en évitant le flot des banlieusards pressés fonçant vers le métro et prêts à piétiner quiconque se trouverait sur leur chemin.
Elle s'était tellement dépêchée pour effectuer son changement, qu'il lui avait fallu quelques minutes avant de ralentir et de prendre la mesure du lieu dans lequel elle se trouvait. La gare se présentait comme une immense structure en forme de tunnel de briques jaunâtres, couvert de verrières soutenues par des poutrelles métalliques retombant sur des arcades intermédiaires. Un pont de métal permettait aux voyageurs situés en milieu de train d'aller d'un quai à l'autre sans avoir à revenir d'abord vers la façade. L'ensemble évoquait un peu les gares du Nord et de l'Est à Paris, mais à une échelle colossale. Elle ne perdit pourtant pas de temps à détailler les lieux, soucieuse de trouver un petit coin abrité et où elle pourrait garer sa valise et son sac sans criandre de se les faire voler.
Après avoir vérifié l'heure et le quai du train pour Glasgow, la jeune fille tenta de glaner un sandwich à grignoter. Malgré son anglophilie, essentiellement alimentée par la musique pop qui régnait sans partage sur les stations de radio, la littérature et les programmes de la BBC, elle dut tout de même se rendre à l'évidence que peu de choses paraissaient, à priori, appétissantes pour une Française. Raisonnant qu'il fallait bien qu'elle mange, elle se dirigea vers une boutique proposant des sandwichs (non identifiables) et plusieurs paquets de préparations plus ou moins grasses et se décida pour deux sachets de chips au vinaigre (ça, c'était délicieux, mais plein de produits chimiques), un paquet de cookies aux pépites de chocolat et une canette de coca-cola. Bégayant légèrement, intimidée à l'idée de parler anglais, elle jugea tout de même s'être bien débrouillée, n'ayant aucun mal à comprendre ce que racontait le vendeur et obtenant sans peine ce qu'elle avait décidé d'acheter. Les quarante cinq minutes restant avant le départ du train furent employées à déjouer le mystère des cabines téléphoniques pour passer un coup de fil à sa grand-mère, l'assurant de son arrivée saine et sauve dans la « perfide Albion » et à la visite d'une librairie dans laquelle elle acheta deux polars médiévaux d'Ellis Peters, attirée par les couvertures rehaussées de lettres dorées imitant des enluminures, et le dernier numéro de Rolling Stone.
Bercée par le train, lasse de regarder par la fenêtre, les yeux peinant à rester fixés sur la ligne de son livre, la jeune fille débattit un temps avec elle-même pour se décider, ou non, à s'endormir.
Bien sûr, Glasgow étant le terminus, elle ne courait pas de risque de manquer l'arrêt. Mais dormir signifierait relâcher sa vigilance sur ses affaires et rater une partie du voyage. Non que le trajet soit particulièrement fascinant, mais ce n'est pas tous les jours que l'on part en Angleterre (la patrie des Beatles ! ajoutaient ses neurones en surchauffe), seule, pour aller passer un an dans le cadre d'un échange scolaire ! Emilie avait suffisamment lutté avec sa grand-mère pour qu'elle la laissât partir, pour être fermement décidée à profiter pleinement du moindre moment passé là-bas, chez les « British ». S'adapterait-elle ? Regretterait-elle sa décision (intérieurement elle hurlait : non !) ? Après tout, elle était bien, quelque part, à moitié anglaise elle-même, une particularité à laquelle elle s'accrochait comme à une bouée de sauvetage, comme si le fait d'avoir eu un père anglais lui conférait un plus, une étrangeté qui la démarquait de tout le reste du monde et la rendait unique. Après tout, que peut-on souhaiter de plus quand on doit son prénom à une stupide chanson pour enfants ? Emilie éprouvait parfois de véritables pulsions meurtrières à l'écoute du refrain de la rengaine que connaissaient tous ses camarades Moldus et qu'ils prenaient un malin plaisir à hurler à tue-tête en sa présence. Je m'appelle Emilie Joliiiiiiie [1]…
Comme beaucoup d'adolescents, à quatorze ans, Emilie n'était pas sûre d'elle. A vrai dire, elle ne l'avait jamais été. Un peu à part en raison de son passé familial, de ses centres d'intérêts, de sa personnalité un peu solitaire et de ce qu'elle était tout simplement, elle avait toujours été écartelée entre un désir irrépressible de se couler dans le moule, d'être comme tout le monde, d'être jolie, gaie, appréciée de tous comme les filles les plus populaires de sa classe, et la volonté de préserver jalousement son indépendance et sa solitude. Le résultat était qu'elle avait toujours été péniblement consciente de la banalité de ses traits, des efforts qu'elle devait déployer pour être plus ou moins acceptée et qu'évidemment elle n'avait que peu d'amis, et encore, aucun de proche. Par quel mystère certains sont toujours invités aux anniversaires et d'autres, éternellement oubliés ou ajoutés à la hâte ? Refermant son livre, Emilie regarda vaguement le paysage, luttant pour garder les yeux ouverts mais la fatigue l'emporta. La campagne fit peu à peu place aux banlieues, puis à la ville lorsque le train arriva en gare de Glasgow.
ooooo
Là arrivait la partie un peu compliquée : elle devait trouver un petit train touristique sillonnant l'Écosse et qui la déposerait dans un village portant le nom improbable de Pré-au-Lard. Le secrétariat à l'éducation sorcière à Paris qui avait reçu tous les papiers et formulaires de Poudlard lui avait communiqué les horaires, mais elle n'avait pas pu réserver son billet pour cette ligne secondaire et peu empruntée. La fausse assurance qu'elle avait déployée devant sa grand-mère avant de partir était près de s'évanouir complètement, tant elle appréhendait de s'être trompée et d'avoir mal compris les renseignements.
Attendant son tour au guichet, baillant à s'en décrocher la mâchoire, Emilie sortit son porte-monnaie, vérifia qu'il lui restait bien le montant nécessaire, puis demanda un billet pour sa destination et l'horaire du prochain train. Le guichetier répondit quelque chose qu'Emilie ne comprit absolument pas. Réitérant sa question, elle obtint la même réponse, tout à fait inintelligible même si elle savait, quelque part au fond d'elle-même, que l'homme parlait anglais. Souriant devant l'air paniqué de la jeune fille, le guichetier répéta sa phrase, lentement et en articulant avec soin. Bienvenue en Écosse ! pensa Emilie en cherchant le quai 26 d'un regard inquiet, s'ils parlaient tous de cette manière cela allait être terrible ! L'idée de l'échange scolaire perdit tout d'un coup une grande partie de son attrait. Hissant sa valise à bord du coquet petit train à vapeur quasi désert, Emilie se répéta mentalement toutes les instructions à suivre à son arrivée au Pré-au-Lard, l'estomac noué et le casque de son walkman vissé sur les oreilles, déversant les flots de musique sensés noyer son appréhension grandissante.
La beauté des paysages fut totalement perdue pour la petite Française rongée par l'inquiétude et mourant de faim qui passa le trajet sur son siège de bois à contrôler fébrilement les noms incompréhensibles des gares traversées avec le plan affiché au-dessus de la sortie.
[1] Il s'agit de la chanson tirée de la comédie musicale Emilie Jolie de P. Chatel, enregistrée en 1979 et chantée par Séverine Vincent.