Les Conjurés II : 1996-1997, L'aigle et le serpent

Disclaimer : je ne possède bien entendu aucun droit sur les personnages, les lieux et les situations créés par J. K. Rowling.

Note de l'auteur : il s'agit de la suite d'une première partie au titre quasi identique : Les Conjurés I : 1995-1996, Naissance d'une alliance qui se situait en parallèle du tome V d'Harry Potter. Cette fois-ci, nous sommes à l'époque du tome VI dont je suis une bonne partie de la trame. Je recommande quand même de lire les fics dans l'ordre, puisque que j'ai pris certaines libertés dans le premier volume que je continue d'exploiter dans cette partie. Ces choix ont des conséquences assez importantes sur la suite de l'histoire et l'évolution des personnages.

J'espère que ce nouveau volet vous plaira : n'hésitez pas à me faire part de vos remarques !

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Chapitre 1

Belinda Mugholder à Emilie Snape

« Bon, comme tu le vois, nous sommes en plein drame. J'avoue que je ne sais pas trop s'il faut prendre sa réaction au sérieux ou si elle exagère. Donne-moi ton avis : je pense que tu auras droit toi aussi à la lettre mouillée de larmes… Sinon, comment est-ce, Poudlard, vide ? Est-ce que Snape te laisse un peu tranquille ou bien es-tu condamnée aux travaux forcés ? »

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Emilie Snape à Belinda Mugholder

« Pourrais-tu m'envoyer une carte postale de la Cornouaille ? Je sais que c'est très moldu comme réaction, mais on ne se refait pas. (…) Non, je n'ai toujours pas reçu de lettre de Lucrezia et je dois bien dire que je guette avec impatience, après ce que tu m'as dit. Je lui ai écrit, comme à Ann et à toi, peu de temps après la fin des cours, mais elle n'a pas répondu. Pourtant, si notre estimation chronologique est correcte, elle n'était pas encore la pauvre Ariane abandonnée sur son île de Naxos. Que dois-je faire ? Lui écrire en lui offrant mes condoléances ou plutôt toute ma sympathie ? Ou bien dois-je jouer les ignorantes jusqu'à ce qu'elle se décide à tremper sa plume dans ses larmes -sans aucun doute abondantes- pour m'écrire ? Bon, tu le vois, je ne crois pas au « cœur brisé » (…) L'avantage de Poudlard après les cours, c'est que je peux aller explorer le château ! L'inconvénient… c'est que mon père m'a « sous la main ». Je HAIS la botanique, les serres, la terre, les vers de terre et tout ce qui pousse ! »

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Emilie Snape à Lucrezia Blackwell

« Oui, je sais que tu l'aimais, mais ce n'était pas si sérieux que cela, tout de même ? »

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Emilie Snape à Ann Merrywhistle

« Merci pour les loukoums, j'adore ça ! Dis-moi, je pense que j'ai fait une erreur monumentale avec Lucrezia : elle me paraît déterminée à nous jouer le grand rôle de l'abandonnée au cœur brisé et comme j'avais l'air de douter de la profondeur de leurs sentiments à tous les deux, Peter et elle, elle a pris la mouche (larmoyante et vindicative). Bref, je suis une « sans-cœur ». Crois-tu que tu pourrais lui glisser de ton côté que je suis désolée de l'avoir blessée ? »

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« Allons, quel drame nous occupe aujourd'hui ? demanda Severus Snape en pinçant les lèvres et en levant les yeux au ciel.

-Oh, le même qu'il y a trois jours, soupira Emilie en haussant les épaules et en posant soigneusement sa plume sur le bord de son encrier : mais cette fois-ci c'est moi qui suis une fille sans cœur et cynique… »

Le Maître des Potions retint un gloussement et se leva de sa chaise en fermant son livre d'un geste sec après avoir marqué avec soin l'endroit où il avait arrêté sa lecture.

Malgré le beau temps qui régnait à l'extérieur du château, les cachots restaient toujours un peu frais et Emilie gardait un gros pull à portée de la main tandis que son père n'avait, pour autant qu'elle eut pu en juger, pas altéré d'un iota sa tenue habituelle, se dispensant uniquement de sa robe d'enseignant.

Depuis la fin des cours à la fin du mois de juin, Emilie avait rejoint les appartements de son père et la chambre qu'elle y avait occupée à Noël. Les premiers jours avaient été un peu étranges, le père et la fille devant réapprendre à ajuster leur comportement et leurs habitudes, mais petit à petit une certaine routine s'était mise en place et tous deux avaient convenu, sans avoir besoin d'articuler les choses à haute voix, de se laisser mutuellement un peu de liberté et de solitude. Le château était presque désert et la plupart des professeurs avaient rejoint leurs demeures dans différentes régions de l'Angleterre, certains en profitant comme Templum et Raspberger pour faire un petit voyage d'agrément à l'étranger. Les tablées de la grande salle avaient été repoussées contre les murs et une table ronde avait été installée, mais peu y mangeaient régulièrement. Snape n'y avait fait que deux apparitions, toujours accompagné d'Emilie qui soupçonnait secrètement le Maître des Potions d'utiliser sa présence pour dissuader toute personne (et en premier lieu, Albus Dumbledore) d'entreprendre une conversation sérieuse avec lui.

Dès le lendemain du départ des élèves, Severus Snape avait informé sa fille qu'elle devrait se conformer pour les quelques jours restant du mois de juin et du début du mois de juillet à un emploi du temps qui lui permettrait de réviser un peu et de commencer à travailler ses cours de l'année prochaine. S'il s'était agit de Potions, la chose aurait paru aller de soi, mais le professeur avait estimé plus important de surveiller ses études dans les matières qui lui posaient des difficultés ou qu'elle n'aimait pas plutôt que de flatter une inclination et un talent naturel. Après une unique et brève tentative de résistance, quand Snape lui avait asséné un véritable cours sur les morligibales (d'horribles plantes marron pleines de piquants, évoquant de très loin quelque cactus nain à l'agonie) un mercredi pendant deux heures dans l'une des serres, elle avait dû rapidement battre en retraite et se contenter de supporter ces nouveaux cours imposés. Emilie s'était en effet vite rendu compte que Snape était bien plus entêté qu'elle et qu'il n'avait aucune patience lorsqu'il devait enseigner un autre sujet que les Potions ou la Défense contre les Forces du mal à une adolescente de mauvaise volonté. Dans ce cas là, les remarques fielleuses er désobligeantes pleuvaient dru. Outre la sempiternelle Botanique, les cours de « remise à niveau » concernaient l'Arithmencie. Là, dépassé par l'ampleur de la tâche, Snape avait repris les choses depuis le début et s'était contenté de faire revoir à sa fille toutes les notions de base apprises dès sa première année dans la matière. Très vite, il avait constaté qu'Emilie n'y entendait rien et s'était contentée pendant deux ans d'appliquer des techniques de calcul et de logique sans chercher à comprendre leur véritable fonctionnement. Les leçons reçues de Septima Vector n'avaient fait que compliquer des choses déjà peu claires, avec le handicap supplémentaire de la langue de l'enseignement.

« Pourrais-tu remettre ta réponse à plus tard ? Après tout, si mademoiselle Blackwell est encore capable de se mettre en colère, c'est qu'elle n'est pas si désespérée que cela… » commenta Snape en lévitant vers son bureau quelques livres qui avaient été déposés à même le sol.

Emilie hocha la tête et entreprit de ranger un peu les choses qui encombraient la table qu'elle avait placée près d'elle afin de pouvoir la renvoyer dans sa chambre.

« Bien, es-tu prête ? Legili… Snape soupira et envoya un regard noir à Emilie qui venait brusquement de lever les deux mains devant elle pour lui faire signe d'arrêter : tu as intérêt à ce que cela soit important…

-Attends ! Pourquoi est-ce que tu utilises ta baguette ? Après tout, tu peux jeter des sorts sans l'utiliser n'est-ce pas ?

-Bien entendu, répondit Snape d'un air dédaigneux : mais, comme je te l'ai déjà dit, la magie sans baguette est fatigante, même quand elle est maîtrisée.

-Pourtant, lorsque j'emploie l'Occlumencie je n'ai pas besoin de baguette et je ne crie pas avant « Oc-clu-men-cie », contra sa fille avec un brin de malice en détachant soigneusement chaque syllabe et imitant légèrement ainsi l'intonation caractéristique du professeur de Potions.

Snape la fixa un instant en plissant les yeux et en fronçant les sourcils, assez pour la mettre un peu mal à l'aise, puis releva le nez d'un air suffisant, mais avec une lueur amusée dans le regard.

« Très bien, continue. Devant le silence embarrassé de la jeune fille, il ajouta : je suppose que tu avais quelque chose de précis en tête pour faire une telle remarque ? Sinon, nous ne sommes pas au cirque et je n'ai pas l'intention de faire une démonstration de magie sans baguette. »

Emilie soupira, même si elle savait que cela n'était pas dit méchamment. Elle avait du mal expliquer ce qui lui avait traversé l'esprit quand elle avait vu son père saisir sa baguette pour lancer le sortilège, mais, constatant l'expression intense des yeux noirs fixés sur les siens elle décida quand même de tenter de formuler sa question.

« Je ne comprends pas. Enfin, si, mais ce n'est pas logique, commença-t-elle en grimaçant devant l'expression un peu agacée de son père. Disons que quand on emploie l'Occlumencie, on ne jette pas de sort. L'Occlumencie n'a rien à voir avec les sortilèges, n'est-ce pas ? Personne ne peut devenir un Occlumens en récitant bêtement une incantation. Sans attendre une quelconque réaction, elle poursuivit : donc, ce n'est pas un sortilège, c'est une faculté : comme le fait de savoir nager, de parler une langue étrangère, ou de faire du vélo, ou… peu importe… »

Snape regardait attentivement l'adolescente qui réfléchissait à haute voix, comme il le lui avait enseigné dans ses cours de Potions avancées. Très concentrée, elle fronçait les sourcils et fixait sans le regarder le bureau situé derrière son père.

« Donc, une faculté, répéta-t-elle en ponctuant sa phrase de sa main ouverte. Nous utilisons notre esprit pour ordonner nos pensées et pour, éventuellement, arriver à les protéger efficacement contre une intrusion, soit en imaginant un bouclier ou bien en dissimulant les informations que nous voulons protéger. »

Snape acquiesça silencieusement, mais elle n'y prêta pas attention.

« L'organisation des pensées n'est pas spécifiquement magique : les Moldus peuvent le faire par des exercices mentaux. La protection en revanche semble être spécifiquement liée à notre magie. Elle s'arrêta un peu comme si elle essayait de retrouver un fil de sa pensée : je ne comprends pas pourquoi il faudrait un sortilège pour lire la pensée d'autrui ! Ce n'est pas logique. Si l'Occlumencie est une faculté qui n'a rien à voir avec un quelconque sortilège, pourquoi donc sa contrepartie aurait-elle besoin d'un sortilège ? Elle regarda soudain son père avec une lueur d'inquiétude dans le regard : personne ne peut lire les pensées rien qu'en récitant l'incantation, n'est-ce pas ? »

Snape secoua lentement la tête, baissa les yeux, puis fit signe à sa fille de s'asseoir sur le divan resté près de la cheminée.

« Tu as raison, l'incantation n'est pas nécessaire, approuva Snape tandis que Emilie esquissait un léger sourire, heureuse de voir son hypothèse vérifiée. En réalité, Snape leva une main pour empêcher sa fille de l'interrompre : l'incantation dans ce cas n'est qu'une aide. Elle permet de focaliser la pensée, comme la baguette le fait pour un sortilège. Pour être tout à fait honnête, mais j'attends de toi une discrétion absolue, prévint-il avec le plus grand sérieux : la baguette et l'incantation n'ont aucune utilité pour un véritable Légilimens. La Legilimencie est, comme l'Occlumencie, une faculté que l'on développe. N'importe quel sorcier un peu doué et travailleur peut réussir à maîtriser les bases de l'Occlumencie, mais il n'ira guère plus loin. La Legilimencie en revanche, requiert un don préalable et de la puissance. »

Snape soupira, se tut et se décida enfin à s'assoir sur une chaise face à Emilie.

« Je pense que nous allons plutôt parler théorie, reprit-il, retrouvant instinctivement la concentration qu'il utilisait pour faire cours d'ordinaire. Avant toute chose, je dois préciser que les livres que je t'ai prêté sur l'Occlumencie et la Legilimencie sont des livres grand public ou, plus exactement, destinés à des sorciers n'ayant pas de prédisposition à ces techniques mais désirant s'informer. La réputation de l'Occlumencie et de la Legilimencie est si… sulfureuse, que ces livres servent à rassurer et aussi à démontrer que cela n'a rien à voir avec la Magie noire. Pour rassurer, on choisit généralement de simplifier et de déformer un peu la réalité. Je suis sûr qu'après un an de bourrage de crâne de propagande ministérielle, tu comprends ce dont je veux parler. »

Emilie acquiesça avec un léger sourire mais ne put s'empêcher de prendre la parole :

« Mais, est-ce que l'Occlumencie appartient à la Magie noire ?

-Non, bien sûr que non ! As-tu seulement fait un peu attention à ce que je t'ai déjà enseigné ? Contrairement aux sortilèges, ces disciplines ne sont pas à la portée de tous. Elles sont en grande partie innées, issues d'un héritage. C'est pour cela que je n'ai jamais cru que tu venais d'une famille entièrement moldue, Emilie : tu devais forcément avoir eu un sorcier dans ta famille à un moment ou à un autre. Snape eut un petit sourire en coin et conclut l'aparté en ajoutant : nous savons maintenant que j'avais raison, bien entendu. »

Emilie leva les yeux au ciel, récoltant un froncement de sourcils.

« Ce que l'on ne comprend pas fait peur, Emilie, d'autant qu'il s'agit de facultés que l'on exerce sans baguette, sans aucun signe extérieur de magie. De plus, il s'agit de nos pensées. Tu comprends que pour la majorité des gens, l'idée que l'on puisse lire leurs pensées, peut-être les manipuler, sans « prévenir » à l'avance par des mouvements de baguette ou une incantation, ou pire encore, que certains ne pourront jamais maîtriser ces techniques et seront de facto en position de faiblesse, soit effrayante.

-Peut-on vraiment manipuler les pensées des autres ? interjeta Emilie.

-Le Seigneur des Ténèbres ne s'est pas privé d'envoyer des visions à Potter, rappela le professeur qui coupa la parole à sa fille d'un ton agacé : plus tard, Emilie, laisse-moi finir. L'Occlumencie et la Legilimencie sont deux versants d'une même faculté, qui est celle de la maîtrise de son esprit. Leur usage peut être inoffensif ou bien peut nuire à autrui. Dans aucun de ces cas il ne s'agit de Magie noire. Cependant, pour la plupart des gens il s'agit au mieux d'un don douteux, au pire de la marque d'un sorcier adepte de la Magie noire. Afin d'éviter les amalgames, les auteurs des quelques ouvrages dédiés à ces matières insistent tous sur les parallèles avec la magie traditionnelle et sur l'approche didactique en laissant entendre qu'il s'agit surtout d'un entrainement auquel n'importe qui peut se prêter. Le sortilège employé pour la Legilimencie n'a en réalité été créé que pour faciliter l'apprentissage, mais un véritable Legilimens n'en a pas besoin. Cependant, en raison des préjugés liés à cette faculté, il existe une règle de bienséance qui impose à un Legilimens d'utiliser l'incantation, pour « prévenir » courtoisement en quelque sorte de ce qu'il s'apprête à faire. Inutile de te dire que s'il a la volonté de nuire, un Legilimens ne préviendra jamais sa victime… »

Emilie hocha la tête pensivement avant intervenir :

« Tu n'as donc pas besoin de sortilège ? voyant son père secouer la tête, Emilie s'enhardit : est-ce que si l'on sait employer l'Occlumencie on peut aussi devenir un Legilimens ? »

Snape plissa les yeux et pinça ses lèvres avant de déclarer doucement et en choisissant ses mots :

« Les deux disciplines sont les deux versants d'une même faculté, mais la Legilimencie demande une certaine puissance que tous les Occlumens n'ont pas. Elle réclame aussi de la subtilité : mal maîtrisée, elle peut causer de graves dommages à la personne qui en subit les attaques. Elle comporte aussi des risques importants pour le Legilimens. Evidemment, un bon Legilimens doit aussi veiller à ne pas être détecté. »

Snape se tut quelques minutes, laissant sa fille digérer les informations qu'il venait de lui livrer et fronça les sourcils en réfléchissant à la manière dont il poursuivrait ces leçons. Jusqu'à présent il avait mis l'accent sur la théorie et les bases de l'Occlumencie, en partie pour qu'Emilie perde toutes les mauvaises habitudes qu'elle avait pu contracter en utilisant cette technique toute seule pendant des années, sans même savoir ce qu'elle faisait. Il ignorait d'ailleurs toujours ce qui l'avait conduite à y avoir recours. La question qu'elle lui avait posée montrait qu'il était temps qu'il intensifie son apprentissage et teste la force dont elle disposait. Le travail qu'elle aurait à accomplir restait très important et Snape laissa volontairement de côté la question de savoir s'il prendrait un jour la décision de lui enseigner la Legilimencie.

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Alessandro Gabelli à Emilie Snape

« Je pars demain pour le sud de l'Italie chez des cousins. Je ne sais pas à combien on va se retrouver dans cette maison : c'est un peu l'inconvénient des grandes familles, il y a toujours du monde et un tas de gens que l'on ne connaît pas mais qui ont entendu parler de toi (généralement à ta naissance) et qui s'extasient sur le fait que tu aies grandi, que tu ailles à l'école (« à l'Académiiiie ? déjàààà ? »). Après, je reviendrai à Florence et n'en bougerai plus jusqu'à fin août. (…) Non, je n'ai pas eu le temps d'aller au cinéma, et puis les grandes vacances c'est toujours la saison creuse. Comme nous n'avons pas non plus beaucoup de cinémas à Florence, je crains qu'il ne me faille attendre une diffusion à la télé ou la sortie en vidéo. »

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Emilie Snape à Alessandro Gabelli

« Je reste à Poudlard jusqu'à la fin de la première semaine de juillet, ça y est, c'est officiel. J'aimerais un jour que ma grand-mère et Snape arrêtent de comploter et de se quereller à mon sujet derrière mon dos, mais il ne faut pas rêver (…) Savais-tu que la Tour des Elfes avait été érigée au XVIIe siècle et qu'elle n'a en fait rien à voir avec les Elfes ? J'ai exploré les abords méthodiquement hier et la Dame grise a daigné me donner un petit cours d'histoire : il s'agit en fait à l'origine d'une rotonde, qui subsiste d'ailleurs à ce qu'il paraît à la base de l'édifice, sur laquelle on a bâti une tour dont chaque étage devait abriter des livres de la bibliothèque avant qu'on ne développe la section interdite. Chaque pièce était consacrée à une matière et devait contenir des ouvrages peu consultés pour faire de la place et mettre hors de portée les livres dangereux. Apparemment, personne ne sait pourquoi la tour a pris le nom de Tour des Elfes. »

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Lucrezia Blackwell à Emilie Snape

« Belinda m'a dit que d'après May Glassmaker, Peter sortait depuis juin dernier en même temps avec une Poufsouffle ! Tu te rends compte ! Le dépravé ! Il lui faut un harem ? Une Poufsouffle ! Le muffle ! »

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Alessandro Gabelli à Emilie Snape

« Tu reviens à Poudlard en août ? Ou bien tu restes en France pendant toute la durée des vacances ? C'est très intéressant ce que tu écris au sujet de la Tour des Elfes. Il faudrait que l'on trouve le temps de cartographier un peu les lieux, mais vu le monde qu'il y a un peu partout… »

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Emilie Snape à Alessandro Gabelli

« Dis-donc, si tu veux vraiment te montrer à la hauteur de la noble et honorable Maison de Salazar Slytherin, il faudrait que tu travailles un peu tes techniques de manipulation… Ou alors elles sont rouillées par le soleil et l'air marin (tu ne m'as pas dit si tes cousins habitaient au bord de la mer, au fait). Ça va, j'ai compris, je vais explorer et faire des plans. Disons… un cantuccini pour cinq pièces répertoriées, ça va ? Et une pizza à l'achèvement de la commande. C'est à prendre ou à laisser, mon cher. »

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Alessandro Gabelli à Emilie Snape

« Je suis persuadé que tu es en fait une Slytherin et que tu as été placée chez les Serdaigles pour les espionner et détourner l'attention. Ou alors, Snape déteint sur toi… »

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« Est-ce que vous vous livrez à un concours de correspondance ? Ou bien est-ce que vous avez décidé de soutenir l'industrie de la production de parchemin à vous deux ? » interrogea Snape, un sourcil levé, en sortant de son laboratoire.

Le Maître des Potions soupira d'une façon exagérée et ajouta en regardant d'un œil critique autour de lui :

« Cette pièce va finir par ressembler de plus en plus à une volière… »

Emilie replia la lettre d'Alessandro qu'elle n'avait pas terminé de lire et tenta de dénicher un crayon à papier et une gomme au fond de sa trousse. Elle déplaça aussi une pile de livres et plusieurs feuillets de parchemin pour attraper un bloc de papier quadrillé moldu.

« Est-ce que je peux aller faire un tour dans le château ? »

Snape hocha la tête, l'épaule appuyée contre le chambranle de la porte.

« Oui, mais sois de retour pour 16 heures, je te prie : nous avons du travail à faire. »

Emilie ne se le fit pas dire deux fois et se dirigea à grandes enjambées vers la porte en saisissant un pull au passage, son bloc à la main.

Tout en grimpant les escaliers elle se demandait par quel coin du château elle allait bien pouvoir commencer. En y réfléchissant, elle opta pour les parties les plus écartées, les endroits les plus fréquentés étant déjà largement connus des élèves. Arrivée dans le hall menant à la grande salle, elle s'assit sur une marche et traça schématiquement la configuration des lieux sur une feuille, ainsi que les débouchés des escaliers et des corridors, afin de disposer d'un point de référence.

Puis, elle attaqua l'escalier de droite permettant de monter aux étages et rejoignit le troisième niveau, seul moyen direct d'atteindre la Tour des Elfes. En effet, la tour avait été construite après coup, au-dessus d'autres salles, et n'avait pas été conçue pour être accessible depuis le sol. Lorsqu'Alessandro et elle y étaient entrés pour la première fois, après avoir erré sans but dans différents corridors, ils s'étaient rendu compte que la base du bâtiment semblait se trouver au niveau du troisième étage. Aucun escalier ne descendait vers les niveaux inférieurs et l'unique porte, close, de cet étage ne donnait que sur un petit balcon extérieur, d'après ce que les deux jeunes gens en avaient déduit en regardant par le trou de la serrure et en observant le bâtiment ensuite depuis les bords du lac. La tour était curieusement conçue : presque indétectable de l'extérieur où son mur semblait se fondre avec le reste des murailles du château, elle ne dépassait guère les toitures des corps de bâtiments principaux. Vue de l'intérieur, elle ressemblait à un grand cône dont les parois se rapprochaient au fur et à mesure et contre lesquelles prenait appui un escalier de pierre dont la rampe seule était soulignée d'une mince moulure. Des ouvertures, à l'encadrement en arc surbaissé, closes d'épaisses portes de bois, ponctuaient périodiquement l'intérieur de la tour. Aucune ne semblait à la même hauteur que l'autre.

Assise par terre, les jambes étendues devant elle, Emilie crayonnait maladroitement une élévation un peu schématique des lieux. Etant donné qu'il n'y avait pas de palier intermédiaire, le plan ne pouvait seul rendre compte de la complexité de la construction. Commençant l'ascension de l'escalier, elle nota l'espacement de chaque ouverture grâce à un Mesuratio et essaya systématiquement d'ouvrir chaque porte, bien qu'elle sût à l'avance que ce serait en vain. Aucune n'avait de serrure et un Alohomora n'avait donné aucun résultat. Plus elle examinait la construction, plus son étrangeté frappait la Serdaigle. Malgré sa structure en pain de sucre, il y avait fort à parier que les pièces sur lesquelles ouvraient les portes devaient être très réduites et biscornues. Evidemment, dans un monde comme celui de Poudlard, la notion de pièce « extensible » était une réalité à laquelle les élèves étaient accoutumés, tout comme aux escaliers mobiles. Cependant, pourquoi avait-on pris la peine d'élever un tel bâtiment alors qu'une tour traditionnelle avec des paliers aurait sans doute été plus fonctionnelle ?

Arrivée au sommet de l'escalier, Emilie scruta la lourde voûte ornée de caissons de stuc. L'intérieur de la tour mesurait environ 25 mètres de haut. Comment accédait-on au sommet ? Il y avait peut-être un escalier caché derrière l'ultime porte de bois, mais cela ne satisfaisait pas la jeune fille qui s'appuya au rebord de l'escalier. La moulure qui soulignait la rampe prenait de l'ampleur en haut de l'escalier, jusqu'à former un rebord assez conséquent. Les coudes posés dessus, la tête penchée vers le bas, la Serdaigle examinait le chemin qu'elle avait parcouru jusque là. Elle n'avait pas le vertige, mais ressentait quand même la sensation de danger donnée par le vide dont seule la préservait la rampe de pierre ajourée d'arceaux grossièrement taillés.

Emilie se redressa et laissa trainer ses mains sur le rebord, notant subitement le changement de texture : le rebord avait l'aspect de la pierre, mais il était en bois. Elle tapa dessus pour confirmer son impression : pas de doute, c'était du bois. Intriguée, elle s'accroupit et examina la rampe : rien n'était décelable à l'œil nu, mais en passant ses mains sur les arceaux en bois qui la protégeaient du vide, elle sentit des gonds, tout comme sous le rebord. Se reculant complètement contre la paroi, basculant son poids sur ses talons, Emilie souleva le rebord qui bascula, puis avança une jambe vers les arceaux de bois qui pivotèrent à leur tour en direction du vide. Plaquée contre le mur, Emilie prit une profonde respiration et regarda attentivement l'endroit où les degrés s'interrompaient quelques minutes auparavant. Illuminées par une lueur bleutée, elle distingua clairement des marches continuant leur ascension le long de la paroi de pierre pour disparaître dans l'un des caissons de la voûte.

Sidérée, elle prit son temps avant de s'avancer légèrement et de toucher la première marche de l'escalier magique avec le bout de son crayon. La chose était bien réelle et Emilie préféra prendre le temps de noter sa découverte et de gribouiller un vague dessin explicatif pour s'accorder quelques minutes de réflexion. Elle aurait pu foncer tête baissée, mais elle avait toujours en tête les conséquences que pouvaient avoir des décisions irréfléchies. Certes, elle savait que l'escalier était réel, mais personne ne savait où elle se trouvait et rien ne lui garantissait que d'autres sortilèges n'entreraient pas en jeu dès qu'elle poserait le pied dessus. Une petite voix dans son esprit railla ses précautions : on savait pourquoi elle n'avait pas été placée chez les Gryffondors ! Elle aurait pu attendre le début de l'année scolaire pour explorer les lieux avec Alessandro, mais sa curiosité avait été piquée, ainsi que le désir de découvrir quelque chose que personne d'autre ne connaissait. Quelques minutes plus tard, Emilie entreprit l'ascension de l'escalier magique.